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migratoire permet-elle l’éclosion d’une politique publique européenne propre aux sans-papiers ?

3- Européens, afin d’observer les pratiques et conséquences de l’européanisation des associations et des politiques migratoires dans l‘éclosion d’une politique européenne

7.1. Une approche qualitative centrée sur l’entretien semi-directif

J’ai privilégié la technique de l’entretien semi-directif. Ce choix a été longuement mûri par le fait qu’il permet d’orienter le discours des personnes interrogées autour d’un des trois questionnements de recherche précis. L’entretien semi-directif permet alors de saisir l’existence de représentations profondément inscrites dans l’esprit des personnes interrogées. Ces représentations ne sauraient être déclinées à travers un questionnaire quantitatif, surtout lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi sensible que celui des sans-papiers.

46 En droit français, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou CESEDA, parfois

surnommé code des étrangers, est le code regroupant les dispositions législatives et réglementaires relatives au droit des étrangers.

47 En droit suédois, Aliens Act est le code regroupant les dispositions législatives et réglementaires relatives au

Les entretiens semi-directifs se sont exclusivement déroulés en France, en Suède, en Belgique, en Italie au Danemark et en Allemagne.

Au-delà de ce que Jean-Pierre Olivier de Sardan48 appelle « l’observation participante »,

ces différents séjours dans les pays cités ont surtout été l’occasion de conduire des entretiens avec des acteurs clés propres à notre thèse.

Le panel de profil interviewé a été établi de façon à obtenir autant que possible une vision d’ensemble de l’existence d’une politique publique propre aux sans-papiers, les éléments ayant facilités ou bloqués son émergence ainsi que tous les acteurs impliqués.

En ce qui concerne le volet institutionnel, il m’a semblé utile de me rapprocher des deux principaux organes en charge de la mise en œuvre des politiques migratoires aussi bien France qu’en Suède. Il s’agit de la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF)49 et de la

Direction Générale de l’Asile et des Migrations en Suède (DGAM)50. Dix entretiens ont pu

être menés dans ces deux différentes directions.

L’échantillon des personnes rencontrées se divise en deux catégories : les acteurs en charge de l’élaboration des politiques propres aux sans-papiers (ou encore à l’immigration irrégulière) ainsi que ceux en charge de leur mise en œuvre. Cet échantillonnage ne prend en compte que les sous-directions de lutte contre l’immigration irrégulière objet de notre étude.

Le volet associatif quant à lui m’a permis de mettre en avant la méthode de l’observation participante. À travers ce qu’Alain Touraine51 définit comme « la compréhension de l’autre

dans le partage d’une condition commune », j’ai intégré trois associations en France : la coordination 75 et 93 de lutte pour les sans-papiers ainsi que l’Union Nationale des Sans- Papiers (UNSP) née suite aux mouvements des sans-papiers de Saint-Ambroise et Saint- Bernard52. J’ai en ce sens assisté à toutes les luttes et actions menées par ses trois associations

de 2014 à nos jours et ai pris le titre de soutien juridique.

48 Jean-Pierre Olivier de Sardan, « La politique du terrain », Enquête [En ligne], 1 | 1995, mis en ligne le 10

juillet 2013. URL : http://journals.openedition.org/enquete/263

49 Créée par le décret du 12 août 2013, modifié par le décret du 21 décembre 2015, la Direction générale des

étrangers en France traite de l’ensemble des questions relatives aux ressortissants étrangers, afin d’améliorer la conduite des politiques publiques qui la concernent.

50 La Direction Générale de l’Asile et des Migrations en Suède est une agence du gouvernement suédois. Sa

tâche consiste à évaluer et à prendre des décisions concernant les demandes de personnes souhaitant obtenir un permis de séjour temporaire, acquérir la résidence permanente ou obtenir la citoyenneté suédoise.

51 Alain Touraine, est un sociologue français de l'action sociale et des nouveaux mouvements sociaux et

directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.

52 Le Mouvement des sans-papiers à Paris en 1996 est un mouvement de lutte des étrangers en situation

En effet, indépendamment du caractère militant qui m’animé, j’ai procédé, à travers la circulaire Valls, à l’accompagnement ainsi qu’à la régularisation des sans-papiers présents sur ces trois structures.

En Suède, j’ai pu être en contact avec trois principales associations : Papperslosa Stockholm53, No one is illegal54 et le Swedish Network of Refugees Support Group55.

