• Aucun résultat trouvé

Un contexte institutionnel et artistique favorable

Section II. L’esthétique des Bouffes du Nord

C. Un théâtre de musiciens

IV. Un contexte institutionnel et artistique favorable

Si, en 1970, Peter Brook présente le marché parisien comme étant plus propice au développement de ses nouvelles orientations en matière d’activité théâtrale, c’est qu’à cette époque, le marché français est en plein essor et en pleine restructuration. La mise en

169

Pour la saison 2003-2004, 3 tarifs s’appliquent à la catégorie « théâtre » en fonction du type de place (24,50!, 18,50! et 14!). Des réductions existent pour les mâtinées et groupes à partir de 10 personnes (17!, 12!, 8!). Chaque spectacle de la catégorie chanson a un tarif spécifique : 24,50! ; 20!, 18,50! et 12!. 2 tarifs étaient appliqués à l’opéra de chambre : 24,50! et 18,50!. Les concerts disposaient de 2 tarifs : 18,50! et 12!. Les jeunes âgés de moins de 25 ans, les titulaires de la carte vermeil, les chômeurs et les groupes de plus de 10 personnes pouvant bénéficier de tarifs réduits pour certains spectacles de la catégorie chanson, les spectacles d’opéra de chambre et les concerts.

perspective du travail de Peter Brook et de Micheline Rozan puis, de Stéphane Lissner avec l’environnement institutionnel et artistique mais aussi avec un état du public de théâtre de l’époque, permet de mesurer l’adéquation de cette innovation théâtrale au marché de l’époque. En 1970 et depuis 1959, les modes d’intervention de l’Etat mais aussi le volume des aides ont changé car le théâtre est devenu l’axe central de la politique culturelle de l’Etat170. Par ailleurs, dans le domaine proprement artistique, le travail théâtral a connu de profonds changements. R. Abirached écrit ainsi que « au sortir de 1968, il n’est question que de recherche, dans les formes, dans les méthodes, dans les modes de production ; voici donc, tour à tour ou simultanément, le recours à l’improvisation, le triomphe de l’expression corporelle, la création collective, les interrogations et les travaux sur l’acteur, les expériences scénographiques»171. À la fin des années 1990, Les conditions de soutien des pouvoirs publics à la création artistique ont changé. Philippe Urfalino parle d’une « dissolution de la politique culturelle », politique définie depuis Malraux, contre les « effets supposés désocialisants de la consommation de masse ». Dès lors, les notions de culture, l’éducation, de divertissement, de tradition et de modernité qui étayaient les finalités du ministère de la Culture sont brouillées.172 Par ailleurs, confrontés à une augmentation toujours plus forte d’aide financière sur les projets artistiques, les pouvoirs publics (État et collectivités territoriales et locales) est amené à trouver de nouvelles solutions de soutien à l’activité artistique.

En 1970, en France, le théâtre a été affecté par les évènements de mai 68. Après s’être fait l’écho de l’esprit contestataire de la rue173, la scène se trouve un temps déstabilisée par celle-ci. L’Odéon est occupé et Jean-Louis Barrault démis de ses fonctions de directeur, le festival d’Avignon et J. Vilar174 sont remis en question. Réunis au Théâtre de la Cité de Villeurbanne,

170

Lors de la discussion du budget 1960 à l’Assemblée nationale et au Sénat, André Malraux affirme que la « question du théâtre… est la plus urgente ». Cela se traduit par la relance du processus de décentralisation dramatique, l’augmentation des budgets des théâtres nationaux, la création de troupes permanentes dotées d’une subvention annuelle de fonctionnement, l’aide au théâtre privé à travers la création du Fonds de soutien du théâtre privé. In BRAJOT, Guy, « La politique théâtrale de l’Etat de 1959 à 1968 », La décentralisation

théâtrale, Les années Malraux, ABIRACHED, R., dir., Cahier de l’Anrat, éd. Actes Sud Papier, avril 1992, p. 65 à 77.

171

ABIRACHED, R., « Paysage d’après tempête », La décentralisation théâtrale, 2.Les années Malraux

(1959-1968), Cahier de l’Anrat N° 6, Actes Sud Papiers, Arles janvier 1993, p. 16.

172

In URFALINO, P., L’invention de la politique culturelle, Hachette Littératures, Paris, 2004, 427 p.

