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Un cadre juridique de protection à élaborer

par la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées

B. La question des « réfugiés écologiques »

2. Un cadre juridique de protection à élaborer

Dès qu’on évoque la construction d’un statut et d’une protection du réfugié écologique se pose la question de savoir s’il convient d’élaborer un statut autonome ou plutôt faire bénéficier au réfugié écologique d’un statut et d’une protection préexistants. Certains experts plaident pour la révision de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés afin de donner un statut juridique aux réfugiés écologiques. D’autres experts considèrent qu’il est nécessaire qu’une nouvelle convention, spécifique, sur les réfugiés écologiques soit adoptée internationalement.

Pourtant, « les textes internationaux relatifs aux réfugiés conventionnels ne mentionnent nullement les

facteurs climatiques comme une cause de migration. De même, la liste des critères exclut de la protection

203 Cf. Appel de Limoges sur les « réfugiés écologiques » du 23 juin 2005 disponible sur : www.cidce.org. 204 COURNIL C., « Les réfugiés écologiques : quelle(s) protection (s), quels (s) statuts (s) ? », op. cit., p. 1039.

conventionnelle, les personnes qui fuient pour des motifs d’ordre général » 205. Peut-on voir du côté des textes régionaux notamment la Convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique afin de déterminer un statut du réfugié écologique. Christel Cournil estime que :

cette large définition donnée par la Convention de l’OUA, englobe les situations de guerres civiles et inter-ethniques et permet d’assurer une protection internationale en cas d’afflux massifs de personnes déplacées. Si l’on examine précisément cette définition notamment les termes « évènements troublant particulièrement l’ordre public, il est possible d’y voir une extension de la définition conventionnelle exploitable pour « les réfugiés écologiques. 206

Si nous estimons à l’instar de l’auteur que les phénomènes de catastrophes naturelles peuvent troubler gravement l’ordre public et de ce fait permettre une extension du cadre général des réfugiés tel qu’élaboré par la Convention africaine relative aux réfugiés, un élément est de nature à contredire ce raisonnement : la définition de la Convention africaine dans le prolongement de la Convention de 1951 insiste sur le fait que le réfugié c’est d’abord celui qui a franchi des frontières internationales. D’ailleurs, l’auteur reconnaîtra in fine, que « cette

Convention fidèle au texte de la Convention de Genève pose deux limites difficilement franchissables : celle de la persécution et de la nécessité d’un exil inter-étatique, ce qui réduit les cas de refuge écologique » 207.

Si la définition du réfugié classique qu’il s’agisse du cadre international ou régional, ne permet pas d’y englober le « réfugié écologique », pourquoi ne pas voir du côté de la définition des personnes déplacées. En effet selon la définition proposée par les Principes directeurs relatifs

au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays « les personnes déplacées sont des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituelle, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de « catastrophes naturelles » 208 ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets et qui

n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État » 209. D’ailleurs le mandat du HCR

s’est déjà étendu par le biais de la protection aux personnes déplacées à l’intérieur d’un pays à certains drames migratoires climatiques. Mais si l’on admet d’intégrer le réfugié écologique dans la catégorie des personnes déplacées –du moins en ce qui concerne ceux qui n’ont pas franchi des frontières internationales-, ces réfugiés écologiques se verront placer sous la

205 Cf. ALLAND D., TEITGEN-COLLY C., Traité du droit d’asile, PUF collection droit fondamental, 2002,

p. 398-400.

206 COURNIL C., « Les réfugiés écologiques », op. cit., p. 1044. 207 Ibidem.

208 Nous soulignons.

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protection de leurs États. Or, quel pourrait être la protection internationale dont pourrait bénéficier le réfugié tout en respectant la souveraineté des États ? Dans l’hypothèse où la migration se ferait en dehors des frontières étatiques, le « réfugié écologique » pourrait bénéficier d’une protection internationale offerte à tout ressortissant d’un État qui fuit la détresse de son pays à l’instar de n’importe quel réfugié conventionnel à condition de réviser la Convention de 1951 et d’y intégrer les causes environnementales comme une justification du statut de réfugié.

Une autre hypothèse serait d’adopter une convention internationale spécifique qui permettrait de transcender toutes les insuffisances du système de reconnaissance du statut de réfugié de la Convention de Genève et des principes relatifs aux personnes déplacées. Une telle convention pourrait repositionner la protection des réfugiés ou déplacés environnementaux au sein d’un dispositif basé sur la protection des droits de l’homme et même sur l’identification des responsabilités à l’échelle internationale. 210

Cette dernière proposition a trouvé un écho dans la mesure où suite au Colloque de Limoges de 2005 sur les « réfugiés écologiques », un appel fut lancé afin de permettre l’élaboration d’une convention internationale spécifiquement applicable aux réfugiés écologiques. En réponse à cet appel, un groupe de chercheurs fut mis en place en 2007 et constitua un avant-projet qui fut à son tour soumis à un groupe d’experts en novembre 2008, composé de juristes, scientifiques et philosophes travaillant auprès d’organisations internationales et régionales et au sein d’ONG. La première version du texte finalisé a été publiée puis une deuxième version du projet de convention a été rédigée depuis mai 2010 en tenant compte des observations suscitées par la première version. Si cette initiative est à saluer force est de reconnaître que pour l’heure, ces différentes propositions n’ont pas encore pu faire l’objet d’une convention internationale spécifiquement applicable aux réfugiés et il nous est permis d’émettre des doutes quant à l’effectivité d’un tel projet pour les années à venir.

En tout état de cause, qu’il s’agisse d’un statut spécial ou d’un statut préexistant, la détermination du statut du réfugié écologique ne suffit pas à garantir sa protection. Encore faut-il mettre en œuvre des mécanismes juridiques efficaces visant à garantir une protection réelle à cette catégorie de réfugiés. Pourtant, comme le fait remarquer Mme Monique Chemillier-Gendreau :

le droit international public souffre actuellement d’importantes lacunes et défaillances pour parvenir à répondre aux futurs grands enjeux planétaires (par exemple : la protection des « réfugiés écologiques » ou la mise en place d’une gouvernance internationale opérationnelle pour la

préservation de l’environnement), car la nature « contractuelle » du droit international public pose de sérieuses limites à la reconnaissance de droits pour le réfugié écologique. 211

Mais le droit international dans ses aspects humanitaires est aussi un droit évolutif qui ne saurait se contenter de ses acquis. Ainsi, le sort des réfugiés écologiques qui interpelle de plus en plus les États et qui suscite de nombreuses réflexions doctrinales ne saurait laisser plus personne indifférent.

211 CHEMILLIER GENDREAU M., « Un statut international des réfugiés écologiques est-il nécessaire ? »

Communication au Colloque de Limoges du 23 juin 2005. Cité par COURNIL.C. ,« Les réfugiés écologiques »,

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