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L ES POINTES DE J ERZMANOWICE ATTRIBUÉES AU S ZÉLÉTIEN ET AU

Pointes de Jerzmanowice, Szélétien et Bohunicien

3. L ES POINTES DE J ERZMANOWICE ATTRIBUÉES AU S ZÉLÉTIEN ET AU

B

OHUNICIEN

La conception des ensembles LRJ polonais en tant que faciès de halte de chasse du Szélétien et/ ou du Bohunicien est liée à la présence de pièces classées comme « pointe de Jerzmanowice » ou sous une appellation plus ou moins synonymique (« unifacial leafpoint », « pointe à face plane »), dans des collections attribuées à l’un ou à l’autre de ces deux complexes.

En effet, diverses pièces de ce type ont été signalées ; il peut s’agir de pièces isolées en grotte, de pièces comprises dans des collections de surface ou dans des ensembles stratifiés en plein air. Elles ont reçu des attributions culturelles diverses selon les auteurs et les sites concernés.

3.1. Ensembles en grotte

Le détail des données relatives à la grotte Mamutowa (Jura cracovien) est présenté en annexe. Cette grotte a livré, lors de fouilles anciennes me- nées par J. Zawisza (1886) et lors de travaux plus récents conduits par S. Kowalski (1967, 1969), une industrie d’aspect szélétien (couche VI), marquée par la présence de pointes foliacées bifaciales ac- compagnées principalement d’une technologie de type « Paléolithique moyen » (nucléus centripète, pièces sur éclats), ainsi que de quelques pièces sur lames. Parmi ces dernières se trouvent une pointe de Jerzmanowice et un fragment d’une pièce probable- ment similaire (fig. 55.2-3). Si ces deux composan- tes ont parfois été séparées (Desbrosse & Kozłows- ki, 1988 : 37), cela n’est justifié par aucune donnée stratigraphique, les différentes pièces provenant de la couche VI. Même si les données relatives à la provenance précise des artefacts au sein de cette couche sont absentes, il nous semble plus raisonna- ble de considérer cet ensemble comme uniquement szélétien.

Un fragment de pointe de Jerzmanowice pro- venant de la grotte Pekárna (Moravie) était intégré dans le Jerzmanowicien par W. Chmielewski (1961 : 46) (fig. 58.1). Il fut découvert lors de fouil- les effectuées dans les années 1920 (Absolon & Czižek, 1926), sa provenance stratigraphique est peu précise et les industries livrées par la grotte relèvent d’autres périodes (Magdalénien, sus-jacent, et Mico- quien, sous-jacent). Cette pièce fut d’abord considé- rée comme solutréenne (Bayer, 1924) et est mainte- nant classée dans le Szélétien (Oliva, 1992 : 38). K. Valoch (1999 : 14-16) a récemment signalé deux autres pièces similaires, mais portant peu de retou- ches ventrales (fig. 58.2-3), provenant de la même grotte, notamment de la couche « i » (dont le

matériel était classé par les fouilleurs comme de l’Aurignacien supérieur).

Dans les années 1940, la grotte Nad Kačá- kem, en Bohême, a également livré une pointe de Jerzmanowice (fig. 58.4). Son contexte stratigraphi- que n’est cependant pas connu (Fridrich, 1993 : 176, 183). K. Valoch (1996 : 105) la classe dans le Szélé- tien, en ajoutant qu’elle « laisse entrevoir des rela- tions avec le Jerzmanowicien ».

Ph. Allsworth-Jones (1986 : xv-xviii) men- tionne des « unifacial leafpoints », catégorie typolo- gique intégrant les pointes de Jerzmanowice, dans différents ensembles classés dans le Szélétien. Ce- pendant, les pièces illustrées, provenant des grottes Jankovich, Puskapörös et Subalyuk ne correspondent pas à des pointes de Jerzmanowice. Il s’agit d’éclats, parfois laminaires, portant des retouches ventrales ou bifaciales partielles mais typologiquement très éloi- gnés des pièces jerzmanowiciennes (fig. 59). Elles pourraient très bien être classées comme racloirs. La catégorie des « unifacial leafpoints » apparaît donc trop large et masque la distinction entre les industries qui comprennent de véritables pointes de Jerzmano- wice et celles qui n’en ont pas livré.

