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L’obligation renforcée d’information du Code de la consommation

Paragraphe 1 – Les conditions du consentement éclairé dans le contrat de construction

B. L’obligation renforcée d’information du Code de la consommation

Le Code de la consommation prévoit une obligation précontractuelle générale d’information (1), mais également diverses obligations d’informations qui ont vocation à s’appliquer, dans certaines circonstances, dans le contrat de construction, telle que celles qui incombent aux producteurs (2) ainsi qu’aux prêteurs (3).

1) Obligation précontractuelle d’information générale

105. Aux termes des articles L111-1, L111-2, R111-1 et R111-2 du Code de la consommation, le droit de la consommation met à la charge du professionnel qui conclut avec un consommateur

140 H. PERINET-MARQUET, « Le banquier garant des sans garants ? », Construction-Urbanisme, 2012, Repère 5, page 1.

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toute une liste d’informations qui doivent lui être communiquées « avant que le consommateur

ne soit lié par un contrat de fourniture de service », donc au plus tard, au moment de la

conclusion du contrat de construction ou du marché de travaux, le plus souvent par le biais de clauses directement intégrées au contrat. Si les professionnels de la construction sont concernés par l’ensemble des dispositions prévues dans ces textes dès lors qu’ils contractent avec un consommateur, ils doivent porter une attention toute particulière au 5° de l’article L111-1142, le 3° de R111-1143 et le 9° de R111-2144. Il en résulte une obligation d’information relative aux garanties des constructeurs (a), aux garanties financières et assurances de responsabilité (b), à défaut de quoi le professionnel encourt diverses sanctions (c).

a- Une obligation d’information quant aux garanties dues au titre des articles 1641 à 1648 du Code civil.

106. En effet, il ressort du 5° de l’article L111-1 que le professionnel doit communiquer « les

informations relatives aux garanties légales et à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et autres conditions contractuelles ». C’est l’article R111-1 du même code qui

apporte des précisions quant à cette obligation d’information et se réfère à la « garantie légale

de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-13 et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ».

142 Article L111-1 du Code de la consommation : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente

de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : (…)5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ».

143 R111-1 du Code de la consommation : « Pour l'application des 4°, 5° et 6° de l'article L. 111-1, le professionnel

communique au consommateur les informations suivantes : (…)3° S'il y a lieu, l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-13 et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente mentionnés respectivement aux articles L. 217-15 et L. 217-17 »

144 R111-2 du Code de la consommation : « Pour l'application des dispositions de l'article L. 111-2, outre les

informations prévues à l'article R. 111-1, le professionnel communique au consommateur ou met à sa disposition les informations suivantes : (…)9° L'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement ».

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107. Si les dispositions sur la garantie légale de conformité ne s’appliquent qu’aux biens meubles145 et ne concernent donc pas les contrats de constructions, en revanche, le professionnel du contrat de construction sera débiteur d’une obligation d’information précontractuelle sur l’ensemble des garanties dues au titre des articles 1641 à 1648 du Code civil. L’information devra donc porter sur leur existence, les modalités de mise en œuvre des garanties ainsi que les autres conditions contractuelles qui s’y rattachent conformément au 5° de l’article L111-1 du Code.

108. Or, il faut prêter attention à la rédaction de l’article 1646-1 du Code civil146 (qui fait partie de la liste visée), et qui fait référence aux garanties légales des constructeurs des articles 1792 à 1792-3 du Code civil auxquelles est soumis le vendeur d’immeuble à construire. Il peut se déduire de la rédaction de ces articles que le professionnel constructeur, locateur d’ouvrage, pourrait donc se voir tenu d’une obligation précontractuelle d’information portant sur l’existence et la mise en œuvre des garanties légales, en ce compris les garanties légales des constructeurs des articles 1792 à 1792-3. Cette approche apparaît comme logique au regard de

l’esprit du texte que le législateur a voulu précis et très complet.

109. Proposition dans la pratique. Néanmoins, dans la pratique si l’information, quant à

l’existence des garanties des constructeurs, ne semble pas poser de difficulté majeure, une énumération de ces garanties devant suffire, en revanche, s’agissant des informations à communiquer quant à leur mise en œuvre, il y a lieu de s’interroger sur son étendue et degré de précision. Par exemple, cette information doit-elle faire mention de la réception en ce qu’elle constitue le point de départ de ces garanties et emporte un effet de purge des désordres apparents non réservés ? Il apparait que cette information est capitale s’agissant de la mise en œuvre de ces garanties. Il n’existe pour l’heure aucune jurisprudence sur ce point, toutefois il sera intéressant de voir quels seront les contours précis, déterminés par le juge, de cette obligation précontractuelle d’information due par les constructeurs.

