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Du processus de qualification à la rente, une rencontre entre le terroir et le territoire

1.2. Du mot au concept de terroir

Le mot terroir emprunte à deux origines latines, l’une signifiant territoire et l’autre, terre. Nous présentons l’utilisation et le sens accordé au terme terroir (1.2.1.) en fonction de ces deux origines. Nous décrivons ensuite la consolidation progressive du concept de terroir, d’abord abordé sous l’angle des ses composantes physiques (1.2.2.), puis saisi par les sciences humaines (1.2.3.). Nous soulignons finalement l’utilisation grandissante du terroir dans les discours politiques ainsi que la sphère médiatique (1.2.4.), ce qui a pour effet d’affaiblir son sens et a conduit à un besoin de définition (1.2.5.).

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1.2.1. La signification du mot « terroir » : origine et évolution

Selon le Dictionnaire Historique de la langue française (édition 2010), le terme terroir provient de deux origines latines : terratorium en latin populaire, que l’on peut entendre comme territoire et terra en latin classique, signifiant terre. La première étymologie établit un lien entre le terroir et ses occupants, ceux qui l’habitent, le possèdent, y travaillent et en ont construit les limites (celles du territoire). La seconde étymologie se concentre sur les caractéristiques agronomiques du terroir. Nous examinons ici les évolutions de l’utilisation de ce mot terroir en fonction de ces deux origines.

L’ancienneté du terme terroir remonte au XIIIème siècle. Les traces les plus anciennes apparaissent dans des actes de ventes ou dons de terres. Par exemple, la Charte de Seclin, datant de 1281, dans laquelle le terme tieroir, vieux français de terroir, est employé dans son sens original pour signifier une zone géographique délimitée25. Deux formes dérivées de terratorium, (tioroer puis tieroir), ont été utilisées successivement au cours du XIIIème siècle pour désigner un « pays ou un espace de terre » (Dictionnaire Historique de la langue française, édition 2010). Pendant quatre siècles, le tieroir désignera dans le langage courant un espace géographique délimité pouvant correspondre sur le plan géographique et agronomique à une grande diversité de situations (portion de terre cultivée, forêt, landes, habitations…). En pratique, le terme tieroir est généralement assorti d’un nom propre, celui du village dont l’espace dépend ou du nom de famille du propriétaire de la terre. Si le terroir est un espace géographique délimité, cette délimitation est le résultat de son occupation et de son utilisation par une communauté humaine identifiée. Le terroir n’est donc pas un espace libre, il est approprié, revendiqué et défendu par un propriétaire ou un groupe26. En somme, cette première signification du terroir, dérivée de terratorium est à entendre comme un espace délimité et administré.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le terroir revêt une signification plus précise, basée sur une approche agronomique (Prévost, 2011). La signification a évolué en se rapprochant de sa seconde origine latine, terra, signifiant terre, ici au sens de sol ou de matière qui nourrit les végétaux. Le terroir désigne alors une portion de terre délimitée et cultivée dont les caractéristiques pédologiques sont connues et relativement homogènes. On distingue alors de bons et de moins bons terroirs, en fonction de la fertilité du sol et de son adaptation à différentes cultures par exemple. À partir du XVIIIème siècle,

25La Charte de Seclin mentionne « quatre bonniers de tiere, (…) gisans ou tieroir de Seclin » cédés par Jacques de Seclin au profit de l’hôpital Notre Dame. « Quatre bonniers de tiere » équivaut à environ quatre hectares ; « gisans ou » signifie « appartenant à ».

26 Le latin terratorium est également à l’origine des verbes terere (retourner la terre) et terrere (effrayer, mettre en fuite).

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le sens du mot terroir sera fondé sur ce lien entre la terre et sa capacité à produire, en particulier pour les vins (Dedeire, 1997).

