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mars : 1500 à 2000 travailleurs de Turquie de la confection avaient fait cette démarche, estimant peu probable que des propositions plus avantageuses leur soient faites.

et les politiques.

Au 25 mars : 1500 à 2000 travailleurs de Turquie de la confection avaient fait cette démarche, estimant peu probable que des propositions plus avantageuses leur soient faites.

Conjointement, la plus grande opération de régularisation des sans-papiers sur le territoire français fut engagée. C’est ainsi que la circulaire Deferre du 29 octobre 1981 régularisa environ 130 000 sans-papiers265 avec comme principaux critères : être entré en France avant le 1er

janvier 1981 et occuper un emploi stable.

Suite à cette régularisation, une nouvelle loi abrogea les dispositifs de la loi Bonnet, et introduisit dans l’ordonnance une série de garanties nouvelles notamment en ce qui concerne les expulsions. Ces dernières ne pouvaient être prononcées que si l’étranger était condamné à une peine égale à un an de prison ferme. Les sans-papiers ne pouvaient plus être reconduits à la frontière. Un jugement devint obligatoire à cet effet.

Par ailleurs, les étrangers mineurs n’étaient plus assujettis à des mesures d’éloignement et ceux ayant des attaches personnelles ou familiales en France n’étaient excusables qu’en cas d’urgence absolue, c’est-à-dire lorsque l’étranger présentait une menace réelle de sécurité publique.

Ces mesures pointaient les conséquences d’un changement politique radical vis-à-vis des sans-papiers. La dissociation relative du droit au séjour avec l’occupation d’un emploi fera pa la suite l’objet d’une loi en 1984266. La nouvelle loi propre au gouvernement de François

Mitterrand sur les étrangers gardait cependant deux objectifs : la faculté de reconduire à la frontière l’étranger expulsé, mais aussi la possibilité de le maintenir en instance de départ forcé, dans des locaux placés sous surveillance policière devenus quelques années plus tard les centres de rétention administrative.

Malgré le fait qu’elle ait permis la régularisation de plus de 130 000 sans-papiers en France, la circulaire Deferre est également connue pour avoir été sélective dans ses régularisations. Celles-ci sont en effet jugées comme étant assez arbitraires dans la mesure où le gouvernement de François Mitterrand semble méconnaître totalement la réalité de la vie des sans-papiers ou encore du travail clandestin.

265 La régularisation des travailleurs « sans-papiers » (1981-1982), Bulletin mensuel des statistiques du travail,

numéro spécial, août 1983

266 Loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000319514

De nombreux travailleurs sans-papiers ont été exclus de la procédure de régularisation du 29 octobre 1981, notamment les artisans, les handicapés, les marchands ambulants, les employés de maison ou encore les chômeurs. En effet, un premier infléchissement se manifesta à la fin de l’année 1982 quand le gouvernement décida d’expulser tous les étrangers qui se maintenaient illégalement sur le territoire français. Il était demandé au ministère de la Justice d’exiger des parquets de procéder de manière systématique à des reconduites à la frontière.

Pour comprendre ce changement radical des orientations politiques de la gauche, je me suis intéressé aux élections municipales qui ont eu lieu en mars 1983. Durant ces élections, on assiste pour une première fois à la montée du Front national qui est désormais présente dans la bataille électorale. La question de l’immigration prend un nouveau tournant, on le qualifie même d’objet de « surenchères ».

267 Pérouse de Montclos, M-A., 2008. Les migrations au secours de l’Afrique noire ?. In Annuaire suisse de

politique de développement : Migration et développement ; un mariage arrangé. Dir. D. Efionayi-Mäder, A. Monsutti, G. Perroulaz, et C. Schümperli Younossian. Institut de hautes études internationales et du développement. Vol. 27, no 2, pp. 43-51.

Actions collectives entreprises à l’issue de la circulaire Deferre

Sources principales : dossier « Expérience d’animation et de lutte : des sans-papiers d’Afrique Noire267 »

Action collective 1 : les travailleurs égyptiens distributeurs de prospectus à Paris et à Montrouge.

