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Peter Brook, la spiritualité et le statut

Section III. Les enjeux secondaires des cadres de l’organisation

I. Peter Brook, la spiritualité et le statut

La vie de Peter Brook ne se résume pas à sa carrière de metteur en scène. Parallèlement à une vie publique faite de notoriété, sa vie privée est tout d’abord, marquée par sa rencontre avec une jeune comédienne britannique d’origine russe, Ludmila Riga, qu’il épouse vers la fin des années 50. Son parcours s’inscrit également sous le sceau d’une recherche de développement spirituel qui le conduit à prendre part à un groupe de travail se revendiquant des enseignements de G. I. Gurdjieff205. Sa première approche d’un travail ésotérique se fait

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D’après BECKER, H., S., « Notes on the Concept of Commitment », op. cit., pp. 32-40.

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Georges Ivanovitch Gurdjieff (1877-1949). Né à Alexandropol en Russie, il reçoit une éducation religieuse arménienne avant de se lancer dans de grands voyages vers l’Asie Centrale et le Moyen-Orient. De retour en Russie, il fonde à Tbilissi l’Institut pour le Développement Harmonieux de l’Homme dans le but de faire partager la pensée spirituelle qu’il a développée. En 1922, il transfère l’Institut en France, au Prieuré d’Avon à Fontainebleau où il résidera jusqu’à sa mort. La transmission de la pensée de Gurdjieff se fait au travers de groupes animés par des disciples.historiques (ceux qui ont personnellement suivi l’enseignement du maître) et repose sur une relation très étroite entre un professeur et ses élèves. Les disciples qui accèdent au statut de professeur sont chargés de créer un groupe dans un pays différent de leur pays d’origine. À la mort de

à Londres, dans les années 1950-60, auprès d’une Américaine nommée Jane Heap, disciple direct de Gurdjieff. Jusqu’en 1964, celle-ci sera le « professeur » « aimable mais sans indulgence » de Peter Brook dans son long cheminement initiatique sur la « Quatrième Voie »206. Cela signifie pour lui être honoré d’avoir été choisi comme « élève », écouter et apprendre de son « professeur », refaire lentement le chemin de ceux qui ont contribué à enrichir une « tradition nourrie par des siècles de révélations et de formulations durement acquises »207. Le metteur en scène est alors le jeune prodige de la scène théâtrale et lyrique britannique. Il a connu d’innombrables succès au sein des plus grandes institutions artistiques de l’époque. Il est alors confronté au sentiment d’être engagé dans une course vaine vers la notoriété et cherche à donner un sens à son existence. Au début de son initiation, Peter Brook est résolu à ne pas mélanger un travail de quête spirituelle pour lequel il pense ne pas être suffisamment avancé208 et son activité théâtrale. Le metteur en scène poursuivant, toutefois,

Gurdjieff, la quasi totalité des différents disciples historiques se sont regroupés au sein d’une organisation à dimension mondiale, la Fondation Gurdjieff créée par Mme de Salzmann, élève de Gurdjieff. Dès son origine, la Fondation s’est voulue secrète et non prosélyte. Au niveau des pays, elle est représentée par des « Instituts » qui chapeautent des « groupes d’élèves » dirigés par des professeurs, mais aussi des « centres ». Les « aspirants » accèdent aux groupes Gurdjieff parce qu’ils expriment le souhait de procéder à une « recherche personnelle ». Ils ont souvent été introduits aux idées du maître spirituel par le biais de la lecture d’un de ses ouvrages (Récits de

Belzébuth à son petit-fils et son autobiographie Rencontre avec des hommes remarquables) ou l’ouvrage de P.D. Ouspensky Fragments d’un enseignement inconnu. Les « aspirants » font tout d’abord l’objet d’une observation destinée à les classer en fonction de la typologie humaine en 9 types élaborée par Gurdjieff selon sa théorie de l’ennéagramme (étoile à 9 branches originaire de l’Afghanistan préchrétien et conservée par tradition orale dans le Soufisme musulman, elle est utilisée comme symbole du perfectionnement de soi et « propose une vision explicative globale de tous les processus à l’œuvre dans le cosmos »). Les aspirants assistent, ensuite, à trois réunions formelles avant d’être éventuellement admis. Une fois accepté dans le groupe, l’élève ou « pratiquant » à l’obligation de se soumettre à un « instructeur » et de s’adonner au « Travail » (exercices « exotériques », « mésotériques », puis « ésotériques »). D’après des informations recueillies sur le site officiel de la Fondation

