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5.1. Le débitage laminaire 1 Beedings

5.1.3. Les autres ensembles

Si on observe les quelques artefacts livrés par les autres ensembles, nettement plus pauvres, on trouve des caractères relativement similaires à ceux qui ont été observés à Beedings et dans la grotte Nietoperzowa.

Il est bien entendu difficile, à partir de ces pièces, d’évoquer la préparation du nucléus par des crêtes. On peut cependant remarquer que deux poin- tes de Jerzmanowice, l’une provenant de Kent’s Cavern (Fig. 16.2) et l’autre de Hyaena Den (Fig. 13.2), sont réalisées sur des lames sous-crêtes et une troisième, provenant d’Aardjesberg (Fig.29.1), sur une lame à crête.Un nucléus à lames à un seul plan de frappe, découvert à Glaston (Fig. 14.2), montre également les restes d’une crête s’étendant sur un des flancs.

Comme dans les deux sites plus riches précé- demment décrits, le débitage à deux plans de frappe opposés domine. Parmi les 25 pièces réalisées sur lames, provenant de dix sites différents, et pour

Graph. 8. — Nietoperzowa, épaisseur des lames (n = 103). Graph. 7. — Nietoperzowa, largeur des lames (n = 34).

41 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

lesquelles l’observation du sens de débitage des enlè- vements précédents est possible et pertinente, 22 sont tirées de nucléus à deux plans de frappe opposés et seulement trois montrent des négatifs unidirection- nels. En ce qui concerne Ranis 2, peu de pièces ont pu être étudiées directement mais parmi celles-ci il y en a une bipolaire et une unipolaire. La prédomi- nance du débitage laminaire à deux plans de frappe opposés dans cet ensemble fut remarquée par J. Koz- łowski (1990a : 130).

Le type de percussion est très difficilement étudiable pour ces pièces. Cependant, les deux seuls talons qui ont pu être observés, sur des lames de Badger Hole et de Glaston, confirment l’utilisation de la percussion tendre (talons d’environ 3 mm d’é- paisseur, tous deux avec lèvre).

Les caractéristiques morphométriques obser- vées sont également le plus souvent concordantes avec le matériel de Beedings et celui de la grotte Nietoperzowa. Comme on l’a vu lorsqu’on a décrit les dimensions des pointes de Jerzmanowice, celles- ci sont souvent réalisées sur des supports qui de- vaient faire plus de 10 cm de longueur, voire plus de 15, lorsqu’ils étaient bruts. Quelques pointes de Jerz- manowice sont cependant plus courtes, comme c’est le cas à Glaston (6,5 cm de long) où la réduction de la lame par la retouche ne peut être invoquée pour expliquer ces dimensions plus restreintes (Fig. 15.1). À Spy (fig. 25 à 28), six pointes de Jerzmanowice entières ont une longueur comprise entre 5,1 et

6,7 cm ; pour certaines d’entre elles, on peut remar- quer que les retouches qu’elles portent sont généra- lement plus envahissantes, potentiellement consécu- tives d’une réduction de la pièce au cours de raviva- ges successifs (cf. supra). Cependant, pour d’autres, les dimensions plus restreintes semblent bien liées à une production de lames moins grandes, due à l’é- loignement des matières premières de grandes di- mensions, le silex local apparaissant sous forme de galet permettant difficilement un débitage de grands supports laminaires (Otte, 1979 : 204).

En ce qui concerne la largeur, il est difficile de l’estimer, la plupart de ces pièces portant des retouches assez étendues. On peut cependant remar- quer que, malgré ces retouches, la pièce la plus étroite ne descend pas sous 1,7 cm de largeur.

L’épaisseur est, par contre, plus significative puisque, même sur les pointes de Jerzmanowice, elle n’est que rarement affectée par la retou- che. Ainsi, peut-on remarquer que les pièces lami- naires provenant de ces autres sites ont une épais- seur située entre 0,6 et 1,9 cm, pour une moyenne de 0,96 cm, la majorité (35 sur 64) se plaçant entre 0,8 et 1 cm (Graphique 9). Cette épaisseur tournant au- tour du centimètre est très similaire à celle des sup- ports laminaires de Beedings et de la grotte Nieto- perzowa.

Donc, en ce qui concerne le débitage lami- naire, si on peut dégager certaines différences entre Graph. 9. — Autres sites LRJ, épaisseur des lames (n = 46).

les ensembles rattachés au LRJ, comme l’importance variable de la réalisation d’une préparation du nu- cléus par crête(s) ou une certaine variabilité dimen- sionnelle des lames produites, l’impression générale est plutôt celle d’une homogénéité relative. En effet, au-delà de ces différences qui ne sont pas si surpre- nantes si on considère l’étendue géographique de ce complexe où les sites n’ont pas tous bénéficié de matières premières de même qualité et de même dis- ponibilité, il y a une série de traits communs indi- quant que la réunion de ces collections sous une même appellation va plus loin que la simple simili- tude typologique des pointes de Jerzmanowice.

Ces dénominateurs communs de la production laminaire sont la pratique, non exclusive mais large- ment prépondérante, d’un débitage à partir de nu- cléus à deux plans de frappe opposés, impliquant, régulièrement mais pas systématiquement, la mise en place de diverses crêtes (crête centrale d’initialisa- tion du débitage, néo-crêtes, crêtes postéro-latérales aménageant le dos du nucléus). Un autre trait com- mun est l’utilisation de la percussion directe tendre. Les supports produits sont le plus souvent rectilignes et de grandes dimensions (plus de 10 cm de lon- gueur, pour une largeur principalement située entre 2,5 et 3,5 cm) avec, en particulier, une épaisseur as- sez standardisée (autour de 1 cm). Ce débitage est donc particulièrement bien adapté à la production de pointes de Jerzmanowice pour lesquelles on recher- che des supports laminaires, rectilignes et relative- ment massifs.

Si la qualité et la disponibilité des matières premières ont pu conduire au débitage et au façon- nage de pièces plus petites (peut-être via une sé- quence de ravivage), comme cela semble être le cas à Paviland, Spy ou Goyet, les modalités générales de débitage restent cependant les mêmes pour ces en- sembles.

Il faut pourtant relativiser cette homogénéité des modalités de débitage attestée à travers les diffé- rents ensembles LRJ analysés ici. En effet, ceux-ci sont tous dominés par les armatures, en particulier les pointes de Jerzmanowice, et cela peut donc expli- quer, si on a sélectionné un type particulier de sup- port pour aménager ces pièces, une partie de la simi- litude technologique entre ces différents ensembles. Il n’est pas impossible, même probable, que la tech- nologie du LRJ ait été plus variable mais cela ne peut être visible que dans des collections plus riches. C’est le cas de celle de Beedings qui permet, notam- ment, de s’interroger sur la possibilité d’un débitage de lamelles dans ce type d’industrie.