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Posture de recherche et méthodologie

II. Construction du dispositif d’enquête et choix des terrains

2.2. Modes et stratégie de comparaison mobilisés dans la thèse

Il existe plusieurs manières de comparer et il convient d’identifier la plus adaptée à la recherche. Nous nous sommes appuyés sur les manuels de Vigour (2005) et de Dogan et Pélassy (2012) pour explorer les différents modes de comparaison (2.2.1.) et identifier la stratégie de comparaison (2.2.2.) la plus adaptée à notre étude.

2.2.1. Différents modes de comparaison combinés

Nous avons eu recours à différent modes de comparaison selon les étapes de notre recherche. Nous avons démarré par une comparaison « préparatoire » qui a consisté à recenser les données disponibles avant le terrain (bibliographie, rencontres et conseils de chercheurs connaissant le sujet et les terrains…), à identifier les points saillants, similitudes ou différences majeures entre les IG indonésiennes et vietnamiennes et à appréhender les spécificités des contextes dans lesquels nous allions mener l’enquête.

Lors du premier passage sur le terrain, nous avons adopté une posture de comparaison « diffuse » ou continue. Il est souvent peu pertinent de confronter d’emblée des situations ayant émergé de

nationaux et les échelons régionaux et locaux. Cette analyse conduit l’auteur à identifier des « régulations intermédiaires » désignant les relations sociales cohérentes et actives, qui empruntent aux deux niveaux.

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contextes très divers. Diverses asymétries apparaissent dans les observations exploratoires que la comparaison ne peut pas réduire et ne doit pas tenter de réduire coûte que coûte. Ces asymétries entre les données et plus généralement entre les terrains, renvoie à des paysages institutionnels différents (Lima, 2004), ce nous cherchions précisément à analyser. On comprend alors qu’une connaissance « interne » des systèmes d’IG étudiés est nécessaire pour d’identifier ensuite les catégories pertinentes d’analyse.

Entre les deux passages sur le terrain, un traitement comparatif des premières données collectées (et pré-traitées sur le terrain) a été réalisé, selon un mode de comparaison compréhensive. Il s’agissait d’une part de rendre compte des systèmes d’IG observés (au niveau national et local dans les deux pays) et d’organiser les résultats selon des trames communes. De Verdalle et al. (2012) recommandent de « penser la comparaison en termes relationnels plutôt que termes à terme » (p. 14), c'est-à-dire en recherchant les « analogies de rapports ». Nous avons dans un premier cherché à établir des « analogies ordinaires » (Lahire, 2005) en reliant les données présentant « un air de famille ». Notre objectif était de présenter les résultats selon des grilles d’analyse communes. Nous avons organisé les données en séries de tableaux thématiques et fiches (fiches-produit, fiches « cadre juridique », etc.). L’annexe A4.4 présente la fiche-produit du Litchi de Thanh Hà, la même trame a été suivie pour tous les produits et dynamiques IG étudiées lors du premier passage sur le terrain. L’annexe A.4.5 présente un premier bilan des fonctions attendues des IG, dressé au retour du premier terrain.

Pendant le deuxième passage sur le terrain, nous avons poursuivi les analogies de rapport, mais de manière plus « contrôlée »95 que lors du premier passage, en orientant la collecte vers les données manquantes ou les nouvelles catégories identifiées.

Au retour du deuxième passage sur le terrain, nous avons analysé l’ensemble des données collectées brutes et secondaires (cf. section III.) Ce traitement des données visait à stabiliser le référentiel de la comparaison, c'est-à-dire le modèle économique des IG. Nous avons ensuite établi un premier plan détaillé, ce qui nous a conduits à définir la manière dont les résultats comparés seraient

95 Plusieurs références sont faites dans la littérature aux comparaisons « contrôlées » (Eggan, 1966 ; Smelser, 1976) ou « limitées » (Bowen et Petersen, 1999). Ces comparaisons se distinguent des enquêtes comparatives de grande envergure. Eggan (1966) formule des réserves quant aux « comparaisons systématiques de divers exemples choisis dans le monde entier ». Le chercheur estime que sa « propre expérience va à l’utilisation de la méthode comparative sur une plus petit échelle et avec un contrôle, aussi grand que possible, du cadre de la comparaison ». Il privilégie les enquêtes sur des régions d’une culture relativement homogène afin de contrôler davantage l’environnement.

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présentés dans le manuscrit (« mise en mots » de la comparaison). Le tableau 7 fait une synthèse des modes de comparaison auxquels nous avons eu recours selon les différentes étapes de la recherche.

Tableau 7 : Synthèse des modes de comparaison utilisés selon les étapes de la recherche Mode de

comparaison Type de données Étape Objectifs

Comparaison « préparatoire » Données disponibles (bibliographie, internet…) Avant le premier passage sur le terrain

Identifier les points saillants des différents contextes de l’enquête par recensement des données existantes

Se préparer à l’enquête en comparaison Comparaison

« diffuse » Données brutes et secondaires

Pendant le premier passage sur le terrain (exploratoire)

Comprendre respectivement les systèmes IG nationaux et les dynamiques d’IG observées Orienter in situ la suite de l’enquête

Analogies de rapports

Données brutes et secondaires collectées

Entre les deux passages sur le terrain

Faire un traitement des premières données, organiser, trame commune.

