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Posture de recherche et méthodologie

II. Construction du dispositif d’enquête et choix des terrains

2.3. Le choix de l’Indonésie et du Vietnam

Nous présentons maintenant le cheminement suivi quelques mois avant le démarrage de la thèse, moment où ces deux pays ont été identifiés pour la recherche.

Le projet de thèse a initialement émergé avec un terrain unique envisagé en Indonésie. Dans les premiers stades de la construction du projet de recherche, l’intérêt d’intégrer un autre pays (au moins) est apparu. D’une part, plusieurs thèses en sciences sociales sur les IG dans les pays en développement avaient été soutenues dans les années précédentes96 et le souhait de comparer deux pays en développement sur cette question était formulé. De plus, l’intérêt scientifique d’une recherche sur plusieurs pays était pressenti. Le nombre de pays a été limité à deux au cours de la finalisation du projet de thèse, en tenant compte des contraintes de temps.

L’Indonésie a été maintenue afin de pouvoir tirer profit de notre connaissance de ce terrain, bien que le contexte de la recherche sur les IG en Indonésie apparaissait plus compliqué que lors de mon stage de Master97. Malgré ces changements, les organismes financeurs (Cirad98 et Montpellier SupAgro) ont apprécié l’intérêt scientifique d’une thèse sur les IG en Indonésie, compte tenu notamment de leur implication dans l’établissement du cadre juridique et dans le développement de la première IG indonésienne (nous y reviendrons dans la partie 2). L’Indonésie a donc été retenue et un deuxième pays devait être identifié.

Dans la sous-région du sud-est asiatique, plusieurs pays affichaient un développement récent des IG. Plusieurs pays ont été envisagés, en particulier le Vietnam, où le Cirad participait au développement des IG depuis plusieurs années. Cette participation venait d’être renforcée du fait de l’installation d’un chercheur expert des indications géographiques à Hanoi. Nous avons réalisé une recherche rapide sur les IG en ASE à l’automne 2010, avant le démarrage de la thèse. Nous présentons dans le tableau 9 une synthèse des informations disponibles à l’époque.

96 Vitrolles (2012) au Brésil, Poméon (2011) au Mexique, Marie-Vivien (2010b) en Inde.

97 Les IG n’apparaissaient plus en Indonésie comme un objet prioritaire pour la recherche française (le Cirad et l’IRD notamment venaient de cesser leurs activités sur les IG). En outre, l’Ambassade de France à Jakarta et son service UbiFrance (remplaçant l’ancienne Mission économique de l’Ambassade) venaient également de se voir retirer les activités de veille sur les IG en Indonésie.

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Tableau 9 : Informations générales recueillies sur les IG en ASE pour sélection de nos terrains d’étude99 Pays d’Asie du

Sud-Est OMC Tigres Système IG sui generis IG Forme de l’État Civets100

Myanmar

(Birmanie) X ? ? Gouvernement civil (depuis 2011) – Auparavant junte militaire

Brunei X ? ? Sultanat (Monarchie absolue)

Cambodge (2004) X ~ 0 Monarchie constitutionnelle

Indonésie X X Gov.Reg IG-51 (2007) X 2 République X

Laos (2013) X ~ 0 République - État communiste à Parti Unique

Malaisie X X GI Act-602 (2000) X 23 Monarchie constitutionnelle

Philippines X X GI Act No. 8293 (1998) # - République

Singapour X Dragon # - République (État-cité)

Thaïlande X X GI Act-B.E.2546 (2003) X 30 Monarchie constitutionnelle

Timor oriental En cours ? ? (Instable 2002) République –

Vietnam (2007) X X IP Law- No.50/2005/QH11 (2005) X 18 République - État communiste à Parti Unique X Principales sources utilisées : Insight Consulting (2004), Kalinda (2010), rapports projets DOLPHINS et SINER-GI, sites internet des offices de propriété intellectuelle des pays.

Légende : ? : Pas d’information ~ : en construction X : opérant # : système des marques (Philippines), système spécifique sans procédure d’enregistrement (Singapour)

99 Données recueillies en octobre 2010. Les informations sur la forme de l’État ont été mises à jour en 2015 pour plus de cohérence.

100 CIVETS et l’acronyme pour désigner les six pays émergents en 2010 (Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie et Afrique du Sud) susceptibles de concurrencer les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Voir sur ce thème l’article de The Economist disponible à l’adresse : http://www.economist.com/blogs/theworldin2010/2009/11/acronyms_4 (page consultée le 13/07/15).

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En 2010, tous les pays sauf le Laos et le Timor oriental étaient membres de l’OMC. De ce fait, ces pays étaient tenus d’appliquer l’ADPIC et de protéger les IG, par les moyens jugés adéquats par les pays. Tous les pays sauf le Timor oriental étaient également membres de l’ASEAN. Ceci signifie qu’ils étaient autorisés101 et incités par certains projets, notamment le projet ECAP102, à coopérer sur les questions de propriété intellectuelle, en vue de faciliter les échanges et d’harmoniser les cadres juridiques en la matière.