http://www.gudjieff.org, du site de l’Institut pour le Développement Harmonieux de l’Homme

http://institut.gurdjieff.free.fr ainsi que sur le site d’un organisme de surveillance des activités sectaires

http://www.prevensectes.com/gurj19.htm (les termes placés entre guillemets, correspondent au vocabulaire en usage dans l’organisation).

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Selon la doctrine gurdjieffienne, la « Quatrième Voie » est l’état de « conscience objective », à savoir une totale réforme de la pensée qui doit permettre à l’ « initié » de sortir de son état de « machine » et de devenir un « homme », capable « d’entrer en contact avec le monde réel, objectif dont il est séparé par les sens, les rêves et ses états subjectifs de conscience » et dont l’âme sera immortelle. Gurdjieff a ainsi élaboré une « pédagogie » destinée à permettre aux « chercheurs de vérité » d’atteindre la « conscience objective ». Cela passe par la destruction des « vieux schémas » issus de l’éducation et de l’ « imagination », puis par l’élévation du niveau de conscience de l’élève jusqu’à « l’illumination » (la doctrine établit 7 niveaux de conscience, le plus élevé étant le niveau 7 à savoir, celui des personnes directement en contact avec les « forces supérieures »). La « Quatrième Voie » n’est accessible que par le biais des exercices faits sous la conduite d’un « professeur » ayant atteint le niveau supérieur de « conscience objective », c’est-à-dire, un homme ayant établi l’harmonie entre les « 3 centres » (émotionnel, intellectuel, moteur). Ces exercices viennent s’ajouter au « Travail » effectué quotidiennement. Ce dernier est une « observation de soi » devant conduire à la suppression des émotions « négatives ». Sources : Idem

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Phrases extraites de son récit autobiographique. BROOK, P., points de suspension, op. cit.

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Dans un chapitre de ses mémoires, intitulé « influences néfastes » Jean-François Revel, qui a fréquenté un temps Gurdjieff entre 1946 et 1947, décrit le déroulement des séances chez le maître spirituel. Il souligne l’usage constant par les disciples de l’expression « être avancé dans le travail » pour exprimer le cheminement dans la quête spirituelle. Les participants sont des personnes occupant des postes influents et souvent célèbres ainsi que

son travail de recherche spirituelle tout au long de sa carrière professionnelle, celle-ci se trouve imprégnée de ce cheminement métaphysique. Au fur et à mesure de son évolution, son apprentissage spirituel passe par un voyage initiatique vers l’Asie centrale aux sources de la longue tradition ésotérique qu’il tente de redécouvrir par lui-même, guidé par son « professeur ». En 1961, il part en Afghanistan, accompagné de sa femme et d’un couple d’amis, tous quatre élèves d’un groupe Gurdjieff. Il cherche depuis quelque temps à trouver comment réconcilier sa quête intime et son activité théâtrale. Ce voyage, étape cruciale dans le développement des disciples sur la voie de « l’illumination »209, est aussi le moyen de satisfaire cette interrogation. La réponse, il ne la trouvera qu’en 1964 auprès de Mme de Salzmann. Cette année-là, le décès de Jane Heap, son « professeur », les conduit, lui et sa femme, à se rendre régulièrement à Paris pour y suivre les enseignements de l’héritière directe de Gurdjieff et « prendre un nouveau tournant »210. Ainsi, la même année (1964), lorsque Peter Hall211 le sollicite pour co-diriger la Royal Shakespeare Company à Stratford, alors même que celle-ci devient le fer de lance de l’expérimentation théâtrale, Peter Brook accepte moyennant la possibilité de créer une unité de recherche indépendante qui lui permette de

