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Les origines du LRJ

4. L E BASSIN MOSAN

Le bassin mosan a livré de nombreux ensem- bles paléolithiques moyens, le plus souvent en grotte. Comme pour l’Aurignacien, l’ancienneté des fouilles pose problème pour l’évaluation de l’homogénéité des ensembles et pour leur datation.

4.1. Données chronologiques

La séquence stratigraphique du site de plein air de Veldwezelt-Hezerwater ne comprend pas d’en- sembles archéologiques dans les niveaux correspon- dant au stade isotopique 4 (Bringmans et al,. 2001), c’est également le cas à la grotte Scladina (Otte et al., (dir.) 1998). Dans l’état actuel des données, un hiatus d’occupation du territoire belge lors de cette phase est donc considéré comme probable (Ulrix- Closset, 1990 : 136 ; Van Peer, 2001 : 12)3. Par

contre, plusieurs ensembles peuvent être rapportés à la première partie de l’OIS 3 (jusqu’à l’Interstade d’Hengelo).

2 http://www.inrap.fr/upload/

c_bloc/3143_fichier_communique_154.pdf

3 La carte présentée dans le même article place de nombreux

sites dans le Pléniglaciaire inférieur (Van Peer, 2001 : 18), il y a manifestement une erreur dans la légende (OIS 4 devant être rem- placé par OIS 3).

L’industrie moustérienne du trou du Diable peut être rattachée à cette période. La datation obte- nue sur un os d’ours des cavernes, à 46.200 + 2.150/-1.700 B.P. (GrN-14559), qui doit être consi- dérée comme un âge minimum en raison d’une éventuelle pollution de l’échantillon, sert de termi- nus post quem à l’occupation moustérienne de la grotte. Cette attribution chronologique est également en accord avec la faune associée (Di Modica, 2005 : 102-103).

La couche 1A de la grotte Scladina (Sclayn), correspondant à un dépôt de colluvion, est égale- ment rapportée à l’Interpléniglaciaire. Diverses da- tations sont disponibles : > 36.200 B.P. (Lv-1377) sur os, 38.560 +1.620/-1.350 B.P. (Lv-1377bis) sur esquilles osseuses, 44.000 ± 5.500 B.P. (OxTL- 230A1) sur silex brûlé (Vrielynck, 1999 : 29), > 36.000 B.P. (82.210 ; Ur/Th) (Bonjean, 1998). En fonction de ces datations, et sur base de la faune, de la microfaune et de la palynologie indiquant une phase interstadiaire, une corrélation avec l’Inters- tade d’Hengelo a été proposée (Cordy & Bastin, 1992 : 155). La révision récente de la stratigraphie de Scladina (Pirson, 2007) incite néanmoins à la prudence quant à une interprétation chronologique précise de ce niveau.

Le trou de l’Abîme (Couvin) a été l’objet de fouilles au début du XXe siècle (Loë, 1906) et de fouilles récentes dans les années 1980 (Ulrix- Closset et al., 1988). Deux dates ont été obtenues sur des ossements provenant des fouilles de 1905, non modifiés et censés être issus du même niveau que l’industrie découverte à l’époque. Leurs résul- tats, à 25.800 ± 770 B.P. (Lv-720) et 26.750 ± 460 B.P. (OxA-2452), apparaissent douteux (Vrielynk, 1999 : 41), d’autant plus que leur association avec le matériel et leur provenance stratigraphique ne sont pas établies, en raison de l’imprécision des informa- tions disponibles (Rahir, 1928 : 9). On peut d’autant plus les écarter qu’une troisième datation obtenue sur un os provenant des fouilles récentes a donné un âge nettement plus ancien, plaçant la couche archéo- logique (couche II) à 46.820 ± 3.290 B.P. (Lv-1559) (Ulrix-Closset et al., 1988 : 227). Sur base de la faune (notamment le cheval, l’ours des cavernes, un bovidé) et de la microfaune, une attribution à une phase interstadiaire a été proposée par J.-M. Cordy (Idem) ; cependant, la corrélation qu’il propose avec l’Interstade des Cottès est en désaccord avec la data- tion radiométrique et la stratigraphie qui indique un âge plus ancien (corrélation avec « sol des Vaux » ; Toussaint & Pirson, 2006 : 381).

