• Aucun résultat trouvé

Les personnes dites « sans-papiers » dans la mise en œuvre des politiques publiques sécuritaires.

aux sans-papiers ?

3. Les politiques publiques sécuritaires : peut-on parler de politiques « criminalisantes » à l’égard des sans-

3.3. Les personnes dites « sans-papiers » dans la mise en œuvre des politiques publiques sécuritaires.

L’Organisation internationale pour les migrations définit la catégorie des migrants en situation irrégulière comme tout « migrant contrevenant à la réglementation du pays d'origine, de transit ou de destination, soit qu'il soit entré irrégulièrement sur le territoire d’un État, soit qu'il s'y soit maintenu au-delà de la durée de validité du titre de séjour, soit encore qu’il se soit soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement ».

213 Résolution 1707 : http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=17813&lang=FR 214 Convention de Genève : http://www.unhcr.org/fr/convention-1951-relative-statut-refugies.html

Le « délit de migration » renvoie au fait que ces migrants contreviennent à la réglementation nationale en matière de franchissement des frontières et qu’ils sont donc coupables d’une infraction généralement passible d’une peine d’emprisonnement et / ou d’une amende en vertu de la législation pénale des États européens, et d’un refoulement, conformément à la Directive « Retour ». D’ailleurs, selon cette Directive, l’emprisonnement d’un migrant sous le motif d’avoir irrégulièrement franchi les frontières ou séjourné sur le territoire d’un État membre ne devrait pas avoir la priorité sur l’application de cette Directive qui d’ailleurs prévoit la sauvegarde des droits fondamentaux des migrants.

En règle générale, un migrant en situation irrégulière ne peut pas prétendre à des droits puisqu’il ne dispose pas du droit premier, c’est-à-dire celui de séjour. La politique de séjour des étrangers n’est plus une politique d’attribution de droits, mais une politique de tolérance : l’obtention d’un permis de séjour n’est plus un droit, mais il est devenu une faveur étatique. Cette politique se déploie dans un contexte d’intolérance. A cela s’ajoute les nombreux discours de criminalisation de la migration qui alimentent les politiques d’expulsions, ou alors le refus d’attribuer des droits sociaux. Si les migrants en situation régulière peuvent accéder à la protection de la Charte sociale européenne révisée et aux prestations sociales du pays d’arrivée, ceux qui se trouvent en situation irrégulière doivent faire face à une totale ou quasi absence de droits. C’est pourquoi leur situation sociale est basée sur des stratégies de survie, et par la force des choses doivent parfois avoir recours à des activités illégales qui leur permettent de subvenir à leurs besoins primaires.

Le droit international, et particulièrement la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH, 1948), n’établit généralement pas de distinction entre nationaux et non-nationaux du point de vue des droits qui sont reconnus aux individus : les droits sociaux sont clairement considérés comme l’un des éléments auxquels s’applique le principe d’égalité. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC, 1966), que tous les États membres du Conseil de l’Europe (à l’exception d’Andorre) ont ratifié, souligne également l’absence de discrimination dans le plein exercice des droits reconnus et garantis par lui-même et par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Émigration ou encore l’immigration est devenue laborieux. En effet, la norme qui interdit la migration est criminogène parce qu’elle fait de la migration un crime qui, assez souvent, conduit à la mort de nombreux migrants et crée l’occasion de la rentabilisation du délit par des délinquants ou criminels215. La criminalisation progressive des migrants à des

conséquences néfaste sur la vie des sans-papiers. En effet, ils sont touchés par les discriminations liée à l’accès au travail ou alors des emplois précaires et mal payés. Elles sont victime de stigmatisation qui dans leur quotidien, sont les premiers à être contrôlées par la police. Comme énoncé dans le rapport la criminalisation des migrants : un crime sans victime, ce processus de criminalisation produit aussi l’auto-criminalisation comme conséquence de l’interdiction de la migration libre et régulière, de l’ethnicisation des activités informelles et illégales et de la dégradation des sociétés d’émigration. De plus, l’accroissement du nombre de migrants en situation irrégulière qui sont arrêtés et détenus entraîne un durcissement de la législation et des restrictions en matière de migration. La fermeture des frontières et les limites imposées par les pays européens ne font qu’augmenter les flux de migration irrégulière, le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains.

Certes, la criminalisation des migrants rend légale la mise en place de politiques de migration de plus en plus enjointes par des logiques sécuritaires. Toutefois, les dangers consécutifs de ce processus sont beaucoup plus tragiques que les menaces allouées aux migrants. En effet ce processus remet en question les fondements et les valeurs mêmes des sociétés européennes.

