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1. LE LYCEE LF, ORIGINE ET TERRAIN DE LA RECHERCHE

1.4. Tensions internes et contradictions :

de la danse en lien avec de multiples formes artistiques, par la pratique et la découverte de spectacles.

1.3.4. MODALITES DINTERVENTION DANS LES ACTIVITES PHYSIQUES

ARTISTIQUES AU SEIN DU LYCEE LF

Depuis notre affectation en 2003 au lycée LF, en tant que professeure d’EPS, nous nous investissons dans l’enseignement des activités physiques artistiques. Au sein du lycée LF, le partenariat avec notre collègue d’EPS, Sylvie, a permis d’enrichir notre expérience professionnelle. En effet, spécialiste de l’enseignement des APA, elle a permis le questionnement de nos choix didactiques et pédagogiques, et fait évoluer notre pratique d’enseignante. Dans un travail « ensemble », chacune d’entre nous intervient dans toutes les formes de pratique des APA proposées au lycée.  

Plus spécifiquement, nous intervenons pour le groupe des premières « Arts danse » alors que Sylvie a la responsabilité des secondes et terminales « Arts danse ». En revanche, nous menons conjointement chaque projet collectif (stages, sorties, séjours culturels, conférences, temps forts…) relatif à cet enseignement. L’organisation est identique pour les élèves de « section EPS », depuis 2003, le groupe d’élèves de première est sous notre responsabilité et ceux de secondes et terminales sous celle de Sylvie. 

Enfin, pour ce qui est de l’Association Sportive du lycée, après avoir co-encadré la danse avec Sylvie durant quatre ans, nous nous sommes plus spécifiquement attachée à créer une dynamique autour des arts du cirque depuis 2005 et n’encadrons plus la danse depuis 2007 au sein de l’AS. En revanche, nous réalisons des projets ensemble et particulièrement des temps communs de représentations danse et cirque (sur scène et en extérieur). 

1.4. Tensions internes et contradictions :

La danse et les arts du cirque au lycée LF se déroulent dans plusieurs cadres de pratique, présentant des objectifs spécifiques et complémentaires, comme le présente l’annexe n°3) 

Ce lycée peut être considéré comme un établissement dynamique dans l’académie en matière d’enseignement des pratiques physiques artistiques, pris en charge par deux

enseignantes d’EPS spécialistes et parallèlement formatrices dans différents dispositifs proposés dans l’académie de R. (formation continue et initiale).  

1.4.1. L’ENSEIGNEMENT DES APA AU SEIN DE LEQUIPE D’EPS

Dans l’équipe pédagogique EPS, comptant au total 8 professeurs, deux enseignantes s’investissent tout au long de l’année dans ces activités, et deux autres collègues mettent en place un cycle d’EPS de 7 à 8 séances de cirque et/ou de danse dans l’année, généralement en classe de 2nde ou de 3ème professionnelle (Prépa Pro) et plus rarement en 1ère

J’ai fait la formation danse il y a quelques années. Ça m’a beaucoup apporté… parce

que moi, je ne suis pas vraiment dans l’artistique. Mais grâce à cette formation, j’ai

compris la démarche… comment mettre en création les élèves… mais le problème, c’est que je ne suis pas pertinent dans mes relances pendant les ateliers… je n’arrive

pas à bien rebondir sur les propositions des élèves… Et là, je vois mes limites… mais

bon… chaque année, je fais un cycle d’acro-cirque182 avec ma classe de seconde… et

chaque année, c’est le cycle qui marche le mieux. Je le sais ! Je prends vraiment du

plaisir à les voir s’investir… surtout quand on arrive à la fin et qu’ils sont en train de créer leurs projets… Et souvent, c’est vraiment un cycle sympa, dans lequel je prends

du plaisir… mais à chaque fois que je commence ce cycle… je ne me sens pas

serein…ce n’est vraiment pas une activité que je maîtrise…mais bon… ça ne

m’empêche pas de la proposer…mais c’est vrai que leur proposer muscu, c’est plus

facile pour moi… » (Laurent, enseignant de l’équipe EPS depuis 2001). 

