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3. METHODOLOGIE DU RECUEIL DE DONNEES

3.7. Trouver sa place comme enseignante et chercheuse

approfondi. Cette phase a mis en lumière des éléments nouveaux qui ont orienté notre réflexion vers d’autres champs de questionnement. 

3.7. Trouver sa place comme enseignante et chercheuse

Une difficulté méthodologique particulière est apparue, dans la mise en place de nos observations et des entretiens : la gestion de notre place à « double tête ». 

Lors des observations, le défi était plutôt orienté en terme organisationnel : comment regarder nos élèves à la fois par rapport aux acquisitions visées pendant le cours d’EPS afin de les guider activement dans leurs apprentissages, et à la fois au travers de nos questionnements de recherche ? D’autre part, nous n’étions pas perçue de la même manière, selon les terrains observés. Lors des observations de cycles danse en EPS, dans les collèges M et F, les enseignantes, Claire et Mathilde nous ont présentée comme une « collègue venue découvrir leur travail en danse ». Nos observations des collégiens de l’établissement H ont été centrées sur l’atelier UNSS, prioritairement en cirque, mais ont aussi eu lieu lors des temps de rencontres et de projets communs avec notre lycée (festivals départementales et académiques UNSS Arts du cirque, cérémonie d’ouverture du championnat du monde scolaire de handball). Les élèves nous considéraient comme une enseignante « spécialiste » et l’appartenance à l’établissement ne semblait pas prise en compte.  

Lors des entretiens, la problématique résidait plutôt dans la relation professeur-élève, établie avec les informateurs. Néanmoins, nous avons pris le temps de leur expliquer le cadre général de cet entretien et surtout son « rattachement » au domaine universitaire et non au lycée, afin de minimiser notre statut d’enseignante dans ce cadre précis. Nous avons pu constater que la nature des relations entretenues avec ces lycéens semblait avoir eu, dans une certaine mesure, une influence sur le déroulement des entretiens, plutôt en terme positif. D’une part, le climat des entretiens a toujours été serein et détendu. D’autre part, une certaine confiance caractérisait notre relation avec ces élèves. Nous pensons que cette relation a peut-être, dans certain cas, aidé l’élève à donner sa parole en confiance. Nous avons, à de nombreuses reprises, questionné cette relation. Pouvions-nous dans ces échanges, ignorer (ou faire semblant d’ignorer) les liens créés avec ces élèves, au cours des actions éducatives menées autour des APA au lycée ? Et finalement, comment mesurer l’impact et l’intérêt de ces liens dans le cadre de notre étude ?

Notre familiarité avec ces élèves allait au-delà du rapport classique « hiérarchique » « professeur-élève » instauré par le système éducatif. La relation tissée avec les élèves peut se présenter comme une construction sous forme de partenariat et d’estime, associée à une reconnaissance des élèves pour notre investissement « hors cadre ». Souvent, il nous est renvoyé cette définition de notre engagement professionnel au sein de la mise en œuvre des APA, de la part de nos collègues, comme de la part de nos partenaires artistiques. S’il parait important de dépasser les jugements de valeurs potentiels que pourrait comporter cette expression, il semble cependant nécessaire de circonscrire notre représentation de cet investissement « hors cadre », pour clarifier la relation que nous pouvons avoir avec les élèves engagés dans les espaces de pratiques volontaires. Pour tenter de préciser notre engagement dans les APA, nous exposerons les remarques régulières (et même si notre modestie est mise à l’épreuve) relevées dans notre quotidien de professeures d’EPS, enseignant la danse et le cirque :

Vous en faites trop les filles ! , « Mais comment vous faites ? », « C’est top ce que vous leur apportez à ces gamins ! », « Ne croyez pas qu’il n’y ait que la danse dans cet établissement scolaire », « Faut le faire quand même… partir en stage pendant les

vacances scolaires, vous n’avez rien d’autre faire ? », « Répéter les dimanches avec

vos élèves, on sait que c’est possible, il y n’aura jamais de problème avec vous, et ça

s’est vraiment top » 