110. Dans l’attente d’une prise de position par la jurisprudence, et afin de se prémunir de tout risque d’action d’un consommateur sur ce fondement, il pourrait être envisageable de prévoir

145 Le champ d’application de la réglementation sur la garantie légale de conformité est codifié à l’article L217-1 du Code de la consommation.

146 Article 1646-1 du Code civil alinéa premier : « Le vendeur d’immeuble à construire est tenu, à compter de la

réception des travaux, des obligation dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code ».

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une clause assez générale visant à informer le consommateur, d’une part de l’existence des garanties légales des constructeurs prévues aux articles 1792 à 1792-3 du Code civil et d’autre part, des modalités de leur mise en œuvre comprenant une référence à la réception de l’ouvrage en ce que cette dernière constitue le point de départ des garanties légales et purge les désordres apparents non réservés.

b- Une obligation d’information relative aux garanties financières et assurances de responsabilité

111. En outre, au titre du 9° de l’article R111-2 du Code de la consommation, tout professionnel

de la construction face à un consommateur doit l’informer de « l’existence d’une éventuelle

garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle qu’il a souscrite ». Il en

résulte que le contrat de construction devra donc mentionner les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement. De plus, l’attestation d’assurance devra être annexée au contrat.

c- Sanctions

112. Sanctions civiles. Tout manquement d’un professionnel vis-à-vis d’un consommateur à

son obligation précontractuelle d’information, peut fonder une action en réparation du préjudice subi par le consommateur sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ainsi qu’une action pour dol ou erreur à condition de faire la démonstration d’un vice de consentement.

113. Sanctions administratives. En outre, une condamnation à des sanctions administratives

est encourue par le professionnel. L’article L131-1 du Code de la consommation prévoit notamment que le professionnel qui n’a pas respecté ses obligations à ce titre peut se voir condamner au paiement de la somme de 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

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2) L’obligation d’information des producteurs

114. Un régime d’obligation d’information résiduel. Le Code de la consommation prévoit

aux articles L.423-1 et L.423-2 du Code de la consommation que le producteur doit délivrer les

informations relatives à la sécurité des produits et des services qu’il fournit permettant, entre autres, d’évaluer les risques inhérents à un produit et sa durée d’utilisation. Cette obligation est rattachée au régime de l’obligation générale de sécurité qui exclut l’immeuble de son champ d’application en ne visant justement que les « produits et services ». Cependant, les dispositions qui s’y rattachent peuvent tout de même trouver à s’appliquer de manière résiduelle dans certaines situations dès lors que cette action est exercée par un maître de l’ouvrage consommateur à l’encontre d’un professionnel producteur. Cette obligation d’information est rattachée à l’obligation de sécurité qui vise les producteurs et peut notamment être invoquée à l’encontre d’un fabriquant147 avec lequel le maître de l’ouvrage a directement contracté.

3) L’obligation spécifique du prêteur lors de la conclusion d’un prêt immobilier

115. Le Code de la consommation prévoit des dispositions protectrices spécifiques en matière de contrat de prêt immobilier afin de protéger au mieux le consommateur. Cette réglementation est d’ordre public et vise tous les types de contrats permettant l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation ou mixte, et le financement des dépenses relatives à la construction, réparation ou amélioration d’un immeuble. Le banquier est alors tenu d’une obligation générale d’information en matière de contrat immobilier, obligation qui se renforce dès lors que le contrat de prêt intervient en secteur protégé. L’organisme prêteur a notamment l’obligation de formuler son offre gratuitement par écrit à l’emprunteur ainsi qu’à ses éventuelles cautions lorsqu’il s’agit de personnes physiques. L’offre doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires telles que la nature, l’objet, les modalités de prêt, le montant du crédit, son coût total et son taux effectif global. L’offre doit également présenter la faculté, pour l’emprunteur,

147 L’article L421-1 définit le producteur comme étant le fabriquant du produit ou celui qui se présente comme tel en apposant son nom ou sa marque. Le producteur peut aussi être le représentant du fabriquant ou l’importateur du produit si celui-ci n’est pas établi ou représenté dans l’Union européenne, ou enfin tout autre professionnel de la chaîne de commercialisation dont l’activité peut affecter la sécurité du produit.

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de souscrire une assurance, mais depuis la loi du 1er juillet 2010, le prêteur ne peut plus imposer le choix de l’assureur. L’ensemble de ces mentions permet de garantir une information de qualité pour l’emprunteur, afin que ce dernier donne un consentement éclairé.