Valider les choix des pays et sélectionner les expériences locales d’IG pour l’enquête approfondie

Orienter la suite de l’enquête Comparaison « diffuse » et analogies de rapports Données brutes et secondaires précédemment collectées, en cours de collecte et d’actualisation Pendant le second passage sur le terrain (enquête approfondie) Approfondir la compréhension

respective des systèmes IG nationaux et des dynamiques d’IG observées

Identifier les régularités et les singularités ainsi que les « contre-exemple »

Orienter in situ la suite de l’enquête « lecture croisée »

entre les

expériences locales d’IG observées « mise en regard » entre les deux pays

Données brutes et secondaires collectées et confrontées au référentiel de la comparaison Après le second passage sur le terrain

Traiter puis analyser de manière comparée les données

Stabiliser le référentiel de la comparaison Identifier le mode de présentation pour « mettre en mots » la comparaison

2.2.2. Quelle stratégie de comparaison ?

La question du nombre d’unités à comparer doit être abordée assez tôt dans la recherche car elle conditionne le temps imparti pour chaque unité, puis pour la comparaison. Trois options sont fréquemment envisagées :

1. L’étude de cas : qui peut être considérée comme une comparaison, sous certaines conditions (Vigour, 2005).

2. L’analyse de plusieurs cas : qui reste le plus proche de la démarche comparative et porte sur au moins deux unités à comparer.

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3. Les études exhaustives : en étudiant toute une population concernée et en supprimant les biais de la sélection des cas (recours fréquent à la statistique).

Nous nous situons dans l’analyse de plusieurs cas. Le nombre de cas est maintenant à déterminer. Vigour distingue deux possibilités :

1. Comparer deux cas permet de construire et tester des hypothèses, tout en faisant une analyse profonde ce chacun des deux cas. Ceci a pour avantage de saisir la complexité des processus dans leurs contextes. La principale difficulté sera de distinguer ce qui est lié au contexte, de ce qui est lié au processus observé. Il est dans cette situation parfois utile d’articuler les niveaux de comparaison.

2. Comparer au moins trois cas permet d’affiner un modèle, de renforcer le contrôle des paramètres, de conserver un cas « témoin »… Augmenter le nombre de cas augmente la représentativité des résultats et le niveau de généralisation.

Nous n’avons pas pu travailler dans trois pays, par contrainte de temps car cela aurait impliqué de réduire le temps consacré aux dynamiques locales. Nous avons donc comparé deux unités, l’Indonésie et le Vietnam et nous avons, comme c’est recommandé, articulé les niveaux de comparaison, en étudiants plusieurs cas d’IG locales.

Cette articulation des niveaux dans les enquêtes à échelles multiples entraîne une difficulté à pouvoir identifier clairement « où se situe la comparaison » dans la recherche. Notre positionnement a varié entre « une comparaison entre les cas locaux d’IG », « une comparaison de deux situations nationales », « une comparaison de plusieurs cas, dans des contextes variés »… Nous avons trouvé une réponse intéressante à la fin de l’ouvrage de Dogan et Pélassy (1982) avec l’idée de « stratégie de comparaison ». Dogan et Pélassy proposent une typologie des modalités de comparaison basée sur le nombre de pays et leur degré de proximité. Quatre possibilités apparaissent, elles peuvent être vues comme quatre stratégies possibles pour une recherche en comparaison internationale qui articule plusieurs échelles d’analyse (tableau 8).

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Tableau 8 : Quatre stratégies de la comparaison selon la proximité entre les cas

Étude de cas Analyse binaire Pays analogues Pays contrastés Définition Monographie Comparaison de deux cas

Comparaison de deux pays qui se distinguent quant au phénomène

étudié

Pays présentant un maximum de contrastes

-

Pays « exemplaires » (des contrastes pertinents) Objectifs Construire des hypothèses et Établir des lois

Utilité Tester une hypothèse - Préciser une problématique Affiner la connaissance d’un processus - Equilibrer le général et le particulier - Souligner les spécificités des cas

Neutraliser certaines différences pour mieux

en analyser d’autres

Faire abstraction des différences systémiques Limites Sort du champ classique de la comparaison - Difficulté de généraliser Difficulté de distinguer le contexte du phénomène

S’applique peu à l’étude de cas « ordinaires »

(plutôt à des cas extrêmes)

-

Risque d’exagération des différences

D’après Dogan et Pélassy (1982) revu par Vigour (2005) L’étude de cas (un seul pays) n’est pas la stratégie choisie pour cette thèse, notamment dans l’objectif d’étudier les articulations entre niveaux. Parmi les trois autres possibilités, nous nous situons dans une stratégie de « pays analogues ». Nous comparons l’Indonésie et le Vietnam, deux pays présentant une certaine proximité mais qui diffèrent sur plusieurs aspects quant à l’émergence des IG (le chapitre 5 présente les similitudes que nous pouvons observer entre les politiques agricoles de ces deux pays, puis l’émergence des IG dans chacun des pays, qui diffère sur certains points entre l’Indonésie et le Vietnam). La stratégie des pays analogues permet de neutraliser certaines de différences observées dans l’émergence des IG (en les reliant au contexte), pour se concentrer sur celles qui nous semblent porteuses de plus de sens au regard de notre question de recherche. Dogan et Pélassy soulignent que cette stratégie est adaptée pour comparer des systèmes (ou pays) analogues ; elle nous a semblé pertinente pour notre recherche qui s’intéresse précisément aux analogies possibles entre les systèmes d’IG (nationaux et locaux) indonésiens et vietnamiens.

Cette étude porte donc sur deux pays (ou systèmes) a priori analogues. Nous présentons dans la prochaine partie comment ces deux pays témoignant d’une certaine proximité mais se distinguant quant au phénomène étudié ont été choisis.

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