Au trou Walou (Pirson et al., 2004, 2006 ; Draily, 2004 ; Toussaint & Pirson, 2006), plusieurs couches rattachées à la première partie de l’OIS 3 contiennent des ensembles du Paléolithique moyen, le plus souvent numériquement faibles, à l’excep-

111 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

tion de celui de la couche CI-8 qui a livré une indus- trie plus abondante, ainsi qu’une dent néanderta- lienne. Une datation 14C à > 42.000 B.P. a été obte-

nue pour ce niveau. Cependant, la stratigraphie, no- tamment la corrélation de la couche sous-jacente (CII-1) avec le « sol des Vaux », indique, en fait, un âge proche de 40.000 B.P. pour la couche CI-8.

Le trou Al’Wesse a livré un matériel mousté- rien lors d’anciennes fouilles. Des travaux récents ont permis de retrouver d’autres artefacts de cette période et montrent que ce matériel provient de la couche 17. Cette dernière contenait peut-être plu- sieurs ensembles ; sa position stratigraphique et la datation 14C à 41.100 ± 2.300 B.P. (OxA-7497), sur

os, sont cohérentes et indiquent un âge interplénigla- ciaire (Otte et al., 1998 : 45-50 ; Pirson & Colin, 2005 ; Di Modica et al., 2005 : 50 ; Miller et al., 2007).

Une des couches du complexe de sites de plein air de Veldwezelt-Hezerwater, ayant fourni une industrie moustérienne, se place également dans l’OIS 3 (Bringmans et al., 2001 : 23). C’est aussi le cas du site de Kesselt, proche du précédent, où la couche A5 date de la même période (Groenendijk et al., 2001 : 17).

Il y a d’autres niveaux archéologiques en grotte pour lesquels on possède peu d’informations chronologiques fiables mais dont la position strati- graphique indique qu’ils relèvent probablement de la dernière phase du Paléolithique moyen. C’est le cas à Spy où une industrie moustérienne est mêlée à de l’Aurignacien et du LRJ dans le « second niveau ossifère », ainsi qu’une industrie « charentienne » dans la partie supérieure du « troisième niveau ossi- fère ». Une partie du matériel paléolithique moyen de Goyet, ainsi que de Fonds de Forêt et du trou du Sureau, se rattacherait également à cette période (Van Peer, 2001 ; Ulrix-Closset, 1975). Il n’est pas non plus impossible que le matériel découvert lors des fouilles récentes de la couche 3 du trou Magrite, dont on a vu qu’il ne peut être classé dans l’Aurigna- cien (cf. supra), relève plutôt d’un Moustérien inter- pléniglaciaire ; les fouilles anciennes d’Éd. Dupont avaient d’ailleurs livré une industrie moustérienne mélangée à de l’Aurignacien (Ulrix-Closset, 1990 : 138).

4.2. Caractéristiques générales des industries Il est habituellement admis que ces industries moustériennes datant de la dernière partie du Paléoli- thique moyen correspondent, soit à du Charentien (le plus souvent de type Quina), soit à un « Moustérien évolué » marqué par la présence de pièces foliacées bifaciales (Ulrix-Closset, 1973, 1990 ; Van Peer, 2001). Certaines révisions récentes de ces ensembles tendent cependant à nuancer ces classifications.

Ainsi, l’industrie du trou du Diable corres- pond-elle à un Moustérien typique (Di Modica, 2005) plutôt qu’à un Charentien de type Ferrassie, comme cela était auparavant proposé4. Quoi qu’il en

soit, il s’agit d’une industrie riche en racloirs et en pointes moustériennes. Les pièces bifaciales ne sont pas absentes, notamment une ébauche de biface, quelques racloirs à retouche bifaciale ainsi qu’une pointe moustérienne à base amincie. On peut égale- ment mentionner une pièce qui ressemble à une pointe foliacée de format laminaire et à retouche bifaciale partielle, mais qui est, en fait, un front de racloir réaménagé (Di Modica, 2005 : 136). Le débi- tage repose essentiellement sur une production d’é- clat préparé selon une modalité unifaciale, récur- rente ou à éclat préférentiel (Idem).