Cinq pays faisaient partie des « tigres » asiatiques et, comme nous l’avons abordé en introduction de la thèse, partageaient des caractéristiques communes quand à leur situation macro-économique, au rôle de l’agriculture dans la politique économique et à l’intervention de l’État dans le secteur agricole. Les autres pays (Birmanie, Brunei Darussalam, Cambodge, Laos, Singapour et Timor oriental) ont été écartés de la sélection, afin de se concentrer sur les pays qui présentaient ces caractéristiques macro-économiques communes. La sélection du deuxième pays devait s’opérer entre la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam. Les Philippines ont été écartées car aucune IG n’y était enregistrée en 2010 (source : projet ECAP, 2010). Pour déterminer entre le Vietnam, la Malaisie et la Thaïlande, plusieurs informations ont été croisées : le nombre d’IG enregistrées, la date de signature de l’ADPIC (adhésion OMC), le cadre juridique des IG et la forme de l’État. Sur ce dernier point, nous ne savions pas précisément sur quels aspects distinguer les quatre pays, mais nous savions que les acteurs publics seraient des acteurs importants dans notre enquête.

Concernant le nombre d’IG enregistrées, ces trois pays témoignaient du plus grand nombre d’enregistrement en ASE (18 pour le Vietnam, 23 pour la Malaisie et 30 pour la Thaïlande). Nous savions donc que le pays choisi serait parmi les pays faisant figure de « précurseurs » pour l’enregistrement des IG dans la région, mais nous ne pouvions pas sélectionner un pays parmi les trois uniquement sur ce critère. L’Indonésie étant un « nouveau venu » sur la scène internationale pour les IG (2 IG enregistrées en 2010), choisir un second pays parmi les plus avancés de la sous région permettait d’observer deux situations différentes.

101 En 2010, l’ASEAN comprend un accord-cadre de coopération en matière de propriété intellectuelle. L’ASEAN Framework Agreement in Intellectual Property, signé à Bangkok en 1995, autorise les États-membres à développer une coopération intracommunautaire (tout en conservant chacun leur législation nationale en la matière). Cet accord ne contredit pas l’obligation pour les membres de respecter les autres accords pris (dont l’ADPIC).

102 ECAP est un projet entre l’Union Européenne et l’ASEAN portant sur la Protection des Droits de Propriété Intellectuelle dans l’ASEAN. La première phase du projet a démarré en 1993. Le projet en est actuellement à sa troisième phase. (Site internet du projet ECAP : http://www.ecap-project.org/, page consultée le 18/08/15).

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La date d’accession à l’OMC donnait des informations plus contrastées entre les pays. La Malaisie et la Thaïlande étaient membres depuis 1995, comme l’Indonésie, alors que le Vietnam était devenu membre en 2007. Nous savions que cette accession avait entraîné une profonde modification du cadre juridique des IG. Ceci représentait un atout pour notre recherche car nous cherchions, par rapport à l’Indonésie, un pays « analogue qui se distingue quant au phénomène étudié ». Le Vietnam témoignait d’une succession de deux régimes de protection des IG, celui des appellations d’origine (avant l’OMC) et celui des IG (suite à l’accession à l’OMC).

Au regard des cadres juridiques, le Vietnam témoignait également de particularités intéressantes : plusieurs systèmes cohabitaient pour les dénominations géographiques (appellations d’origine, indications géographiques, marques de certification, marques collectives) ; les enregistrements pouvaient être demandés directement par des gouvernements locaux ; la constitution d’une association de producteurs n’était pas requise pour l’enregistrement. Ces trois points, qui ressortaient de la seule lecture du droit des IG, étaient différents entre l’Indonésie et le Vietnam.

Enfin, nous cherchions deux pays présentant un minimum de points « communs » sur la forme de l’État. La Malaisie et la Thaïlande sont deux monarchies constitutionnelles103, alors que le Vietnam et l’Indonésie sont deux Républiques. Nous avions finalement deux couples de « pays analogues ». Compte tenu des divers éléments que nous venons de présenter, le duo formé de l’Indonésie et du

Vietnam est apparu comme le plus indiqué. Ces deux pays ont été mentionnés dans le projet de thèse qui

a été validé pour un démarrage de la thèse en décembre 2010.

Comme indiqué dans l’introduction, l’Indonésie et le Vietnam font également partie des « CIVETS » depuis 2010 et partagent donc, en plus des caractéristiques économiques des tigres asiatiques, certaines caractéristiques de stabilité économique et politique qui font voir ces pays comme plus attractifs pour les investissements étrangers (croissance élevée, classe moyenne émergente, consommation élevée). La thèse propose donc une analyse comparative entre l’Indonésie et du Vietnam, deux pays analogues mais qui témoignent à première vue de deux situations d’émergence des IG singulières. Le chapitre 5 porte précisément sur cette analyse comparée des systèmes nationaux des IG.

103 En Malaisie (monarchie constitutionnelle, démocratie parlementaire), le roi est élu par les neufs sultans des états de Malaisie. En Thaïlande (monarchie constitutionnelle, junte militaire), la monarchie est héréditaire, le chef de l’État est un membre de la famille Chakri, régnant sur le pays depuis 1782.

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