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Q UELQUES THEMES FONDAMENTAUX DE LA PENSEE POLITIQUE DE BRETON

L’UNIVERS POLITIQUE DE STANISLAS BRETON

1. Q UELQUES THEMES FONDAMENTAUX DE LA PENSEE POLITIQUE DE BRETON

Lorsqu’on parcourt le corpus de Breton sur la question du politique161, on est frappé par la diversité des sujets abordés. Les points fondamentaux que nous retenons de son univers politique162 sont essentiellement le marxisme, le rapport entre le théologique et le politique, entre histoire et politique, la démocratie et les droits de l’hommeέCes divers points nous ouvrent à ce qui constitue son intérêt pour la question du politique. On y perçoit aussi sa sensibilité à la manière concrète dont l’humain habite le monde, aux conditions d’un meilleur habiter- ensemble, ainsi qu’à tout ce qui entrave une telle possibilitéέ Le philosophe, parce qu’il est avant tout humain, sait que l’exercice de la raison ne se dissocie guère d’une réelle sensibilité à tout ce qui arrive163.

161 Livres : Politique, religion, écriture chez Spinoza (1973) ; Théorie des idéologies (1976) ; Spinoza- Théologie

et politique (1977) ; Marxisme et critique (1979) ; Esquisses du politique (1991). Quelques articles : « Le philosophe dans la cité chrétienne », in : Nouvelles de l’Institut catholique de Paris, n°2, avril 1980 intitulé : Le

centenaire de l’Encyclique Aeterni Patris, p. 51-68 ; « Une théorie de l’action philosophique et politique μ [compte-

rendu de l’ouvrage] Jacques Poulin, L’âge pragmatique ou l’expérimentation totale », in : Critique, n°536-537 /

janvier-février 1992, p. 119-126 ; « Politique et phénoménologie », in : Revue des sciences philosophiques et théologiques, juillet 1996, p. 415-424 ; « Rencontre d’Althusser », in : Esprit, janvier 1997, p. 31-36 ; « Marx et marxisme », in : La pensée, n° 334, avril-juin 2003, p. 79-84 ; « Esclavage, Libération, Démocratie », p. 257-274 ; « Fonction de la philosophie dans la cité des hommes », p. 55-68.

Outre ces livres et les nombreux articles, il importe de souligner – comme le à juste titre FAES – que chez Breton, « la question du politique, loin d’être mineure, abordée à l’occasion ou cantonnée à un ouvrage, est abordée dans de nombreux ouvrages où son engagement est souvent manifeste » (Hubert FAES, « Mystique et politique chez Stanislas Breton », Cerisy, été 2011)

162 Hubert FAES fait remarquer que son « orientation vers le fondamental ou même vers l’au-delà de tout fondement ne l’empêche pas de s’intéresser toujours davantage à l’anthropologie et au politiqueέ Peut-être même

est-ce la radicalité de sa pensée relative au fondement ou au principe qui rend compte d’une ouverture de plus en plus marquée aux questions anthropologiques et politiques. » (in : Revue d’éthique et de théologie morale, n° 272, 2012, p. 50)

163Même si les contextes diffèrent, on ne peut s’empêcher au moment où nous faisons ces réflexions de souligner l’actualité saisissante de ces propos écrits par Breton en 1λ76 : « Les événements récents marquent peut-être, dans une revendication insurrectionnelle, le retour de l’oublié ou du refouléέ Il est difficile, certes, de le lire, dans ce qui se passe sous nos yeux, le texte clair d’une nouvelle charte du sujetέ Ce qui est certain, c’est que la protestation

généralisée, à laquelle nous assistons, fait émerger de nouveau à la lumière un je ne sais quoi, analogue à

l’opérateur nul […] qui supporte mal les chapes de plomb sous lesquelles, scientifiquement ou non, on voudrait l’écraser » (TI, p. 123).