116. Un renforcement accru de l’obligation d’information du prêteur. En outre,

l’ordonnance148 du 25 mars 2016 relative au crédit immobilier est venue renforcée les obligations mises à la charge du prêteur. Elle a notamment renforcé la protection des emprunteurs en multipliant leurs sources d’information. En effet, l’un des objectifs de la directive européenne149 transposée grâce à cette ordonnance, est « l’éducation financière des consommateurs »150. Le texte vient notamment préciser les modalités de publicité du TAEG151

à l’article L.313-4 du Code de la consommation, il vient renforcer les informations communiquées dans la fiche standardisée européenne, grâce à laquelle l’emprunteur doit pouvoir comparer les crédits disponibles sur le marché afin qu’il puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause. De plus, l’article L.313-11 du Code de la consommation vient imposer au prêteur de fournir « gratuitement à l’emprunteur les explications adéquates lui

permettant de déterminer si le ou les contrats de crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation financière ».

117. Plus que le devoir d’explication, c’est maintenant un véritable devoir de mise en garde qui est mis à la charge du prêteur au titre de l’article L.313-12 du Code de la consommation, au regard de la situation financière de l’emprunteur, afin d’éviter les situations de surendettement, dont le pendant est la nouvelle exigence de compétences professionnelles auxquelles sont soumis prêteurs et intermédiaires de crédit en matière de prêt immobilier, qui ont désormais l’obligation de se former152.

148 Ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, JO n°0073 du 26 mars 2016, texte n°27.

149 Directive 2014/17/UE du Parlement et du Conseil du 04 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel

150 Article 6 de la directive, op.cit.

151 TAEG : Taux annuel effectif global

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118. En conclusion sur l’information dans le contrat de construction. Toutefois, il ne suffit

malheureusement pas de renforcer l’obligation d’information mise à la charge des professionnels pour que le consommateur retrouve, comme par miracle, sa rationalité et consente à l’opération de manière toujours éclairée. En effet, toute protection d’une partie à l’égard d’une autre comporte ses vertus mais également ses vices, et toute la difficulté réside dans le fait de trouver le juste équilibre entre les deux. Car, une protection trop importante du consommateur à tendance à le déresponsabiliser, il ne se renseigne pas par lui-même pour faire face à une décision avisée, ce qui lui sera nécessairement préjudiciable.

Ainsi, le renforcement toujours accru de l’obligation d’information, favorise la multiplication des textes, et peut s’avérer paradoxalement contreproductif. En effet, une trop grande masse d’informations pénalise l’accessibilité au droit pour le bénéficiaire de cette protection, qui se retrouve submergé par un flot d’informations complexes, changeantes et dispersées153, relatives non seulement à la vente, aux travaux mais également au financement.

119. Entre carence d’information et carence de compréhension. Malgré l’étendue de

l’information mise à la disposition du consommateur, il demeure des carences qui se situent en amont. En effet, il existe différents cadres réglementaires pour acquérir ou faire construire un bien immobilier et notamment un logement, les plus usités étant le contrat de construction de maison individuelle avec ou sans fourniture de plan, le contrat de maîtrise d’œuvre, le contrat de vente en l’état futur d’achèvement et le contrat de louage d’ouvrage154. Or, il ressort d’une étude menée par le Conseil National de la Consommation que le consommateur ne connaît pas l’existence de tous ces régimes ou n’en perçoit pas les différences. Car l’une des problématiques majeures du secteur n’est pas tant le manque d’information que le manque de compréhension du consommateur, la complexité de la matière étant telle, que ce dernier ne saisit pas précisément la signification des termes du contrat qui lui est soumis. Il en résulte qu’ « en

signant, sans le savoir, un contrat moins protecteur, il n’en mesure pas les conséquences et s’expose à des suites dont il n’a pas forcément mesuré l’importance »155.

153 En ce sens, G.PAISANT, Défense et illustration du droit de la consommation, Op.cit., n°207.

154 Il existe en outre le contrat de promotion immobilière, le contrat de vente à terme et le contrat de location accession, mais qui restent très à la marge dans la pratique.

155 Rapport du Conseil National de la Consommation relatif à la construction de maisons individuelles, BO DGCCRF du 22 janvier 2010, n°1.

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120. Vers une évolution des mentalités. Ainsi, malgré la masse d’informations qui est délivrée

aux potentiels futurs acquéreurs et maîtres de l’ouvrage, le contentieux reste toujours aussi important. Et si ces derniers sont prêts à mettre des sommes conséquentes pour l’acquisition du logement de leur famille, pour rémunérer un architecte, ou d’autres intervenants sur le chantier, ils ne prennent pas la peine de consulter un professionnel du droit spécialisé en contrat de construction pour sécuriser juridiquement leur opération. Réside là l’un des effets pervers d’une « surinformation » qui rend le consommateur assisté, celui-ci ne faisant plus l’effort de se renseigner.

Outre les obligations informatives, promotionnelles ou non qui pèsent sur le professionnel, diverses dispositions protectrices viennent encadrer la conclusion du contrat de construction et notamment la possibilité pour l’acquéreur ou le maître de l’ouvrage de retirer son consentement une fois le contrat conclu.