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La typicité comme expression du lien entre un terroir et ses produits Parmi les divers facteurs pouvant qualifier les produits agroalimentaires, l’origine géographique

Du processus de qualification à la rente, une rencontre entre le terroir et le territoire

1.3. Stratégie de qualification et produits typiques

1.3.3. La typicité comme expression du lien entre un terroir et ses produits Parmi les divers facteurs pouvant qualifier les produits agroalimentaires, l’origine géographique

occupe une place de choix. Comme nous l’avons vu au 1.1., le terroir peut influencer les qualités intrinsèques du produit au travers de techniques particulières de production et peut « attacher » au produit une série d’attributs renvoyant à la région de production (ses paysages, ses traditions, ses coutumes…) qui pourront être perçus par les consommateurs. Il s’agit donc bien ici d’attributs au sens de Filser car l’appréciation de ces attributs varie selon les consommateurs. Par exemple, le fait qu’une personne ait déjà visité une région ou non va modifier ses représentations et par conséquence son évaluation de l’utilité retirée d’un produit originaire de cette région.

Les produits de terroir, ou produits d’origine, sont des productions agroalimentaires ou d’artisanat considérées comme des spécialités locales car ils expriment l’originalité du terroir qui les produit. Ces produits particuliers font partie intégrante de l’histoire du lieu, ils sont mis en avant lors de

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manifestations culturelles locales, expriment l’identité régionale et jouent le rôle d’« ambassadeurs » du territoire (Bencardino et Marotta, 2000).

Le terme typicité traduit simplement l’état de ce qui est typique, c'est-à-dire ce qui correspond à un type donné. Un « type » peut être défini comme « le modèle, la référence, la forme idéale, qui réunit au plus haut degré les propriétés, les traits, les caractères essentiels d’une classe d’êtres ou de choses de même nature, de même catégorie » (Salette, 1997, p. 12). La notion de typicité traduit donc l’appartenance à un groupe dont les caractéristiques sont définies et le produit typique présente un degré suffisamment élevé de conformité aux critères définissant un type. On comprend alors qu’un produit ne sera pas perçu comme typique seulement parce qu’il est différent des autres mais bien parce qu’il est similaire à une famille de produits.

Deux notions peuvent alors être distinguées : la spécificité et la typicité. La spécificité désigne le caractère particulier d’un produit qui se distingue des autres du fait de ses caractéristiques. Dire qu’un produit est spécifique ne fournit pas d’explications sur les raisons de cette particularité. En revanche, la notion de typicité renvoie directement au lieu et à l’origine géographique. En ce sens, la typicité contient à la fois la notion de spécificité et l’explication de cette spécificité qui est due à l’origine du produit. « Les caractéristiques d’un produit sont typiques, et non seulement spécifiques, si elles sont tributaires d’un lieu, si elles ont un lien au terroir, si elles résultent de conditions de production localisées » (Barjolle et al., 1998).

Le Dictionnaire Historique de la langue française (édition 2010) précise que le mot typicité apparaît au début des années 1980 et « s’emploie surtout à propos d’un vin, typique par son terroir, son cépage, sa vinification ». Bien que très fréquemment utilisée pour qualifier des vins, la notion de typicité peut s’appliquer à d’autres productions, dès lors qu’un effet terroir est identifié. Bérard et Marchenay (2007) soulignent la diversité des produits typiques en s’appuyant sur de nombreux inventaires de produits aux qualités liées à l’origine. Les productions typiques concernent tous les secteurs de l’agroalimentaire et des stades divers de transformation. Selon les auteurs, deux critères communs à cette diversité se dégagent : la profondeur historique et les savoir-faire partagés.

Evaluer la typicité d’un produit suppose des connaissances sur les caractéristiques qui définissent le type. La notion de typicalité (Trognon, 2005), ou jugement de typicalité (Ladwein, 1998), est un outil cognitif de catégorisation développé par les consommateurs. L’évaluation de la typicalité n’implique pas de décrypter avec exactitude l’ensemble des caractéristiques d’un produit mais consiste

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plutôt en un processus de comparaison entre plusieurs produits. C’est par ce processus qui identifie des similitudes et des différences que les caractéristiques des différents types se construisent.

Le jugement de typicalité des produits par des consommateurs est une démarche complexe qui prend en compte de plusieurs registres (agronomiques, historiques, culturels…). La typicité s’établit et s’évalue au regard d’un groupe humain de référence, formé d’acteurs divers (producteurs, transformateurs, consommateurs…) qu’il faut au préalable identifier. C’est la perception de la typicité par ce groupe humain qui doit être analysée, malgré les difficultés liées à l’hétérogénéité d’un tel groupe (Cadot, 2010). La typicité peut être objectivable pour certaines caractéristiques tangibles, en se basant par exemple sur le profil organoleptique et sensoriel d’un produit (Stone, 1974 ; Fischer et al., 1999 ; Perrin et al., 2008), cependant elle renferme également une part subjective et intangible liée à l’appréciation de l’authenticité d’un produit ou son caractère traditionnel. Evaluer la typicité d’un produit implique donc d’une appréciation globale de ses qualités tangibles et intangibles (Salette, 1997 ; Trognon, 2005). Les arguments de la typicité d’un produit empruntent donc à plusieurs registres et combinent l’examen de caractéristiques tangibles et d’attributs intangibles. Il n’y a pas un seul type de lien au terroir ni une seule façon de le démontrer. Ce lien doit donc être raisonné en fonction du produit considéré, de ses usages et de l’histoire locale. L’appréciation du lien au terroir se fait « au cas par cas » en considérant la diversité possible de modes d’ancrage d’un produit et en intégrant le fait que les facteurs humains et naturels à l’origine de la typicité ne sont pas statiques et peuvent évoluer dans le temps (Tregear, 2001).

Selon Sauvageot (1994) la notion de typicité peut renfermer un jugement de valeur car elle est parfois entendue comme synonyme de qualité au sens de qualité supérieure (plus de goût, meilleure qualité sanitaire, etc.). À l’instar de Cadot (2006), nous ne retiendrons pas cette équivalence entre typicité et qualité, « un produit typique n’est pas synonyme de produit de qualité : un produit « bien fait » peut ne pas être typique, de la même manière certains défauts du « standard » peuvent faire la typicité, comme par exemple le faible niveau de gaz et la teneur élevée en acidité volatile des « sidra » des Asturies ». Enfin, comme le souligne Salette (2006) « estimer qu’un vin est typique ce n’est pas exiger sa correspondance à un standard fixe, c’est simplement le reconnaitre comme faisant partie d’une même famille ». La typicité est donc comprise comme l’expression de certaines caractéristiques communes à plusieurs produits et liées aux conditions de production et non comme la garantie d’une qualité supérieure.

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II. Reconnaissance de la typicité et valorisation