• Aucun résultat trouvé

De l’usage de l’indication géographique

II. L’indication géographique institue un droit de propriété validant la qualité liée à l’origine

2.2. Réduire l’asymétrie d’information en garantissant la validité de l’information transmise et la fiabilité des contrôles

2.2.3. Un État garant de la qualité

La confiance dans le système de protection est une condition importante du fonctionnement du système IG au niveau national (cf. 1.4. du chapitre 2). Sans une confiance des consommateurs et des producteurs dans le système d’enregistrement et de contrôle des IG, les effets des IG pour réduire l’incertitude sur les qualités seront largement affaiblis. Cette confiance est permise grâce à une vérification au moment de l’enregistrement par l’autorité publique et à un système de contrôle public/privé.

L’examen des demandes d’enregistrement par l’État garantit la validité de l’information sur les qualités typiques

Pour éviter que l’incertitude soit transférée du produit (de ses qualités) au signe, l’agent responsable de vérifier les dossiers de demandes d’enregistrement doit être indépendant et impartial. L’État apparaît alors le plus indiqué pour assurer cette tâche du fait de l’absence d’intérêts économiques directs dans les marchés de produits de terroir.

Les dossiers de demande d’enregistrement d’IG sont soumis à l’évaluation par l’autorité publique. C’est généralement l’office de propriété intellectuelle du pays84 qui est chargé de cette mission. Les CdC sont examinés et peuvent faire l’objet de plusieurs corrections et modifications avant d’être validés. Une fois le dossier validé, le processus d’enregistrement est déclenché. Chaque pays dispose d’un processus particulier pour cet enregistrement. En général, la décision d’enregistrement est publiée au Journal Officiel, un délai variable (deux à trois mois) est accordé pour d’éventuelles oppositions. Sans opposition, l’IG est enregistrée par décret officiel. Si des oppositions sont formulées, une procédure de réexamen, prévoyant des appels et des conciliations entre les parties est engagée.

84 Cet office est un organe public placé sous tutelle d’un ministère, en général le ministère en charge de l’économie et/ou de l’industrie. Cette tutelle peut varier selon les pays en fonction de l’organisation ministérielle. IG En France, les sont examinées par un organe public spécialement dédié, l’INAO, placé sous tutelle du Ministère de l’Agriculture (les autres droits de propriété intellectuelle étant administrés par l’Institut national de la propriété industrielle, sous tutelle du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique).

Partie 1 - Chapitre 3 - De l’usage de l’indication géographique

152

L’État est donc le garant de la validité des enregistrements85 et par conséquent de la validité de l’information sur les qualités typiques des produits porteurs d’IG.

Fiabilité d’un système de contrôle à plusieurs niveaux

L’État administre également un système de contrôle de l’utilisation des IG enregistrées. Ce contrôle se découpe en deux volets. Le premier, que nous avons abordé dans la partie précédente, consiste à vérifier l’utilisation des IG sur le marché et à saisir, le cas échéant, les usurpations. Selon les pays, ce contrôle est plus ou moins efficace en fonction des moyens disponibles pour la répression des fraudes.

Le deuxième volet, porte sur le contrôle de l’utilisation de l’IG par les titulaires eux-mêmes. Pour Ngo Bagal et Vittori (2011), ce contrôle est crucial car la liberté d’adapter les règles de production à chaque situation locale s’accompagne d’une responsabilité de respecter ces règles pour maintenir la confiance des consommateurs. Ce contrôle a pour objectif de vérifier l’efficacité des groupements titulaires dans leur gestion de l’IG, c’est-à-dire, d’inspecter la conformité des produits porteurs de l’IG au cahier des charges. Cette vérification porte sur trois aspects principaux (Vandecandelaere et al., 2009) :

Les matières premières, le respect du processus de production spécifié au cahier des charges ; La traçabilité (pour garantir que le produit est bien issu de l’aire de production délimitée) ; Le produit final (aspect, goût, emballage…).

Afin de vérifier la conformité des produits, un plan de contrôle86 peut être établi. Chaque pays peut réguler le contenu du plan de contrôle et fixer les moyens et les responsabilités de divers acteurs impliqués dans la vérification. De même, le moment de la construction de ce plan peut varier, comme nous le verrons dans la partie 2, l’Indonésie exige un plan de contrôle au moment de l’enregistrement, ce qui n’est pas le cas du Vietnam où ce plan est généralement construit après l’enregistrement. Plusieurs niveaux de vérification sont articulés dans ce plan de contrôle (tableau 6).

85 En France, cette fiabilité est mentionnée dans la règlementation : un des objectifs généraux du règlement UE N° 1151/2012 vise à « communiquer aux acheteurs et aux consommateurs les caractéristiques des produits et les propriétés de production de ces produits et denrées alimentaires en garantissant […] la disponibilité pour les consommateurs d’information fiables relatives à ces produits » (art. 1.b.).

