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La médiatisation de l’immigration irrégulière dans la mise en place des politiques sécuritaires.

aux sans-papiers ?

3. Les politiques publiques sécuritaires : peut-on parler de politiques « criminalisantes » à l’égard des sans-

3.2. La médiatisation de l’immigration irrégulière dans la mise en place des politiques sécuritaires.

Comme je l’ai déjà introduit dans ma thèse, il existe plusieurs formes de migration : les migrants en situation régulière, les migrants irréguliers, les migrants forcés dont les demandeurs d’asile et les réfugiés, les migrants suite au regroupement familial, les travailleurs migrants (temporaires / saisonniers), les victimes de traite d’êtres humains et les étudiants. De nos jours, l’expression « émigration illégale » se propage, transformant le seul fait de prendre la route en un acte répréhensible. Cependant, ni le concept qui fait de l’émigrant un criminel ni les pratiques qu’il prétend autoriser n’ont de légitimité au regard de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH)205 de 1948 et de la Convention européenne des droits de l'homme

de 1950206. En effet, l’article 13.2 de la DUDH énonce que « toute personne a le droit de quitter

tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », et l'article 2 du Protocole Additionnel numéro 4 à la Convention confirme que « toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, excepté, entre autres, pour les personnes sous le statut de mineur ».

Au cours du XXe siècle, presque tous les flux migratoires ont été pour une bonne part « clandestins », mais, jusqu’aux années 1970, la très grande majorité des migrants a eu accès à un statut régulier qui n’a presque jamais été remis en question. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de maintenir les migrants dans une position intégrée, bien qu’infériorisée, comme ce fut le cas durant les années 1960-70.

204 Rea, Andrea. « Politiques d'immigration : criminalisation ou tolérance ? », La pensée de midi, vol. 10, no. 2,

2003, pp. 111-125.

205 Déclaration Universelle des droits de l’Homme : http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/ 206 Convention Européenne des Droits de l’Homme :

Le mot migrant garde le sens d’une stigmatisation à l’égard d’un groupe distinct. Comme le dit Alexis Spire207, la différence entre un « étranger » et un « migrant » n’est pas uniquement lié

au diplôme et la durée de séjour mais bien à la relation inégale. L’utilisation permanente du terme « illégal » ou sans-papiers, déforme le sens qu’en a l’opinion publique mais surtout influe sur l’élaboration des politiques. D’ailleurs, l’Assemblée, dans sa Résolution 1509 (2006), a marqué sa préférence pour l’expression « migrants en situation irrégulière » à d’autres comme « migrants illégaux » ou « clandestins », car l’usage de ces derniers était discriminant.

Les médias alimentent l’utilisation du termes sans-papiers ou encore illégal dans le jargon médiatique208. Comme le souligne François Crépeau, spécialiste des droits de l’Homme et des

migrants aux Nations Unies : « l’usage incorrect de la terminologie contribue à alimenter le discours négatif sur la migration et renforce les stéréotypes présentant les migrants comme des délinquants »209 dans les médias européens, l’expression « migrant illégal » étant récurrente

dans les interventions sur la migration. Or, cette expression a pour effet de rendre suspects les migrants aux yeux de la population et de définir l’acte de franchissement des frontières comme menaçant alors que ces infractions ne font pas de victimes. De plus, les médias ne cessent de mettre en avant la nationalité des auteurs présumés de certains faits. Cette présentation qui dans la plupart des cas pointe des représentations ethniques augmente le sentiment du danger.

Selon Jérôme Héricourt & Gilles Spielvogel, 210dans le double contexte d’une crise économique

de longue durée et de la crise politique en cours en Méditerranée, un débat serein et productif sur les politiques migratoires réclame un traitement médiatique objectif et approfondi des problématiques liées à la migration. La question n’est pas tant de chercher à obtenir un consensus dans l’opinion publique sur les questions de migration que d’améliorer la connaissance et la compréhension par l’opinion publique de ce phénomène et notamment de ses impacts économiques, sociaux et culturels, afin de limiter la montée de discours racistes et xénophobes.

207 Spire Alexis. De l'étranger à l'immigré [La magie sociale d'une catégorie statistique]. In: Actes de la

recherche en sciences sociales. Vol. 129, septembre 1999. Délits d'immigration. pp. 50-56.