La couche 1A de la grotte Scladina a livré une industrie dont la technologie repose principale- ment sur un débitage discoïde. Peu de pièces retou- chées sont dénombrées et il s’agit presque unique- ment de racloirs. Un biface cordiforme a cependant été découvert et quelques éléments laminaires sont également présents. L’ensemble a été rapproché d’un Moustérien de type charentien (Moncel, 1998 ; Loodts, 1998). À partir de ces données, la proposi- tion de Ph. Van Peer (2001 : 13) de rattacher cet ensemble au Moustérien de Tradition Acheuléenne type B ne peut être retenue. Par ailleurs, les travaux récents (Pirson, 2007) indiquent une plus grande complexité de la couche 1A, tant en ce qui concerne la stratigraphie que la mise en place des dépôts, ce qui incite à la prudence quant à l’homogénéité de l’industrie (travaux en cours, D. Bonjean, K. Di Modica et S. Pirson).

L’industrie moustérienne provenant du trou Al’Wesse est relativement restreinte et a, elle aussi, été classée comme Charentien de type Quina, domi- né par les racloirs et comprenant également des li- maces et des pointes moustériennes. Les fouilles récentes indiquent qu’il ne s’agit peut-être pas d’un ensemble homogène mais relevant plutôt de diffé- rentes phases d’occupation (temporellement proches à l’échelle géologique) (Ulrix-Closset, 1975 ; Di Modica et al., 2005).

La couche CI-8 du trou Walou a livré une industrie moustérienne comprenant 1.280 artefact lithiques (y compris les esquilles) dont 62 pièces retouchées. Ces dernières relèvent principalement de la catégorie des racloirs. Le matériel comprend quel- ques enlèvements de format laminaire, ainsi que deux pièces bifaciales (un fragment et une ébauche ; Draily, 2004 : 18-19).

4 Ces problèmes de classification dans les différents faciès

définis par F. Bordes ne sont d’ailleurs pas forcément significatifs sur un plan culturel (Dibble, 1988 ; Otte, 1998a). Ces classements ne sont mentionnés ici qu’en tant qu’éléments de description conventionnels.

Les niveaux interpléniglaciaires de Veldwe- zelt-Hezerwater (Bringmans et al., 2001 : 23) ont fourni une faible industrie marquée par un débitage Levallois, parfois laminaire ; les outils y sont peu nombreux (deux racloirs). Les couches d’âge simi- laire du site voisin de Kesselt (Groenendijk et al., 2001) présentent également un ensemble très res- treint où on retrouve une production d’éclats à partir d’une méthode Levallois, un racloir double et un autre à retouche bifaciale.

Les collections moustériennes du trou du Su- reau et du trou Magrite, rapportées à l’Interplénigla- ciaire, proviennent de fouilles anciennes (Ulrix- Closset, 1975). Le matériel du trou du Sureau, classé dans le Charentien de type Quina, est, en fait, issu de plusieurs couches (réparties sur environ 4 m d’épais- seur) mais a été réuni en un seul ensemble et mélan- gé à de l’Aurignacien lors des fouilles d’Éd. Dupont, l’hétérogénéité en est donc certaine.

La même situation s’est reproduite lors des travaux du même fouilleur au trou Magrite. La com- posante moustérienne y est marquée par l’utilisation de roche locale de mauvaise qualité et par l’aspect « économique » du débitage et de la réduction des pièces. Les bifaces y sont bien représentés (une qua- rantaine), principalement cordiformes et (sub) triangulaires, parfois minces et foliacés. En outre, des pièces à retouche bifaciale partielle, ainsi qu’à base amincie, sont également signalées. Le reste de l’outillage comprend essentiellement des couteaux, des racloirs et des pointes moustériennes. Il est ce- pendant probable que ce matériel provienne de diffé- rentes périodes d’occupation et il n’est pas possible de séparer ce qui relèverait d’un Paléolithique moyen final ou de phases plus anciennes.

4.3. Le Moustérien à pointes foliacées du trou de l’Abîme et le « Moustérien évolué »

L’industrie du trou de l’Abîme à Couvin (Ulrix-Closset et al., 1988 ; Miller, 2001: 161-172) a particulièrement attiré l’attention dans le cadre de la problématique du passage du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur dans le Nord de l’Europe. Le matériel est composé d’une collection provenant de fouilles anciennes (Loë, 1906 ; Rahir, 1928 : 8-9) et d’une seconde issue des travaux récents (1984-86) menés dans une tranchée située à l’entrée de la grotte et sur la terrasse. Cette dernière apparaît comme ho- mogène et provient d’un seul niveau archéologique, en position secondaire (solifluxion depuis la grotte vers la terrasse). L’absence de données précises rela- tives à la provenance du matériel des fouilles ancien- nes empêche d’être certain de son homogénéité, mais ses différents aspects (technologique, typologique,

état de conservation) sont cohérents avec le matériel découvert dans les années 1980. Cette industrie (fig. 63) est décrite comme principalement moustérienne (technologiquement et typologiquement), mais mar- quée par la présence de pointes foliacées bifaciales minces, d’une technologie Levallois « dans un stade très avancé […], à la limite de sa défini- tion » (Ulrix-Closset et al., 1988 : 228), d’un débi- tage laminaire, ainsi que de deux pièces présentant un « amincissement de type Kostenki ».

