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La combinaison des délais d’action consumériste et du droit de la construction

Paragraphe 2 – La pénétration du droit de la consommation lors de l’exécution du contrat de construction

B. La combinaison des délais d’action consumériste et du droit de la construction

212. Specialia generalibus derogant. En vertu du principe selon lequel le droit spécial prévaut sur le droit commun auquel il déroge, dès lors que les conditions d’application des garanties

279 Issu de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation (partie législative), JO n°171 du 27 juillet 1993 page 10538.

280 H.PERRINET-MARQUET, « Nature juridique du contrat de vente d’immeuble à construire », Defrénois du 15/04/2016, n°7

281 Cass.1ère civ. du 09 décembre 2015, n°14-29960.

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spéciales sont réunies, le maître de l’ouvrage n’a plus la possibilité de solliciter la réparation des désordres affectant l’ouvrage sur le terrain de la responsabilité de droit commun.

213. Selon que ce soit le professionnel ou le consommateur qui agit, les délais d’actions seront différents et prendront leur source dans un corps de règles différent. Ainsi, si pour un contrat de construction, lorsque le professionnel agit contre le consommateur, c’est la prescription abrégée, codifiée à l’article L.218-2 du Code de la consommation283, qui s’applique, lorsque ce sera le consommateur qui agit à l’encontre du professionnel, son action sera enfermée, selon la nature du litige, soit dans les délais spéciaux prévus en droit de la construction ou droit immobilier, soit dans le délai de droit commun.

214. C’est la loi du 17 juin 2008 relative à la réforme de la prescription en matière civile284 qui a introduit dans le code de la consommation l’article L.218-2 dérogeant au droit commun. Ce texte enferme l’action du professionnel à l’encontre du consommateur dans un délai de deux ans (alors que le consommateur dispose, quant à lui, d’un délai285 de cinq ans pour agir contre le professionnel, en dehors de certaines exceptions qui s’appliquent notamment en droit immobilier et de la construction286).

215. Un délai réservé au seul consommateur. Seul le consommateur peut se prévaloir de ce

délai abrégé à l’encontre du professionnel et pas le non-professionnel287.

283 Article L218-2 du Code de la consommation : « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils

fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

284 Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, JORF n°0141 du 18 juin 2008 page 9856 texte n° 1.

285 Article 2224 du Code civil

286 Pour les prescriptions raccourcies : L’action en responsabilité des produits défectueux se prescrit dans un délai de trois ans (article 1386-17 du Code civil), l’action en matière de garantie des vices cachés qui se prescrit dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice (article 1648 du Code civil), la garantie de conformité qui se prescrit au bout de deux ans à compter de la délivrance du bien (L.211-12 du Code de la consommation), l’action lié à un contrat d’assurance qui se prescrit également par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance (L.114-1 du code des assurances),

Pour les prescriptions rallongées : en matière de construction immobilière, la responsabilité des constructeurs est enfermée dans un délai de dix ans à compter de la réception des travaux (article 1792-4-1du Code civil), il en est de même de la responsabilité des médecins, hôpitaux ou cliniques qui se prescrit dans les dix ans à compter de la consolidation du dommage (article L.1142-48 du Code de la santé publique), même délai s’agissant de la responsabilité du producteur pour les dommages causés par des produits défectueux (article 1386-16 du Code civil) ou de l’action en responsabilité d’un évènement ayant causé un dommage corporel qui se prescrit par dix ans à compter de la consolidation du dommage initial ou son aggravation ( article 2226 du Code civil).

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216. Un délai qui s’applique au contrat de construction et au contrat de prêt. Le crédit

immobilier étant un service financier fourni par un professionnel, la Cour a jugé qu’il entrait dans le champ d’application de ce texte288. Toutefois, dans un arrêt289 du 11 février 2016, la Cour est venue préciser le point de départ de la prescription en matière de crédit immobilier en déterminant que l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit, pour le prêteur, échéance par échéance, tandis que l’action en paiement du solde se prescrit, quant à elle, à compter de la date d’échéance du terme290.

217. Le point de départ de la prescription abrégée. Il a également été jugé que l’action en

paiement se prescrit par deux ans à compter de la facture, dans un litige opposant le maître d’œuvre au maître de l’ouvrage, dans lequel la facture avait été émise avant la signature du contrat de maîtrise d’œuvre291.

218. Une protection à double tranchant. Il ressort des travaux parlementaires, qui ont eu lieu

lors de l’élaboration du texte en 2008, que le législateur entend, avec ce texte, rééquilibrer les forces en présence. Ainsi, « la situation de faiblesse dans laquelle se trouvent les

consommateurs à l'égard des professionnels invite en effet à ne pas accorder à ces derniers des délais supplémentaires pour agir en justice, au risque d'accroître encore le déséquilibre entre les parties »292. Néanmoins, comme un auteur a pu le souligner, un délai abrégé incite

nécessairement le professionnel « à ne faire preuve d'aucune légèreté, ni tolérance excessive

dans la gestion de ses crédits », qui peut s’avérer, in fine, défavorable au débiteur

consommateur293.

288 Cass. 1ère civ. du 28 novembre 2012, Bull. 2012, I, n°247, n°11-26508.

289 Cass. 1ère civ. du 11 février 2016, Bull., n°14-28383, JurisData n°2016-002036.

290 A ce propos, A.GOUËZEL, note sous Cass. 1ère civ. du 11 février 2016, n°14-28383, « revirement sur le point de départ de la prescription en matière de crédit immobilier », La Semaine Juridique Edition Générale, n°14, Avril 2016, p. 405.

291 Cass. 3ème civ. du 15 juin 2017, n°16-16906.

292 Travaux parlementaires du Sénat - Rapport n° 83 (2007-2008) de M. Laurent BÉTEILLE, fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 novembre 2007.

293 En ce sens, N. MATHEY, note sous Cass. 1ère civ. du 22 sept. 2016, n° 15-18154 et n°15-18858, « Crédit et notion de consommateur », Revue de Droit bancaire et financier n°6, Novembre 2016, comm.236.

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II- Les alternatives à l’action judiciaire individuelle :

219. Parce que le consommateur hésite très souvent à engager une action judiciaire classique, le droit de la consommation met à leur disposition diverses alternatives à cette action. En effet, compte tenu du faible enjeu économique des litiges de consommation, le consommateur renonce très souvent à agir au regard du temps, du caractère aléatoire et du coût disproportionné que présente une procédure judiciaire individuelle.

220. S’agissant du contentieux du droit de la construction, la problématique est différente. S’il est vrai que les petits litiges de consommation ne l’épargnent pas, dans la pratique, la majorité des contentieux, parce qu’ils portent sur l’objet très particulier qu’est l’immeuble, génèrent très rapidement des préjudices importants pour l’acquéreur ou le maître de l’ouvrage. Or, une procédure relative à des désordres qui affectent l’immeuble nécessite quasi-systématiquement une expertise judiciaire dont le coût est très important. De sorte, qu’à l’inverse des petits litiges de consommation, c’est la complexité, la longueur et le coût exorbitant de la procédure relative à une opération de construction qui dissuadent les consommateurs de toute action.