66 1.1. Marxisme et crise des idéologies

En 1976, Breton publie dans Théorie des idéologies ce qui avait fait l’objet de cours à l’Institut Catholique de Parisέ Il y analyse la crise des idéologies, la crise des fondements, s’interrogeant sur leur validité et leurs puissancesέ Cette analyse s’inscrit dans un thème plus vaste, « celui des rapport entre Idéologie et Philosophie »164. Pour bien discerner ce « et » entre Idéologie et Politique, Breton insiste surtout sur ce qui fait l’être de l’une et de l’autreέ

Lorsqu’en 1λ78, il publie Marxisme et critique, Breton a déjà enseigné une certaine lecture du marxisme. Son intention dans cet ouvrage est alors, selon lui, de « remonter vers la source »έ C’est là d’ailleurs un des traits caractéristiques de sa pensée philosophiqueέ La remontée est signifiée dans le titre même par le terme critique. Une volonté critique qui traverse l’ouvrage dans lequel il commente à nouveaux frais la Deutsche Ideologie de Marx et Engels. Avec une telle démarche il espère se démarquer de ce qu’il appelle « la philosophie des idéologues »165. Il n’est pas non plus question d’une « économie des idéologies ». Son intérêt porte davantage sur l’origine, les conditions ou les prolégomènes, car c’est de la racine qu’il est possible d’avoir une posture critique.

En 1991, il publie Esquisses du politique. Dans cet ouvrage, il reprend bien des thèmes déjà traités. L’être humain est au cœur de ses analyses ainsi que le rapport existant ou devant exister entre l’individu et la société. Là aussi il pense l’être même du politique, essayant de comprendre dans son rapport à la philosophie. Sa pensée demeure une pensée critique, critique des doctrines et des partis.

Rappelant que « Matérialisme était pour Marx un terme essentiellement polémique, qu’il oppose à idéalisme »166, Breton situe la force du marxisme et du « matérialisme historique » dans l’engagement de Marx, à affirmer le primat de la réalité objective afin que

164 TI, p. 7. 165 MC, p. 5.

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convictions de vie ne restent pures théories. Pour lui, on ne reconnaît le vrai sens du marxisme que grâce à une lecture critique.

Le marxisme n’est pas d’abord une théorieέ Une simple dysfonction (entre forces

productrices et rapports de production) ne fait pas la révolution. Il y a une exigence éthique qui se traduit en effectivité, une prise de parti pour les pauvres, pour le prolétariat, contre

l’exploitationέ167

Cette « exigence éthique » qui doit être traduite en actes concrets, parce que cela mérite de l’être trouve chez Breton un véritable échoέ Selon lui, on a affaire, dans le marxisme, à une « éthique de de la lucidité. Car Marx se donne en même temps les moyens de prendre une certaine distance à partir de laquelle on peut commencer à y voir clair »168. La remarque de René Nouailhat sur l’approche populaire et rationnelle du marxisme par Breton169, aide à comprendre. On verra comment il rapproche le souci des pauvres prôné par le marxisme et l’appel évangélique à rencontrer, aimer et servir le divin et Dieu dans la personne d’autruiέ

Il tente un rapprochement entre marxisme et christianisme dans leur intérêt commun pour l’homme dans sa situation concrète d’esclavage ou d’exploitation, ayant besoin de libération. Mais il reconnait aussi que l’un comme l’autre ont aussi en commun un certain échec dans cette entreprise de libération de l’homme170. « Le marxisme, sans nul doute, écrit-il, eut le tort de trop séparer ‘‘droits réels’’ et ‘‘droits formels’’ »171 Le christianisme et le marxisme ont connu des périodes de vicissitudes. Mais pour Breton, ce qui importe dans une analyse du politique et de la politique, c’est de monter en quoi ces deux instances peuvent encore éveiller les humains à un meilleur être-ensemble.172 Christianisme et marxisme ont-ils encore quelque chose à dire à l’homme d’aujourd’hui ?

167 Cultures et foi, n° 61-62, été 1978, p. 26. 168 Cultures et foi, n° 61-62, été 1978, p. 26. 169 Cf. Chapitre I. 170 Cf. EP, p. 168. 171 EP, p. 37.