des personnes de moindre condition. Parce qu’ils connaissent déjà les lignes générales de l’enseignement, on dit d’eux « qu’ils sont dans l’enseignement ». L’auteur qui regrette son engagement « dégradant » dans ce « groupe » dresse un portrait sans complaisance de Gurdjieff et de Mme de Salzmann, « son directeur de cabinet, fondé de pouvoir, sergent recruteur, interprète, intendante des finances et exégète consolatrice des apôtres déçus ». Selon J.F. Revel, le maître vit en seigneur des contributions mensuelles de ses élèves proportionnelles à leurs revenus. L’ascension au sein du groupe dépend moins des progrès dans « le Travail » que des sommes versées en plus et du droit de cuissage exercé par Gurdjieff sur les femmes. REVEL, J., F., Mémoires, le voleur

dans la maison vide, Plon, Paris, cité dans http://www.prevensectes.com/gurj19.htm

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Les informations recueillies depuis 10 ans sur les groupes Gurdjieff et publiées par un organisme d’observation des groupes sectaires soulignent que ce genre de voyage est devenu un passage obligé pour les « élèves » qui sont prêts à devenir eux-mêmes « professeurs ». Selon cette étude, l’ensemble de l’organisation se subdiviserait (les observateurs ne disposent pas d’informations suffisantes) en 4 niveaux de hiérarchie correspondant chacun à un niveau de « conscience objective ». Le premier niveau est constitué des « candidats », c’est-à-dire, des élèves et chefs de groupe (niveau 1 à 3 de « conscience objective » cf. note 178 p. 92). Le deuxième niveau est celui des « professeurs », constitué des administrateurs de plusieurs groupes. Seuls des hommes ayant atteint le niveau 4 ou 5 de « conscience objective » ou « illumination » peuvent assurer ces fonctions. Le troisième niveau, celui des « anciens », des guides ou conseillers, rarement visibles, se compose des hommes de niveau 6. Le niveau 7, les « initiés », est réservé aux rares personnes en contact direct avec « les forces supérieures ». Selon un ancien disciple de Gurdjieff « seules les deux premières catégories seront représentées dans un centre, et à mesure que celui-ci grandira les anciens et initiés apparaîtront ». In

http://www.prevensectes.com/girdj6.htm

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ces termes sont ceux de Peter Brook. Bien que dans ses mémoires, il ne révèle pas la teneur concrète de la réponse apportée par Mme de Salzmann à ses interrogations persistantes sur le moyen de mettre un terme à la division entre sa recherche intime et son travail de metteur en scène, les changements opérés dans son travail sont la traduction en actes de la réponse tenue secrète au profane.

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« L’objectif de Hall, dès le départ fut double. Convaincu que le théâtre élisabéthain – les œuvres de Shakespeare en particulier – offrait une richesse dramatique inégalée dans le monde entier, il était résolu à trouver le moyen de faire goûter au public cette richesse, de la manière la pus directe. Par ailleurs, il voulait organiser des saisons expérimentales de pièces modernes qui remettaient en question les styles traditionnels de mise en scène, d’interprétation et d’écriture en s’efforçant de retrouver la puissance expressive du théâtre élisabéthain. » In SALEM, D., « La Royal Shakespeare Company », La révolution théâtrale actuelle en

former un groupe et de donner une forme concrète à des idées radicales sans avoir à se préoccuper de « couvrir les dépenses »212. Charles Marowitz, le rédacteur en chef d’un magazine de théâtre intitulé Encore, le rejoint dans cette expérience. Tous deux créent le

Royal Shakespeare Experimental Group au Lamda Theatre à Londres sous le nom de Théâtre de la Cruauté213, financé par la Royal Shakespeare Company , où ils commencent à remettre en question les conventions du travail théâtral. Ils débutent par sortir du carcan du temps limité attribué d’ordinaire aux répétitions. Sur la base de pièces dont la dimension poétique214 et particulière est constante, il met en pratique certains principes gurdjieffiens de développement harmonieux de l’homme215. Ainsi, il cherche à faire percevoir aux acteurs le mouvement constant entre « les aspects les plus secrets de la vie et les aspects les plus superficiels », à les amener à ne jamais se satisfaire d’un point de vue, à explorer la violence, la torture et la folie, à développer un jeu impersonnel au travers d’une forme de transe « qui libère la part d’irrationnel en l’acteur » mais qui prends corps dans une « forme fixe »216. À la motivation professionnelle que constitue l’assurance de pouvoir mener à bien des recherches dans le domaine du théâtre s’ajoute la volonté de poursuivre le travail de développement personnel entamé au Royaume Uni qui, avec le décès du « professeur » Jane Heap, s’effectue en France auprès de Mme de Salzmann217. Le choix de se fixer