86 Un plan de contrôle se définit comme « un document spécifique et adaptable qui spécifie la manière dont les règles stipulées dans le cahier des charges doivent être vérifiées. Il s’agit d’un outil de gestion identifiant les points de contrôle qui sont les points critiques du processus de production et les moyens pour vérifier leur conformité aux exigences du cahier des charges » (Vandecandelaere, et al., 2009, p. 192).

Partie 1 - Chapitre 3 - De l’usage de l’indication géographique

153

Tableau 6 : Différents niveaux de vérification des plans de contrôle Niveau de

vérification Modalités du contrôle Coût

Interne

Les opérateurs (producteurs, transformateurs…) réalisent un autocontrôle sur leurs produits et veillent à respecter les conditions de productions inscrites au cahier des charges. Un contrôle réalisé par le groupement titulaire chez les membres peut également être effectué. Ce sont donc les acteurs ayant construit les règles de production vérifient leur respect.

Faible.

Cette auto-évaluation par les utilisateurs de l’IG eux-mêmes se fonde sur une proximité (culturelle, sociale,

géographique) et une confiance élevée parmi les membres. Par l’acheteur Certains acheteurs du produit, non impliqués dans la définition du cahier des charges, peuvent effectuer un

contrôle avant de décider d’utiliser le logo de l’IG ou non.

Moyen.

Le coût du contrôle est supporté par l’acheteur.

Mixte

La vérification est faite par des membres du groupement et des acteurs externes (acheteurs, autorités locales…). Ce type de vérification est souvent mis en place dans les premières années d’une IG.

Moyen.

Le coût est supporté conjointement par le groupement titulaire et les acteurs externes.

Externe

La vérification est en réalité une certification réalisée par une tierce partie (organisme externe indépendant). Cet organisme de certification doit être accrédité dans le pays.

Élevé.

Le coût est généralement supporté entièrement par le groupement titulaire.

Le coût de la vérification est une question centrale dans les plans de contrôle. Un soutien public peut être attribué aux groupements titulaires pour les aider dans la mise en œuvre du plan de contrôle. La vérification par un organisme extérieur indépendant est particulièrement coûteuse mais apporte un niveau de garantie élevé. La participation des producteurs est absolument nécessaire, car ils sont tenus de respecter les conditions du cahier des charges et sont sollicités pour tenir à jour la traçabilité du produit dans l’aire de production. Certains pays n’ont pas régulé les plans de contrôles, qui s’établissent alors au cas par cas. Les filières d’exportation auront plutôt tendance à utiliser la « vérification par l’acheteur » ou la certification externe. Les filières plus locales s’en tiennent en général à la vérification interne et mixte. Certaines législations ont régulé ce plan de contrôle, c’est par exemple le cas de l’UE qui exige une vérification externe par un organisme certificateur indépendant87.

La possibilité d’utiliser une IG repose donc sur de multiples vérifications permettant de garantir la fiabilité d’un contrôle généralement effectué à plusieurs niveaux. Quatre sources de contrôle, indépendantes les unes des autres, sont à l’œuvre pour assurer ce contrôle : l’État (au travers de ses organes compétents en matière de propriété intellectuelle), les opérateurs de la filière eux-mêmes,

87 Depuis la réforme de l’INAO en 2006, chaque ODG doit identifier un certificateur indépendant qui sera chargé de contrôler l’utilisation de l’IG au sein de cet ODG. Le certificateur doit être agréé par la norme ISO 65 de l’Organisation internationale de la normalisation, délivrée par les organismes d’accréditation.

Partie 1 - Chapitre 3 - De l’usage de l’indication géographique

154

rassemblés au sein du groupement titulaire, des acheteurs et des certificateurs indépendants. La dissociation entre les utilisateurs de l’IG et les responsables du contrôle permet une meilleure impartialité dans les vérifications réalisées et renforce l’objectivité de la garantie apportée sur les qualités des produits. Dans le cas des marques de certification, aucun contrôle externe, étatique ou non, n’est réalisé en ce qui concerne la conformité entre le produit et le règlement d’usage. Le titulaire est le seul responsable, vis-à-vis des consommateurs, de la qualité du produit porteur de la marque.

Face à un produit porteur d’une indication géographique, les consommateurs sont donc assurés que la qualité liée à l’origine a été identifiée, validée et contrôlée. Un consentement à payer élevé pour ce produit aux qualités typiques peut alors s’exprimer. Malgré l’incertitude inhérente aux marchés de produits différenciés, le dispositif de reconnaissance et de protection des IG contribue au maintien de qualité territoriale dont le produit de terroir bénéficie, grâce à une information validée et fiable sur les qualités.

III. L’indication géographique : un dispositif institutionnel