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2. OUTILS CONCEPTUELS CHOISIS POUR CETTE ETUDE (ENGAGEMENT, CARRIERE, IDENTITE, ATTACHEMENT)

2.5. Processus identitaire et normes de genre

systématiquement, outre l’unité, à faire ressortir le bon côté des choses », alors que la responsabilité personnelle de son avenir et de sa « réussite » est devenue une injonction incontournable pour chaque individu dans une société compétitive. En effet, « plus la responsabilité de la compétition interindividuelle se développe, plus les individus se persuadent de leur responsabilité personnelle »138, chacun se perçoit alors « comme le responsable de son propre malheur »139

S’engager, revient à risquer des décalages, susceptibles, à la fois de provoquer de l’incertitude, mais aussi de conduire à s’inventer autrement, par ses choix et ses actes. Or, selon Jean Claude Kaufmann, « l’identité s’organise autour d’une dynamique contradictoire. Elle est à la fois ce qui permet à ego de s’unifier, de donner un sens relativement cohérent à sa vie, et ce qui lui permet à l’inverse de créer des décalages avec les attendus de la socialisation ». Quelle est la « nature » de ces décalages et en quoi la pratique du cirque et de la danse en milieu scolaire s’inscrivent dans ce processus de reformulation et de négociation entre « identité biographique », « plutôt du côté de l’unité » et « identité immédiate », « du côté de la fragmentation »140 ? En quoi les APA pourraient-elles être, pour reprendre cet auteur, des espaces propices à des « identifications immédiates, ponctuelles » jouant la carte de la multiplicité et de l’innovation identitaire ?

2.5. Processus identitaire et normes de genre

Etudier le sens donné par les élèves à ces pratiques en milieu scolaire, questionne sur les représentations de ces pratiques, dans et hors de l’Ecole, en termes de rapport aux normes de genre. Le concept de « genre » est un outil pour penser les APA dans l’institution scolaire. Les rapports masculin/féminin ont été investis par les chercheurs et particulièrement par les anthropologues, qui ont mis en lumière la construction sociale du genre dans différentes sociétés, au-delà d’une réalité biologique, prétexte à de nombreuses inégalités entre les sexes. En s’appuyant sur les travaux fondateurs de Margaret Mead dans « L’un et l’autre sexe »

138 KAUFMANN Jean Claude, 2004, L’invention de soi, Paris, Hachette Littérature, p. 189. 

139 DUBET François, MARTUCCELLI Danilo, 1998, Dans quelle société vivons-nous ?, Paris, Seuil.

140 KAUFMANN Jean Claude, 2004, op. cit., p. 164.   

(1948), Betty Lefèvre141 avance que « nous n’avons aucune raison de croire qu’il existe des types de comportements féminins ou masculins innés », précisant que ces recherches ont été à l’origine de « la contestation/déconstruction du naturalisme qui posait la condition faite aux femmes comme une donnée biologique » 142. Les formes d’engagement des élèves dans les activités de danse et de cirque en milieu scolaire, ont été regardées au travers du concept de genre, dont les définitions sont nombreuses et complémentaires. Pour notre part, nous avons choisi de nous appuyer sur celle proposée dans les années 70 par Ann Oackley143, citée par Betty Lefèvre : « le mot sexe se réfère aux différences biologiques entre mâles et femelles, à la différence visible entre les organes génitaux et à la différence corrélative entre leurs fonctions procréatrices. Le genre, par contre, est un terme qui renvoie à la culture : il se réfère à la classification sociale en "masculin" et "féminin" ». A cette définition, peut s’ajouter celle de Jean Saint Martin et Thierry Terret, dans la mesure où cet apport donne un éclairage supplémentaire et aide à définir ces modalités d’expression, à la fois dans les représentations mais aussi dans les conduites observables. « Le genre est défini ici comme l’ensemble des formes d’expressions sociales de la féminité et de la masculinité, et l’ensemble des signes, pratiques et symboles qui dénotent une appartenance identitaire et fondent un type de relation (pouvoir, hiérarchie…) entre les sexes ou au sein de chacun des sexes »144. Pour reprendre les propos d’Hélène Marquié145, « la danse est incontestablement un domaine très féminisé dans ses pratiques, amatrices et professionnelles », ce qui nous est rappelé par de nombreux collégiens et lycéens. L’annonce d’un cycle de danse, programmé dans les cours d’EPS, est accompagné de remarques sexistes et rappelle que cette activité ne va pas de soi en EPS. Car, comme le souligne Betty Lefèvre « danser n’est pas simple production de belles formes : cette action est saturée de valeurs implicites sur la différence entre les sexes et participe à la

       

141  Betty Lefèvre est Professeure émérite à l'université de Rouen, anthropologue des pratiques corporelles artistiques contemporaines. 