La première lutte qui éclata suite aux changements des orientations du gouvernement en matière d’immigration clandestine, est celle des travailleurs égyptiens de Montrouge, le plus souvent distributeurs de prospectus menacés de licenciement. L’objet de leur revendication tournait essentiellement autour d’un contrat de travail stable d’au moins un an, des cartes de séjour et de travail. Cette action collective prit la forme de la grève de la faim. Un comité de grève se constitua et se transforma en une coordination des sans-papiers en lutte. N’ayant pas de local à occuper du fait de leurs activités qui consistaient surtout à la vente à la sauvette, les grévistes occupèrent majoritairement des trottoirs.

Action collective 2 : la grève des 800 marchands ambulants du 12ème arr. de Paris. Le 27 mars 1982, quarante marchands ambulants entamèrent une grève de la faim dans le 12ème arr. de Paris afin d’obtenir une carte de commerçant et la suppression des contrôles sur

les marchés. Des contrôles qui avaient pris effet depuis le 1er mars 1982 suite aux

durcissements des contrôles d’identité et d’activité. Les grévistes représentaient une masse considérable de 800 personnes qui avaient déposé une demande de régularisation suite à la circulaire Deferre du 29 octobre 1981, mais dont les cas n’étaient pas envisagés sur le texte. Conséquences : on assista à la naissance d’une circulaire du ministre du Commerce et de l’Artisanat qui prévoyait les conditions d’une régularisation exceptionnelle des commerçants entrés sur le territoire français entre 1er janvier 1978 et 1er avril 1981. Cette circulaire

prévoyait également une immatriculation des grévistes au registre de commerce afin d’être en règle vis-à-vis de la taxe professionnelle, des imports, de la TVA, mais aussi d’être affilié à un régime d’assurance vieillesse non salarié. Pour le public qui ne remplissait les conditions, la régularisation se ferait au cas par cas. Néanmoins, la régularisation ne fut pas effective lorsque la circulaire vit le jour. Il fallut attendre le 16 avril 1982, soit deux jours après un rassemblement du comité de soutien devant le ministère de la Solidarité nationale, pour que cesse la grève de la faim avec la régularisation de vingt commerçants dont les dossiers avaient été examinés en priorité, et des assurances quant au traitement des autres demandes.

Action collective 3 : la grève des 20 travailleurs maliens et sénégalais à l’église Saint- Hippolyte.

Le 19 octobre 1982, vingt travailleurs maliens et sénégalais, qui travaillaient dans l’intérim ou étaient chômeurs, entamèrent une grève de la faim à l’église Saint-Hippolyte dans le 13ème

arr. de Paris. On assista à la fin de la période des régularisations massives (131 000 sans papiers régularisés) et aux « laissés-pour-compte » de la régularisation. Les grévistes réclamaient la régularisation de ceux qui étaient entrés dans la procédure, la réouverture des négociations pour ceux qui n’avaient pu y entrer, ainsi qu’une prolongation des récépissés. On assista à la popularisation de la grève de la faim par de nombreuses manifestations et rassemblements regroupant plusieurs centaines de travailleurs africains.

Conséquences : suite à l’ampleur de la mobilisation, la régularisation n’est intervenue que le 15 novembre 1982 par le gouvernement de F. Mitterrand, avec la naissance d’une circulaire exceptionnelle venant en sus de la précédente.

François Mitterrand dans un discours qu’il effectua lors d’un conseil des ministres changea drastiquement de position. Il établit une différence notoire entre d’un côté les immigrés installés dont il était impératif de favoriser l’insertion et qui, comme il le disait, « font partie de la réalité nationale », et de l’autre côté les sans-papiers dénommés à l’époque « clandestins » et pour qui il fallait procéder à un renvoi massif. Les nouvelles directives ministérielles prirent ainsi une forme de contrôle massif des étrangers. On assista alors à la période de tension connue sous l’ère de Valery Giscard d’Estaing. Des poursuites incessantes eurent lieu pour motif d’infraction à la législation sur le séjour. Celle-ci se traduisit par une comparution immédiate chez le juge qui prononçait automatiquement des reconduites à la frontière comme peine principale et qui pouvait être exécutée sans délai quelconque.

Analyse : ces trois actions collectives qui contribuèrent à la naissance de circulaires d’admission exceptionnelle au séjour requièrent une analyse des logiques de leur mise en place.

