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L’Aurignacien dans la plaine septentrionale de l’Europe 1 I NTRODUCTION

2. R ÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET CA RACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

2.2. Le Nord de la France

Cette zone, de la Bretagne à la frontière belge, est un peu plus riche que ne le sont les îles Britanniques mais les ensembles aurignaciens, et du Paléolithique supérieur ancien en général, y restent néanmoins rares.

Il faut, en outre, rester prudent quant à l’attri- bution automatique de collections à pièces carénées au complexe aurignacien. En effet, de nombreuses études ont montré que ce type de pièces, pouvant servir de nucléus à lamelles, peuvent apparaître par convergence à des périodes plus récentes (entre au- tres : Aubry et al., 1995), c’est notamment le cas dans la moitié nord de la France avec l’industrie de Thèmes (Yonne ; Le Brun-Ricalens & Brou, 2003).

Le rivage breton compte quelques industries qui ont été rapprochées de l’Aurignacien (Monnier, 1980). Le site de Beg-Pol (Brignogan) a livré une industrie mélangée (du Moustérien à l’âge du Bronze) mise au jour par l’érosion marine. Elle comprend trois grattoirs carénés dont un sur « lame aurignacienne ». D’autres éléments sont hypothéti- quement à joindre à ces pièces carénées : des burins dièdres, des burins sur troncature et une lame retou- chée d’allure aurignacienne. L’attribution à l’Auri- gnacien reste cependant incertaine au vu des infor- mations publiées et de l’absence de contexte strati- graphique.

Le site de Beg-ar-C’hastel (Giot et al., 1975 ; Monnier, 1980 ; Fig. 47) a livré une industrie pré- sentant un débitage laminaire et lamellaire très dé- veloppé. L’outillage comprend des burins (dièdres et sur troncature, quelques nucléiformes), plus nom- breux que les grattoirs (dont quelques carénés et à museau). Les lamelles Dufour, pour leur part, sont bien représentées. Les grandes dimensions et la morphologie de la plupart de ces lamelles Dufour évoquent plutôt les industries « proto- aurignaciennes », plus méridionales (Bon, 2002 ; Bordes, 2005). L’ensemble similaire le plus proche étant celui de la couche VII de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Bon & Bodu, 2002), la présence d’une telle industrie sur la côte septentrionale de la Bretagne reste à éclaircir (cf. infra).

Le site « des Agneaux » (Côtes-d’Armor) a livré une petite industrie comprenant 28 pièces es- quillées, quatre grattoirs, dont au moins un sur lame retouchée, huit burins et quatre lames retouchées (Paulet Locard, 1996). Le matériel ne comporte au- cune pièce carénée et l’attribution à l’Aurignacien est peu convaincante.

En Mayenne, les « grottes de Saulges », en particulier la grotte de La Chèvre, ont livré, lors de fouilles anciennes, un matériel aurignacien

comprenant des grattoirs carénés et à museau ainsi que des lamelles Dufour (Allard, 1983 : 323-325).

Une partie du matériel d’Épouville-la briquet- terie Dupray (Normandie), attribuée à l’Aurignacien, a récemment fait l’objet d’une nouvelle étude (Guette, 2004). L’industrie est un mélange de Mous- térien et d’une industrie laminaire considérée par le fouilleur comme aurignacienne. Le débitage lami- naire y est différent de ce qu’on trouve au Paléolithi- que moyen, avec une percussion tendre plus com- mune. Ce débitage utilise une méthode unipolaire semi-tournante avec un aménagement de la table de débitage par des crêtes latérales ou par une crête cen- trale. Les outils sont rares et ne comportent pas d’é- léments typiquement aurignaciens. Il n’y a pas non plus de débitage lamellaire mais le style du débitage laminaire et la position stratigraphique de l’industrie rattachent cette série au Paléolithique supérieur an- cien. L’auteur ne conclut pas à une attribution claire à l’Aurignacien mais la technologie du débitage la- minaire décrite évoque, par certains aspects, notam- ment l’aménagement de lames néo-crêtes antéro- latérales pour la gestion du cintre des nucléus (Idem : 790), celle de l’Aurignacien de Maisières (Flas, 2004 ; cf. infra). Sur ces bases, une attribution à l’Aurignacien reste cependant assez aléatoire.

