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La question des personnes déplacées à l ’intérieur de leur pays

aux victimes des conflits internationau

L E CONTENU DES RÈGLES SPÉCIFIQUES APPLICABLES AUX RÉFUGIÉS ET AUX PERSONNES DÉPLACÉES

A. La question des personnes déplacées à l ’intérieur de leur pays

Non régies par une convention spécifique, les personnes déplacées sont protégées par les règles générales du DIH et par des principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur pays (1). Une fois de plus le continent africain a marqué sa singularité en adoptant un mécanisme juridique de protection qui lui est spécifique (2).

1. L’établissement des principes directeurs relatifs au déplacement des personnes

à l’intérieur de leur propre pays

À la différence des réfugiés, la situation des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays 177 est plus délicate du fait qu’elles relèvent de la juridiction de leur État et ne bénéficient donc pas de la protection normalement offerte aux personnes qui, ayant franchi une frontière, sont devenues des réfugiés 178. Aussi, ces personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ne sont-elles pas couvertes par une convention équivalente à la Convention de 1951 relative aux réfugiés. Le droit international les protège néanmoins contre le déplacement et, si elles sont déplacées, elles sont protégées par plusieurs corps de droit. Ainsi, ces personnes déplacées peuvent être protégées par le droit international des droits de l’homme et le droit national en temps de paix. De même, dans les situations de conflit armé, elles sont protégées par le droit international humanitaire 179 et plus spécifiquement par les Principes directeurs relatifs

aux déplacements de personnes à l’intérieur de leur propre pays.

En effet, conscient de l’ampleur du phénomène des déplacements internes, le Secrétaire général des Nations unies a nommé en 1992 à la demande de la Commission des droits de l’homme, un représentant pour les personnes déplacées dans leur propre pays. Ce dernier a été chargé d’élaborer des principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur pays qui ont été présentés en 1998. Ces principes « sont en grande partie le prolongement des

177 Voir notamment CHASSIN C.-A., (dir.), Les migrations contraintes, Actes du Colloque de Caen du

7 Décembre 2012, Paris, Pedone, 196 p.

178 C’est depuis 1972 que le Conseil économique et social des Nations unies utilise, dans ses résolutions

l’expression « personnes déplacées » pour désigner les personnes qui, restant dans leurs pays d’origine, ont été contraintes d’abandonner leurs foyers en raison de la menace de violence généralisée, de conflits armés ou de graves troubles de l’ordre public. Cf. Résolution de l’ECOSOC 1655 du 1er juin 1972.

179 Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels comportent des dispositions relatives à la

protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays durant les conflits armés : « les personnes civiles que sont, en principe, les déplacés internes, sont protégées, avant, pendant et après leur déplacement par toutes les règles protégeant les civils dans une situation de conflit armé » Cf. Le CICR et les personnes déplacées, RICR, n° 812, 1995, p. 208. Voir également, LAVOYER P., « Réfugiés et personnes déplacées : droit international humanitaire et rôle du CICR », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 812, 1995, p. 192 ; Voir article 17 du Protocole II additionnel aux Conventions de Genève.

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conclusions d’une étude approfondie, intitulée Compilation et analyse des normes juridiques qui, a été élaborée

par une équipe d’experts juridiques, sous la direction de M. Deng 180, et présentée à la Commission des droits

de l’homme en 1996 » 181. Les Principes directeurs relatifs aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre

pays constituent les premiers textes internationaux conçus expressément pour répondre aux

besoins de ces personnes. Y sont identifiés les droits et les garanties concernant la protection des personnes contre les déplacements forcés et la protection et l’aide qu’il convient de leur apporter au cours du processus de déplacement, ainsi que pendant leur retour ou leur réinstallation et leur réintégration 182. Selon ces principes directeurs, les personnes déplacées sont « des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer

ou leur résidence habituelle, notamment en raison d’un conflit armé, de situation de violence généralisée, de

violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour éviter les

effets et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État » 183. Si le déplacement peut accroître la vulnérabilité aux violations des droits de l’homme des personnes déplacées, celles-ci conservent cependant les mêmes droits que les autres citoyens à l’intérieur de leur propre pays. Toutefois, « la protection des personnes déplacées à l’intérieur et des autres victimes de la

violence au sein de leur propre pays soulève ainsi de manière directe le problème de la souveraineté des

États » 184. Se pose notamment la question de savoir « dans quelle mesure les organisations

humanitaires peuvent-elles se substituer à une absence de protection nationale, même si le gouvernement et les autres acteurs impliqués consentent à leur présence ? » 185. En effet, « la responsabilité de la protection des

personnes déplacées repose principalement sur les gouvernements nationaux » 186. Dans l’éventualité où les

autorités nationales n’auraient pas la capacité ou la volonté d’offrir cette protection, les organisations humanitaires internationales et d’autres parties concernées ont le droit et, selon certains, ont la responsabilité de protéger et d’aider les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Ces autorités sont tenues de permettre l’accès, libre et rapide, des organisations humanitaires qui viennent en aide aux personnes déplacées qui se trouvent en danger à

180 M. Deng a été le premier Représentant pour les personnes déplacées dans leur propre pays, l’actuel étant

Walter Kälin.

