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Comme on l’a déjà souligné, la plupart des ensembles LRJ, à l’exception probable de Beedings, correspondent à des haltes de chasse et sont donc largement dominés par les armatures. Dans certains cas, même si l’occupation originelle du site ne cor- respondait pas à une halte de chasse, le mélange de diverses industries apparu lors des fouilles conduit à isoler uniquement les pièces typologiquement carac- téristiques, à nouveau les armatures. Ces dernières sont donc sur-représentées par rapport aux autres types d’outils.

4.3.1. Les lames appointées

Elles sont parfois morphologiquement très proches des pointes de Jerzmanowice mais s’en dis- tinguent par l’absence de retouche ventrale. Certains fragments distaux, classés comme lames appointées, pourraient théoriquement correspondre à des frag- ments de pointes de Jerzmanowice non retouchées dans la partie distale de la face ventrale. En effet, si on observe les pointes de Jerzmanowice, quelques- unes ne sont pas retouchées dans cette zone.

On dénombre treize lames appointées pour l’ensemble du LRJ, huit pour les trois ensembles de la grotte Nietoperzowa et cinq dans la collection de Ranis 2. Elles sont, par contre, complètement absen- tes à Beedings, ce qui est d’autant plus notable qu’il s’agit de l’ensemble le plus riche. Cela rend encore plus difficilement compréhensible le classement de cette industrie dans le Maisiérien par J. Campbell (1988a) sur base de pointes à retouche uniquement dorsale qui, en fait, n’existent pas.

Si certaines de ces pièces ont des proportions similaires à celles des pointes de Jerzmanowice (fig. 40.4), la plupart sont plus légères, à la fois plus étroites et moins épaisses (entre 0,4 et 1,1 cm d’épaisseur ; moyenne de 0,73 cm). Les six la- mes appointées entières sont également relativement courtes, entre 5,4 et 6,9 cm de long. Cela laisse pen- ser qu’on ne choisissait pas le même gabarit de sup- port pour les pointes de Jerzmanowice (lame plus massive) et pour les lames appointées (plus légères ; p. ex., Fig. 29.2 et 40.2).

4.3.2. Les lames retouchées

Avec 46 exemplaires, c’est le type le plus représenté après les pointes de Jerzmanowice. C’est peut-être lié à la fonction supposée des sites (haltes de chasse) où ce type de pièce serait plus représenté que les autres formes d’outils, comme les grattoirs ou les burins. Ces lames retouchées proviennent des trois sites pour lesquels on ne dispose pas unique- ment de pièces isolées au sein de collections mélan- gées : 27 proviennent de la grotte Nietoperzowa, 14 de Beedings et 5 de Ranis 2.

Parmi ces 46 lames retouchées, seules cinq sont entières. Huit ont été réalisées sur des supports partiellement corticaux et deux sur des lames à crête. Six d’entres elles portent des retouches dorsa- les plates, cinq des retouches ventrales marginales et trois des retouche bifaciales.

Une pièce supplémentaire, découverte dans la grotte Nietoperzowa, peut se rapprocher de cette catégorie mais présente un dos aménagé par retou- che presque abrupte, opposé au bord portant les re- touches ventrales marginales continues, c’est donc une sorte de couteau à dos aménagé. Dans la collec- tion de Beedings, il y a, en outre, plusieurs lames portant des ébréchures et des retouches pouvant résulter de leur utilisation mais qui n’ont pas été décomptées comme lames retouchées.

4.3.3 Les burins

Trente-deux burins sont présents dans des ensembles LRJ. La grande majorité d’entre eux pro- viennent de Beedings (16 burins simples et 9 parmi les outils composites ; Fig. 8). Deux autres ont été découverts dans les couches LRJ de la grotte Nieto- perzowa (Fig. 40.1). Les cinq derniers sont issus d’ensembles mélangés mais ont été attribués au LRJ car ils sont réalisés sur d’anciennes pointes de Jerz- manowice [deux à Spy, un à Robin Hood Cave (Fig. 20.4), un à Drayton et un dernier qui faisait partie de la collection de Uphill Quarry mais qui a été perdu lors du bombardement de Bristol].

À Beedings, les types sont surtout représen- tés par les burins sur cassure (5), dièdres (3), et sur

troncature (3). Il y a également trois burins transver- saux dont deux similaires au type « burin de Cor- biac » (Jacobi, 1986, 20075). Ce type de burin trans-

versal sans préparation du bord a été défini par F. Bordes à partir des ensembles gravettiens du site éponyme mais n’a pas de signification chronologique ou culturelle (Demars & Laurent, 1989 : 60). En ou- tre, on note la présence d’un burin plan décrit comme « pièce à chanfrein » par R. Jacobi (1986). Parmi les composites, on trouve deux associations burin sur troncature – burin sur cassure. Plus souvent (quatre cas), il s’agit d’une association entre un burin (qui peut être dièdre, sur cassure ou sur troncature) et d’un aménagement de type Kostenki (enlèvements lamellaires dorsaux à partir d’une cassure ou d’une troncature inverse) à l’extrémité opposée. Il y a éga- lement trois cas d’association grattoirs-burins.