Un ensemble stratifié rattaché à l’Aurignacien est présent dans les Yvelines, à Herbeville-le-Murger (Gouédo et al., 1996). Le matériel comprend 1.550 artefacts dont 234 outils. Parmi ceux-ci, on dénom- bre 50 grattoirs dont 10 carénés et sept à museaux, ainsi que 59 burins (surtout sur troncature et diè- dres), dont trois sont décrits comme des burins bus- qués « peu typiques » mais dont l’illustration ne confirme pas ce caractère busqué, même atypique (simples burins dièdres).

Selon les auteurs, le débitage met en jeu des nucléus laminaires unipolaires et bipolaires et la per- cussion directe dure domine. En fin de chaîne opéra- toire, les nucléus laminaires sont recyclés en nucléus à éclat. Outre les pièces carénées qui ont pu livrer des lamelles, le débitage lamellaire est représenté par trois nucléus à lamelles sur éclat. L’absence d’une position chronologique bien établie pour cet ensem- ble et certaines particularités du débitage (importance de la percussion dure) incitent à la pru- dence quant au classement de ce matériel dans l’Au- rignacien (Brou et al., 2006 : 90).

Plus à l’Ouest, le bassin de la Somme a livré quelques collections de surface comprenant des arte- facts aurignaciens (Fagnart, 1988 : 20-23 ; Antoine et al., 2003 : 21). Il s’agit de Rouvroy (Aisne), du bois d'Holnon à Attilly (Aisne) et du bois Boichis à Belloy-en-Santerre (Somme), avec des burins et grat- toirs carénés, des grattoirs à museaux et des burins busqués, sous leur forme la plus typique.

À Chassemy, dans l’Aisne, quelques arte- facts, dont deux pièces carénées, découverts dans une couche lœssique, sont rapportés à l’Aurignacien (Rowlett et al., 1985). Comme pour Herbeville, cette attribution reste hypothétique.

En Lorraine, deux collections de surface sont connues. « La Pièce de Coinville » à Auboué (Brou et al., 2006), dans la vallée de l’Orne (affluent de la Moselle), a livré 426 artefacts dont trois lamelles Dufour ainsi que des burins et grattoirs carénés ac- compagnés des déchets caractéristiques de leur débi- tage : éclats de ravivage latéral et « tablette » de burin.

Une industrie comprenant des burins carénés et des grattoirs carénés et à museau a aussi été récol- tée à Havange (Thévenin, 1983). À quelques kilo- mètres de là, le territoire luxembourgeois a livré une riche collection aurignacienne de surface à Altwies- ‘Laangen Aker’, dans la vallée de la Gander, autre affluent de la Moselle. L’industrie se rapproche de l’Aurignacien II français et belge ou de l’Aurigna- cien « ordinaire » à burins carénés d’Allemagne (Ziesaire, 1994 : 39-49). Les burins carénés et les grattoirs à museau dominent, accompagnés de bu- rins dièdres et de burins sur troncature (Ziesaire, 1998).

On voit donc que le Nord de la France compte peu d’ensembles stratifiés. Pour en trouver, il faut descendre plus au Sud, en Bourgogne, où se trouvent le site en plein air de Lailly-‘Le Domaine de Beauregard’, d’attribution toujours hypothétique (Bodu, 1999, 2005 : 297), ainsi que la riche indus- trie de la couche VII de la grotte du Renne à Arcy- sur-Cure (Schmider (dir.), 2002). Une industrie, comprenant quelques pièces carénées, découverte dans la même région, à Gron, est d’une attribution moins aisée (Connet et al., 2004).

2.3. La Belgique

La Belgique, et en particulier le bassin mosan et ses nombreuses grottes, est une des régions les plus riches en ensembles aurignaciens dans le Nord de l’Europe. La plupart de ces cavités ont été l’objet de fouilles dès le XIXe siècle et au début du XXe, livrant des ensembles souvent abondants mais où diverses occupations de différentes périodes ont fréquemment été mélangées, ce qui limite la valeur des données que l’on peut utiliser pour dresser une structuration chronologique et culturelle de l’Auri- gnacien de cette région et pour donner une image précise des procédés technologiques qui y sont mis en œuvre.

Ainsi, dans le bassin mosan, seize gisements en grotte ont livré du matériel rattaché à l’Aurigna- cien (Otte, 1979 : 582). Les plus importants sont la

55 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

Betche-aux-Rotches à Spy, le complexe de grottes de Goyet et le trou Magrite. Les autres sites1 sont moins riches, mais certains d’entre eux fournissent néan- moins un contexte de découvertes plus favorable avec peu ou pas de mélange entre l’Aurignacien et d’autres technocomplexes. Un ensemble aurignacien supplémentaire aurait été découvert lors de fouilles récentes dans la grotte du Tiène des Maulins (Éprave) (Groenen & Marée, 2000 ; Groenen, 2004, 2006) mais, au regard des données publiées, la pré- sence d’Aurignacien y paraît pour le moins hypothé- tique (cf. infra).

