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L’Aurignacien dans la plaine septentrionale de l’Europe 1 I NTRODUCTION

2. R ÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET CA RACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

2.1. Le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne 1 Paviland

Le site le plus riche est sans conteste Goat’s Hole, à Paviland. J. Sollas (1913 : 13-15), en asso- ciation avec H. Breuil, classait déjà une partie du matériel dans l’Aurignacien, sur une base unique- ment typologique en raison de l’importante pertur- bation des dépôts. Il reconnaît ainsi un Aurignacien dans lequel il regroupe des grattoirs carénés, des grattoirs nucléiformes, et des racloirs atypiques. Il isole également un Aurignacien moyen comprenant des grattoirs à museau, des grattoirs à épaulement, des burins busqués et des burins simples (Idem : 18- 27).

J.B. Campbell (1980 : 49-53) classe, lui aus- si, la majeure partie du matériel de Paviland dans l’Aurignacien. Il considère que 555 outils de ce site se rattachent à ce complexe. Parmi eux, il mentionne 17 grattoirs carénés dont deux atypiques, 94 grat- toirs à museau, 7 grattoirs nucléiformes et 30 burins busqués. Cet important outillage aurignacien lui permet de dresser un diagramme cumulatif qu’il compare à des ensembles français pour conclure à un classement dans l’Aurignacien II. Il le rapproche, en outre, du matériel du trou du Diable à Hastière, également attribué à l’Aurignacien II.

Mais la classification typologique de J. Campbell semble être en très grande partie erronée et se base sur une définition très large des types ca- ractéristiques de l’Aurignacien. Quelques années plus tard, lui-même ne mentionne plus que 142 piè- ces aurignaciennes (Campbell, 1986 : 15). R. Jacobi (1990 : 281-285) a émis des réserves supplémentai- res quant à l’indentification typologique de certaines

pièces. Les faiblesses de la classification de J. Camp- bell ont bien été mises en évidence par la réévalua- tion récente du matériel lithique de Paviland (Swainston, 2000). En se basant sur le fait qu’il n’y a aucune stratigraphie des dépôts, mais un mélange avéré de différents complexes paléolithiques (Moustérien, Aurignacien, Gravettien, Creswellien), St. Swainston n’attribue à l’Aurignacien que les piè- ces typologiquement caractéristiques. La différence par rapport au classement de J. Campbell est forte puisqu’il ne reste ainsi que huit burins busqués, qua- tre grattoirs carénés atypiques, 29 grattoirs à museau, dix grattoirs à épaulement et trois lames aurignacien- nes (dont deux associées à des grattoirs) (Idem : 100- 107). Une bonne partie du reste de la collection est probablement aurignacienne mais il n’est pas possi- ble de le déterminer précisément. Elle rapporte éga- lement à l’Aurignacien un type particulier de « grattoir à épaulement à retouches inverses », déjà signalé sous le terme de « rostrate grattoir » ou clas- sé comme « burin latéral à retouche in- verse » (Sollas, 1913 : 20, 24), qu’elle considère comme propre à l’Aurignacien de Paviland. Ces piè- ces, qui semblent plutôt correspondre à une variante de production lamellaire de type burin caréné, ont, en fait, des parallèles dans certains ensembles aurigna- ciens du bassin mosan (Spy, Trou Magrite ; Otte, 1979 :128, 224-225 ; Dinnis, sous presse ; observa- tion personnelle du matériel).

Si l’étude de St. Swainston est la plus perti- nente, l’observation du matériel conservé au Natio- nal Museum of Wales à Cardiff conduit à émettre quelques réserves quant à l’appellation de burin bus- qué pour certaines pièces. Ainsi, parmi six pièces classées sous ce type, l’une est atypique (encoche très peu marquée), une autre un nucléus à lamelles bipolaire et deux autres sont des burins carénés. L’une de ces deux dernières pièces (Swainston, 2000 : 106) est similaire aux « burins carénés à re- touches bifaces » mentionnés par M. Otte à Spy et à Goyet (Otte, 1979 : 360). Il s’agit, en fait, de blocs sur lesquels on a aménagé une sorte de crête (les « retouches bifaces ») avant l’enlèvement des lamel- les formant le burin. Par ailleurs, plusieurs éclats de recintrage de grattoirs à museau ou à épaulement, déchets de la production lamellaire, ont été identifiés (au moins six pièces de ce type dans les collections du National Museum of Wales).

2.1.2. Kent’s Cavern

Kent’s Cavern a également livré du matériel attribué à l’Aurignacien. La classification typologi- que que donne J. Campbell (1980 : 40-44) pour cet ensemble est également douteuse. Il mentionne, par- mi les 112 pièces classées dans l’industrie « lincombienne » (considérée comme une variante de l’Aurignacien incluant les pièces bifaciales), trois grattoirs carénés, sept grattoirs à museau et un burin

busqué. Mais la présence des grattoirs carénés et du burin busqué est contestée (Jacobi, 1990 : 281-285). Actuellement, seules quelques pièces décrites comme grattoir à épaulement sont attribuées à l’Au- rignacien (Jacobi, 2007 : 298-301) ; ces grattoirs ne présentent cependant pas de véritables enlèvements lamellaires et nous semblent donc typologiquement peu caractéristiques (Fig. 46.3). Plus convaincante est l’occurrence d’une pièce similaire aux burins carénés à enlèvements inverses présents à Paviland (cf. supra ; Dinnis, sous presse).