Une nuance supplémentaire apparaît au XIXème siècle, avec une définition du terroir comme une « région rurale, provinciale, considérée comme influant sur ses habitants » (Dictionnaire Historique de la langue française, édition 2010). La dimension humaine du terroir réapparaît ici, non pas dans le sens de l’appropriation d’une zone délimitée, mais dans la relation d’influence qu’un terroir peut avoir sur ses occupants. Selon cette définition, une série d’indicateurs (langue, accent, habitudes socioculturelles…) permettent de deviner le terroir d’origine d’une personne27.

L’édition 2013 du Dictionnaire Larousse donne trois définitions à l’entrée terroir : « (1) ensemble des terres exploitées par les habitants d'un village, (2) ensemble des terres d'une région, considérées du point de vue de leurs aptitudes agricoles et fournissant un ou plusieurs produits caractéristiques, par exemple un vin, et (3) province, campagne considérées comme le refuge d'habitudes, de goûts typiquement ruraux ou régionaux : Un écrivain du terroir ». Ces trois définitions nous semblent rassembler les usages passés du terme terroir en tant que zone géographique appropriée, terre ayant des aptitudes agricoles et lieu influençant les us et coutumes de ces habitants. La seconde définition du Larousse, en précisant « produits caractéristiques, par exemple un vin », ouvre une voie sur l’influence particulière que le terroir peut avoir sur ses produits et leurs caractéristiques. Les sous-parties suivantes s’intéressent plus précisément à ce lien entre terroir et qualités des produits.

1.2.2. Le terroir vu comme une entité physique

La dimension physique du terroir a été largement étudiée par la géographie et l’agronomie, en particulier sur l’exemple de la production viticole. Nous pouvons citer notamment les travaux de Morlat et Asselin (1992) sur les vins du Val-de-Loire et ceux de Morlat et Bodin (2006) montrant l’importance de différents types de sols sur les caractéristiques des vins de la zone Anjou Villages Brissac.

La thèse de Cadot (2010) sur la typicité du vin s’appuie sur une bibliographie de plus de 150 références dont la majorité sont des travaux techniques portant sur les propriétés pédoclimatiques d’une région ou les caractéristiques sensorielles des vins. Ces résultats de recherches, qui restent difficiles d’accès pour un non spécialiste, témoignent de l’ampleur de l’investissement scientifique dans le

27 « N'en déplaise à ceux qui pourraient nier l'influence du terroir, je sentais qu'il y avait en moi je ne sais quoi de local et de résistant que je ne transplanterais jamais qu'à demi » (Fromantin, 1863, p. 137). La littérature de terroir fournit d’excellentes illustrations des traditions régionales ainsi que des portraits, parfois critiques, de ces habitants des terroirs (par exemple, les ouvrages de Per-Jakez Hélias sur le pays Bigouden).

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domaine. Si le type de sol est le facteur naturel le plus investi par les chercheurs, l’analyse des composantes physiques du terroir dépasse la seule variable pédologique pour aboutir à une conception qui englobe un ensemble d’éléments naturels (sol, climat, ensoleillement, relief…). L’étude du terroir s’étend également aux cépages, en analysant leur capacité d’adaptation à différents milieux physiques (Stefanini et al., 2003 ; Van Leeuwen et al., 2004). Ces travaux établissent généralement l’existence de liens entre certaines caractéristiques naturelles d’un milieu et les qualités particulières d’un produit. Ainsi, Morlat et Bodin (2006) démontrent que les raisins issus de sols faiblement altérés sont significativement plus petits et plus riches en sucres, anthocyanes et phénols28.

Certains travaux proposent de rassembler les différentes variables étudiées (Morlat, 1998) pour tenter de définir les composantes physiques du terroir. D’autres travaux identifient de nouvelles variables, qui se divisent en sous-variables, et qui entrent en interaction. Le terroir est alors qualifié de « système interactif » (Van Leeuwen et Seguin, 2006). En étudiant les terroirs de plusieurs régions viticoles, les auteurs observent finalement que des vins de haute qualité sont produits dans le monde entier par des vignes poussant sur des sols d’une immense diversité et qu’il n’est « généralement pas possible d’assimiler une carte des sols d’une région donnée avec une carte du potentiel de qualité pour la production de vin » (Van leeuwen et Seguin, 2006, p. 6).