Contrairement à la France, je n’ai pas demandé à intégrer ses associations en vue d’y effectuer une observation participante. J’ai cependant pu y effectuer trente entretiens pour mieux comprendre et comparer l’articulation de la lutte des sans-papiers en France comme en Suède.

Le volet européen de mes enquêtes s’est essentiellement concentré sur la coalition internationale des sans-papiers et des migrants (CISPM)56 que j’ai intégré en novembre 2015

en tant que représentant de la Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers. J’ai en ce sens pu adopter une « double casquette » aussi bien celle du militant engagé dans la cause des sans- papiers, mais aussi de doctorant adoptant une posture de chercheur me permettant de mieux allier l’observation participante et les entretiens semi-directifs à niveau européen. Dans la mesure où la plupart des revendications de la CISPM avaient lieu essentiellement à Bruxelles, les différents réunions, manifestations et entretiens que j’y ai menés avaient une dimension européenne et s’articulaient essentiellement autour du public des sans-papiers. Dix entretiens ont pu être effectués en ce sens.

Cinquante entretiens au total ont été menés avec les acteurs institutionnels, associatifs et européens sur la question des sans-papiers. Ces entretiens ont pris la forme de conversation fluide de deux heures en moyennes, la plupart du temps en français, en anglais ou encore en suédois avec dés fois des interprètes bénévoles.

53 Papperslosa Stockholm est une organisation politique créée en 2006 par Yacine Asmani. L'association milite

pour la résidence permanente de tous les sans-papiers séjournant en Suède, par le biais d’une régularisation.

54 No one is illegal Sweden, du français personne n’est illégal en Suède est un réseau qui promeut la liberté de

circulation et d’installation pour tous. Son but est de fournir un soutien pratique aux personnes contraintes de vivre en Suède en tant que sans-papiers et ainsi pallier les insuffisances de l’État suédois en matière de protection.

55 Le réseau suédois de soutien aux réfugiés et aux sans-papiers - FARR, est une organisation qui chapeaute des

individus et des groupes qui s’efforcent de renforcer le droit d’asile et celui des sans-papiers. En effet, ce groupement d’individus et de réseaux (dont Papperslösa Stockholm et No one is illegal Sweden) estime que les personnes fuyant les persécutions n'étaient pas traitées avec humanité et sécurité juridique d’où la création du FARR en juin 1988.

56 La Coalition Internationale des Sans Papiers et Migrants, ou CISPM, est un regroupement des collectifs de

Ces échanges avaient lieu en face à face dans un endroit choisi par la personne interviewée avec dés fois un enregistreur lorsque les interviewés manifestaient leur approbation.

Au niveau des acteurs institutionnels, certaines difficultés ont été́ perçues dans les échanges avec enregistreur, en effet, il est rapidement devenu évident que compte tenu du contexte et du sujet de l’entretien, la prise de notes au stylo offrait une parole plus libre. Les questions de départ et de relance n’étaient pas identiques en fonction de la catégorie des acteurs rencontrés.

L’échantillon des personnes rencontrées se divisait en trois catégories : les soutiens des sans-papiers, les délégués des sans-papiers ainsi que les sans-papiers en question.

Les contenus des profils sélectionnés en vue d’un entretien pouvaient varier d’une catégorie à une autre. On note la présence d’anciens universitaires, de professeurs, des syndicalistes, des étudiants militants, des doctorants, des juristes, des avocats ou encore des travailleurs sociaux.

Le dépouillement des cinquante entretiens réalisés a consisté à une triangulation des sources d’information ainsi que des techniques de recherche mises en œuvre dans le cadre de mes recherches, majoritairement des entretiens semi-directifs ainsi que des documents mis à ma disposition57. Il s’agissait essentiellement de faire parler les acteurs institutionnels ainsi que

les acteurs de base (les sans-papiers) en croisant les opinions et points de vue sur l’hypothèse d’une politique publique propre au sans-papiers. Cette tâche n’a cependant pas été facile dans la mesure où la prise de distance par rapport à mon sujet d’étude a été particulièrement éprouvante. Toutefois, la triangulation des sources d’information a été déterminante dans la comparaison que j’ai effectuée des acteurs institutionnels et associatifs français et suédois. Cela m’a permis de dresser un tableau des convergences et divergences des modes d’action propres à chaque pays étudié. Ces éléments m’ont permis de construire mes questions de recherches principales et de pouvoir construire une argumentation adaptée.

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