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U NE CONCILIATION PROTEGEANT LES PRINCIPALES COMPOSANTES DE LA LIBERTE D’OPINION

1. Une prérogative fondamentale du citoyen

202. La liberté d’opinion politique est une liberté que détient l’individu, souvent ressortissant du territoire national en tant qu’acteur politique344. Cet acteur politique participe à l’exercice des « pouvoirs publics, délibératif et judiciaire »345. La liberté d’opinion politique est un droit-participation au sens qu’en donne Louis FAVOREU. Il s’agit pour lui, d’un droit qui permet « aux citoyens de s’impliquer dans le fonctionnement du jeu politique entendu au sens large de l’expression » 346. Les citoyens impliqués dans la vie politique peuvent alors être qualifiés de citoyens actifs347. Ce sont des citoyens qui

344 En Europe dans le cadre de l’Union Européenne, le cas est particulier. En effet, le Traité de Maastricht du 7 février 1992 accorde implicitement la liberté d’opinion politique aux non-nationaux dans son article 8 en ces termes : « Tout citoyen de l’Union résidant dans un État membre dont il n’est pas

ressortissant a le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État (…) ».

345 Simone GOYARD-FABRE, Qu'est-ce que la démocratie ? La généalogie philosophique d'une grande

aventure humaine, op. cit., p. 38.

346 Louis FAVOREU et alii, Droit des libertés fondamentales, op. cit., p.343.

347 Les citoyens actifs sont des citoyens ayant droit de vote ou de suffrage. Voir Carl SCHMITT, Théorie de

contribuent grâce à l’action de leurs facultés intellectuelles à la gestion active du pouvoir d’État.

203. La reconnaissance constitutionnelle de la liberté d’opinion politique en Afrique subsaharienne francophone ne fait que reprendre la formulation de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (C.A.D.H.P.) d’autant plus que les constitutions africaines la reconnaissent comme composante de leurs blocs de constitutionnalité. L’article 13.1. de la C.A.D.H.P. dispose en effet que : « Tous les citoyens ont le droit de

participer librement à la direction des affaires publiques de leurs pays soit directement, soit par le biais de représentants librement choisis, et ce, conformément aux règles édictées par la loi ». Cet article qui fait partie intégrante du texte fondamental béninois de

1990348 pose les fondements d’un État de droit. Cet aspect révolutionnaire est le résultat d’une transformation radicale, bien que théorique, de l’exercice du pouvoir politique qui n’est plus l’apanage d’un parti politique unique. Il devient un pouvoir auquel tout individu, quel qu’il soit et peu importe les opinions qu’il défend, peut participer.

204. L’inscription de l’interdiction de discriminer ou de procéder à des arrestations arbitraires, en raison de ses convictions politiques, à un niveau normatif supralégislatif démocratise le paysage politique. Cependant, cette inscription constitutionnelle emploie souvent le terme de « conviction » en lieu et place de l’ « opinion »349. Aussi, une précision doit-elle être faite entre une conviction et une opinion politiques, bien que les constituants les emploient indistinctement, sans doute, pour des raisons de simplicité.

205. Une conviction peut se définir comme étant un principe, une idée qui a un caractère fondamental pour quelqu’un. Le caractère fondamental des convictions politiques ne vacille pas selon les circonstances. Les convictions politiques sont immuables. Il s’agit d’un état d’esprit qui est ferme et qui convainc l’individu qu’il détient la vérité politique. Quant à l’opinion politique, elle est un jugement de valeur qui porte sur la vie politique. Elle se caractérise par l’influence de divers facteurs ayant des répercussions sur sa formation : sexe, âge, milieu familial, milieu professionnel, condition économique, etc.

348 Art. 7, Const. Bénin, 1990.

349 Art.12, al.2 Const. ivoirienne 2000 : « Toute personne persécutée en raison de ses convictions politiques,

religieuses, philosophiques ou de son appartenance ethnique, peut bénéficier du droit d’asile sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire, sous la condition de se conformer aux lois de la République ».

Elle est instable et soumise aux circonstances du moment. Cette opinion politique peut, à terme, déboucher sur la formation d’une conviction politique ancrée au cœur de l’intime de l’Homme, ou à l’inverse, s’appuyer sur la conviction. Elle devient désormais un droit de degré supérieur, un moyen de pression dont dispose le détenteur de cette liberté contre le pouvoir politique.

206. Les premières consécrations de la liberté d’opinion selon une formule quasiment unanime s’illustraient à travers la reconnaissance de la liberté d’opinion politique. En affirmant qu’aucune distinction ne sera faite en raison de l’opinion politique entre autres critères350, cette égalité de traitement protège ainsi les droits politiques dont la liberté d’opinion politique constitue la charnière. C’est elle qui homogénéise l’ensemble des droits et libertés politiques que le pouvoir constituant garantit. Le terme « politique » renvoie à l’exercice du pouvoir, à la gestion des affaires au niveau national ou local. Une opinion politique peut alors se définir comme un point de vue, une idée, une critique ou une adhésion à un ensemble d’idées qui concernent la gestion et l’exercice du pouvoir politique à un échelon national ou local. Elle est la traduction classique de la démocratie définie par les constitutions comme « le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Cette opinion politique doit être libre même si elle devait entrer en conflit avec l’opinion dite publique.

207. L’opinion publique se définit comme un sentiment dominant au sein d’une certaine communauté sociale, accompagnée plus ou moins clairement chez les sujets, de l’impression que ce sentiment leur est commun351. Dans le domaine politique, le sentiment dominant se précise au moment des élections, qu’elles soient présidentielles, législatives pour l’essentiel. La majorité qui l’emportera à l’issue de ces élections correspondra alors à celle à laquelle l’on devra se référer pour jauger l’opinion publique. Toutefois, cette majorité ne représente pas indéfiniment l’opinion publique dans le domaine politique durant un mandat. L’impopularité de certaines décisions politiques peut faire basculer cette opinion publique.

350 Art.26, Const. béninoise, 1990 : « L’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction (…)

d’opinion politique ».

208. La liberté d’opinion politique est une liberté située. Seuls les individus détenteurs de la qualité de citoyens peuvent valablement l’exercer. La citoyenneté est un droit politique qui n’est pas soumis au principe universel d’égalité qui gouverne les droits de l’Homme. La célèbre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 différencie à juste titre les Droits de l’Homme, droits indifférenciés des Droits du Citoyen, droits spécifiés. Les droits du citoyen sont en fait les droits qu’a un individu ressortissant d’un État352, de participer au gouvernement de cet État soit de manière directe, soit de manière indirecte. Partant de ce fait, le citoyen, détenteur du droit d’exercer la liberté d’opinion politique, peut être défini comme une « personne qui dans un État démocratique participe à l’exercice de la souveraineté soit dans la démocratie indirecte par l’élection des représentants, soit dans la démocratie directe par l’assistance à l’assemblée du peuple »353. La liberté d’opinion politique ne peut s’exercer qu’en tant que faculté appartenant à toute personne jouissant de ces droits civiques et politiques et ayant la qualité de membre du corps électoral354. Elle n’est pas dans son extériorisation une liberté autonome puisqu’elle recouvre diverses manifestations.