142  LEFÈVRE Betty, 2004, « L’expression du genre dans les pratiques sportives et artistiques », Conférence « Mission Egalité », Maison de l’université,15 janvier 2004. 

143 OACKLEY Ann, 1972. Sex, Gender and Society, London, Temple Smith, nouvelle ed. Cower Publishing Compagny, 1985. 

144 SAINT-MARTIN Jean, TERRET Thierry, 2005, « Quand le genre s’apprend… », in SAINT-MARTIN Jean et TERRET Thierry (dir.), Sport et genre, vol. 3, Paris, L’Harmattan, coll. « Espaces et Temps du sport », p. 9. 

145 MARQUIÉ Hélène, 2016, Non, la danse n’est pas un truc de filles - Essai sur le genre en danse, Toulouse, L’Attribut. 

 

construction des représentations sociales sur le masculin/féminin »146. La présence de la danse, toujours considérée comme une activité féminine, semble incongrue dans les cours d’EPS, au travers des remarques de nombreux élèves, et particulièrement les garçons. Danse et cirque scolaires, sont encore aujourd’hui des APSA peu programmées en EPS147, qui, à l’image des facultés des sciences du sport, reste « un espace majoritairement sportivocentré », dans lequel « les pratiques artistiques constituent encore (et toujours) de l’étrangeté »148, et suscitent de nombreuses interrogations, voire des attitudes de rejet. Les stéréotypes de genre sont présents dans les APA, mais ces activités, et particulièrement la danse, offrent des manières spécifiques d’explorer les différentes modalités d’expression et d’articulation des rapports du féminin et du masculin. Pour reprendre les propos d’Hélène Marquié149, « la danse fournit à l'étude des rapports sociaux de sexe des méthodes et des outils (l'analyse du mouvement, la kinésiologie, par exemple) qui permettent d'aller bien au-delà des simples représentations. Ces éléments s'avèrent précieux dans la mesure où l'idéologie à (et dans) l'œuvre se manifeste autant dans les "sous-textes", dans les états de corps, dans les tensions et les flux d'énergie, dans la temporalité intime, que dans les stéréotypes de sexe manifestés, tels que la sociologie par exemple peut les étudier » 150. Notre expérience de pédagogue de la danse et du cirque, et de pratiquante amatrice de ces activités nous a donné un accès à ces outils. Il a permis un approfondissement de ceux-ci par un va et vient entre la mise en jeu de notre propre corps et un travail réflexif sur cette pratique. Ces outils, tels que l’analyse des formes corporelles, de leurs trajets dans l’espace, avec par exemple le repérage de différentes qualités de mouvement, les qualités de contact entre les élèves, etc) sont des indicateurs de lecture aidant à la mise en œuvre de nos observations ethnographiques. Nos axes d’analyse et d’interprétation des différentes formes d’engagement dans les APA scolaires se sont appuyés sur le repérage de ces « sous-textes »151

       

146 LEFEVRE Betty, 2011, Variation sur le genre dans une formation au professorat de danse, in Journal des anthropologues, n°124-125, p.257-286 

147  GERMAIN-THOMAS Patrick, 2016, Que fait la danse à l’école. Enquête au cœur d’une utopie possible, Monts : édition de l’attribut. 

148 LEFÈVRE Betty, 2011, op cit. 

149 Hélène Marquié est Maîtresse de conférences, HDR, Centre d’Etudes féminines / Etudes de genre, Arts et genre, Université de Paris VIII. 

150 MARQUIÉ Hélène, 2002, « Femmes et danses : émancipations, conquêtes et résistances. Les enjeux de corps créateurs », Université de Liège (Belgique), Séminaire 2002. 