La liste des facteurs composant le terroir s’allonge d’articles en articles et des niveaux de complexité apparaissent avec la découverte d’interactions entre facteurs. L’analyse minutieuse des terroirs ne permet pas de réduire le nombre de facteurs de variation, mais de les décomposer. Comme le soulignent Barrey et Teil (2011), « le terroir reste une source d’interrogation pour les scientifiques qui ne parviennent pas à en stabiliser les traits caractéristiques ». Il n’est pas ici question de remettre en cause l’intérêt des études sur les aspects physiques du terroir, ces travaux constituant un riche corpus scientifique. Toutefois, il apparaît que le terroir en tant que notion ne peut être défini par ses seules caractéristiques physiques, ni par son résultat (variant lui aussi), mais plutôt comme un processus complexe de production. Teil (2011) parle de définition « procédurale » du terroir qui n’existe pas indépendamment de l’action humaine de producteurs. C’est en étudiant les façons de produire, les choix techniques et les divers éléments en jeu dans ces processus que la notion de terroir émerge. En ce sens, le terroir doit être appréhendé de manière plus qualitative que quantitative, comme un lien qui se

28 Les anthocyanes sont des pigments végétaux naturels responsables de la couleur rouge des vins. Les phénols sont des composées chimiques aromatiques, ces molécules sont le support des principales propriétés organoleptiques des vins.

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tisse entre différents éléments agronomiques, sociologiques et économiques d’une région de production et un produit (Deloire et al., 2008b).

1.2.3. La notion de terroir en sciences humaines

Comme le souligne Cadot (2011), une approche du terroir comme simple entité physique parait limitée et imparfaite. À partir des années 1980, l’approche physico-géographique du terroir va être complétée par les sciences humaines. Ces travaux permettent de faire progresser la compréhension de cette notion réputée difficile à « scientificiser » (Prévost, 2011). Deffontaines (2005) voit dans cette évolution un glissement sémantique d’une approche physique à une approche sociétale.

Au-delà de ses caractéristiques physiques, le terroir est alors considéré comme un espace occupé par une communauté humaine de production. Ce groupe humain localisé influence le milieu par ses pratiques agricoles et d’aménagement. Si le milieu physique n’est que faiblement transformable, il est modelable et contient un potentiel que des activités humaines adaptées peuvent révéler (Bérard et Marchenay, 2006). Ce potentiel peut s’exprimer au travers d’un ou plusieurs produits dont les spécificités sont attribuables à une combinaison particulière et localisée de facteurs naturels et humains. À l’inverse, le milieu physique influence également la communauté de production et les pratiques agricoles sont conditionnées dans une certaine mesure par les conditions naturelles locales. Par exemple, la durée de pâture d’un troupeau dépend de la qualité et du type de prairies ainsi que des conditions climatiques, la transformation d’un produit visant à améliorer sa conservation est plus répandue dans des régions éloignées des foyers de consommation. C’est dans la relation particulière entre les hommes et leur environnement, au travers d’une activité de production localisée, que le terroir se construit. Il peut donc être envisagé comme le résultat, changeant, de l’interaction permanente entre des facteurs naturels et humains.

La construction d’un terroir de production apparaît comme un processus relativement involontaire dans le sens où les producteurs ne se coordonnent pas particulièrement dans le but identifié et formulé de « construire un terroir ». Les coordinations entre producteurs sont plutôt orientées vers l’échange et la transmission de connaissances et la recherche de solutions à des difficultés techniques. L’émergence d’un terroir de production, grâce à la convergence des pratiques agricoles, peut être analysé au regard de la théorie des rendements croissants d’adoption (Arthur, 1989) selon laquelle une technologie n’est pas choisie parce qu’elle est la meilleure, mais qu’elle devient la meilleure parce qu’elle est choisie. Des rendements croissants d’adoption sont observés dans des situations où la proximité géographique joue comme levier de diffusion d’une technique ou d’une innovation. Les

