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Une responsabilité partagée de protéger les personnes en détresse

DURANT LES CONFLITS ARMÉS

L E PARADIGME DE LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER

B. L ’affirmation d’une « collectivisation » de la responsabilité de protéger les personnes en détresse

1. Une responsabilité partagée de protéger les personnes en détresse

Pour la CIISE, perçue comme un principe fonctionnel des relations internationales, la souveraineté implique nécessairement une double responsabilité à la charge des États, une responsabilité externe de respect de la souveraineté des autres États, mais aussi, une responsabilité interne de respect de la dignité et des droits fondamentaux des populations vivantes sur le territoire de l’État. On parlera alors d’une souveraineté responsable. La souveraineté responsable implique à la charge de tout État, une responsabilité, au premier abord, de protéger ses propres citoyens. Autrement dit,

la souveraineté n’est pas seulement une créance ou une prérogative de l’État ; elle correspond aussi à une obligation sinon, à une responsabilité à l’égard de ses populations. Cette idée correspond non seulement à l’état du droit international et du système étatique moderne, mais également à une réalité concrète qui renvoie à la question de savoir qui est le mieux placé pour obtenir le résultat voulu. Les autorités nationales sont les mieux placées pour prendre les mesures propres à empêcher que les problèmes internes ne dégénèrent en conflit 417.

« Perçue comme une responsabilité de l’État, la souveraineté suppose donc que les États se mettent au service des hommes, c’est-à-dire, de la population de l’État souverain » 418. Dès lors, « la souveraineté doit être considérée comme un instrument de réalisation du bien-être des populations et

les dépositaires du pouvoir souverain doivent comprendre que l’autorité souveraine n’est qu’un moyen dont ils

disposent pour assurer la protection d’un peuple par le moyen de l’ordre et du droit » 419. En se fondant sur

cette nouvelle approche de la souveraineté, « cela signifierait que la source de cette responsabilité

n’aurait pas à être recherchée dans les traités ou la coutume, contrairement à la méthode que l’on a suivie

précédemment, mais devrait être considérée comme inhérente à la souveraineté » 420. S’il est ainsi établi que

la souveraineté doit devenir un « principe serviteur »421, l’effet corrélatif devrait consister en une véritable responsabilité des États de protéger les hommes et les femmes vivant dans leur sphère d’influence contre les catastrophes naturelles et les meurtres à grande échelle ou encore, les viols systématiques. De ce fait « le passage d’une souveraineté de contrôle à une souveraineté

de responsabilité » 422 est pleinement justifié.

Par ailleurs, aux termes du rapport de la Commission Evans-Sahoun, la souveraineté- responsabilité implique trois conséquences. « D’abord, les autorités étatiques sont responsables des

417 Rapport de la (CIISE), « La responsabilité de protéger », op. cit., p. 18.

418 PETERS A., « Le droit d’ingérence et le devoir d’ingérence, vers une responsabilité de protéger », Revue de

droit international et de droit comparé, 2002, vol. 79, p. 296.

419 ROUGIER A., « La théorie de l’intervention d’humanité », RGDIP, 1910, op. cit., p. 469. 420 THOUVENIN J.-M., précité, p. 30.

421 PETERS A., « Le droit d’ingérence et le devoir d’ingérence, vers une responsabilité de protéger », Revue de

droit international et de droit comparé,op. cit., p. 297.

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fonctions qui favorisent le bien-être de leurs ressortissants. Elles sont ensuite, responsables envers leur citoyen sur le plan interne et à l’égard de la société internationale représentée par l’ONU. Enfin, la responsabilité signifie que les États doivent rendre des comptes pour leurs activités et aussi pour leur carence » 423. Il s’ensuit que,

si l’État est incapable de remplir sa tâche de protéger son peuple, la lacune doit être comblée par les autres États. Dès lors, quand une population souffre gravement des conséquences d’une guerre civile, d’une insurrection, de la répression exercée par l’État ou de l’échec de ses politiques et lorsque l’État en question n’est pas disposé ou apte à mettre un terme à ces souffrances ou à les éviter, la responsabilité de protéger prend le pas sur le principe de non intervention 424.

Autant dire que si la responsabilité de protéger incombe en premier lieu à l’État dont la population est directement touchée, « il subsiste [estime la CIISE], une responsabilité résiduelle qui

incombe à la communauté des États dans son ensemble et cette responsabilité « subsidiaire » est activée lorsque tel ou tel État est manifestement soit incapable, soit peu désireux d’accomplir sa responsabilité de protéger ; ou est lui-même l’auteur effectif des crimes ou atrocités en question ; ou lorsque des personnes vivant à l’extérieur

d’un État donné sont directement menacées par des actes qui se dérouleront dans cet État » 425. Autrement

dit, « si ce devoir de protection incombe en premier lieu à l’État territorial, il incombe également à la société

internationale, dans le cadre de l’Organisation des Nations unies, de mettre en œuvre les moyens diplomatiques,

humanitaires et autres moyens, pacifiques appropriés, conformément aux chapitre VI et VII de la Charte des Nations unies, d’aider à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité » 426.

Enfin, « le rapport sur la « responsabilité de protéger » souligne

qu’un État souverain est certes habilité en droit international à exercer une compétence exclusive et totale à l’intérieur des frontières de son territoire et les autres États ont l’obligation correspondante de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’un État souverain. Mais l’intervention à des fins de protection humaine, y compris l’intervention militaire dans des cas extrêmes, est admissible lorsque des civils sont en grand péril ou risquent de l’être et que l’État en question ne peut pas ou ne veut pas mettre fin à ce péril ou en est lui-même l’auteur 427.

Fondamentalement, la norme est la responsabilité de l’État de protéger ses citoyens. On pourrait aller jusqu’à dire que la responsabilité internationale n’est que secondaire dans la mesure où « l’État reste néanmoins le fondement de la responsabilité de protéger, qui vise à construire une

souveraineté responsable et non à la saper » 428. Pour autant quels sont les moyens dont dispose la société internationale afin de permettre la mise en œuvre de la responsabilité de protéger ?

423 Rapport de la (CIISE) « La responsabilité de protéger », p. 14, § 2-15. 424 Rapport de la (CIISE) « La responsabilité de protéger », Sommaire, p. xi. 425 Rapport de la (CIISE) « La responsabilité de protéger », p. 18§ 2-31. 426 Document final du Sommet mondial de 2005, A/RES/60, par 138.

427 CROUZATIER J.-M., « Le principe de la responsabilité de protéger : avancée de la solidarité internationale

ou ultime avatar de l’impérialisme », Revue Aspects, n° 2, 2008, p. 19.

428 Rapport du Secrétaire général des Nations unies, « Implementing the responsibility to protect » A/63/677 du 12

2. L’inventaire des moyens de mise en œuvre de la responsabilité de protéger

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