L’absence de silex dans cette région, et donc la provenance lointaine de la matière première utili- sée (hypothétiquement, un silex issu des dépôts cré- tacés hennuyers, 50-60 km au nord), a influencé certains aspects de cette industrie (aménagement d’outil sur éclat de retouche et sur nucléus, réduc- tion importante des pièces). L’industrie a parfois été comparée à l’Altmühlien de Mauern et aux autres industries à Blattspitzen allemandes (Idem : 230 ; Kozłowski & Otte, 1990 : 544 ; Allsworth-Jones, 1990a : 206-207).

Par ailleurs, M. Ulrix-Closset (1975 ; 1990) a regroupé sous l'appellation « Moustérien évolué » des artefacts provenant de Spy et de Goyet. À Spy, des pièces, issues du « deuxième niveau ossifère », sont séparées de l’industrie « charentienne » sur base de leur état de conservation (absence de patine et d'ébréchures). Il s’agit de pointes moustériennes et de racloirs, de racloirs-bifaces et de pièces folia- cées bifaciales (fig. 64). À Goyet, au sein d’une collection hétérogène, trois pièces foliacées bifacia- les, des racloirs-bifaces et des racloirs transversaux se rangeraient dans le même « Moustérien évolué ».

Donc, selon M. Ulrix-Closset, on pourrait identifier en Belgique (à Couvin, ainsi qu’à Spy et Goyet) un Moustérien récent caractérisé par la pré- sence de pointes foliacées bifaciales, différent du Charentien des autres sites contemporains, et pré- sentant des tendances plus « évoluées », notamment la présence d’un débitage laminaire (au trou de l’A- bîme). Ce Moustérien à pointes foliacées dériverait du « Moustérien à retouche bifaciale » présent à la grotte du Docteur (Huccorgne) et à Ramioul, plus ancien et comparé au Micoquien d’Europe centrale (Schambach, Klausennische) (Ulrix-Closset, 1973, 1990, 1995 ; Otte, 1983 : 309). En outre, la collec- tion de Couvin, alliant débitage laminaire et pièces foliacées, a été perçue comme une industrie transi- tionnelle, précurseur des industries à pointes folia- cées laminaires (Otte, 1990a ; 1990b : 447-451 ; 2002).

En ce qui concerne le « Moustérien évolué » de Spy et de Goyet, on doit cependant reconnaître que son isolement reste une hypothèse assez faible car basée uniquement sur les différences de conser- vation des pièces. Les quelques artefacts en question

113 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

pourraient parfaitement être associés au reste de l’in- dustrie moustérienne du même « niveau ».

La révision du matériel provenant du trou de l’Abîme5 permet de nuancer l’aspect « évolué » ou

« transitionnel » de cet ensemble (tabl. 8).

Il s’agit clairement d’une industrie mousté- rienne, largement dominée par les racloirs. Il n’y a probablement eu que très peu de débitage sur place, les nucléus étant uniquement représentés sous forme de fragments très réduits et les déchets rares. Comme cela a déjà été souligné par les différents chercheurs, il s’agit nettement d’un contexte d’économie des matières premières. Ainsi, peut-on souligner la pré- sence, parmi les racloirs et les éclats faiblement re- touchés, de huit pièces aménagées sur des éclats de façonnage bifacial ou sur des éclats de ravivage de

Racloirs 43 simples 15 transversaux 3 doubles 10 convergents 9 déjetés 6

Éclats faiblement retouchés 6

Pièces complètes bifaciales 6

pointe foliacée 1

pièce foliacées atypique (limace) 1

racloirs 2

fragments distaux 2

Fragment de pièce à retouche ventrale 1

Couteau de Kostenki 1

Éclats 20

Lames et éclats laminaires 5

Éclats de façonnage bifacial, d’amincissement ventral ou de

retouche 53

Fragments de nucléus 2

Total6 137

5 Conservé aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles

pour la collection des fouilles de 1905, qui n’est peut-être pas complète et dont la provenance stratigraphique est floue, et au Musée du Malgré-Tout (Treignes, Belgique) pour celle des fouil- les récentes (1984-86) du CEDARC et de l’Université de Liège. 6 Sans prendre en compte les débris indéterminables et les es-

quilles, y compris des éclats de retouche de petites dimensions.