La majorité des collègues de cette équipe ne se sentent pas capables de mettre en place ces activités. Nous avons pris part à de nombreux débats autour du projet d’EPS et la place des activités artistiques durant ces quinze dernières années. Au départ, un consensus était relativement suivi par tous les enseignants de l’équipe : un cycle d’activité artistique (Compétence183 Propre n°3 (CP3) : « Réaliser une prestation corporelle à visée artistique ou

       

182 Il s’agit d’un cycle prenant appui prioritairement sur le corps acrobate (une des familles circassiennes) : à partir des porters type acrosport, l’enseignant va amener les élèves dans la démarche de création et de composition.  

183 Les programmes d’EPS pour le cursus lycée définissent différentes compétences à développer : « Les compétences propres à l’EPS, s’observent à travers les réalisations motrices de l’élève ; elles supposent de sa part la mobilisation à bon escient de l’ensemble de ses ressources, physiologiques, cognitives, affectives, etc (…). Les compétences méthodologiques et sociales révèlent l’acquisition de méthodes, d’attitudes, de démarches réflexives. Elles constituent de véritables outils qui permettent à l’élève de savoir apprendre, de savoir être, seul et avec les autres, tant à l’école qu’en dehors ». La CP3 « correspond à un regroupement des activités de danse, arts du cirque, gymnastique (sol et agrés), gymnastique rythmique, acrosport, aérobic. 

 

esthétique »184) proposé pour chaque classe de 2nde. Puis, les textes officiels et la dynamique de formation rectorale a renforcé la place des activités de type CP5 : « Activités physiques en vue de l’entretien de soi »185. Et si le projet d’EPS mentionne toujours que la programmation des classes de 2nde doit être commune dans l’équipe d’EPS, en comportant une activité d’entretien et une A.P.A., la pratique est plutôt contrastée. La moitié des collègues considèrent ces pratiques comme « trop compliquées » ou « trop compliquées avec certaines classes, surtout

les classes où il y a beaucoup de garçons… ». Selon eux (collègues masculins et féminins), ils

manquent « de compétences » dans les activités artistiques, bien qu’ils aient tous bénéficié d’une formation dans ce domaine dans le cadre de l’UFR STAPS et d’au moins un stage de formation continue concernant l’enseignement des A.P.A. 

Mais si l’enseignement des A.P.A. n’est pas majoritaire en cours d’EPS, les collègues de l’équipe considèrent la danse comme une des activités « phare » de cet établissement, particulièrement en raison de la dynamique de l’enseignement « arts : domaine danse », qui parfois « prend trop de place » selon certains d’entre eux : Il n’y a pas que la danse ici… mais

il y a du matériel de partout… avec le cirque, vous recyclez tout ! on n’a plus d’place pour

ranger notre matos ! » (Milo). Cette question de l’espace et de la place matérielle et symbolique occupée par les activités artistiques au lycée est relayée dans leurs propos par une comparaison avec les autres APS (Activités Physiques et Sportives) :

Vous nous faites remarquer que l’on n’est pas venus voir les élèves à leurs spectacles

de danse ou de cirque… mais vous venez, vous… aux finales acad’ du Cross ? ou de Sports Co ? » (Milo).

1.4.2. L’ENSEIGNEMENT DES APA AU SEIN DE LETABLISSEMENT

La dynamique concernant ces activités dans le lycée est une réalité, mais elle n’est pas toujours valorisée. Les APA sont considérées comme « prenant un peu trop de place » à la fois par l’équipe EPS, mais aussi au sein du lycée.

       

184 MEN, Programmes d’EPS pour les lycées d’enseignement général et technologique, Bulletin officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010.

185 Programme lycée : CP5, compétence spécifique au lycée regroupant : musculation, step, natation en durée, course de durée. 

