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Un postulat fragilisé par des entraves à la mise en œuvre de l ’assistance humanitaire internationale

SPÉCIFIQUE AUX CATASTROPHES NATURELLES

D ES RÈGLES AFFIRMANT LA NÉCESSITÉ DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN MATIÈRE D ’ ASSISTANCE HUMANITAIRE

B. Un postulat fragilisé par des entraves à la mise en œuvre de l ’assistance humanitaire internationale

Lorsque survient une catastrophe naturelle et que le besoin d’aide humanitaire se fait sentir, l’éventualité d’un refus d’accès aux victimes par l’État territorial est particulièrement inquiétante. Mais c’est aussi une réalité qui ne peut que susciter le plus grand intérêt des juristes.

Dans les années 1990, la société internationale a pris conscience de la nécessité d’une solidarité internationale en cas de survenance d’une catastrophe naturelle. C’est ainsi qu’en 1997 et 1998, lorsqu’est survenue la famine en Corée du Nord, la société internationale s’est engagée à fournir une aide alimentaire pour faire face à la situation. La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a lancé un appel de fonds élargi en juin 1997. En janvier 1998, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a lancé le plus

256 ROMANO-CESARE P.-R., « L’obligation de prévention des catastrophes naturelles et industrielles » in les

aspects internationaux des catastrophes naturelles et industrielles, op. cit., p. 419.

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grand appel de son histoire, avec pour objectif de recueillir 380 millions de dollars en aide alimentaire. Pourtant, la société internationale s’est heurtée à une résistance lorsqu’elle a voulu aider les Nord-Coréens atteints de malnutrition et menacés par la famine 258.

Ce fut également le cas en Iran alors même que le pays était durement frappé par un violent tremblement de terre. Les autorités iraniennes ont minimisé le désastre au point de tarder à demander l’aide de la société internationale. Pire, le gouvernement a préféré appeler la population iranienne à « surmonter cette épreuve avec fierté, grâce à la patience, l’effort et la coopération ».

Même si par la suite, l’Iran a fini par demander l’assistance de la communauté internationale, bon nombre des

blessés sont morts à cause de ce retard alors qu’ils auraient pu être sauvés » 259.

De même, « en février 1998, six jours après le tremblement de terre qui a fait 4500 victimes en

Afghanistan, des informations fournies relèvent qu’à « Ghanj » le village le plus touché, les victimes n’avaient pas reçu d’aide internationale et risquaient de mourir de faim. Certes, le mauvais temps était responsable de ce retard, mais l’arrivée des secours était aussi entravée par les milices intégristes talibanes, qui contrôlaient plusieurs accès à la région sinistrée, ainsi que par les réglementations imposées par les troupes russes à la

frontière avec le Tadjikistan voisin » 260. Fréquemment touché par des désastres naturels de grande

ampleur, la Chine non plus ne fait jamais appel à l’aide internationale et refuse délibérément cette aide lorsqu’elle est proposée et pire lorsqu’elle l’accepte, elle ne coopère pas efficacement afin que l’aide internationale puisse parvenir aux populations sinistrées. « D’autres exemples tiennent aux problèmes pratiques pour l’utilisation d’experts et de professionnels comme des médecins, des ingénieurs et d’autres encore pour l’octroi rapide de visas, de permis de travail, de paiement d’impôt, de coordination des efforts, etc. Des problèmes dans ces domaines peuvent causer de grandes pertes de vies humaines et matérielles et peuvent même occasionner la survenance d’une autre catastrophe après la première » 261.

Ces entraves délibérément orchestrées par les autorités étatiques ont pour conséquence de rendre la réponse beaucoup plus difficile et peuvent causer la perte de nombreuses vies humaines surtout lorsqu’il y a un grand besoin de coordination humanitaire. Paradoxalement, face à ce constat, la société internationale semble impuissante à contraindre les États à

258 Cité par HARDCASTLE R.-.J,CHUA A.-T.-L. , « Assistance humanitaire : pour un droit à l’accès aux victimes

des catastrophes naturelles », Revue internationale de la Croix-Rouge, 1998, p. 1.

259 Idem.

260 HARDCASTLE R.-.J,CHUA A.-T.-L. , « Assistance humanitaire : pour un droit à l’accès aux victimes des

catastrophes naturelles », Revue internationale de la Croix-Rouge, 1998, Ibid, p. 2.