Les ensembles de plein air sont également présents mais peu nombreux. L’atelier de débitage récemment découvert à Maisières (Miller et al., 2004) est le seul site aurignacien stratifié de plein air. En accord avec sa nature d’atelier de débitage, les outils y sont peu nombreux et peu caractéristiques mais l’industrie comporte notamment sept burins busqués, un burin caréné, trois lamelles Dufour (sous-type Roc-de-Combe) et une lamelle Caminade (Flas et al., 2006).

Il y a deux autres collections de surface ayant livré des pièces carénées attribuées à l’Aurignacien. Les artefacts récoltés au bois de la Housière à Brai- ne-le-Comte comprennent des grattoirs carénés et à museau (Fourny & Van Assche, 1994) qui semblent peu typiques au vu des illustrations. Deux burins busqués sont également signalés (Otte, 1978c). Des burins carénés, des grattoirs carénés et à museau sont présents dans la collection du Kemmelberg en Flan- dre-Occidentale (Ulrix-Closset et al., 1981 : 10-13).

La plupart de ces ensembles aurignaciens ont été étudiés par M. Otte (1979) qui les a classés en trois faciès successifs basés essentiellement sur l’é- quilibre typologique des industries lithiques (en par- ticulier le rapport grattoir/burin), sur l’industrie os- seuse (sagaies et éléments de parure) et, dans une moindre mesure, sur certains aspects du débitage laminaire.

M. Otte a donc défini un groupe ancien, dit « groupe Spy-Goyet », incluant, outre les deux sites éponymes, le trou du Chêne, le trou Al’Wesse, le trou du Sureau et une partie du matériel aurignacien du trou Magrite. Ce faciès se rapproche par certains aspects de l’Aurignacien I (présence de sagaies à base fendue) et par d’autres de l’Aurignacien II (importance des grattoirs à museau plus nombreux que les carénés). Les burins carénés, parfois du type

1 Trou du Diable (Hastière), trou Reuviau et trou du Renard

(Furfooz), trou du Chêne et trou du Sureau (Montaigle), grotte de la Princesse Pauline et grotte du Prince (Marche-les-Dames), trou Al’Wesse (Petit-Modave), grotte du Docteur (Huccorgne), grottes des Fonds de Forêt, Engihoul (Otte, 1979), grotte de la Cave (Ben- Ahin ; Tromme, 1995) et trou Walou (Trooz ; Dewez (dir.), 1993).

des Vachons, sont présents, tandis que les burins busqués sont rares, tout comme les lames aurigna- ciennes. Les pièces esquillées sont très présentes. Les perles en ivoire semblent caractéristiques de ce faciès, elles ont des parallèles dans l’Aurignacien d’Arcy-sur-Cure et de Lommersum.

Le « groupe d’Hastière » représente la phase moyenne. Outre le trou du Diable, il comprend la grotte de la Princesse Pauline, la grotte de la Cave et les ensembles aurignaciens des grottes de Fonds-de- Forêt. Les grattoirs à museau et les burins sur tron- cature y sont nombreux ; les busqués sont margi- naux. Le débitage laminaire y serait plus développé que dans le groupe ancien. Une sagaie à base mas- sive est présente dans le matériel de la grotte de la Princesse Pauline. D’après la faune accompagnant ces ensembles, ce groupe était considéré comme contemporain d’une phase tempérée, généralement interprétée comme l’interstade d’Arcy (Cordy, 1974).

Le groupe récent réunit le trou du Renard et le trou Reuviau, une partie du matériel du trou Ma- grite, ainsi que la grotte du Prince. Les grattoirs à museau y sont rares, les burins sont, par contre, do- minants, en particulier les busqués et les carénés.

Depuis ce travail, de nouvelles fouilles ont apporté des données neuves (trou Walou : Dewez (dir.), 1993 ; trou Magrite : Straus & Otte, 1995 ; trou Al’Wesse : Otte et al., 1998 ; Miller et al., 2007 ; Maisières : Miller et al., 2004) mais sans aboutir à une reconsidération de la structure de l’Aurignacien belge. Une révision du matériel auri- gnacien de Spy a également été menée (Flas et al., sous presse ; cf. infra). C’est principalement sur le plan chronologique que ces travaux récents ont four- ni des données significatives (cf. infra).