173

On retiendra certains spectacles clefs mais très peu représentatifs comme la première création collective du Théâtre de l’Aquarium, fondé par la troupe des Ecoles normales supérieures, intitulée L’Héritier ou les étudiants

pipés, qui s’inspire de l’ouvrage de Bourdieu et Passeron Les Héritiers ou Le Bread and Puppet Theatre qui propose des sketches de rue sur la guerre du Viêt-nam.

174

Jean Vilar dirige le Festival d’Avignon depuis 1947. Depuis qu’il a quitté le T.N.P., en 1963, il a pourtant transformé le festival en faisant appel à de nouveaux metteurs en scène (Planchon, Lavelli, Bourseiller), en introduisant la danse et en adjoignant à la cour des Papes un nouveau lieu de représentation également propice à la recherche, le cloître des Carmes.

les directeurs des théâtres populaires et des Maisons de la culture procèdent à leur autocritique et réclament une radicalisation de l’idéologie du théâtre populaire. Ces derniers revendiquent ainsi un théâtre qui par son ancrage dans le contexte social et politique lui permettrait d’accéder à un autre public, jusque-là hors d’atteinte. Cela donne lieu, par exemple, à des représentations dans les usines occupées. De ces expériences naissent une multitude de nouvelles compagnies motivées par la création collective et qui brouillent la frontière entre professionnels et amateurs. Les acteurs du monde du théâtre ont pris conscience des limites de l’action théâtrale sur la société et ont découvert la nécessité de repenser leur art. Loin de conduire à un repli sur soi du monde du théâtre français, ceci conduit, au contraire en 1970 et dans les années qui suivent, à un regain prolifique d’énergie créatrice. Le paysage théâtral est ainsi dominé par une forte croissance quantitative des lieux et groupes de théâtre et une multiplication des approches variées. Le nombre de compagnies est en constante augmentation175 et le travail mené par de nombreux metteurs en scène et leurs compagnies subventionnées donnent de la France l’image d’un pays soutenant la recherche et l’expérimentation théâtrales. Dans ces démarches, tout est revisité : le texte (l’heure est aux auteurs contemporains mais aussi aux auteurs étrangers qui prévalent largement sur la scène française, avec une prédominance pour les auteurs allemands et russes), l’acteur (son travail et son rôle dans l’espace théâtral) le public (principalement à travers les revendications populaires et le rapport que le comédien entretien avec lui), le lieu (le théâtre sort des salles spécifiquement conçues à cet effet et s’approprie de nouveaux espaces).

Certains metteurs en scène veulent rendre le rapport au public plus intime et plus chaleureux à travers une nouvelle esthétique de la représentation. Le spectacle d’Ariane Mnouchkine176

1789 commence par l’accueil particulier des acteurs de la troupe du Soleil. Ceux-ci convient

le public à boire et à manger avant de lui raconter les évènements puis de le faire participer à la prise de la Bastille comme s’il s’agissait de « sa » fête. À l’utopie révolutionnaire se substitut l’utopie communautaire. L’objectif étant que, comme le dit G. Banu, «acteurs et

175

Dans un article consacré à cette période, B. Dort, indique que l’on passe de 8O dépôts de demandes de subvention auprès du ministère, en 1971, à 760, en 1983. Si ces chiffres ne représentent pas le nombre réel de compagnie existant dans cette période, en raison d’une quantité très importante de compagnies ne pouvant prétendre à une subvention, ils permettent, néanmoins d’évaluer leur augmentation. In DORT, B., « L’âge de la représentation », Le Théâtre en France, Encyclopédies d’aujourd’hui, La Pochothèque, Armand Colin, Paris, 1992, p 1009.

176 Mnouchkine, Ariane (Boulogne-sur-Seine, 1939) : Metteur en scène français, animatrice depuis sa création du Théâtre du Soleil. A l’origine de cette troupe se trouve l’Association des étudiants de Paris, fondée en 1959 par Ariane Mnouchkine et Martine Franck. En 1964, a lieu le premier spectacle Les Petits-Bourgeois de Gorki qui sera suivi en 1967 de La Cuisine de Wesker, du Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, en 1968 et des Clowns, en 1969. La troupe se caractérise par un travail qui dépasse le seul spectacle. Elle est dirigée par un metteur en scène qui se veut animatrice.