172 Dans Esquisses du politique, Breton écrit : « J’ai la naïveté de croire que, si lourd soit-il, leur passé n’est ni une fatalité insurmontable ni, à l’encontre des traditionnalistes, un soi-disant essentiel. Ils peuvent être encore, en dépit d’une solide défaveur, la voix qui crie dans le désertέ Or le désert ne cesse d’avancer, comme en témoignent l’atonie

68 1.2. Spinoza et le nexus théologico-politique

Quand il écrit Spinoza -Théologie et politique, Breton entend, entre autres, « préciser les conditions d’un nouvel entendement du nexus théologico-politique »173 et montrer « comment le nexus théologico-politique, en sa nouvelle version moderne, se subordonne lui- même au nexus politico-théorique. »174 Il convient de souligner d’une manière particulière l’intérêt de Breton pour le nexus175 théologico-politique, et pour la question de la liberté, notamment dans son commentaire du Traité théologico-politique de Spinoza. Selon lui, en établissant ce lien entre le théologique et le politique, Spinoza pense « une double libération : libération, à la fois, de l’instance croyante et de l’instance politique à l’égard du despotisme des idéologies d’Egliseέ Restituées à leur authenticité, la foi et la politique pourront alors nouer entre elles des rapports qui ne seront plus factices ou forcés »176.

Ainsi la fin de cette connexion entre théologique et politique ou entre religion et politique est essentiellement la liberté. Non pas seulement la liberté des instances mis en rapport, mais la liberté de l’homme qui est concerné par l’une et l’autre instanceέ

Breton montre en quoi Spinoza « intéresse les mouvements les plus divergents de la cité pensante aujourd’hui […] Toute la philosophie spinoziste, qu’elle concerne la nature ou la société est certes une pensée relationnelle, mais elle tient, jalousement, à restituer à cet ‘‘effort’’ qui nous constitue dans l’être la ‘‘part’’ imprescriptible qui interdit la réduction totale de l’individualité au seul système des rapports. »177

Commentant son Tractatus theologico-politicus, il relève la référence biblique que Spinoza, selon lui a le courage de mettre en exergue de son traité : « nous sommes sûrs d’être en Dieu si nous recevons de son Esprit ». Et il fait remarquer que lui-même a toujours été séduit

173 SPT, p. 127. 174 SPT, p. 151.

175 « Nexus, traduit faiblement par ‘‘lien’’ ou ‘‘connexion’’ est un terme latin, repris par les philosophes, qui

signifie, en référence au verbe necto, un entrelacement qui noue ensemble, en raison de leurs différences mêmes, des fils de diverses couleurs. Il se peut que les instances, apparemment les plus éloignées les unes des autres, soient aussi, en profondeur, les plus proches » (EP, p. 183, note 2).

176 STP, p. 14. 177 STP, p. 165.

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par cet « être-dans », qui est aussi capital pour Spinoza. En effet, comme on le verra tout au long de ce travail, « l’être-dans » et « l’être-vers » sont sans cesse conjuguer pour ainsi dire chez Breton comme deux modalités d’être essentielles.

Analysant chez Spinoza « la vie politique et ses fondements »178, Breton met en lumière la manière dont Spinoza « opère la distinction entre l’essence dogmatique et l’essence anthropologique ou morale de la religion ». Il montre en quoi Spinoza

« intéresse les mouvements les plus divergents de la cité pensante aujourd’hui […] Toute

la philosophie spinoziste, qu’elle concerne la nature ou la société est certes une pensée

relationnelle, mais elle tient, jalousement, à restituer à cet ‘‘effort’’ qui nous constitue dans

l’être la ‘‘part’’ imprescriptible qui interdit la réduction totale de l’individualité au seul

système des rapports. »179

Si nous insistons sur la question du théologique ou sur celle du Dieu personnel des chrétiens, c’est que dans l’approche de Breton, philosophe chrétien, marqué par la mystique de la Croix, la question du statut de Dieu dans la polis se pose nécessairement. On est aujourd’hui confronté non pas seulement à cette difficulté inhérente à l’humaine condition de dire Dieu ou le divin, mais aussi à une certaine peur de l’exprimer au nom de conventions dûment établies dans diverses sociétés.

Mais en toute société, quelle que soit son option politique pour un meilleur vivre- ensemble, peut-on être vraiment s’exonérer de cette question du statut de Dieu dans ce qui nous fait être-ensemble ? Breton ne craint donc pas à philosopher à partir de sa foi et des données théologiques. Son univers politique nous ouvre ainsi à la réflexion sur le rapport existant ou devant exister entre religion et politique.