Alors que de nombreuses actions ont été organisées au cours des deux premiers trimestre 2017-2018, pour trouver des financements pour le projet de séjour en Inde, Sylvie, lors d’une entrevue avec le chef d’établissement, s’est entendu répondre : « Il n’y a pas que la danse dans

cet établissement, Madame, j’ai bien d’autres choses plus importantes à gérer… » 

L’enseignement des APA ne fait pas l’unanimité dans cet établissement, ni auprès de la communauté éducative, ni au sein de la population scolaire accueilli. Or de nombreux projets sont mis en place chaque année, dans le cadre de l’enseignement Arts Danse, de l’enseignement complémentaire EPS, dans les ateliers UNSS, mais aussi avec des classes complètes comme celle intitulée « ouverture culturelle », ou des projets transversaux EPS-Littérature. Enseigner ces activités et mener ces projets implique une posture « militante » et combative. Il faut à la fois convaincre de l’utilité de ces activités, au sein d’un établissement prioritairement centré sur la question des résultats aux examens. Ce positionnement est celui de la direction, pour qui la qualité (et la réputation) du lycée passe par une efficacité chiffrée, en termes de pourcentage de réussite aux examens. Les APA apparaissent dans ce contexte, plutôt anecdotiques, malgré un discours valorisant l’ouverture culturelle. Cette adhésion, relative de l’administration (qui a particulièrement évolué ces cinq dernières années, dans le sens d’un affaiblissement du soutien), est aussi repérable au sein de la communauté éducative, avec une partition au sein des enseignants : une minorité (environ un quart, soit 30 à 35 enseignants chaque année) soutiennent et s’intéressent à l’activité des élèves investis dans ces pratiques, un peu plus de la moitié y sont indifférents (soit environ 80 professeurs) et une vingtaine y sont réellement hostiles, remettant en cause l’intérêt de ces activités au sein d’un lycée. 

2. EVOLUTION DE LA METHODOLOGIE ET DU TERRAIN D’ENQUETE 2.1. Trois phases de recueil d’informations

Le recueil d’informations de cette recherche s’est déroulé en trois phases, articulées autour de la conduite d’entretiens individuels et collectifs, ainsi que d’observations participantes. Ce séquençage du corpus de données fut imposé par notre statut d’enseignante. Ainsi ce travail de recueil de données s’est inscrit dans un cheminement progressif, guidé par

 

les circonstances186. Pour reprendre l’anthropologue François Laplantine, l’ethnographie est « une activité résolument perceptive, fondée sur l’éveil du regard et la surprise que provoque la vision, cherchant dans une approche délibérément microsociologique à observer le plus attentivement possible tout ce que l’on rencontre, y compris et peut être même surtout les comportements en apparence les plus anodins (…), les gestes, les expressions corporelles, les silences, les soupirs, les sourires, les grimaces »187. Ces phases de recueils d’informations ont été orientées par cette nécessité de nous rendre disponible, au travers d’une attitude que cet auteur nomme « attitude de dérive (…) de disponibilité et d’attention flottante » afin de « se laisser approcher par l’inattendu et l’imprévu »188

Dans un premier temps, nous avons réalisé une phase d’entretiens préalables, avec des élèves que nous connaissions et qui avaient vécu un parcours de danse et/ou de cirque, entre la classe de 2nde et la terminale. Ces entretiens ont été réalisés à la fin de leur cursus de lycée, la plupart du temps entre juin 2007 et juillet 2008. Cette étape (correspondant à l’obtention de notre master) nous a permis d’affiner nos questionnements et d’envisager l’enclenchement d’une recherche doctorale. 

Grâce à l’obtention d’un congé pour formation à mi-temps, à la rentrée 2011, nous avons pu entamer un travail de thèse doctorale et amorcer un second temps de recueil d’informations, de juin 2011 à juin 2014, qui s’articula autour de la mise en place d’entretiens individuels, collectifs et d’observations d’élèves du lycée LF mais aussi de trois autres établissements scolaires : deux collèges (collèges M et F) et entre 2014 et 2018, nos observations ont été étendues à un troisième collège (le collège H) et particulièrement l’atelier UNSS Arts du cirque, présent dans cet établissement. Enfin, une dernière période entre mai et juin 2018, a été prévue au travers d’une dernière série d’entretiens, dans le but d’approfondir et préciser certains éléments d’interprétation. Dans l’ensemble du recueil de données, nous avons toujours gardé des temps consacrés à l’étude du public scolarisé au lycée LF. 

       

186 CEFAÏ Daniel (dir.), 2010, L’engagement ethnographique, Paris, Editions de l’EHESS.

187 LAPLANTINE François, 1996, La description ethnographique, collection 128, Paris, Armand Colin, 2005, p.15