Tous ces burins sont réalisés sur des lames, relativement épaisses, comme la plupart des supports de cette collection, et présentent souvent des enlève- ments burinants multiples.

Les deux burins de la grotte Nietoperzowa sont issus des couches 6 et 4. Celui de la couche 6 est un burin sur cassure sur lame retouchée et celui de la couche 4 un burin composite (double sur tron- cature et sur cassure).

Certains de ces outils sont réalisés sur d’an- ciennes pointes de Jerzmanowice. On trouve ainsi deux burins sur cassure de ce genre dans le matériel de Spy. À Robin Hood Cave, il s’agit d’un burin double sur troncature. À Drayton, c’est un burin dou- ble (dièdre, sur troncature).

4.3.4. Les grattoirs et les troncatures

Les grattoirs sont nettement moins nombreux. On en compte, en effet, seize dont dix proviennent de Beedings.

Parmi les dix grattoirs de Beedings (Fig. 7), on a déjà signalé trois pièces associées à un burin. Les autres sont des grattoirs simples sur lames ; trois d’entre eux sur supports retouchés (parfois à retou- che ventrale ou bifaciale). Deux grattoirs sont réali- sés sur d’anciennes pointes de Jerzmanowice. Deux grattoirs sur lame à retouche ventrale envahissante sont également présents dans le matériel de Goyet (Fig. 24.4 et 5).

5 R. Jacobi (2007 : 243-245) classe 11 pièces dans les burins, et

non 16 comme nous le proposons. Cette disjonction s’explique par des différences de classement typologique entre pièces composites et burins, sur l’interprétation d’enlèvements burinants comme des stigmates d’utilisation et non comme enlèvements intentionnels, ainsi que sur la classification de certains d’entre eux comme nu- cléus. En effet, certaines des pièces classées ici dans les burins, selon un point de vue typologique, peuvent être des nucléus à lamelles, selon une approche technologique (cf. infra).

Les cinq autres grattoirs se trouvent dans la collection de Ranis 2. Ils sont ici moins « typiques » (Fig. 32.3), le front étant moins bien formé et sont d’ailleurs décrits comme grattoir aty- pique dans la publication de W. Hülle (1977). Ils sont tous aménagés sur des supports retouchés laté- ralement. Dans un cas, il s’agit d’une lame retou- chée sur les deux bords, les trois autres sont sur des supports de proportions laminaires mais nettement moins réguliers que les lames habituelles et portent des retouches latérales évoquant davantage les ra- cloirs ou les denticulés que les lames retouchées.

Quatre troncatures ont pu être reconnues. Deux ont été mises au jour dans la grotte Nietoper- zowa ; l’une, aménagée sur une lame retouchée, provient probablement de la couche 5a et la se- conde, sur une petite lame partiellement corticale, n’a pas d’origine précise. Les deux autres provien- nent de Beedings ; l’une d’elles porte, par ailleurs, des retouches ventrales.

Parmi les autres types d’outils « paléolithique supérieur », signalons la présence d’un perçoir dans la collection de Beedings. Il est réalisé sur une lame nettement plus légère que la moyenne des supports de cet ensemble et porte une encoche sur chaque bord. À Spy, on peut également noter la présence d’une pièce esquillée réalisée sur un fragment mé- sial d’une ancienne pointe de Jerzmanowice (Fig. 28.6).

4 .3.5. Les racloirs et éclats retouchés

Douze pièces peuvent être classées comme racloirs mais, le plus souvent, il s’agit d’éclats re- touchés de manière peu étendue et peu organisée.

Quatre pièces de ce type sont présentes à Beedings, dont une porte des retouches ventrales. Parmi ces quatre pièces, on peut remarquer l’utilisa- tion de supports variés : éclats de ravivage de plan de frappe de nucléus à lames, éclat partiellement cortical et éclat laminaire sous-crête partiellement cortical. Une de ces pièces peut être décrite comme étant un racloir transversal. Signalons, que ces piè- ces n’ont pas été retenues (car considérées comme relevant éventuellement du Paléolithique moyen) ou ont été classées différemment (« pièces à retouche latérale ») par R. Jacobi (2007).

Quatre proviennent de la grotte Nietoperzo- wa (Fig. 40.3). Il s’agit, d’une part, d’un éclat por- tant quelques retouches ventrales et d’un fragment distal de racloir convergent de grande dimension, issus de la couche 6 ; d’autre part, d’un racloir convergent et d’un racloir double originaires de la couche 5a.

