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A l’heure où la danse contemporaine obtenait une reconnaissance institutionnelle en France (années 1980), des enseignant.e.s d’EPS ont proposé des réflexions issues de leurs pratiques et se sont engagé.e.s pour promouvoir la « danse à l’école ». Parmi les plus connues : Claude Pujade Renaud (professeure EPS et chercheure), (Jacqueline Robinson (chorégraphe) à la fin des années 70 et dans le début des années 80, Marcelle Bonjour (Inspectrice pédagogique), Tizou Pérez, Annie Thomas, et bien d’autres. Depuis, la réflexion sur les APA, s’est étendue

       

221 MEN (2010). Programme des enseignements de la classe de seconde générale et technologique, BO HS n°6 du 30 août 2000.

222 MEN, Programmes du collège : programmes de l’enseignement de l’éducation physique et sportive, BO spécial n°6 du 28 août 2008.

223 SIZORN Magali, 2014, « Le cirque à l'épreuve de sa scolarisation. Artification, légitimation… normalisation ? », Staps 2014/1 (n° 103), p. 23-38.

224 TRIBALAT Thierry, 2004, La pratique du cirque en EPS, visées éducative et contenus d’enseignement, Communication aux journées APGA, Valenciennes.

 

au domaine du cirque et les propositions n’ont eu de cesse de se développer, en lien étroit avec le domaine de la recherche. Aussi, nous présenterons une courte synthèse de ces apports identifiant les éléments caractéristiques de l’enseignement des APA. Il s’agit de préciser le contexte des conduites étudiées et non d’en faire une analyse approfondie, l’enjeu de notre étude étant la compréhension des formes d’engagement des élèves dans ces pratiques. 

Pour Philippe Guisgand et Thierry Tribalat 225, « l’activité physique artistique est une activité humaine de représentation physique du réel. Elle est productrice de formes originales ayant une valeur, un rythme et une qualité. Elle utilise les mouvements du corps comme matériaux dans l’espace et le temps à des fins d’énonciation artistique en vue d’être contemplées. Par le partage, elle a le souci de donner un sens émotionnel au monde ». Plus spécifiquement, Monique Delga, Marie Paul Flambard, Armande Le Pellec, Nadine Noé, Pia Pineau proposent de définir la danse, en tant qu’objet d’enseignement, comme « l’activité d’une personne ou d’un groupe qui doit gérer la dialectique expression/impression dans une perspective de communication au moyen d’une production chorégraphique ayant une valeur esthétique et émotionnelle propre, résultat de l’organisation intentionnelle de formes corporelles »226 . Philippe Guisgand et Thierry Tribalat227 s’attachent à identifier la spécificité de la danse en EPS : « En éducation physique, la danse est la discipline artistique la plus enseignée. Aux côtés des activités sportives, elle présente indéniablement une spécificité liée, pour une grande part, au regard sur le corps qu’elle propose. En effet, elle valorise un corps sujet, lieu des émotions que l’on questionne, plutôt qu’un corps objet, outils de performance que l’on entretient ». Au-delà de ses particularités, la danse en EPS est l’objet d’une démarche et de mises en situations pédagogiques singulières mettant en jeu l’individu autour d’une triple dimension : symbolique (développement des capacités à imaginer), corporelle (développement de la motricité expressive), socio-affective (développer la capacité à communiquer).228 A ce sujet, Thierry Tribalat écrit : « La danse à l’école ne doit rester qu’un moyen au service de l’éducation motrice des élèves. […] Accroître la maîtrise corporelle et répondre aux besoins

       

225 GUISGAND Philippe et TRIBALAT Thierry, 2001, Danser au lycée, Paris, L’Harmattan, p.59.

226 DELGA Monique, FLAMBARD Marie Paul, LE PELLEC Armande, NOE Nadine, PINEAU Pia, 1989, Danse : objet de culture, objet d’enseignement, in Méthodologie et Didactique de l’EPS, édition AFRAPS.