3.2. Collections de surface

Une des collections les plus importantes en ce qui concerne les pointes de Jerzmanowice est celle de Dubicko (Nord-Ouest de la Moravie). Pour Ph. Allsworth-Jones (1986 : 174), cette collection relève plutôt d’un Aurignacien à pointes foliacées. K. Va- loch (1996 : 105), soulignant l’absence de type moustérien et l’importance des pointes de Jerzmano- wice, la considère comme différente du Szélétien habituel, mais sans trancher entre l’hypothèse qui voudrait y voir du Jerzmanowicien ou une simple « influence » de ce dernier. M. Oliva (1981 : 20) lui a donné une position intermédiaire, entre les ensem- bles du Szélétien récent et de l’Aurignacien récent à pointes foliacées. La collection, observée au Musée morave de Brno (1.307 artefacts), comprend, en ef- fet, 12 pointes de Jerzmanowice, souvent fragmentai- res, plus ou moins typiques (fig. 60). Deux petites pointes foliacées bifaciales, proches du type Morava- ny-Dhlá, ainsi que des 16 grattoirs carénés ont égale- ment été observés. Rien n’assure, bien entendu, l’ho- mogénéité de cette collection.

La région d’Ondratice a livré une importante concentration de collections de surface, partiellement liées à l’exploitation d’une matière première locale (le quartzite de Drahany). Le classement de ces dif- férentes collections et, en particulier, des pièces fo- liacées, dans le Bohunicien (Svoboda, 1983) ou le Szélétien (Oliva, 1992 ; Valoch, 1996), varie selon les chercheurs. Pour le gisement d’Ondratice I (fig. 61), deux pointes de Jerzmanowice ont été illus-

trées par J. Svoboda (1984), trois autres par K. Va- loch (1996) et deux supplémentaires par M. Oliva (1992 : 52). Douze autres pièces de ce type ont pu être observées dans la collection du Musée morave de Brno.

À Ondratice Ia-Malá Začaková, 11 pièces sont classées comme pointes foliacées à retouche partielle (Oliva, 2004 : 68). Plusieurs d’entre elles sont illustrées et peuvent être considérées comme des pointes de Jerzmanowice typiques (fig. 61.5). La collection est classée dans le Szélétien mais l’attri- bution en est peu claire puisque M. Oliva affirme, par ailleurs, que l’association de pointes de Jerzma- nowice et d’éléments Levallois est typique du Bohu- nicien récent (Idem : 80).

Parmi les autres collections de la région d’Ondratice, K. Valoch (1967 : 38) mentionne trois « pointes à face plane » dans la collection d’Ondra- tice IV-Syrovátky (comprenant 70 outils) et une dans celle d’Ondratice VII-Žlíbky (98 outils). Ce- pendant, ces pièces sont essentiellement des frag- ments ne portant que des retouches dorsales (Idem : 45). Un seul fragment de la collection d’Ondratice IV-Syrovátky pourrait éventuellement correspondre à une pointe de Jerzmanowice. La collection de Drysice I (Nerudová, 2000b), auparavant dénommée Ondratice V-Kluče, comprend quatre pointes de Jerzmanowice (parmi 268 pièces retouchées), dont deux exemplaires assez typiques ont été illustrés.

La collection de Vincencov, également dans la région d’Ondratice, est attribuée au Szélétien et comprend, parmi 160 outils, une pièce classée comme pointe de Jerzmanowice (Svoboda & Při- chystal, 1987). En fait, deux fragments illustrés dans la publication se rapprochent de ce type, elles sont de petites dimensions. La collection est parfois considérée comme relevant d’une phase évoluée du Szélétien (Oliva, 1992 : 37).

