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Un statut non spécifiquement défini en droit international

par la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées

B. La question des « réfugiés écologiques »

1. Un statut non spécifiquement défini en droit international

Les changements écologiques sont une cause fréquente de migration et de déplacement humain avec en filigrane la menace de graves crises humanitaires… « Réfugiés écologiques », migrants ou « réfugiés de l’environnement », « réfugiés climatiques », « éco- réfugiés », « personnes déplacées en raison d’une catastrophe naturelle », « exodes écologiques », etc., sont les termes qui traduisent l’exil, la migration, ou le déplacement en raison d’une atteinte à l’environnement. 197 La particularité de cette catégorie de réfugiés réside dans le fait que :

they are not forced to leave their countries because of a well-founded fear of persecution on account of political opinion, religion, race, nationality or membership in a particular social group.

194 Alinéa f de l’article 1er de la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes

déplacées en Afrique.

195 Alinéa I du paragraphe 2 de l’Article 9 de la Convention.

196 Il existe des appellations différentes pour qualifier ces personnes obligées de quitter leurs lieux de vie en

raison de facteurs climatiques. Ainsi certains auteurs à l’instar de nombreuses organisations internationales combattent même l’appellation de « réfugié » Voir à ce propos LAVIEILLE J.-M., BETAILLE J., MARGUÉNAUD J.-P., « Présentation du projet de convention relative au statut international des déplacés environnementaux », REDE, 2008, n° 4, p. 375-380. Sans entrer dans ce débat nous avons préféré utiliser l’expression « réfugiés écologiques » dans un souci de clarté.

197 COURNIL C., « Les réfugiés écologiques : quel(s) protection(s), quel(s) statut(s) », Revue de droit public, 2006,

Rather, they are victims of changes in their environnement. They are unable to sustain themselves, living on the degraded and deforested land which often follows drought and desertification. Eventually they are forced to flee, either within their country or across international borders, as a result of environnement degradation which reduces their ability to find clean water or adequate soil for farming. 198

De même, en 1985, un rapport du Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) les définissait de la façon suivante :

ceux qui sont forcés de quitter leur lieu de vie temporairement ou de façon permanente à cause d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) qui a mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs conditions de vie. 199

Si la société internationale prend de plus en plus conscience du phénomène 200, la détermination d’un statut international reste problématique en raison de l’hétérogénéité du phénomène 201. Ainsi, il n’y a pas forcement de migrations d’un État à un autre, car il existe des réfugiés se déplaçant d’une ville à une autre au sein du même pays à l’instar des déplacés internes, tout comme des réfugiés se déplaçant vers des frontières internationales. De même les causes de migration peuvent prendre des formes très variées qui peuvent être soudains et inattendus, ce qui est habituellement le cas pour les catastrophes naturelles comme les tremblements de terre ou les cyclones ou ils peuvent être plus progressifs, comme pour les processus à long terme de désertification et de dégradation des sols 202. Beaucoup de causes différentes peuvent entraîner des départs forcés. S’agissant des migrations internes, elles soulèvent le problème de la réinstallation des populations, du financement des opérations dans des pays qui n’ont souvent pas les infrastructures nécessaires et cumulent les handicaps. Par

198 Traduction : « Ils ne sont pas obligés de quitter leur pays en raison d'une crainte fondée sur la persécution

en raison de l'opinion politique, de la religion, de la race, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social particulier. Au contraire, ils sont victimes de changements dans leur environnement. Ils sont incapables de subvenir à leurs besoins et doivent vivre sur leur terre dégradée et déboisée souvent à cause de la sécheresse et de la désertification. Finalement, ils sont contraints de fuir, soit dans leur pays ou à travers les frontières internationales, en raison de la dégradation de l'environnement. Ce qui réduit leur capacité à trouver de l'eau propre ou un sol adéquat pour l'agriculture ». Cf. SEAGAL H., « Environmental Refugees : a new world catastrophe », in Les aspects internationaux des catastrophes naturelles et industrielles, p. 141.

199 Rapport rédigé par E. EL HINNAWI, Environnemental refugees, PNUD, 1985, Nairobi, 41 p. (traduit de

l’anglais).

200 La question des réfugiés écologiques sera ainsi débattue lors de la conférence mondiale sur la population au

Caire en 1994, qui évoque l’afflux de migrants sur les pays industrialisés. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés mentionne cette catégorie de migrants en 1997 et demande depuis à la société internationale de se pencher sur la question considérant l’ampleur du phénomène et l’absence d’un cadre juridique adapté. Cf. MICHELOT A., « Vers un statut de réfugié écologique ? » in, Les catastrophes

écologiques et le droit : échecs du droit, appels du droit, p. 518.

201 Cf. LASSAILLY-JACOB.V., « Une nouvelle catégorie de réfugiés en débat », REDE, n° 4, 2006, p. 374-380 ;

GOUGUET-J.J., « Réfugiés écologiques : un débat controversé », REDE, n° 4, 2006, p. 381-399.

202 Document du HCR, Les réfugiés dans le monde 1997-98, les personnes déplacées, l’urgence humanitaire, Paris, La

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ailleurs, on considère en général qu’ils ne répondent pas aux critères de la Convention de Genève de 1951 – qui considère que les réfugiés fuient la violence ou la persécution- et aucune grande organisation internationale, comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR), ne dispose d’un mandat officiel pour assister ces individus. En effet, à la différence des réfugiés qui bénéficient d’une protection internationale parce qu’ils ne bénéficient pas de la protection de leur État, les « réfugiés écologiques » peuvent en réalité compter sur la protection de leur État. Il existe cependant une exception lorsque les actes de destruction de l’environnement, tels que l’empoisonnement des puits d’eau, le fait de brûler des récoltes ou d’assécher des zones marécageuses, sont délibérément utilisés pour persécuter, intimider ou déplacer une population particulière. Dans ces circonstances, les populations victimes de ces pratiques peuvent être considérées comme des réfugiés si elles quittent leur pays pour chercher asile à l’étranger.

C’est la raison pour laquelle, il n’existe aucun texte international régissant leur statut. Un pas a été franchi lors du colloque de Limoges de juin 2005 qui a donné lieu à « l’appel de Limoges » 203 dont l’objectif est d’abord de sensibiliser la société internationale, les États et plus largement le grand public aux dégradations écologiques et à leurs conséquences en termes de « flux migratoires » et de poser ensuite les bases d’une réflexion juridique prospective pour la création d’un statut international du « réfugié écologique » 204. Mais à ce jour, l’initiative de Limoges n’a pas abouti à l’instauration d’un véritable cadre juridique de protection des « réfugiés écologiques ».

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