La récurrence de ces remarques amène à penser, qu’effectivement, nous n’enseignons pas dans le respect strict des normes de l’Ecole, et des contraintes temporelles qui y sont associées. Pour qualifier notre positionnement professionnel, nous faisons appel à la typologie des identités professionnelles des enseignants d’EPS proposée par Thérèse Pérez-Roux207, et considérons que nous sommes proches, toutes les deux, du groupe que la chercheuse définit comme des « éducateurs »208. Et en cela, ce qui caractérise notre relation avec les élèves est la proximité et la centration sur des valeurs de confiance et d’écoute mutuelle. Pendant tout le

       

207 PEREZ-ROUX Thérèse, 2011, Identité(s) professionnelle(s) des enseignants : les professeurs d’EPS entre appartenance et singularité, Paris, édition Revue EPS. 

208 Pour qui « l’image du "professeur d’EPS idéal" est celle d’un éducateur, pédagogue (…) ouvert sur les autres enseignements et investi dans l’établissement. La recherche de réussite des élèves les amène à valoriser la réflexion sur les contenus pour qu’ils soient accessibles et permettent à chacun de progresser. Le métier le plus proche de celui d’enseignant est celui de "guide accompagnateur" » 

 

travail d’enquête réalisé, nous avons tenté de mettre cette proximité en perspective tant pour la critiquer qu’en tirer des avantages. Pour reprendre François Laplantine, « il n’existe pas d’ethnographie sans confiance et sans échange »209. L’enjeu principal de notre étude est d’entendre et comprendre la parole des élèves investis dans les APA. Cette confiance a permis, d’accéder de manière privilégiée à certaines informations, plus difficilement accessibles pour une personne étrangère au milieu, particulièrement dans les temps informels. L’entretien a fait l’objet de nombreux questionnements : comment présenter cet entretien pour dépasser le rapport « professeur-élève » ? L’élève pense-t-il devoir défendre les APA au travers de ce temps d’échange ? Se sent-il obligé de « bien répondre » à un enseignant ? Parallèlement à une présentation insistant sur la nature de cet entretien et son intérêt en tant qu’outils de compréhension et non de jugement, nous avons fait des choix méthodologiques, destinés à favoriser une forme de prise de distance par rapport au statut d’enseignante que nous avions aux yeux de l’élèves. La temporalité choisie est un des éléments qui nous a semblé avoir été opérant à ce niveau : 23 entretiens sur 24 ont été réalisés à la fin du mois de juin, ou début juillet, systématiquement après la période de passation du baccalauréat, voire une année plus tard. Au moment de leurs entretiens, 17 élèves quittaient l’établissement à la rentrée suivante (en raison de l’obtention de leur baccalauréat), 4 élèves étaient à la fin de la première année de leur cursus post-bac, et 3 élèves étaient en classe de première. 

Si cette relation particulière reste à discuter, plus qu’entraver notre recherche, elle est apparue comme un élément aidant à la compréhension du discours des acteurs et stimulante dans notre travail de réflexivité. 

 

   

       

209 LAPLANTINE François, 1996, La description ethnographique, Collection 128, Paris, Armand Colin, réédition 2005. 

CHAPITRE 4 : LES APA, ENTRE COMBATS ET

ARRANGEMENTS  

L’objet de cette recherche n’est pas l’analyse des caractéristiques de la mise en pratique des différents travaux didactiques concernant les APA scolaires. Il s’agit d’observer, d’écouter et de comprendre l’expérience des élèves danseurs et circassiens, pratiquant ces activités en collège et en lycée. Pour cela, la présentation (succincte) du cadre institutionnel, didactique et pédagogique dans lequel l’enseignant d’EPS s’inscrit (de manière plus ou moins distanciée et personnelle) est un facteur de compréhension du vécu des élèves dans les APA.