Tabl. 8. — Décompte du matériel du trou de l’Abîme6.

racloirs. Un racloir a également été aménagé sur un ancien nucléus. Cet aspect économique se marque aussi par la réduction des racloirs, souvent de types convergents, déjetés ou trans- versaux, parfois d’allure « charentienne ». En outre, sept d’entre eux portent des retouches bifaces. Cette importance de la réduction des pièces est également sensible par le nombre important d’éclats provenant du façonnage ou de la retouche.

Il n’y a qu’un seul artefact qui puisse être considéré comme une pointe foliacée bifa- ciale (fig. 63.1). Les autres pièces bifaciales sont atypiques, se rapprochant du racloir et de la limace, et correspondent sans doute au stade final de la réduction de ces pièces (fig. 63.2). Deux autres fragments distaux ne semblent pas correspondre à des pointes foliacées mais plu- tôt à des pièces bifaciales plus imposantes.

Le débitage laminaire est très peu déve- loppé. Seules trois vraies lames ont pu être observées (dont celle sur laquelle a été aména- gé le couteau de Kostenki). De plus, elles relè- v en t c l a i re me n t d ’u n e t e ch n i q u e « Paléolithique moyen » (talon facetté et épais,

bulbe marqué, percussion dure) (fig. 63.5 et 6). Le reste des supports, y compris pour les racloirs, consiste en éclats et éclats laminaires, présentant également les indices d’une percussion dure et d’une technologie pleinement moustérienne.

Après cette révision, il semble que, s’il y a bien dans le bassin mosan des industries moustérien- nes, chronologiquement récentes, où l’on trouve des pièces foliacées bifaciales, l’idée selon laquelle elles constituent un groupe particulier, isolé des autres ensembles moustériens de la même période, et qui se placerait dans la continuité du « Moustérien à retou- che bifaciale » de la grotte du Docteur, est douteuse.

En effet, le lien avec le « Moustérien à retou- che bifaciale » n’est pas évident. Ces industries (grotte du Docteur, Ramioul), comme l’avait souli- gné M. Ulrix-Closset (1973), se placent clairement dans le Micoquien d’Europe centrale (ou « Keilmessergruppen ») et datent probablement du début du Würm (dans le stade isotopique 5) (Jöris, 2003 : 56, 62 ; Cordy, 1988). Elles sont donc sépa- rées du Moustérien récent de Couvin et du « Moustérien évolué » de Spy et de Goyet par au moins 20.000 ans et par le hiatus d’occupation du premier Pléniglaciaire (OIS 4). En outre, les élé- ments typiquement micoquiens (pièces bifaciales à dos) sont absents à Couvin, rares et atypiques dans le Moustérien récent de Spy et de Goyet. Le seul lien entre les deux industries est la présence de pointes foliacées bifaciales, dont on a déjà souligné (cf. su- pra) l’apparition dans des contextes divers, et qui ne peuvent donc, à elles seules, assurer un lien phyléti- que ou une proximité culturelle stricte.

Le Moustérien récent à pointes foliacées de Couvin, de Spy et de Goyet pourrait plutôt être conçu comme un simple élément de variabilité à l’intérieur du Moustérien récent du bassin mosan, différent de la sphère culturelle micoquienne. Comme on l’a vu, on retrouve des pièces bifaciales dans la plupart des autres ensembles moustériens récents du bassin mosan ainsi que dans le Nord de la France (cf. supra). Si on prend en compte la « souplesse » moustérienne, s’adaptant aux différents contextes environnementaux, fonctionnels et écono- miques, il est plus prudent de ne pas isoler un faciès particulier mais de garder à l’esprit la gamme des réponses techniques apportées par les Néanderta- liens, incluant, notamment, la production de pièces bifaciales, parfois foliacées. En elles-mêmes, ces industries du Paléolithique moyen récent du trou de l’Abîme, de Spy et de Goyet ne sont pas « évoluées » ou « transitionnelles », elles n’apparaissent telles que lorsqu’on les met en perspective avec les industries qui se développent par la suite.