Dans son article « Communion, Communauté, Eglise(s), Institution », il axe sa réflexion sur la question de l’institution. Selon lui « cet aspect est celui qui, le plus, à polariser l'attention, soit pour en motiver la critique, soit pour mesurer l’influence sur des mouvements ou formations historiques, fort éloignés, de soi, de ce qu’il est convenu, selon l’acception courante,

178 Cf. S Breton, Spinoza Théologie et politique, Ch 5, p. 99 ss. 179 Spinoza. Théologie et politique, p. 165.

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d’appeler religion »180. Ce qui lui paraît le plus pertinent c’est le rapport « de la religion au politique » et inversement le rapport « du politique à la religion ». Ce rapport est essentiellement fonction du sens que l’on accorde au terme politiqueέ

Dans Le verbe et la croix, Breton pose une interrogation radicale portant sur la nécessité de ce qui doit être parce qu’il mérite d’être. Breton l’appliquant à l’être du politique.

De par une sûre intelligence des liens ‘‘théologico-politiques’’, une société qui se réclame

du divin, ne peut que partager l’apodicticité de son dieuέ Elle ne saurait se contenter d’être :

elle implique nécessairement un devoir-être qui exige sa propre réalisation. La cité de Dieu, par ce qu'elle est la cité du bien au pays ainsi à une sorte d’argument ontologique μ n’est-il

pas normal que ce qui mérite d’être et pour toujours la sanction de l’effectivité ?181

1.3. De la démocratie

‘‘Athènes’’182 et ‘‘Rome’’ ont inspiré et continuent d’alimenter la réflexion sur la démocratieέ On a, dans l’histoire de la pensée, longuement disserté sur cette forme de politiqueέ Si, aujourd’hui, il est encore besoin d’en parler, c’est moins pour dire du nouveau que pour souligner précisément qu’au besoin d’en parler est étroitement lié l’ardent désir d’en voir la concrète réalisationέ Mais qu’est-ce donc que la démocratie ? Convient-il de parler de la démocratie ou des démocraties ? On devine que la réponse à des questions aussi simples peut être d’une grande complexitéέ

Partons d’une compréhension communément acceptée, et que Lalande présente de façon concise en désignant par démocratie un « État politique dans lequel la souveraineté appartient à la totalité des citoyens, sans distinction de naissance, de fortune ou de capacité. »183 Mais dans quel sens entendre une telle définition de la démocratie ? Tout d’abord, l’espace de l’être-

180 S. BRETON, « Communion, Communauté, Eglise(s), Institution ». p. 95. 181 VC, p. 85.

182 Certaines études, comme celle de BAECHLER, montrent que des formes d’organisation de la vie en société

pouvant être dites démocratiques ont existé bien avant la démocratie athénienne. Cf. Jean BAECHLER, Démocraties, Paris : Calmann-Lévy, 1985, notamment la Quatrième Partie traitant des origines de la démocratie,

pέ 42λ sqέ Mais il n’empêche que, selon FINLEY, « ce sont les grecs, somme toute, qui ont découvert non

seulement la démocratie, mais aussi la politique » : Moses FINLEY, Démocratie antique et démocratie moderne, p. 78 ; Cf. aussi, sur ce sujet, les notes de Boniface KABORÉ, L’idéal démocratique entre l’universel et le particulier. Essai de philosophie politique, Les presses de l’université Laval ή L’Harmattan, 2001, p. 26-27.

183 André LALANDE, « Démocratie », in : Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris : PUF, p.

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ensemble est déterminé : un État politique. Ensuite est désigné ce qui constitue la visée fondamentale de cet État politique : la souveraineté. Enfin il est question de ce qui lui confère véritablement le nom de démocratie μ le peuple, l’ensemble des citoyens de cet État, ce fameux demos.