spectateurs se nourrissent des mêmes valeurs qui se rattachent au modèle d’une action, théâtrale et politique, collective ». Cette idée de fête partagée donne également naissance, à partir de 1968, aux spectacles du Grand Magic Circus de Jérôme Savary177 qui lui choisit la farce et le grotesque de la fête foraine pour intégrer un public qui chante, danse et mange avec les comédiens. Dans cette période d’explorations multiples et polymorphes de la pratique théâtrale, Antoine Vitez178 innove au Conservatoire national d’art dramatique depuis 1968 avec une pédagogie personnelle sur le travail du comédien. Des textes de toutes natures y servent de base à des improvisations et des variations sur les postures et la voix qui visent à permettre au comédien de trouver, à travers un engagement physique, une « joie de vivre » sur la scène et de jouer de son art de l’estrangement (ainsi traduit-il le Verfremdungseffekt de Brecht). Il met également cette approche en pratique dans ses mises en scène de textes d’auteurs russes puis, allemands (Les Bains de Maïakowski en 1967, Le Dragon d’E. Schwartz en 1968, La Mouette d’A. Tchekhov en 1970, Le Précepteur de Lenz en 1970,

Faust de Goethe en 1972, Mère Courage de Brecht en 1973). Il s’intéresse ensuite au

répertoire français contemporain et classique et de revendiquer le statut de code formel de l’alexandrin contre l’actualisation du langage classique. En militant communiste engagé, il défend un « théâtre élitaire pour tous » constamment inventif et festif.

Pour d’autres metteurs en scène, c’est le théâtre lui-même, en tant qu’instrument, qui doit faire l’objet d’une réflexion critique. On assiste alors à des tentatives de mise en abyme du texte et de la représentation théâtrale. L’art du théâtre est au centre des préoccupations de Bernard Sobel et de Jean-Pierre Vincent179 qui, pour mener leur réflexion, ont alors

177

Savary, Jérôme (Buenos Aires, 1942) : acteur, auteur dramatique et metteur en scène français. Après avoir suivit des cours aux Arts décoratifs de Paris et fréquenté les milieux du Jazz lors d’un séjour à New York, Savary fonde sa compagnie le Panique Circus en 1965. Tout d’abord à la recherche d’un théâtre populaire militant, , Jérôme Savary et son Grand Magic Circus aborde des mythes et des stéréotypes dans des spectacles mêlant tous les arts et où l’ironie sert la contestation politique (Zartan, frère mal-aimé de Tarzan, en 1970, Robinson Crusoë, en 1972, Cendrillon et la lutte des classes, en 1973, De Moïse à Mao, en 1974.

178

Vitez, Antoine (Paris 1930- 1990) : Metteur en scène et traducteur français. Alors qu’il est secrétaire de Louis Aragon, Antoine Vitez suit des cours de théâtre avec Tania Balachova. Il collabore à la revue du TNP intitulée

Bref, puis à Théâtre populaire. Il débute comme metteur en scène en 1966 avec Electre de Sophocle. Traducteur de russe et de grec, il cultive un rapport particulier à la langue des textes dramatiques. Il dirige le théâtre des Quartiers d’Ivry (1972-1981) avant d’être nommé directeur du Palais national de Chaillot.

179

Vincent, Jean-Pierre (Paris, 1942) : Acteur et metteur en scène français. Après avoir débuté aux côtés de Chéreau dans la direction du groupe théâtral du Lycée Louis-le-Grand, il continue sa collaboration avec ce-dernier en co-dirigeant le théâtre de Sartrouville. Auprès de Jean Jourdheuil, il devient dramaturge et fonde avec lui le Théâtre de l’Espérance. Il connaît la notoriété grâce à La noce chez les petits-bourgeois de Brecht, en 1968,

La Cagnotte de Labiche, Capitaine Schelle, Capitaine Eçço de Rezvani, en 1971, Dans la jungle des villes de Brecht, en 1972, Woyzeck, de Büchner, Don Juan et Faust de Ch. Dietrich Grabbe, en 1973. Durant l’année 1974, Jean-Pierre Vincent collabore avec Peter Brook à la mise en scène de I. En 1975, Jean-Pierre Vincent devient directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS) où il continue de développer le statut de dramaturge. En faisant ressortir les systèmes de représentation qui sont à l’origine des oeuvres, il revendique une critique de l’évidence théâtrale, la remise en question de tout ce qui pouvait sembler naturel pour le public et les artistes.

principalement recours aux auteurs allemands classiques ou contemporains. En 1970, avec son spectacle Homme pour homme, l’Ensemble théâtral de Gennevilliers (ETG), fondé en 1963 par Bernard Sobel, devient professionnel et permet à son directeur metteur en scène d’explorer la distanciation brechtienne et de continuer ses investigations sur la manière dont l’homme se représente dans l’histoire. Jean-Pierre Vincent, quant à lui, a monté, en 1968

La noce chez les petits-bourgeois de Brecht, qui sert de manifeste à son approche théâtrale.

