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Les conséquences de la LOI n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

État des lieux des politiques publiques migratoires françaises et suédoises.

2. La mise en œuvre de l’action publique migratoire en France.

2.1. Les conséquences de la LOI n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

Lors des accompagnements juridiques que j’ai menés à la coordination 93 de lutte pour les sans- papiers, je me suis rendu compte que les préfectures développaient une certaine forme de suspicion à l’égard des personnes étrangères. La loi du 7 mars 201685 donne de nouveaux

privilèges aux préfets pour concrétiser leurs opérations de contrôles. Les données biométriques et les contrôles à domicile sont désormais des pratiques des administrations qui amplifient la surveillance des personnes étrangères.

83 MAUREILLE, Valérie, chargée de mission à la sous-direction de lutte contre l’immigration irrégulière, vendredi

26 juin 2015 à 11H, ville de Paris, durée 1H, langue : français

84 DUCHATEAU, Pierre-Alexandre, chargé de mission à la sous-direction de lutte contre l’immigration

irrégulière, mercredi 15 juillet 2015 à 17H, ville de Paris, durée 1H, langue : français

85 LOI n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France :

En ce qui concerne les enfermements, les politiques françaises semble dépasser celles des autres pays de l’Union européenne qui enferment moins de 10 000 personnes par an86. En France,

chaque année, les chiffres tournent autour de 50 000 enfermements87. Dans le champ pénal, les

personnes étrangères sont plus lourdement sanctionnées et donc surreprésentées en prison. De plus, de nouvelles mesures administratives s’offrent aux préfets pour exclure les personnes on peut citer par exemple les interdictions systématiques de retour sur le territoire français, interdiction de circuler sur le territoire français ou interdiction administrative du territoire.

Concernant la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, les préfets peuvent assigner une personne de justifier du maintien de son droit au séjour, sinon son titre lui sera retiré. La loi offre aussi un nouvel instrument aux préfets : la demande de communication de documents tels que l’historique sur cinq ans des contrats EDF ou de téléphone, les relevés de compte bancaire, les certificats de scolarité, attestation de suivi médical, auprès de divers acteurs publics ou privés. Ces dispositions semblent renforcer un arsenal qui concerne juste certaines catégories de personnes. C’est par exemple le cas des personnes gravement malades, qui ne peuvent se soigner dans leur pays d’origine. En effet, elles sont suspectées faire semblant d’être malade. Et les médecins qui les soignent et évaluent leur besoin de prise en charge sont souvent soupçonnés de complaisance.

Concernant les mères ou pères d’un enfant de nationalité française, les préfectures ont durci, les contrôles liés au caractère réel des mariages. La vie commune est devenue difficile à prouver, tout comme la reconnaissance paternelle considérée comme trop tardive ou trop anticipée. A cause de certaines situations de fraudes avérées, certains parents et enfants sont assujettis à des enquêtes de police sur la réalité de leur vie de famille et endigués dans une situation administrative assez précaire.

La décision des autorités de procéder à un fichage des citoyens est très ancienne. Déjà en 1908, le fichage était nécessaire pour les « fugitifs et tsiganes » qui voyageaient en groupes. C’est à l’instar de cette pratique que cette méthode s’est progressivement développée.

En 1921, la carte d’identité française devient une obligatoire pour les habitants de Paris et s’est progressivement étendue en 1940, sur tous les citoyens français de plus de 16 ans.

86 Rapport Observatoire de l’enfermement des étrangers. 87 Rapport Observatoire de l’enfermement des étrangers

Le développement et la banalisation des techniques informatiques de stockage, d’échange et de gestion des données posent la question des risques que ces procédés comportent. Ces fichiers peuvent se trouver en contradiction flagrante avec les droits fondamentaux des personnes, et notamment le droit à la protection de la vie privée lorsqu’ils ne permettent pas d’avoir une information claire et transparente sur les données qui sont conservées ou sur les voies d’accès, de rectification ou suppression de celles-ci. Les informations collectées dans les fichiers spécifiques aux personnes étrangères sont interconnectées avec des fichiers poursuivant d’autres finalités, comme les fichiers de police, ceux de gestion de la détention, renforçant ainsi le contrôle social des ressortissants étrangers. De nombreuses administrations sont donc habilitées à consulter ces données, telles que la police, les autorités consulaires, judiciaires, préfectorales, de même que les mairies et organismes de prestations sociales dans le cadre de certains fichiers.

Concernant les personnes de nationalité étrangères, certains fichiers soulèvent des questionnements. Mis en œuvre par la commission européenne, le système d’information des visas comprend des données biométriques qui sont relevées pour la délivrance de visas Schengen. Ce système en France se nomme Visabio. Les consulats, ou encore les préfets ont la possibilité de vérifier si un visa a été demandé ou délivré. On remarque que près de 87 millions de vérifications ont été effectuées de septembre 2013 à septembre 201588.