Plus au Sud, dans la région de Brno, la zone de Líšeň comprend un groupe de sites de surface ayant livré plus de 27.000 artefacts (Svoboda, 1983 : 151). Les différents chercheurs s’accordent à classer le matériel de ces gisements dans le Bohunicien (Oliva, 1984 ; Svoboda, 1990). Certaines de ces collections de surface (Líšeň-Čtvrtì, Brno-Líšeň et Podolí) ont donné des pointes de Jerzmanowice ; il n’est cependant pas évident d’en établir le nombre précis d’après les données publiées.

La collection de Brno-Líšeň (Oliva, 1985b) a livré au moins une pièce à retouche bifaciale par- tielle, atypique par ses dimensions restreintes.

De Líšeň-Čtvrtì proviennent au moins trois pointes de Jerzmanowice (fig. 62.1 à 3 ; Oliva, 1981). Deux fragments du même type, dont un avait

101 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

déjà été signalé par M. Oliva (1985b), ont été obser- vés dans la collection conservée au Musée morave de Brno. Une autre pièce est souvent classée de la même manière mais elle n’est pas réalisée sur lame et présente un dos (Svoboda, 1990).

Dans la même zone, trois pointes foliacées laminaires à retouche bifaciale partielle sont men- tionnées dans la collection de Podolí (Oliva, 1981 : 27), parmi 433 outils. Quelques autres pointes lami- naires à retouche bifaciale partielle provenant du même groupe de sites de surface ont été illustrées par J. Svoboda (1990 : 211) (fig. 62.4 et 5).

Plus à l’Ouest, la collection de Neslo- vice (Valoch, 1973) est considérée comme un Szélé- tien récent. On peut cependant noter la présence de lamelles à dos qui semblent confirmer l’hétérogénéi- té du matériel. Des « pointes à face plane » sont éga- lement signalées mais il s’agit le plus souvent de pièces ne pouvant être classées comme pointes de Jerzmanowice ou ayant une forme atypique.

Dans la même région, une pointe de Jerzma- nowice, de petite dimension (ca. 5 cm), est illustrée dans la collection de Mohelno. Ce matériel com- prend à la fois des pointes Levallois et des pointes foliacées bifaciales, ce qui explique son classement différent selon les chercheurs (Szélétien dans Oliva, 1992 ; Bohunicien dans Škrdla, 1997-1998).

3.3. Sites stratifiés de plein air

L’important site szélétien de Vedrovice V n’a livré, parmi 727 pièces retouchées, que trois pièces qui se rapprochent des pointes de Jerzmanowice (Valoch et al., 1993). Cependant, ces pièces sont atypiques pour plusieurs raisons : elles sont de peti- tes dimensions (entre 4,5 et 7,3 cm de long), les sup- ports ne sont pas des lames et, de plus, l’une des trois a une courbure marquée (fig. 54.2). Il ne s’agit donc pas de pièces similaires aux pointes du Jerzmanowi- cien.

Dans les différents niveaux bohuniciens de Stránská skála, des pièces à retouches ventrales par- tielles (« terminal-ventrally retouched points » ou « ventroterminal retouched blades »), parfois quali- fiées de « jerzmanowiciennes » (Meignen et al., 2004 : 62) ou rapprochées des pointes de Jerzmano- wice (Svoboda, 2003 : 154 ; Škrdla, 2003c), sont également signalées. En fait, trois pièces de ce type sont présentes, chacune dans un site différent (Stránská skála IIa, III et IIIa) (Idem : 155).

Une seule est illustrée, il s’agit d’un fragment très court, typologiquement insignifiant (fig. 62.6). Ces pièces sont d’ailleurs décrites comme « moins typiques » que celles des collections de surface de Líšeň ou d’Ondratice (Svoboda, 1990 : 202).

Le niveau inférieur de Dzierżysław I (Bohunicien ?) a livré trois fragments de pointes de Jerzmanowice (Foltyn & Kozłowski, 2003 : 101). L’une de ces pièces est réalisée sur une lame com- plètement corticale (fig. 57.7 et 8).