208 Tsoukala, Anastassia. « Le traitement médiatique de la criminalité étrangère en Europe », Déviance et

Société, vol. vol. 26, no. 1, 2002, pp. 61-82.

209 Déclaration du rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’Homme des migrations, New-York, 2

octobre 2013.

210 Jérôme Héricourt & Gilles Spielvogel, « Perception publique de l’immigration et discours médiatique », La

En effet, ces derniers évoquent que les relations entre les nationaux et les migrants sont souvent perçus comme un « jeu à somme nulle » dans un contexte de compétition pour des ressources limitées : si les migrants obtiennent davantage, les nationaux ont forcément moins.

Ce qui amène alors les nationaux a considéré bien souvent que toute forme de politique publique propre à l’intégration ainsi qu’au succès économique des migrants est vécu comme une forme d’injustice211.

Dans ce cadre, le qualificatif de populiste désigne les partis qui cherchent à tirer profit de la crise en développant un discours contre les « élites », contre les migrants, contre l'euro, contre l'Europe, contre la globalisation, contre les économies budgétaires. Dans ce faisceau de causes, la migration est évidemment l'une des plus importantes. Plusieurs facteurs contribuent à la montée de ce sentiment populiste en Europe : la peur de la perte du bien-être social conquis au fil des ans, la défense des origines chrétiennes surtout en ce qui concerne les sentiments « islamophobes », et la perte de confiance en l’état vis-à-vis de « l’invasion étrangère ». Finalement, le populisme est issu, pour une grande partie, d’une accumulation de peurs.

La pression des partis populistes et xénophobes qui hantent le paysage politique européen du nord au sud – le RN (ex-FN) en France, le UKIP au Royaume-Uni, le FPO autrichien, l’AFD en Allemagne, le PVV aux Pays- Bas, la Ligue du Nord en Italie, le Jobbik hongrois ou l’UDC en Suisse renforce aussi le processus de criminalisation des migrants. D’ailleurs, ces nouveaux mouvements populistes et anti-migration ont obtenu une grande adhésion lors des élections européennes de mai 2014. La coalition du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (EFDD) – qui inclut des partis politiques comme l’UKIP britannique ou Ordre et Justice lituanien, et des personnalités politiques comme Joëlle Bergeron pour la France et Robert Iwaszkiewicz pour la Pologne – a obtenu 6,39 % des votes et est représenté au Parlement européen avec 48 députés. De plus, la coalition des Non-Inscrits, comprenant les partis politiques du FPO autrichien, du PVV néerlandais, de la Ligue du Nord italienne, du Jobbik hongrois et du Rassemblement National français, a obtenu 6,92 % des votes avec une représentation de 52 députés212.

211 article de Jérôme Héricourt et Gilles Spielvogel paru dans La Vie des Idées, le 18 décembre 2012 : https://asile.ch/2012/12/18/analyse-immigration-et-medias/

212 Coosemans, Thierry. « Les résultats des élections européennes de mai 2014 dans les États membres »,

Le fait que les migrants en situation irrégulière soient communément considérés comme des délinquants est une source de difficultés s’agissant de leur droit à l’asile : exigences liées aux visas, sanctions infligées aux passeurs, interception en mer en vue d’interdire l’accès au territoire, sanctions pénales pour utilisation de faux papiers, etc. Une fois entrés en Europe, les demandeurs d’asile sont souvent exposés à d’autres sanctions pénales : poursuites pénales relatives aux modalités de leur entrée sur le territoire, interdiction de travailler, etc. Un autre problème est celui de la rétention des demandeurs d’asile.

Comme le rappelle la Résolution 1707 de 2010213 de l’Assemblée sur la rétention administrative

des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe, il est nécessaire d’opérer une distinction, en matière de rétention administrative, entre les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d’asile, car, pour ces derniers, la rétention, qui vise à déterminer leur statut, devrait être aussi brève que possible et se dérouler dans des centres spécialisés. De plus, l’article 31 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés214 affirme que les

États ne doivent pas sanctionner pénalement les demandeurs d’asile pour le franchissement irrégulier des frontières ou le séjour irrégulier s’ils viennent d’un territoire où leurs vies et / ou leur liberté sont mises en danger, et s’ils se présentent sans délai aux autorités compétentes. Il faut noter toutefois que la criminalisation sert souvent d’argumentaires pour justifier le maintien de ces migrants dans une zone de non-droit.

3.3. Les personnes dites « sans-papiers » dans la mise en

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