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b. La répression de la diffamation

L’ IMPERIEUSE NECESSITE DE MAINTENIR L ’ ORDRE PUBLIC SECURITAIRE

2. Une interdiction protégeant les usagers des services publics

287. Les services publics de l’administration constituent le bras séculier du pouvoir exécutif. Ils sont un pouvoir à part entière, qui assure les fonctions régaliennes de l’État. De ce fait, les actes et décisions pris par les services publics, autrement dit par l’administration, doivent obéir au principe de légalité et faire l’objet de contrôles objectifs et impartiaux. Du principe de légalité, découle un ensemble de règles dont l’objectif ultime est la satisfaction de l’intérêt général. Au sein de ces règles, l’on ne saurait omettre de citer l’exigence qu’imposent le principe d’égalité et son corollaire, le principe de neutralité des services publics524. Et ce principe de neutralité vis-à-vis des usagers signifie que ceux-ci doivent être traités de façon indifférenciée indépendamment de leurs opinions. Ainsi, il est en principe interdit de collecter et de traiter des données mentionnant les opinions. Par la suite, cette interdiction générale doit tenir compte du traitement des données par voie informatique avec l’avènement de l’Internet. Les législateurs nationaux se sont alors engagés dans un processus d’encadrement de cette nouvelle forme de communication qu’offre l’outil Internet pour renforcer le respect du droit à la vie privée dont relèvent les opinions. En France, l’article 8 de la loi modifiée du 06 janvier 1978 sur l’informatique, les fichiers et les libertés, le souligne en ces termes : « Il est interdit de collecter ou de traiter

des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci (…) ».

288. En Afrique subsaharienne francophone, l’absence d’un véritable réseau informatique performant susceptible de recueillir l’ensemble des données administratives des usagers ne permet pas aux législateurs nationaux et aux pouvoirs publics d’encadrer efficacement le traitement des fichiers informatisés à caractère personnel. Au Bénin, la loi

524 Le principe de neutralité a été dégagé en France par le juge constitutionnel. Cf. C.C., décision n°86-217 D.C., 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication, Revue de Droit public, 1989, p. 399, note Louis FAVOREU ; A.J.D.A., 1987, p. 102, note Patrick WACHSMANN.

n°2009-99 du 27 avril 2009 sur la protection des données ne peut être efficacement appliquée puisqu’à ce jour, aucun texte juridique n’établit une autorité de protection des données dont la mission, en tant qu’autorité administrative indépendante, est de veiller au respect de cette loi et d’en contrôler l’application. Au Sénégal, la loi n° 2008-12 du 15 janvier 2008 sur la protection des données à caractère personnel a été suivie du Décret adopté le 20 avril 2009 portant nomination des membres de la Commission de la protection des données à caractère personnel.

289. Les textes à caractère communautaire constituent à ce jour un excellent levier dans ce domaine. Ainsi, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (C.E.D.E.A.O.) a adopté, à juste titre, l’acte additionnel A/SA.1/01/10 du 16 février 2010, relatif à la protection des données à caractère personnel. Certes, les différentes constitutions consacrent le respect de la vie privée. Il reste que la protection de ce droit reste vague et fait l’objet d’un encadrement juridique faible, surtout avec l’apparition des nouvelles techniques de l’information et de la communication (N.T.I.C.). L’acte additionnel le souligne: « Notant que nonobstant l’existence des législations nationales

relatives à la protection des citoyens dans leur vie quotidienne ou professionnelle et à la garantie de la libre circulation des informations, il s’avère important de combler un vide juridique créé par la naissance de ce nouvel instrument de communication qu’est l’Internet ».Ce texte organise à cet effet, le traitement des données à caractère personnel et

celui des données qu’il qualifie de sensibles. Ces données sont relatives : « aux opinions ou

activités religieuses, philosophiques, politiques, syndicales, à la vie sexuelle ou raciale, à la santé, aux mesures d’ordre social, aux poursuites ; aux sanctions pénales ou administratives ». Malgré la force juridique contraignante qui accompagne la mise en

œuvre de l’acte additionnel, aux termes de son article 48, l’encadrement du traitement des données à caractère personnel reste lacunaire en l’absence d’une véritable autorité administrative indépendante dans les États de l’Afrique subsaharienne francophone.

290. En dehors de l’interdiction de traiter les données à caractère personnel, la neutralité des services publics emporte ainsi plusieurs autres conséquences. Elle conduit le personnel des services publics à ne faire aucune distinction entre les usagers en raison de leurs opinions politiques, que ces opinions soient jugées contraires aux opinions politiques du

gouvernement en place. En Afrique subsaharienne francophone, cette conséquence est un véritable défi, en raison de la forte politisation des administrations publiques. Dans les États qui composent cet espace linguistique, les opinions politiques sont difficilement détachables du traitement des usagers, surtout lorsque ces usagers sont des acteurs réels ou supposés de l’opposition politique. La neutralité suppose pourtant qu’il n’y ait aucun traitement de faveur à l’endroit des usagers qui partagent la même vision politique que le pouvoir en place, mais qu’il n’y ait également aucun traitement qui défavoriserait les usagers, en raison de leurs opinions.

291. Toutes les opinions doivent être protégées tant par la Constitution et par l’encadrement du législateur que par le contrôle du juge. Cette protection est pourtant dans une relation constante de tension avec l’appréciation discrétionnaire qu’en fait le pouvoir politique, souvent confondu à l’autorité administrative.

§ 2. U

NE CONCILIATION A RELATIVISER POUR LA SAUVEGARDE DE L

ORDRE

PUBLIC SECURITAIRE

292. En dehors des opinions jugées dangereuses telles que celles qui portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la personne humaine et les abus dont le contenu de la notion sera étudié plus loin525, les constitutions interdisent tout acte quel qu’il soit et qui serait de nature à porter atteinte à la liberté d’opinion. Toutefois, c’est bien en vertu de la loi lato

sensu que l’autorité administrative est en droit d’apprécier les exigences de sauvegarde de

l’ordre public sécuritaire en les opposant au besoin à l’égalité des opinions. Pourquoi la conciliation du diptyque liberté d’opinion / ordre public sécuritaire est-elle à relativiser ? La réponse à cette interrogation se justifie par la prééminence de la protection permanente de l’ordre public sécuritaire (A). Et la protection relative de la liberté d’opinion qu’elle implique (B) justifie que le pouvoir étatique parvienne à maintenir l’ordre public sécuritaire.

A. L

A PREEMINENCE DE LA PROTECTION PERMANENTE DE L

ORDRE PUBLIC SECURITAIRE

293. « Le maintien de l’ordre public dans une société donnée, est la loi suprême », disait PORTALIS526. L’ordre public est la première exigence qui nécessite une limitation des droits fondamentaux. C’est alors en toute logique que la liberté d’opinion ne saurait revêtir un caractère absolu, puisque les exigences de maintien de l’ordre public dans son aspect sécuritaire protègent l’intérêt général. L’ordre public sécuritaire et l’intérêt général sont alors des notions intimement liées. Le maintien de la sécurité sur le territoire vise avant tout la satisfaction de l’intérêt général (1), qui reste une condition sine qua non de restriction de la liberté d’opinion et qui oblige ainsi l’État à agir (2).