Son condisciple, Patrice Chéreau180, est lui plus critique à l’égard d’un théâtre « service public » et il revendique un théâtre « art ». Toujours dans une remise en question de l’art du théâtre, certains adoptent toutefois une autre démarche car ils renient également le théâtre historique dominant ainsi que la prétention à un théâtre populaire. Ils explorent ainsi un théâtre « minimal » 181.

Enfin, la notion même de lieu théâtral est revisitée. Avec le développement des troupes liée à la décentralisation théâtrale, les lieux d’implantation des nouveaux théâtres ont également changé. Pour l’implantation des centres dramatiques, ce ne sont plus seulement les grandes villes qui sont choisies mais des villes de plus petite taille ainsi que la périphérie des grandes villes (Bourges, Longwy, Villeurbanne, Ménilmontant). Au-delà d’un développement qui ressortit à une planification nationale, les nombreuses compagnies théâtrales qui voient le jour choisissent également de s’installer dans des municipalités qui font le choix de soutenir le

180 Chéreau , Patrice (Lézigné, 1944) : Metteur en scène français. Au sein du groupe théâtral Louis-le-Grand, il passe progressivement de la traduction à la pratique scénique (régie, interprétation, mise en scène). Le groupe accède rapidement à la notoriété, et Chéreau s’impose, en 1966, avec L’affaire de la rue de Lourcine, de Labiche. Directeur du Théâtre de Sartrouville de 1966 à 1969, il effectue une brève saison auprès de Paolo Grassi au Piccolo Teatro de Milan, avant de prendre la codirection du TNP de Villeurbanne en 1970 avec Roger Planchon et Robert Gilbert où il met en place une équipe artistique. Bien qu’il adopte certains éléments de la démarche brechtienne, P. Chéreau ne cesse d’interroger le statut de la représentation, d’exalter la magie de la théâtralité tout en récusant ses artifices (L’Italienne à Alger de Rossini en 1969, Richard II, de Shakespeare, en 1970, La Dispute de Marivaux en 1973). Parallèlement à ses mises en scène de théâtre, il développe une approche globale de l’opéra : Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach (1974), Le Ring de Wagner (1976), Lulu d’Alban Berg (1979).

181

Pour Jacques Lassalle, c’est l’univers du « peu » qui repose sur l’acteur « nu » devant le spectateur. Pour Claude Régy, c’est l’exploration de la tension sous-jacente du texte dramatique. Rejetant l’idée que les comédiens « incarnent » un personnage, C. Régy ne travaille qu’à faire ressortir la tension intérieure du texte en supprimant tout dispositif visible de mise en scène et en transformant la scène en un « espace mental » qui ne serait plus que « le chemin de l’écriture » où les spectateurs feraient leur spectacle. Tout en ayant introduit en France de nombreux auteurs anglo-saxons, dans les années 60 (Osborne, Pinter, Saunders, Stoppard, Wesker), et allemands, dans les années 70 (comme Peter Handke, La chevauchée sur le lac de Constance, 1973), il collabore avec des dramaturges français tels que Marguerite Duras (Les viaducs de la Seine, 1960, L’amante anglaise, 1969), Nathalie Sarraute (Isma, 1972, C’est beau, 1975). Lassalle, Jacques (Clermont-Ferrand, 1936) : Auteur dramatique et metteur en scène français. Il fonde en 1967, le Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine où il revisite des classiques peu connus et révèle des auteurs français et étrangers contemporains. Entre 1969 et 1971, il enseigne à l’Institut d’études théâtrales de l’université de Paris III tout en étant un dramaturge prolifique. Régy, Claude (Nîmes, 1923) : Metteur en scène français. Claude Régy n’a jamais cherché à créer sa propre compagnie théâtrale ou à diriger un théâtre. L’ensemble de son travail porte sur des textes d’auteurs contemporains auprès de qui il cherche une collaboration afin de replacer le texte au centre de la pièce et de rendre invisible le travail du metteur en scène.