Si la danse et le cirque peuvent être considérés comme des terrains favorables à l’expression et à l’incorporation des normes de genre, l’Ecole l’est également, comme le montrent de nombreux sociologues de l’école, et des sciences de l’éducation, pour qui le système éducatif reste aujourd’hui un lieu de fabrique du genre, où les inégalités entre filles et garçons n’ont de cesse de perdurer, malgré une amélioration relative. Pour reprendre Marie Duru-Bellat, « l’école fonctionnerait donc avant tout comme une caisse de résonance d’inégalités prévalant dans la société ; elle serait sexiste par abstention… Cette abstention serait d’autant plus prégnante qu’elle masquerait une profonde ambivalence. Alors même que les inégalités sociales sont injustifiables dans une société démocratique, les inégalités entre les sexes peuvent être acceptées dès lors qu’elles sont transmuées en différences (l’"égalité dans la différence") » 152. Néanmoins, des évolutions ont opéré au sein du système éducatif en termes de réussite scolaire des filles par rapport aux garçons, ce qui laisserait présager d’une atténuation de ces différences. Mais comme le montrent Christian Beaudelot et Roger Establet, « les progrès scolaires des filles n’entraînent pas automatiquement la promotion des femmes. »153. Partageant les constats des chercheurs se penchant sur la question des inégalités entre filles et garçons au sein de l’Ecole, ces auteurs affirment que l’on assiste actuellement à la fois, « à une progression spectaculaire des scolarités féminines » et dans le même temps « un maintien des ségrégations entre filles et garçons au terme et au cœur des scolarités. (…). La réussite scolaire n’est pour personne une fin en soi. Le capital scolaire n’a de valeur que s’il se transforme en capital social » 154

. Le système éducatif continue aujourd’hui de renforcer les inégalités entre filles et garçons, illustrant ce que dénonce Françoise Héritier : « la valence différentielle des sexes », c’est à dire « un rapport conceptuel orienté, sinon toujours hiérarchique, entre le féminin et le masculin »155. Celui-ci impose dans les représentations « des catégories dualistes, des oppositions binaires de caractère concret ou abstrait, lesquelles se trouvent, surtout les concrètes, connotées du sigle de masculin et du féminin »156. Les normes

       

152 DURU-BELLAT Marie, 2008, La (re)production des rapports sociaux de sexes : quelle place pour l’institution scolaire ?, in Travail, genre et sociétés, 2008/1 n°19, p.131-141 

153 BAUDELOT Christian et ESTABLET Roger, 1992, Allez les filles : Une révolution silencieuse, Paris Edition du Seuil, (réed. 2006), p. 13-15.  

154 Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET, 1992 (réed. 2006), Op. cit. 

155 HÉRITIER Françoise, 1996, Masculin/Féminin : La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob. 

156 HERITIER Françoise, 2002. Masculin/Féminin II : dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob. p.16-17.   

 

du masculin et du féminin reposent ainsi sur la définition de caractères opposés sur lesquels se développent les stéréotypes157 de genre, autour d’oppositions ordinaires, et tenaces, dans notre société : chaud/froid, sec/humide, actif/passif, lisse/rugueux, dur/mou, sain/malsain, rapide/lent, fort/faible, belliqueux/paisible, compétent/incompétent, clair/obscur, mobile/immobile, extérieur/intérieur, supérieur/inférieur, aventureux/casanier, etc, mais aussi abstrait/concret, théorique/empirique, transcendant/immanent, culture/nature…»158, pour reprendre les mots de Françoise Héritier. Cette opposition binaire entre le féminin et le masculin, légitime, sans aucun fondement, la hiérarchisation entre les sexes, éloignant le modèle de la complémentarité, au profit de celui de la domination. Cette domination s’appuie sur des symboles et des attitudes visant à asservir la femme, comme le relate le sociologue Daniel Welzer-Lang159, en présentant les apports théoriques de Maurice Godelier, Pierre Bourdieu et François de Singly. Comme il le souligne, ces sociologues mettent en avant la permanence de la violence, symbolique comme physique, (premier principe de ritualisation de la masculinité), la dévalorisation plus ou moins explicite de la féminité, et la sauvegarde par différentes stratégies de la domination masculine. Cependant, Daniel Welzer-Lang160, comme d’autres chercheurs, dont Sylvie Ayral161 et Yves Raibaud,162 mettent en lumière des évolutions et des formes de renégociation des relations entre les hommes et les femmes Ainsi, au sein du système éducatif, la montée de la réussite scolaire des filles peut-elle être envisagée comme un catalyseur potentiel de la transformation du système scolaire ? Pourrait-elle être un levier d’affaiblissement des inégalités entre les hommes et les femmes dans la société, par un jeu de remise en cause des stéréotypes masculins-féminins et de renégociation des normes de genre ? C’est ce qu’envisage, avec beaucoup de prudence et de précaution, Marie Duru-Bellat, affirmant que « la réussite scolaire des filles est une anomalie et une source irrépressible de changements, de même que la scolarisation est, de manière générale, à la fois un vecteur de