212 BROOK, P., The Shifting Point, 40 years of theatrical exploration, op. cit. p. 57.

Il convient de mentionner que dès 1959, Peter Brook, dans un réquisitoire publié dans la revue Encore réclamait un théâtre qui serait totalement indépendant des recettes, de la presse, du public grâce à « une subvention totale » lui permettant de faire des expériences comme le faisaient le Theatre Workshop, le TNP et le Berliner Ensemble. In SALEM, D. op. cit., p. 95-97.

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Peter Brook et Charles Marowitz (qui avait collaboré à l’élaboration d’un drame de Shakespeare à Stratford pour la Royal Shakespeare Company) choisissent ce nom en hommage à Antonin Artaud. Ils ont pour objectif de « trouver un langage théâtral aussi flexible et pénétrant que celui des élisabéthains ». De ce travail de recherche et d’expérimentation naissent quatre pièces, The Screens, Marat-Sade, US et Oedipus Rex.

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Pour Aristote, « la poésie est plus philosophique et d’un caractère plus élevé que l’histoire : car la poésie raconte plutôt le général, l’histoire le particulier. » In ARISTOTE, Poétique, Gallimard, Paris, 1990, p. 94.

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La doctrine, dont nous avons vu qu’elle vise à l’accès à un « état supérieur de conscience », cherche à établir un homme en harmonie avec le « Tout » (l’univers) au moyen par la redécouverte progressive et personnelle de la « Tradition » (au sens d’un ensemble de doctrines et de pratiques morales et religieuses, transmises de génération en génération) constituée de références à un ensemble de connaissances spirituelles ( les traditions chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste, soufie) dont la source est métaphysique et universelle. L’influence de la vision taoiste de l’harmonie universelle se retrouve dans la cosmologie gurdjeffienne. L’univers y est un « Tout » en perpétuelle évolution et constitué de divers éléments mais organisé selon des lois déterminantes qui ne peuvent fonctionner que quand il y a échange d’énergie entre ces éléments. Un des principes fondamentaux de cette doctrine est que, à la différence des autres êtres vivants, l’homme est doté de trois « centres » , un centre émotionnel, un centre intellectuel et un centre instinctif. L’harmonie provient de l’équilibre entre ces trois centres. Celle-ci peut être acquise par un ensemble d’exercices destinés à stimuler certains « centres » afin de contrebalancer la suractivité des autres. Dans ce travail de recherche ésotérique de l’harmonie, l’étude de grands textes sacrés, la musique et la danse sont mises à contribution (« musique et danses sacrées »).

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In BROOK, P., Points de suspension, op. cit.

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Jeanne de Salzmann (1889-1990) est un des disciples historiques de G.I. Gurdjieff. Professeur de danse et de musique, elle a veillé en particulier à la transmission des « mouvements » ou « danses sacrées » mis au point