théâtre sans avoir nécessairement au préalable de salle de théâtre. On assiste ainsi non pas à une modification de la structure sociale du public182 mais plutôt à un nouveau découpage géographique qui prétend conquérir un nouveau public (celui des banlieues et de la province) grâce à une proximité accrue des salles de spectacles. Les nouveaux théâtres recrutant la moitié de leurs spectateurs parmi un public de quartier. En 1965, Gabriel Garran s’est ainsi installé dans un gymnase à Aubervilliers aménagé en Théâtre de la Commune. Guy Rétoré occupe un ancien cinéma qui est devenu le Théâtre de l’Est parisien (T.E.P.). Outre ce mouvement d’éloignement du centre de Paris, vers la banlieue et la province, on observe depuis la fin des années 60, un mouvement hors des salles traditionnelles de théâtre. En 1968, J-L Barrault s’était installé dans une ancienne salle de boxe, l’Elysée-Montmartre. La même année, Jean Vilar aménage le cloître des Carmes, en Avignon, avec une structure mobile légère et épurée afin d’offrir un lieu modulable aux expérimentations théâtrales. En 1970, le Théâtre du Soleil, après avoir occupé le Cirque Médrano, s’installe à la Cartoucherie de Vincennes dans un bâtiment aux structures métalliques apparentes utilisé comme un espace modulable sans coulisses, où le public peut se mouvoir entre les gradins et la scène et avoir ainsi le sentiment d’être dans le spectacle.

La spécificité française à l’époque réside alors dans un soutien des pouvoirs publics à la multiplication de ces expériences qui aboutit à une institutionnalisation de la recherche théâtrale liée à un travail de création devant spectateurs. Depuis 1960, l’Etat consent un effort budgétaire considérable en direction du théâtre. Le budget d’intervention passe ainsi de 152 449, 02 ! (1 000 000 FRF), en 1959 à 1 705 142, 3 ! (11 185 000 FRF), en 1968. Par ailleurs, la nouvelle direction du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle diversifie les sources de financement public. À travers les chartes culturelles, elle sollicite l’aide financière des villes dans les subventions de fonctionnement des centres dramatiques (9 centres dramatiques nationaux, 5 créés en 1947, un en 1961 et trois en 1968)183 ainsi que des troupes permanentes et des maisons de la culture (de nombreux metteurs en scène, entrepreneurs de spectacles en devenant directeurs de maisons de la culture disposent ainsi d’un outil de travail) mais aussi une aide matérielle à travers le prêt de lieux de travail et de représentation184. Le Directeur du Théâtre et des Maisons de la Culture de 1970 à 1979, plus particulièrement chargé des

182

Comme au T.N.P. dans les années 50, la proportion d’ouvriers reste faible, même si elle lui est supérieure. En moyenne 6%.

183

Centre dramatique de l’Est, Comédie de Saint-Etienne, Grenier de Toulouse, Comédie de l’Ouest, Comédie de Provence, Centre dramatique du Nord,

184

« jeunes compagnies », Guy Brajot, souligne les spécificités de la politique théâtrale de l’État mise en œuvre à l’époque. Les centres dramatiques, la question de la décentralisation théâtrale185 et celle de la réforme du Fonds de soutien au théâtre privé sont au cœur de la réflexion menée par le Ministère de la Culture. Pour des raisons structurelles (le ministère ne dispose que d’une seule ligne budgétaire consacrée à l’ensemble du théâtre) et conjoncturelles (l’augmentation des crédits du théâtre entre 1970 et 1981), les actions menées dans ces trois domaines ont des retombées directes et indirectes sur le devenir du Théâtre des Bouffes du Nord car elles créent un environnement favorable à la constitution de troupes théâtrales innovantes et au développement de la création théâtrale en assurant des sources de financement multiples. Ainsi, « en responsabilisant davantage la profession, diversifiant ses interventions et en impliquant davantage la Ville de Paris »186 à travers sa Caisse des dépôts, l’emprunt pour l’équipement des théâtres privés connaît un renouveau. Mais surtout, à partir de 1970, le soutien de l’Etat à la création théâtrale prend des formes nouvelles. Aux crédits traditionnels et subventions de fonctionnement allouées s’ajoutent un organisme totalement novateur, le Fonds d’intervention culturelle (FIC). Son objectif est de « favoriser les actions incitatives impliquant plusieurs ministères à la fois »187 afin de préparer une politique