35 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

Dans le faible ensemble de Glaston, deux éclats partiellement corticaux, de relativement petites dimensions, sont retouchés (Fig. 15.3 et 4).

À Ranis 2, on a déjà cité le cas de quatre piè- ces, sur lames peu régulières, s’approchant du racloir et portant, en outre, un grattoir atypique en partie distale. Il y a, par ailleurs, un petit éclat retouché. Dans la même collection, on trouve, de plus, une pièce portant une retouche continue sur tout le pour- tour et qu’on pourrait classer comme limace (Fig. 33.3).

4.3.6. Les denticulés et encoches

La collection de Beedings comprend deux denticulés, réalisés sur lames et dont un est aménagé par retouche ventrale. Il y a également deux pièces à encoche : une sur lame et une sur un fragment de lame portant des retouches ventrales.

Des encoches sont présentes sur les pièces provenant de la grotte Nietoperzowa mais elles sont probablement toutes d’origine taphonomique. Aucun véritable outil de cette catégorie n’est donc identifia- ble.

4.3.7. Les racloirs ou couteaux bifaciaux

Trois pièces bifaciales peuvent être considé- rées non comme des pointes foliacées mais plutôt comme des racloirs ou couteaux.

Deux d’entre elles proviennent de Ranis 2. L’une ressemble beaucoup à une pointe foliacée bi- faciale mais dont les deux extrémités sont arrondies et elle pourrait être classée comme racloir foliacé bifacial. La seconde est asymétrique, opposant un dos à un tranchant (Fig. 33.1). Une pièce similaire a été découverte dans la grotte Nietoperzowa (Fig. 39.4).

Il est difficile de considérer que ces pièces puissent être des ébauches de pointes foliacées bifa- ciales car elles ne sont pas plus grandes ou grossières que celles-ci.

4.3.8. La question des outils en matière osseuse

Il y a probablement un poinçon parmi l’indus- trie de Ranis 2 (Fig. 33.2). Cependant, il a aujour- d’hui disparu et il est donc impossible de vérifier s’il s’agissait bien d’un artefact, même si l’illustration qui nous en est parvenue plaide a priori en sa faveur. Lors des mêmes fouilles, une sorte de rondelle perfo- rée en ivoire fut également signalée (Fig. 33.4). Son cas est plus douteux puisqu’elle n’est connue que par un croquis de fouille, n’ayant pas été conservée après son dégagement, et qu’elle est très fragmentaire (Hülle, 1977 : 101). Rappelons aussi que l’impréci-

sion de la méthode de fouilles utilisée à l’époque, bien mise en évidence par la dispersion des data- tions obtenues sur des ossements censés provenir de ce niveau (Grünberg, 2006 : 107, 109), conduit à rester prudent quant à l’attribution de ces pièces exceptionnelles à l’ensemble LRJ.

La pointe en os parfois rapportée à l’industrie jerzmanowicienne de la grotte Nietoperzowa (Sawicki, 1925 ; Allsworth-Jones, 1986 : 136-137) n’est pas à prendre en considération, son origine étant inconnue et son statut d’artefact n’étant pas établi. La « pointe en os » identifiée par J. Campbell (1977, vol. 2 : 100) à Soldier’s Hole est également à rejeter (Jacobi, 1990 : 278).

L’industrie osseuse n’est donc pas dévelop- pée dans le LRJ, puisque l’on ne peut retenir, au mieux, que la présence hypothétique d’un poinçon à Ranis 2. De même, l’attribution à cet ensemble d’un élément de parure (rondelle perforée en ivoire, Bo- sinski, 2000-2001 : 130 ; Zilhão, 2007 : 24-25) ne peut rester qu’une hypothèse invérifiable.

5. T

ECHNOLOGIE

S’il est difficile de dresser une image typolo- gique des ensembles rattachés au LRJ, il est a fortio- ri encore plus aléatoire de reconstituer des procédés de débitage. Idéalement, plusieurs séries riches, contenant à la fois des nucléus, leurs déchets, les supports bruts et les supports retouchés, seraient nécessaires pour procéder à cette reconstitution technologique. Seuls trois sites (Beedings, les trois niveaux de la grotte Nietoperzowa et Ranis 2), tout en restant limités, sont un peu plus fournis et peu- vent a priori apporter des données plus nombreuses quant aux techniques de débitage utilisées. Parmi ces trois sites, la collection de Ranis 2 n’a malheu- reusement pas pu être étudiée dans le détail. Cepen- dant, c’est celle qui recelait le moins d’informations technologiques, toutes les pièces présents sont, en effet, retouchées et il n’y a très probablement eu aucune activité de débitage sur place.

5.1. Le débitage laminaire