Le niveau supérieur du même site (attribué au Szélétien) a livré une pièce se rapprochant égale- ment du type de la pointe de Jerzmanowice (Kozłowski, 2000a : 81), mais atypique par ses peti- tes dimensions (moins de 4 cm de long ; fig. 57.4).

Il y a, à Moravany-Dhlá, des pièces classées comme « unifacial leafpoints » (Allsworth-Jones, 1986 : xvi) ou « pointes foliacées partiel- les » (Valoch, 1996 : 102) mais il s’agit bien de pointes de Moravany et non de pointes de Jerzmano- wice, elles sont similaires aux pièces bifaciales du même site (Bárta, 1960).

3.4. Conclusion

Il n’y a donc que de très rares cas de pointes de Jerzmanowice typiques dans des ensembles hy- pothétiquement attribués au Szélétien (Mamutowa, deux pièces) ou au Bohunicien (Dzierżysław I cou- che inférieure, trois pièces). Dans les autres sites stratifiés rattachés à ces complexes, il n’y a pas de pointes de Jerzmanowice. Quelques sites (Dzierżysław I couche supérieure, Vedrovice V, Stránská skála IIa) ont livré de rares pièces atypi- ques qui ne s’en rapprochent que vaguement. Au- cune pièce de ce type n’est non plus présente dans les sites szélétiens hongrois et slovaques (Carte 3).

Deux grottes (Pekárna, Nad Kačákem) ont fourni des pointes de Jerzmanowice mais sans que celles-ci ne puissent être associées à une industrie szélétienne ou bohunicienne. Ce type de pièce est surtout présent, quoi qu’en nombre limité, dans les collections de surface de Dubicko, de la région d’Ondratice et de Líšeň. L’homogénéité de ces sites de surface n’est pas assurée et leur attribution varie selon les auteurs. Des pointes de Jerzmanowice peu typiques peuvent être rencontrées en très faible nombre dans quelques autres collections de surface (Mohelno, Neslovice).

Les pointes de Jerzmanowice, ou en tout cas les pièces à retouche bifaciale partielle qui en sont rapprochées, sont parfois considérées comme signi- ficatives d’une phase récente du Szélétien, sur base d’un schéma évolutif où la laminarité se développe- rait progressivement au sein de ce complexe (Valoch, 1973 : 58). Les pièces similaires classées dans le Bohunicien sont également interprétées comme relevant d’une phase récente où elles se- raient apparues à la suite des influences prolongées entre le Bohunicien et le Szélétien (Oliva, 1988b : 126 ; Valoch, 1996 : 95). Rappelons, cependant, que

l’hypothèse de ces phases récentes ne se base que sur des collections de surface et n’est confirmée dans aucun ensemble stratifié. Le seul ensemble szélétien partiellement stratifié considéré comme chronologi- quement récent (Rozdrojovice, cf. supra) n’a pas livré de pointes de Jerzmanowice (Valoch, 1955). Pour le Bohunicien de Stránská skála, les industries du « sol supérieur » (14C = 38-34.000 B.P.) ne pré-

sentent pas plus de pointes de Jerzmanowice que celles du « sol inférieur » (14C = 42-38.000 B.P.),

c’est-à-dire aucune.

À partir d’une présence aussi maigre de piè- ces le plus souvent peu typiques, il est difficile de soutenir l’idée que les trois ensembles jerzmanowi- ciens de la grotte Nietoperzowa (fig. 71-87) puissent être considérés comme un simple « inventaire ap- pauvri » (Oliva, 1985 : 103) du Szélétien, correspon- dant à un faciès de halte de chasse de ce complexe. Aucun site szélétien stratifié ne montre un tel déve- loppement de ces pièces, ni de la technologie lami- naire nécessaire à leur réalisation (cf. infra). Il y a bien des ensembles qui peuvent être compris comme des haltes de chasse szélétiennes, notamment l’en- semble de la couche VI de la grotte Mamutowa, mais ils ne se confondent pas avec les haltes de chasse classées dans le LRJ.

4. J

ERZMANOWICIEN

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ZÉLÉTIEN

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