181 GOLDMAN R., « Codification des règles internationales relatives aux personnes déplacées à l’intérieur de

leur pays » RICR, n° 831, septembre 1998, p. 497.

182 Alinéa 1 de l’introduction aux Principes directeurs.

183 Comité International de la Croix-Rouge : « Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à

l’intérieur de leur propre pays », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 831 du 30 septembre 1998, p. 585.

184 Document du HCR, Les réfugiés dans le monde, 1997-98, les personnes déplacées, l’urgence humanitaire, Paris,

La découverte, 1998, p. 128.

185 Ibidem.

l’intérieur du pays. Aucune agence des Nations unies ne possède à elle seule la responsabilité de la protection des personnes déplacées dans la mesure où le mandat initial du HCR ne couvre pas spécifiquement les déplacés internes. Cependant, depuis de nombreuses années et compte tenu de son expertise en matière de déplacement, l’agence aide des millions de déplacés internes. Les gouvernements ne sont toutefois pas les seuls responsables. Un grand nombre de personnes déplacées vivent dans des zones sous le contrôle de groupes d’insurgés, qui aux termes du droit international ont également des responsabilités, établies par les Principes directeurs, vis-à-vis des populations déplacées 187.

Afin de mettre en œuvre la protection accordée aux personnes déplacées, un représentant du Secrétaire général des Nations unies chargé des droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (RSG) a été nommé. Ce dernier a été autorisé par l’ancienne Commission des droits de l’homme, devenu Conseil des droits de l’homme, à intervenir auprès des gouvernements et autres acteurs au moyen de dialogues et de méthodes de sensibilisation portant sur les droits des personnes déplacées, à renforcer l’aide internationale au déplacement interne et à généraliser les droits de l’homme sur tout le système de l’ONU. Relevant de la Soft law, c’est-à-dire ne constituant pas des normes contraignantes, les Principes directeurs se fondent sur des normes existantes du droit international – droits de l’homme, droit humanitaire international et droits des réfugiés par analogie – qui, elles, sont contraignantes. Qui plus est, depuis leur première présentation aux Nations unies en 1998, les Principes directeurs ont acquis un statut international significatif en tant qu’outil normatif important, applicable aux situations de déplacement interne et leur diffusion, promotion et application ont été encouragées. Raison pour laquelle M. Francis Deng martèle que ces principes « devraient fournir une orientation pratique extrêmement utile aux gouvernements et autres autorités

compétentes, ainsi qu’aux organisations intergouvernementales et non gouvernementales dans l’exécution de leurs

activités ayant trait aux personnes déplacées. » 188

187 Cf. article 25 des Principes : 1- C’est en premier lieu aux autorités nationales qu’incombent le devoir et la

responsabilité d’apporter une aide humanitaire aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. 2- Les organisations humanitaires internationales et d’autres parties concernées ont le droit de proposer leurs services pour venir en aide aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Une telle proposition ne doit pas être considérée comme inamicale ou comme un acte d’ingérence dans les affaires intérieures de l’État et sera accueillie de bonne foi. Ces services ne seront pas refusés arbitrairement, surtout si les autorités concernées ne sont pas en mesure de fournir l’aide humanitaire requise ou ne sont pas disposées à le faire. 3- Toutes les autorités concernées autoriseront et faciliteront le libre passage de l’aide humanitaire et permettront aux personnes chargées de la distribuer d’accéder rapidement et librement aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

188 DENG F., « Note liminaire du Représentant du Secrétaire général pour les personnes déplacées » consulté

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Chose très importante, l’utilité des Principes directeurs devient évidente à l’échelon national. De plus en plus de gouvernements, partout dans le monde, ont recours à ces principes, notamment pour élaborer des lois et des politiques nationales relatives au déplacement interne. Ces efforts constituent d’importants modèles pour les décideurs politiques d’autres pays où existe ce phénomène. Ces principes de portée internationale ont été complétés par des dispositions plus spécifiques notamment sur le continent africain dans la mesure où l’Afrique est très durement frappée par ce phénomène en raison de l’existence des nombreux conflits internes sur le continent.

2. Le renforcement du cadre juridique de protection

par la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux

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