2.1.3. Pièces isolées

Un burin busqué a été découvert au XIXe siè- cle dans la grotte de Ffynnon Beuno (Garrod, 1926). Outre la pointe de Jerzmanowice intégrée aux en- sembles LRJ décrits dans le chapitre précédent, quelques autres artefacts proviennent de la même grotte mais leur association avec le burin busqué n’est pas établie (cf. annexe) (Fig.46.1).

Un autre burin busqué typique, probablement découvert lors de fouilles au XIXe siècle, provient de Hoyle’s Mouth (près de Tenby, Sud-Ouest du Pays de Galles, Fig. 46.2). C’est la seule pièce aurigna- cienne provenant de cette grotte. Les fouilles plus récentes, dans les années 1960 et 1980, n’ont livré que du matériel datant de la fin du Paléolithique supérieur et du Néolithique (Aldhouse-Green, 1996 ; observation personnelle au National Museum of Wales).

Un fragment de pointe, probablement en bois de renne, a été retrouvé dans les collections prove- nant d’Uphill Quarry (Fig. 46.5). Il pourrait s’agir d’une pointe triangulaire ou losangique aplatie. Il est considéré comme très similaire aux pointes losangi- ques aplaties de l’Aurignacien II décrites par D. Peyrony à La Ferrassie (Jacobi & Pettitt, 2000). On peut aussi remarquer sa nette similitude avec un fragment de pointe provenant de la couche VII (Aurignacien) de la grotte du Renne à Arcy-sur- Cure (Julien et al., 2002 : 241).

Une autre pointe en matière osseuse est attri- buée à l’Aurignacien, elle provient de Hyeana Den (Fig. 46.4). Elle semble cependant typologiquement moins diagnostique, même si des comparaisons avec des pièces de l’Aurignacien de La Ferrassie et de l’abri Blanchard sont proposées (Jacobi, 2007 : 298). C’est surtout la datation réalisée sur cette pièce qui conduit à l’intégrer dans l’Aurignacien (cf. infra). Contrairement à ce qui était avancé par J. Campbell (1977, vol. 2 : 99), l’industrie lithique ne comporte pas de pièces carénées.

Le site d’Aston Mills (Gloucestershire) a livré des grattoirs à épaulement, découverts dans des graviers fluviatiles pléistocènes (Jacobi & Pettitt,

53 La transition du Paléolithique moyen au supérieur dans la plaine septentrionale de l’Europe

2000 ; Currant & Jacobi, 2002 : 109), une pièce simi- laire provient également de Nottle Tor Fissure (Jacobi & Pettitt, 2000 : 516). Sur base d’illustrations inédites, il nous semble devoir rester prudent quant à l’attribution de ces pièces à l’Aurignacien.

2.1.4. Pièces d’attribution erronée

D’autres artefacts provenant de divers sites britanniques ont parfois été classés dans l’Aurigna- cien sur des bases trop peu solides.

C’est le cas à Robin Hood Cave où un grattoir sur lame a été classé dans l’Aurignacien (Swainston, 1999 : 43 ; Campbell, 1980 : 52), la pièce est, cepen- dant, insuffisamment caractéristique. Ce grattoir sur lame retouchée est très similaire à une pièce isolée provenant de Cae Gwyn Cave (Nord du Pays de Gal- les) qui a aussi parfois reçu la même attribution (Garrod, 1926 : 111 ; McBurney, 1965 : 27 ; Jacobi, 1980 : 16 ; Campbell, 1986 : 15) mais qui peut aussi bien être comparée à des pièces du Paléolithique supérieur final (Jacobi, 1990 : 281-285).

J.B. Campbell (1980 : 51) identifiait égale- ment des pièces aurignaciennes dans la collection Long Hole mais, là aussi, sur des bases trop légères (cf. annexe). De même, la « pointe en ivoire » recon- nue par cet auteur dans le matériel provenant de Sol- dier’s Hole (Campbell, 1980 : 46-47) et qu’il com- pare aux pointes de l’Aurignacien II français, ne se- rait qu’un fragment d’os roulé (Jacobi, 1990 : 278).

La présence de pièces aurignaciennes dans le matériel de King Arthur’s Cave (ApSimon et al., 1992 : 218, 220, 225) n’est pas convaincante puis- qu’il s’agit de pièces typologiquement insignifiantes provenant d’une couche ayant, par ailleurs, livré des artefacts du Paléolithique supérieur récent. On peut aussi rappeler la présence supposée d’une lame à retouche aurignacienne « caractéristique » dans la collection de Badger Hole (Swainston, 1999 : 45), attribution que l’étude du matériel (Wells Museum) n’a pas confirmée.

De même, la mention d’artefacts aurignaciens dans trois grottes proches de Kent’s Cavern (Windmill Hill Cave, Tor Court Cave et Tornewton Cave), uniquement sur base de la matière première employée (Jacobi, 2007 : 298), est beaucoup trop hypothétique que pour être retenue ici.

Au final, on peut donc remarquer que l’Auri- gnacien est relativement peu présent dans les îles Britanniques. Au mieux, seuls huit sites ont livré des éléments caractéristiques de ce complexe et, dans cinq cas, il s’agit de pièces isolées. Remarquons que ces sites sont concentrés dans la partie occidentale de la Grande-Bretagne (Devon, Somerset, Pays de Gal- les et Gloucestershire ; Carte 2).