215 Palidda Salvatore. La criminalisation des migrants. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 129,

4. Conclusion du chapitre.

Peut-on parler d’une politique publique singulière propre aux sans-papiers ? La réponse à cette question de départ a soulevé de nombreuses sous-hypothèses me permettant de confirmer ou d’infirmer ce questionnement.

Après avoir expliqué dans mon premier chapitre en quoi la comparaison France / Suède revêtait une importance primordiale dans la mise en œuvre de l’action publique, il m’a semblé essentiel d’effectuer un état des lieux des politiques publiques mises en place dans ses deux pays, afin de vérifier les points de convergences et de divergences dans leur articulation. J’en ai conclu la composante même de mon troisième chapitre, liée à la politique publique sécuritaire développée par ces deux états à l’égard de l’immigration irrégulière. Dans ce contexte, il est important de préciser que les sans-papiers, dans le milieu institutionnel et dans l’articulation de l’action publique, sont logés dans toutes les formes de politiques de luttes contre l’immigration clandestine. En ce sens, la Suède et la France sont dans les mêmes dynamiques quand il s’agit de ne pas accorder à cette population le corpus de droit dont ils sont bénéficiaires, tout en prenant en compte leur illégalité avant toute chose en outrepassant leur condition d’être humain.

La question migratoire a toujours soulevé un débat important dans l’enceinte de l’Union européenne. Chaque état considère cette question comme étant une question souveraine : en effet chacun est libre de mener les politiques adéquates propres aux étrangers qu’il accueille. Cependant, s’il y a bien une question qui fait office de consensus au niveau de l’Union européenne, c’est celle des sans-papiers. La lutte contre l’immigration irrégulière est placée dans l’un des objectifs premiers de l’agenda européen. Elle se matérialise comme je l’ai précisé en forme de pacte européen que tous les états suivent et mettent en œuvre scrupuleusement. Même si je peux d’ores et déjà évoqué la non-existence d’une politique publique singulière propre aux sans-papiers aussi bien en France qu’en Suède dans le milieu institutionnel, je remarque qu’elle porte la forme d’une politique publique sécuritaire regroupant en son sein plusieurs sous-politiques freinant la jouissance effective des droits des migrants en situation irrégulière (politique dite d’éloignement, de lutte contre la fraude et les filières criminelles, et de lutte contre l’emploi des étrangers sans titre en l’occurrence les sans-papiers).

Pourtant, il aurait été beaucoup plus simple d’adopter une telle politique publique propre aux sans-papiers dans un souci de respect des grandes conventions européennes et internationales que les états membres de l’Union européenne ont signées, dans l’optique d’une promotion des droits humains. Les distorsions qui ont été soulignées et qui sont à l’origine du blocage de cette émergence reflètent trois principaux points : les engagements de chaque état face à la promesse de lutte contre l’immigration irrégulière au niveau de l’Union européenne, la multiplicité non négligeable des acteurs propres à la question, ainsi que les bouleversements politiques et économiques agitant les états lors des périodes électorales ou encore d’inflation.

Les états semblent donc effectuer un bras de fer permanent entre l’attribution de droit à un public sans aucune forme de reconnaissance juridique (régularisation) et l’application des directives européennes propres à la lutte contre l’immigration clandestine (expulsion). Gardant une part de souveraineté de plus en plus limitée en termes d’immigration, nous assistons à l’émergence de circulaires administratives découlant de politiques publiques ou encore de promesse de campagne pouvant accorder au rabais certains droits sociaux. La circulaire VALLS en est un net exemple.

Aujourd’hui, les états se sentent menacés à travers l’envergure que le phénomène migratoire a prise au cours des trois dernières années. On parle même de l’effondrement de l’état providence à travers les médias et les discours politiques. Face à cette forme de gangrène s’expliquant davantage par la peur irrationnelle d’une perte d’identité nationale, les politiques publiques sécuritaires ont pris le dessus sur les droits humains.

La politique publique propre aux sans-papiers en France comme en Suède n’est autre qu’un pan de la politique sécuritaire mise en place par les états, afin de protéger les frontières aussi bien internes qu’externes des pays membres de l’Union européenne. Toutefois, pourrait-il exister une politique publique prenant une forme autre qu’une politique publique sécuritaire ? Quel pourrait être les facteurs permettant son émergence ?

Outline

Documents relatifs