La base de données Eurodac rassemble les empreintes digitales de demandeurs d’asile. Lorsqu’une personne veut procéder à une demande d’asile ou se trouve en situation irrégulière dans un État membre, ses empreintes sont confrontées à celles gardées dans la base pour vérifier si elle n’y est pas déjà enregistrée et pour mettre en œuvre la procédure « Dublin ».

Depuis 2015, les services de l’Etat peuvent consulter la base pour vérifier si les empreintes relevées sur un lieu précis sont connues.

La Commission européenne, dans le cadre de ses accords de partenariat, envisage aussi de relever les empreintes ainsi que l’image faciale des personnes à partir de l’âge de six ans, afin de les transmettre à des pays tiers quant à la délivrance de laissez-passer consulaires.

88Lochak, Danièle. Des fichiers pour gérer, contrôler, surveiller les étrangers, Plein droit, vol. 71, no. 4, 2006, pp.

Au niveau national, l’utilisation d’AGDREF (principal fichier permettant la gestion administrative des dossiers des personnes étrangères) déchiffre toutes les données biométriques depuis 2011. Il contient des informations 7 millions de personnes89.

Le SIS quant à lui, (système d’information Schengen) est un fichier informatique européen qui mis à jour par les Etats membres de l’espace Schengen. Il « scrute » essentiellement des personnes étrangères non autorisé dans cet espace suite à une décision administrative ou judiciaire et des personnes recherchées en vue d’une extradition. En juillet 2016, le système d’information Schengen scrutait 810 640 personnes, dont 115 62190 y ont été inscrites par les

services français.

Le fichage ne concerne pas que les personnes étrangères, mais aussi leur entourage ou toute personne qui leur étant proche. Par exemple, les données individuelles d’une personne logeant une personne étrangère sont inscrites dans un fichier distinctif.

L’assignation à résidence qui est une mesure administrative émanant du préfet, est souvent utilisée pour des personnes qui ont été condamnées, en guise d’alternative à leur incarcération, mais surtout elle vise à faciliter leur réinsertion. Toutefois, elle constitue une véritable alternative, aux personnes concernées. Par exemple, les familles qui ont été déboutées du droit d’asile avec enfants mineurs sont visées par cette assignation à résidence, de même que les personnes entrant dans le cadre d’une procédure « Dublin » en attente de relocalisation du pays responsable de leur demande d’asile.

Conséquemment, l’assignation s’est étendue en tant qu’instrument majeur de contrôle par les préfets sur les personnes étrangères qui en soit, n’ont commis aucun délit. Ceci dans le seul et unique but de pouvoir les expulser plus simplement. Ce contrôle se traduit principalement par l’obligation de rester dans un périmètre bien précis et de pointer continuellement dans un commissariat ou encore une gendarmerie.

Si l’étranger ne s’accorde pas à ces obligations, cela pourrait entraîner une condamnation, une amende ou encore peine de prison. Entre 2013 et 2016, le nombre de personnes enfermées en rétention n’a pas connu de changements significatifs, on peut noter selon le rapport d’observatoire des étrangers un chiffre compris entre 45 000 et 50 00091.

89 Rapport Annuel des services de l’état en Loir-et-Cher.

90Le système d'information Schengen, un outil essentiel de la coopération entre policiers européens

#DecodeursUE :

https://ec.europa.eu/france/news/20161212_decodeursue_systeme_information_schengen_fr 91 Rapport Observatoire de l’enfermement des étrangers.

La loi du 7 mars 2016 concrétise l’assignation des étrangers. En effet, elle y est présentée comme une mesure qui avant tout doit primer sur l’enfermement en rétention. Toutefois, le texte est rempli de dérogations augmentant ainsi le pouvoir discrétionnaire des préfets. En effet, les préfets disposent du droit de passer de la rétention à l’assignation.

La loi prévoit la possibilité de faire accompagner les personnes étrangères par les forces de police au sein des consulats afin d’obtenir des laissez-passer acquiesçant l’expulsion du territoire. Les préfets peuvent aussi sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD), interpeller directement à domicile pour transporter les personnes en rétention ou alors directement dans un avion pour un embarquement à destination du pays d’origine du ressortissant ciblé. Les personnes visées se trouvent ainsi exposées au risque perpétuel d’une interpellation au sein même de leur logement. Ces nouvelles dispositions consolident leur précarité́, en effet, des familles préfèrent se cacher plutôt que de bénéficier des dispositifs de prise en charge92.

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