La grève de la faim, dans ces trois situations, avait tendance à s’organiser par nationalité à travers la création de comités de soutien. On note aussi la présence de plus en plus de syndicats ainsi que la croissance des mobilisations collectives depuis 1972. Depuis cette période, dans toutes les luttes des sans-papiers que j’ai eu l’occasion d’étudier, les travailleurs sans papiers ont eu recours à la grève de la faim. Cette dernière, selon Anzoumane CISSOKHO268 ancien

gréviste de l’ère Mitterrand, était considérée comme étant une arme de lutte qui pointait la situation d’isolement ou encore la grande solitude que pouvaient traverser les grévistes dans leurs longues étapes de régularisation.

L’isolement se traduit par l’activité professionnelle non déclarée du sans-papiers d’un patron dont il ignore l’existence et qui peut « s’évaporer » du jour au lendemain. Exemple des sans-papiers distributeurs de prospectus dans l’action collective 1. L’isolement se traduit également par les conditions de vie et de travail qui ne sont pas idoines, car le sans-papiers ne connaît bien souvent pas la ville où il travaille. Il ne connaît que l’atelier dans lequel il est employé. Enfin, l’isolement est vécu comme étant une injustice par rapport aux autres travailleurs français ou en situation régulières capables de faire valoir leurs droits, engagés sur un autre terrain de lutte moins pénible qu’une grève de la faim, celui des revendications salariales et de l’amélioration nette des conditions de travail.

268 CISSOKHO, Anzoumane, président de la coordination 75 des sans-papiers, mardi 2 juin 2015, ville de Paris,

L’exemple de l’action collective 3 propre aux Maliens et Sénégalais est déterminant dans ce cas de figure car on remarque que l’étranger veut d’ores et déjà régler ses problèmes de papiers avant de s’attaquer aux problèmes liés au logement ou au travail269.

La grève de la faim, dans ce contexte, n’est utilisée qu’en guise d’ultime solution après avoir épuisé toute voie de recours. Elle porte exclusivement sur des revendications précises et concises. Elle a pour but de faire accepter aux pouvoirs publics la difficile situation des grévistes dans lesquelles peuvent se reconnaître d’autres travailleurs. Ce répertoire d’actions collectives est également connu pour le caractère individuel fondant même son essence.

Nous assistons également à la naissance de plusieurs associations de solidarité durant la période de régularisation de 1981-1982 dont la FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s) et le GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés), la Maison des Travailleurs immigrés, le secteur Tiers-Monde et quelques groupes politiques notamment LCR (Ligue communiste révolutionnaire), Ligue socialiste des travailleurs, ainsi que les permanences anti-expulsions.

L’une des problématiques les plus récurrentes que l’on observe même en ce moment au sein des collectifs de sans-papiers est celle de l’entente entre les forces militantes. En ce qui concerne les syndicats, nous notons qu’entre 1981 et 1982, ils soutiennent de manière totalement inconditionnelle les sans-papiers dans leur lutte pour la régularisation, même si la CFDT ne partage pas les mêmes convictions que la CDVDTI, le MTA et les CUFI (Comtés Unitaires Français-Immigrés) sur la conduite de la lutte et la nécessité de créer des structures autonomes de travailleurs immigrés. En 1982, des unions locales, des unions départementales et même des syndicats (SASCER, HACUITEX) se révoltèrent contre la décision de la CFDT de refuser aux grévistes la tenue d’un meeting à la Bourse du travail. Pourtant, en 1980, la lutte des travailleurs turcs se fit avec le soutien de la CFDT. Le comité de résistance qui avait préparé la lutte avait choisi de travailler avec les syndicats. Prendre la carte syndicale était pour les travailleurs une forme de reconnaissance d’existence légale270.

269 CISSE, Madjiguene, ancienne sans-papier et membre de l’Union Nationale des sans-papiers et « meneuse de

lutte Saint Bernard 1996 », entretien téléphonique, samedi 27 juin 2015, durée 45 minutes, langue : français

270 RIVOLIER, Simone, Ancienne salarié du MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les

Cette décision de collaborer avec les syndicats permet aussi de redresser la vision un peu misérabiliste induite par la grève de la faim, et traduit la volonté d’être considérés comme travailleurs à part entière271. Les structures syndicales se voient ainsi contraintes de prendre en

compte les revendications particulières de travailleurs souvent marginalisés, dont la situation en France témoigne de la réalité d’un marché de l’emploi qui précarise toujours plus de travailleurs.

3. De la loi Pasqua-Debré du 24 avril 1997 à la circulaire

Chevènement du 24 juin 1997 : la mutation de la

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