       

157 Le terme stéréotype se définit par une « idée, opinion toute faite, acceptée sans réflexion et répétée sans avoir été soumise à un examen critique, par une personne ou un groupe, et qui détermine, à un degré plus ou moins élevé, ses manières de penser, de sentir et d'agir »

158 HERITIER Françoise, 2002, op cit. 

159 WELZER-LANG Daniel, 2004, Les hommes changent aussi, Paris, Edition Payot et Rivages.

160 WELZER-LANG Daniel, 2004, op cit

161 AYRAL Sylvie, 2011, La fabrique des garçons : sanctions et genre au collège, Paris, Presses Universitaires de France.

162 AYRAL Sylvie, RAIBAUD Yves, 2014, Pour en finir avec la fabrique des garçons : Tome 1 : A l'école, Genre, Cultures, sociétés, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine.

reproduction et un vecteur de changement. » Les conclusions actuelles dénoncent la responsabilité de l’Ecole dans ce processus d’inégalité mettant à jour sa participation active dans le maintien des stéréotypes de genre. Néanmoins, il semblerait que des inflexions dans cette hiérarchisation du masculin et du féminin soient en train d’opérer, tout autant que des résistances comme l’affirme Christian Beaudelot et Roger Establet : « La montée des femmes est donc bien un phénomène de première importance. Mais en jalonnant l’édition de 1992 par des notes de 2006, nous observons que les obstacles rencontrés à la pleine reconnaissance des femmes sont, eux aussi, persistants et robustes. (…) En un siècle, les filles ont gagné à l’école les titres de l’égalité et des atouts pour les faire valoir. Mais l’histoire de l’égalité n’a fait que commencer. » 163 Ces axes de recherches et analyses partagés par de nombreux scientifiques, ont été un soutien à nos analyses, concernant la gestion, par les élèves, du rapport aux normes de genre, au sein des pratiques de danse et de cirque scolaires. 

Les APA, comme pratiques au sein de l’Ecole, sont des activités enseignées le plus souvent dans le cadre de l’EPS, et majoritairement par des enseignants (et plus fréquemment par des enseignantes) d’EPS. Plusieurs études ont questionné la place et le rôle de l’EPS dans la construction des inégalités entre filles et garçons, et s’accordent, sur des conclusions convergentes : l’EPS, tendrait à renforcer les stéréotypes de genre, comme l’expliquent les sociologues, Gilles Combaz et Olivier Hoibian, spécialisés notamment dans l’étude des pratiques physiques en milieu scolaire. Au travers d’une étude centrée essentiellement sur « les contenus d’enseignement », ces chercheurs concluent que « les conceptions et les pratiques développées dans cette discipline contribuent, pour une part, à maintenir les inégalités de réussite selon les sexes »164. L’EPS n’échappe pas à cette tendance au renforcement des stéréotypes de genre. Au sein des facultés des Sciences du Sport, « le sport reste au centre à la fois des filières proposées, des laboratoires de recherches associés et d’un imaginaire dominant sur la valeur différentielle des sexes »165. Betty Lefèvre questionne ainsi cet « espace de fabrication des garçons », d’où sortent les futures générations d’enseignants d’EPS. Il semble

       

163 BAUDELOT Christian, ESTABLET Roger, 1992, Allez les filles : Une révolution silencieuse, Paris, Edition du Seuil, (réed 2006), p. 13-15. 