261 BRICENO S., « La coopération internationale en matière de catastrophes dues aux vulnérabilités aux aléas

naturels et le cadre d’action de Hyōgo pour renforcer la résilience d’ici 2015 », in La responsabilité de protéger, Colloque de Nanterre, op. cit., p. 157.

accepter l’aide internationale. Et pour cause, il n’existe pas à ce jour d’obligations juridiques à la charge des États d’offrir ou de proposer leur aide, ou encore d’accepter une aide extérieure. Il n’y a en outre, pas de droit pour les acteurs humanitaires de proposer une aide internationale. À cet égard, le Professeur Yves Daudet, affirmait que « le droit international n’a

pas encore érigé en « abus de souveraineté » le refus arbitraire de l’assistance internationale » 262. Quand bien même certains auteurs ont tenté de mettre en exergue le principe de « solidarité internationale » et des considérations humanitaires fondamentales qui indiquent l’existence d’une obligation coutumière erga omnes à la charge des États 263.

Comme on vient de le démontrer quand l’aide internationale émane d’un autre État, celle-ci peut être rejetée. Toutefois, ne pas accepter l’aide émanant d’organisations strictement humanitaires paraît moins justifiable. Ainsi, faire obstacle au CICR ou à d’autres organismes humanitaires, peut laisser présumer des fautes graves de l’État territorial envers sa population. Mais cette faute est essentiellement de nature morale et non juridique n’impliquant pas des sanctions à l’encontre de l’État fautif.

262 DAUDET Y. « Le refus de l’aide, abus de souveraineté ? », in Aide humanitaire, un consensus conflictuel, op. cit.,

p. 235-236.

263 Voir à ce propos, MACALISTER SMITH P. , International Humanitarian Assistance. Disaster Relief Actions in

Conclusion du Chapitre II

La condition juridique des victimes des catastrophes naturelles a toujours suscité de l’émoi au sein de la société internationale. Au-delà de l’indignation, le droit international à l’instar du droit interne tente d’apporter des réponses à la difficile problématique de la protection et de l’assistance aux populations sinistrées. Toutefois, à l’heure actuelle, l’efficacité des normes internationales de protection paraît discutable. Et pour cause, ces règles très éparses sont centrées sur les prérogatives de l’État territorial au détriment de la nécessaire protection des personnes durant ces situations de détresse. Pour preuve, il n’existe aucune règle générale de droit international autorisant l’intervention d’un État étranger ou d’organismes humanitaires dans un État victime de catastrophe naturelle lorsque le constat est fait que cet État ne dispose pas des ressources nécessaires afin de répondre à l’urgence humanitaire sur son territoire.

Le paradoxe c’est qu’à la différence des conflits armés, l’accès aux victimes des catastrophes naturelles devrait être plus facile car la situation locale y est moins sensible. « Hélas les

préventions des dictateurs à l’égard de toute image, de tout témoignage, de toute indiscrétion qui présenterait leur pays sous une facette négative, de toute évaluation de la situation dramatique des populations en détresse, de toute appréciation accablante de l’insuffisance ou de l’indigence des infrastructures de survie s’y opposaient » 264. De même, il faut le reconnaître, l’interaction entre les différents types de catastrophes ainsi que la responsabilité de plus en plus importante de l’homme à la fois dans les conflits armés et les catastrophes sont de nature à conforter de telles positions qui violent manifestement les droits de nombreuses personnes dans le monde.

264 BETTATI M., Droit humanitaire, p. 28.

C

ONCLUSION DU

T

ITRE

I

Longtemps applicable aux conflits armés internationaux, l’évolution du DIH a permis la prise en compte des victimes des conflits armés non internationaux. Cette évolution est d’autant plus justifiée que les conflits armés contemporains sont essentiellement des conflits armés non internationaux. On peut cependant regretter que l’application des règles humanitaires aux conflits armés non internationaux soit peu efficace en raison de la susceptibilité des États vis-à-vis de leur souveraineté. On peut également regretter la non- application des règles du DIH aux catastrophes naturelles alors même que le passage d’un « droit de la guerre » ou « droit des conflits armés » à un « droit international humanitaire » aurait pu permettre cette évolution. Dès lors notre analyse a permis de relever que s’il y a un droit international des secours relatif aux catastrophes naturelles il s’agit d’un droit épars essentiellement composé de règles disparates contrastant avec l’homogénéité des règles du droit international humanitaire applicable aux conflits armés.

Toutefois, depuis les années soixante-dix, un nouveau paradigme s’opère sur le plan conceptuel en matière d’assistance humanitaire. Il s’agit de l’apparition d’un droit humanitaire moderne porté par un « nouvel ordre humanitaire » 265. La question se pose cependant de savoir si cette évolution conceptuelle parviendra à se traduire sur le plan normatif afin d’améliorer la protection des personnes durant les situations catastrophiques.

265 Voir notamment les résolutions de l’Assemblée générale 45/101 du 14 décembre 1990 et 47/106 du

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TITRE II.

LES DIFFICULTÉS DU « DROIT DE NEW YORK »

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