définitivement à Paris répond à un double objectif. D’une part, celui pour Peter Brook et sa femme «de passer le plus de temps possible à Paris en la présence lumineuse de Mme de Salzmann et d’un ensemble de personnes remarquables qui exploraient le matériau riche et complexe laissé derrière lui par Gurdjieff »218 et de continuer ainsi leur recherche spirituelle auprès du disciple historique qui assume la succession du maître fondateur. D’autre part, celui de bénéficier des conditions favorables à l’expérimentation théâtrale qui existent en France à cette époque. Après une vingtaine d’années de travail selon l’enseignement de Gurdjieff, il est probable que Peter Brook ait atteint le niveau 6 de « conscience objective » et ait donc pu envisager d’ouvrir son propre centre. Bien qu’il ne soit pas explicitement fait mention du fait que le Centre international de recherche théâtrale lui permette d’opérer la réconciliation de son travail de recherche théâtrale et de son travail de recherche spirituelle, plusieurs indices font état que le C.I.R.T., créé avec Micheline Rozan fin 1970, a eu cette double fonction. En effet, bien que Peter Brook n’ait jamais ouvertement établi de lien entre ses deux recherches, théâtrale et spirituelle, la valeur qu’il donne au lieu et l’usage attesté qu’il en est fait en-dehors des représentations219, l’utilisation de certains exercices et de mouvements, l’intérêt constant pour les textes fondateurs des grandes religions conduisent à postuler que le metteur en scène a nourri sa recherche théâtrale de sa quête spirituelle et inversement. La révélation dans sa dernière autobiographie, sortie en langue anglaise en 1998, de ce long travail de recherche spirituelle a d’ailleurs conduit un critique littéraire américain à qualifier Peter Brook de « scientifique mystique » soulignant ainsi l’interdépendance entre ces deux

par son maître spirituel. Comme nous l’avons vu plus haut, elle est la créatrice de la Fondation Gurdjieff. D’après http://www.gurdjieff.org

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Ce passage n’apparaît pas dans la version française de l’autobiographie de Peter Brook. Pour le public français, le choix de Paris reste donc seulement lié à une démarche professionnelle. Le terme « remarquable » appliqué à des personnes, signifie en termes gurdjieffiens que ces individus aient la capacité d’accepter de la même façon « le loup et l’agneau ».

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Les proportions et styles d’inspiration orientales de l’édifice mises à nu lors des travaux de rénovation éveillent la curiosité du metteur en scène. Celui-ci a été marqué par la lecture de Essai sur la proportion de Matila Gikha qui développe l’idée de lois régissant l’harmonie architecturale comme l’harmonie de l’univers. Principes qu’il a retrouvé dans l’enseignement de Gurdjieff et l’usage de l’ennéagramme (cf. note 169). P. Brook demandera, plus tard, à son directeur technique d’effectuer des recherches sur l’architecte Louis-Etienne Leménil. Sa curiosité sera encore plus forte lorsqu’il apprendra que l’architecte a séjourné à Saint-Petersbourg à la même époque que Gurdjieff. Il ne fait aucun doute que cette collusion de liens entre les origines russes de Peter Brook, les influences russes et orientales sur les Bouffes du Nord et les principes développés par G.I. Gurdjieff ont conduit le metteur en scène à redéfinir ses relations à ce lieu en termes symboliques. Le Théâtre des Bouffes du Nord devient le lieu prédestiné de cristallisation de la recherche de l’harmonie. Je mentionnerais également, l’usage courant au sein du mouvement Gurdjieff, de choisir des édifices riches du point de vue de l’architecture et de l’histoire (cf. le Prieuré d’Avon à Fontainebleau) comme lieu d’établissement des centres. L’utilisation du Théâtre des Bouffes du Nord comme lieu de réunion pour des membres du groupe Gurdjieff est d’ailleurs attesté par certains membres du personnel du théâtre qui les compare à ce qu’ils savent des réunions secrètes organisées au sein de la Franc-maçonnerie.

recherches220. L’existence de cette recherche spirituelle en parallèle à « l’attitude cohérente » développé par Peter Brook dans les activités qu’il mène au sein de son entreprise ressortit au schème du jeu dégagé par Michael Burawoy mentionné plus haut221. En effet, bien qu’elle soit tenue secrète par le metteur en scène directeur artistique et masquée par une partie du personnel informé, elle est connue de tous et autorisée. Grâce à cette recherche spirituelle Peter Brook a acquis un statut social encore plus important que celui d’artiste que lui confère son statut professionnel de metteur en scène. En effet, alors que les metteurs en scène se trouvent aujourd’hui au sommet de la hiérarchie des statuts dans le monde du théâtre, ils n’ont pas acquis le statut de « profession » au sens dégagé par Eliot Freidson222 car ils n’ont pas la légitimité des avocats, des médecins ou des prêtres. Aujourd’hui, Peter Brook se voit reconnaître cette légitimité en étant qualifié de « sage » ou de « sorcier »223.