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réseaux dans les systèmes de production facilitent alors la circulation d’information et accélèrent l’apprentissage par les nouveaux adoptants. Dans le cas de la production agricole, des phénomènes de rendements croissants d’adoption ont été observés en agriculture biologique (Pernin, 1994) et au sein des systèmes agroalimentaires localisés (Muchnik et de Sainte Marie, 2010). Plus le nombre de producteurs utilisant une technique est élevé, plus les autres producteurs sont incités à le faire. Le terroir se construit dans cette dynamique et renforce progressivement la spécificité du produit. Pour autant, tisser des liens entre le produit et sa région de production n’était pas en soi une finalité initialement envisagée par les acteurs.

Appréhender le terroir en intégrant sa dimension humaine et sociotechnique implique donc d’étudier les pratiques agricoles ainsi que leurs évolutions dans le temps. Les savoir-faire particuliers s’établissent sur le temps long, ils résultent de l’adaptation des pratiques et s’affinent au fil du temps. Il s’agit alors d’observer comment les producteurs ont utilisé et utilisent individuellement et collectivement les ressources locales pour élaborer le produit. Ces pratiques révèlent des choix successifs opérés par les producteurs dans l’éventail des mises en valeur possibles.

Les échanges entre producteurs génèrent un sentiment d’appartenance à un groupe au sein duquel des pratiques se mutualisent. Cette dimension collective est au cœur de la dynamique des terroirs. Les pratiques individuelles sont discutées, se transforment et progressivement convergent vers une pratique collective significativement partagée. Le lien entre les produits et leurs terroirs est fondé sur ce caractère collectif de la production et « cette dimension collective les inscrit dans la culture locale et permet de distinguer l’origine (être de ce lieu) de la provenance (venir d’un lieu sans qu’un lien particulier existe avec lui). » (Bérard, 2011, p. 12).

Les choix de pratiques agricoles sont influencés par des éléments externes au système de production lui-même tels que des contraintes réglementaires, environnementales ou économiques (Deloire et al., 2008a). De même, les préférences des acheteurs pour certaines caractéristiques des produits conduisent les producteurs à modifier leurs pratiques afin de satisfaire cette demande. Le terroir ne se construit donc pas uniquement de l’intérieur, mais aussi en réponse à son environnement économique, réglementaire, social, etc.

Le terroir, considéré comme un ensemble complexe de facteurs naturels et humains, ne peut désormais plus être vu comme une donnée physique mais bien comme un construit qui se révèle progressivement dans le temps. Il est le résultat des interactions répétées entre les hommes et leur

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milieu. Il n’est donc ni une ressource spontanée, qui préexisterait aux activités humaines de production, ni un résultat fixe et statique.

1.2.4. Épuisement du terme « terroir » et besoin de définir le concept

L’essor du modèle agroindustriel à partir des années 1970 a fragilisé les représentations d’une agriculture par essence localisée. Les regards portés sur le monde rural changent et « l’agriculture est en passe de devenir une activité à localisation précaire et révisable » (Bérard et Marchenay, 1995). Dès les années 1980, un élan de patrimonialisation (Revel, 2000) vise à valoriser les traces d’expériences collectives passées. Barham (1997) y voit une réaction sociale face à la modernisation et la globalisation qui engendreraient un sentiment de perte de valeurs et de dilution des spécificités culturelles locales.

Dans le but de protéger les identités et les savoir-faire locaux et afin d’éviter une situation de « terroir déraciné » (Hervieux, 1993), la mise en avant des produits agroalimentaires reconnus comme spécificités régionales fait partie des stratégies d’acteurs locaux (élus, agriculteurs, commerçants…) engagés dans le soutien d’une agriculture locale de qualité. Cette « glorification des racines » (Bérard et Marchenay, 1998) ou « mode du terroir » (Delfosse, 2011), intègre le terroir comme dernier rempart face à la standardisation alimentaire, faisant de cette notion un argument dans un projet politique de développement local.