Mais que recouvre l’appellation « État politique », si tant est que le concept d’État lui- même implique ipso factola notion de politique dans le sens où il est un « mode d’organisation du pouvoir politique » ? Et si, prenant le risque d’un élargissement de signification, on entendait aussi le terme état dans le sens de posture, position ou manière de se tenir, peut-être aurait-on une vision moins étroite de la politique et de la démocratie. Elle pourrait alors être entendue comme une posture inhérente à tout humain, condition sans laquelle toute prétention à une gestion commune de la chose publique est rendue difficile, voire vaineέ Ce qu’on veut signifier par là c’est que ça n’est pas seulement d’un espace physique qu’il s’agit lorsqu’il est question d’état démocratique, mais avant tout d’une disposition intérieure que chaque humain est censé pouvoir adopterέ Une telle disposition concerne chaque citoyen, quel qu’il soit μ qu’il ait eu la confiance du peuple – du moins de sa majeure partie – pour être à la tête de « l’institution des institutions », ou qu’il soit ‘‘simple citoyen’’ ayant placé ou non sa confiance en celui ou ceux qui – comme on le dit, non sans raison – président à la destinée du peuple.

Il convient toutefois de donner une approche introductive à la conception bretonienne de la démocratie et de l’homme démocrateέ Pour ce faire, on partira d’un texte inédit184 dans lequel Breton critique ce qu’il appelle l’intolérance du rationalisme des Lumières, et où, réfléchissant sur « l’état présent de la démocratie ou plutôt des démocraties », il invite à « passer de l’idée exemplaire au concept de démocratie ». Dans une telle perspective, de quel individu peut-on dire qu’il est démocrate ou d’esprit démocratique? Et qu’en est-il du « régime politique communément dénommé démocratie » ?

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Selon Breton, « L’homme démocrate ou d’esprit démocratique est celui qui réalise, au mieux de ses forces, l’utopie de la cause de soi sur le modèle de l’Absolu néoplatonicienέ Il se définit comme étant par-delà la naissance, le statut ou la condition, par-delà le hasard et les circonstances. »185 Une telle compréhension déborde le simple individu démocrate. On saisit d’emblée qu’être démocrate exige d’avoir un esprit de liberté et d’égalitéέ A cela Breton ajoutera aussi un esprit de service et une ferme volonté permettant de cultiver cet esprit toujours en devenir186έ Cela déborde l’individu, pensons-nous, car cet esprit démocratique dont il est question ne lui appartient pas ; il en est capable dans son devenir-citoyen, mais c’est dans la mesure où les autres se rendront aussi capables d’un tel esprit qui appartient à tous, qu’un véritable processus démocratique peut prendre formeέ En outre, cette manière qu’a Breton de concevoir l’individu démocrate, définit déjà la démocratie elle-même.

Ce qu’il en dit n’est cependant pas qu’un simple complémentέ Il écrit en effet dans le même texte :

Le substantif démocratie est le plus souvent réservé à un régime politique où sont respectées les libertés de chacun, définies elles-mêmes par une convention de validité universelle, et

dont les ressortissants en tant que citoyens ont, par leur vote, des droits d’élection ou d’intervention dans la conduite du pouvoir et dans la définition actualisée du bien

commun.187

Sont ici énoncés, peut-on dire, des critères de reconnaissance du régime démocratique. Ce que vise Breton, c’est le fondement sur lequel l’édification de la démocratie devient possibleέ On peut identifier dans cette définition les éléments constituant justement ce critère ou, si l’on préfère, des conditions de possibilité de la démocratie μ l’universalité des libertés reconnues à chacun ; le respect de ces libertés individuelles ; le devenir-citoyens de ces individus libres ; l’exercice d’un de leurs droits les plus fondamentaux au travers des votesέ Dans l’exercice de ce droit, il convient de souligner le fait que le bien commun au service duquel doit être l’homme démocrate n’est pas une réalité vague, mais plutôt une réalité concrète et toujours à déterminer,

185 Stanislas BRETON, « Dernier jour d’hôpital », in : Fonds Stanislas Breton, n° 786.30.1.d, p. 10-11.

186 « La parfaite réalisation d’un tel idéal est humainement impossibleέ Est possible, toutefois, la volonté ferme de s’en approcher et de devenir ainsi, à la mesure de ses moyens, le citoyen compétent et dévoué au service du bien commun, à l’intérieur d’un régime politique donné », in : Ibid.

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à définir, à actualiser. Cette actualisation du bien commun donne à l’exercice du service démocratique tout un dynamisme, signe que la démocratie est toujours en devenir.