164 COMBAZ Gilles, HOIBIAN Olivier, 2008, Le rôle de l'école dans la construction des inégalités de sexe. L'exemple de l'éducation physique et sportive, in Travail, genre et sociétés, 2008/2 Nº 20, p. 129-150 

165 LEFÈVRE Betty, 2014, Fabriquer du masculin dans les formations en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) ?, in AYRAL Sylvie., RAIBAUD Yves, (dir) Pour en finir avec la fabrique des garçons, Vol. 2 , Loisirs, sport, culture, Pessac, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine.

 

en effet que les STAPS et par extension le domaine de l’EPS, reste encore « sportivo-centré », tant dans les contenus proposés, les procédures pédagogiques majoritairement mobilisées que dans les représentations de ses acteurs (enseignants et élèves). Et malgré quelques inflexions des normes de genre ces dernières décennies, rendues possibles par une « forte poussée féminine », le sport reste « une activité majoritairement pratiquée par les hommes », et ainsi « un domaine masculin » particulièrement au sein des populations adolescentes166. Et « alors que les ministères promeuvent les questions d’égalité dans l’accès aux métiers, le Centre EPS & Société constate la sous-représentation endémique des filles en Staps (28,7% actuellement). (…) Pour prendre à bras le corps cette question, le centre EPS et Société a décidé de constituer un groupe de travail, réunissant des universitaires en STAPS et des enseignant-es d’EPS pour mener deux enquêtes nationales, l’une auprès des lycéennes, l’autre auprès des UFR STAPS. »167. Ce groupe de travail alerte sur les répercussions déjà constatées mais aussi à prévoir, sur le métier d’enseignants d’EPS. La question du choix des filles de s’orienter de moins en moins dans ce domaine doit être abordée, et particulièrement au travers de l’analyse des conditions d’attractivité et des formations aux métiers du sport. « Pas plus en matière de métiers, qu’en matière de jouets ou de loisirs, les choix d’orientation ne sont à isoler des environnements sociaux qui les produisent, les accompagnent, les valorisent. Ces choix sont soumis à l’influence des modalités de communication, des incitations parentales ou sociétales, des modèles véhiculés par les institutions, du rôle de l’École, bref aux rouages de la socialisation dont les effets sont déterminants dans la construction progressive de la division sexuée des insertions professionnelles ». Le groupe pose l’urgente nécessité de travailler sur l’attractivité de ces métiers, dès les classes de lycée, en accordant une attention toute particulière aux structures et filières de formation universitaire et autres, car « ce sont en effet les disparités sexuées au sein des filières de formation qui vont, pour partie, prédéterminer les cloisonnements ensuite observés sur le marché du travail » (« Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », Chiffres clés, 2015). Le collectif insiste sur le fait qu’il est urgent de rappeler que « la mixité est un acquis récent, qu’elle n’implique automatiquement ni l’égalité, ni la parité et

       

166 FONTAYNE Paul, SARRAZIN Philippe, FAMOSE Jean Pierre, 2001, « Les pratiques sportives des adolescents : une différenciation selon le genre, STAPS, 2001/2, Vol n°55, p23-37

167 Les filles en voie de raréfaction en STAPS : État des lieux, enjeux et actions à promouvoir, Groupe « Le groupe Filles et STAPS » – Mis en ligne le 10 mars 2016, disponible sur : http://www.epsetsociete.fr/Les-filles-en-voie-de-rarefaction

que sans vigilance, elle n’interfère en rien sur les logiques de domination, qu’elles soient de classe ou de sexe »168. Avec ce rapport, le groupe « Filles et STAPS » alerte sur la disparition des filles dans les filières STAPS et rappelle que cette situation n’est pas irréversible, mais affaire de volonté.

De même, au travers de l’analyse des discours des « "spécialistes" des APA », Sylvain Ferez constate « le retour de l’ordre sexué », « et donc l’échec de la perspective subversive inaugurée par l’expression corporelle dans cette discipline »169, tout « en s’inscrivant dans un modèle théorique conflictualiste ». Selon Marie-Carmen Garcia, les représentations et les pratiques des enseignants concernant les APA en EPS et notamment le cirque « s’élaborent autour de la notion de complémentarité des sexes »170, renforçant ainsi les stéréotypes de genre et les inégalités. Mais qu’en est-il dans le cadre de pratique volontaire, telles que l’UNSS ou les enseignements facultatifs ? Dans ces dispositifs spécifiques, les pratiquants seraient-ils amenés à questionner leurs représentations du « masculin » et du « féminin » ? Pourquoi actuellement