La mobilisation croissante du terme terroir pour la promotion de produits agricoles et dans le discours politique a pour conséquence un certain épuisement du terme. Bien que largement utilisée, la notion de terroir reste relativement floue et « l’intérêt grandissant pour les produits d’origine depuis le milieu des années 1990 et l’utilisation médiatique et marketing du terme « terroir » a contribué à le rendre plus vague et affaiblir son sens » (Casabianca et al., 2005). Cependant, comme le souligne Bérard (2011), les références parfois hasardeuses au terroir et le « surinvestissement médiatique » ne doivent pas masquer l’importance des questions liées à la notion : celles de la qualité des produits agroalimentaires d’une part et celle, plus générale, des liens entre un lieu et une société.

Face à cette utilisation croissante et parfois abusive du terme, et au basculement de la notion vers la sphère médiatique, la recherche s’est fixée l’objectif d’établir une définition du terroir en se basant sur des travaux scientifiques collectifs. Il s’agit de préciser les contours du concept de terroir afin de le rendre plus opérant. Pour Barjolle et al. (1998), le concept de terroir se doit d’emprunter aux trois idées suivantes qui se complètent : (i) un support pédoclimatique, (ii) un espace de savoir et de

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pratiques et (iii) des traditions et des usages localisés. Des travaux conduits par l’INAO et l’INRA29 au début des années 2000 ont abouti à la définition suivante : « Un terroir est un espace géographique délimité, où une communauté humaine a construit au cours l’histoire un savoir intellectuel collectif de production, fondé sur un système d'interactions entre un milieu physique et biologique, et un ensemble de facteurs humains, dans lequel les itinéraires socio-techniques mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et engendrent une réputation pour un produit originaire de ce terroir » (Casabianca et al., 2005). Cette définition, reprise par l’UNESCO et désormais partagée par nombre de chercheurs, a permis une certaine stabilisation du terme (Prévost, 2011).

1.2.5. Les enjeux de la traduction du terme terroir

S’appuyant sur la définition proposée par l’INAO et l’INRA, la notion de terroir apparaît aujourd’hui relativement bien saisie. Cependant, si ceci est valable dans un contexte francophone, les équivalents du mot terroir dans d’autres langues font parfois défaut ou renvoient à d’autres notions30 et le terme est souvent qualifié d’intraduisible. L’article de Barham intitulé Translating terroir : the global

challenge of the French AOC labeling (2003) illustre cette difficile traduction. Selon l’auteur, il n’existe

aucune traduction satisfaisante dans la littérature anglo-saxonne et le terroir est le plus souvent désigné indirectement par son expression institutionnelle au travers d’un système de labellisation de l’origine. Barham souligne toutefois que malgré des traductions parfois incertaines, la multiplication des références au « terroir » dans la littérature anglo-saxonne reflète l’importance de la localisation des productions agricoles dans les travaux de recherches sur l’alimentation.

Dans leur dictionnaire consacré à l’alimentation, Alary et al. (2009) soulignent que le terroir est « une notion assez spécifiquement française » (p. 663). Pour Bérard (2011) cette spécificité tient au fait que la notion de terroir est fortement liée à l’histoire et à la construction de la nation française. Après 1789, la construction de la nation repose sur une volonté de lissage des particularités locales vues, dans

29 L’INAO est l’Institut National de l’Origine et de la Qualité, chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux produits sous signes officiels d'identification de l'origine et de la qualité. L’INRA est l’Institut National de la Recherche Agronomique.

30 Le site internet de traduction WordReference traduit le mot terroir par « soil, land » et par « local » pour un adjectif, un « produit de terroir » est ainsi traduit par « local product » ; en espagnol le même site traduit terroir par « región » et « tierra ». Le site Linguee trouve des traductions du mot terroir en « home produce, local product » ou « origin-based product », qui est le terme souvent utilisé dans les articles scientifiques ; en espagnol Linguee traduit par « tierra », « origen » ou « territorio » et par « terruño » qui semble s’approcher de la signification français de terroir. Le Cambridge Dictionary Online ne connait pas de traduction anglaise du mot terroir, le Collins