227 GUISGAND Philippe et TRIBALAT Thierry, 2001, Danser au lycée, Paris, L’Harmattan, p.13.

d’expression des enfants restent les finalités prioritaires. Inscrire le développement de cette maîtrise corporelle et de ce besoin d’expression dans la pratique d’une discipline artistique favorise l’accès à une vie qualitativement différente où l’approche sensorielle du monde a une place de choix. Aider l’élève à construire sa danse dans la dynamique d’une expérience de création exclut toute approche formelle et arbitraire de technique déjà écrite »229.  

Au début des années 1990, Delga, Flambard, Le Pellec, Noé, Pineau 230 définissent les enjeux fondamentaux de la danse à l’école au travers des trois rôles que va être amené à développer l’élève : danseur, chorégraphe, spectateur. 

- Danseur : « l’enjeu fondamental est d’être capable de reconnaître et maîtriser son propre corps comme possédant un statut original et particulier dans sa double fonction d’effectuer des formes et évocateur de sens et d’émotions ».

- Chorégraphe : « L’enjeu fondamental est d’inscrire l’élève dans une problématique des choix qui vise à élaborer, structurer, organiser un discours pour le communiquer à autrui, prendre position par rapport au réel et aux normes esthétiques, et intégrer l’autre, changer de point de vue, pour anticiper sur l’effet à produire sur autrui ».

- Spectateur : « Acquérir une culture artistique, c’est accéder à des normes esthétiques et émotionnelles différentes de son habitus en restant ouvert à la tradition, la modernité et le présent. Participer à la culture artistique, c’est être un spectateur averti et critique des créations qui lui sont et seront données à voir ».

Ces trois rôles ont été intégrés dans les textes officiels de 1998 et repris par de nombreux pédagogues et didacticiens de la danse 231, mais aussi du cirque et organisent aujourd’hui la base de leurs enseignements. On pourrait discuter des rôles et des effets de désignations engendrés par les mots choisis : par exemple concernant le chorégraphe professionnel, c’est l’œuvre qui l’authentifie comme artiste alors que dans l’espace scolaire l’élève « chorégraphe » se légitime par le processus qu’il met en œuvre pour créer, (ce titre étant d’ailleurs la plupart du temps, attribué à l’enseignant responsable du groupe). 

       

229 TRIBALAT Thierry, 1996, Réflexion sur la didactique des APA : l’exemple de la danse, in Revue HYPER n°193.

230 DELGA Monique, FLAMBARD Marie Paul, LE PELLEC Armande, NOE Nadine, PINEAU Pia, 1990, Enseigner la danse en EPS, in Revue EPS n°226, nov-dec 1990.

231 Comme le font, entre autres, Tizou Perez et Annie Thomas  

 

Philippe Guisguand et Thierry Tribalat232 distinguent « cinq enjeux essentiels de l’enseignement des APA à l’école » :

- « S’assurer de la confrontation de tous les élèves à une pratique artistique ».

- « Contribuer à une éducation esthétique de l’individu » permettant de « revendiquer la conquête de l’inutile ».

- « Lutter contre une idéologie scientiste ». Ils avancent : « le danger nous paraît grand à croire que seuls les savoirs savants sont dignes d’enseignement, à l’exclusion de toute autre forme de savoir. L’approche du sensible garantit le respect d’un regard intime et émotionnel sur le monde ».

- « Contribuer à l’éducation du citoyen » par le biais du « débat esthétique » offrant un réel échange d’idées, alternatives différentes du modèle proposé par les médias qu’ils définissent comme « débat-combat ».

- « Proposer une formation complète et équilibrée » : Selon eux ; le corps émotionnel est bien plus mis en jeu dans notre quotidien d’adulte que le corps performant. Les APA explorent ainsi ce corps émotionnel.

L’atelier de création constitue l’outil privilégié de l’enseignement des APA et constitue un lieu où l’on bricole, pour reprendre Betty Lefèvre233. « Bricoler avec ce que l’on est, bricoler avec ce que l’on a, les acteurs de l’atelier participe d’un bricolage "créateur" donné au sens de Claude Lévi-Strauss ». Il est ainsi un espace d’exploration des possibles, où la création résonne avec la découverte de soi.

4. ENJEUX EDUCATIFS ET REALITES DE TERRAIN : TENSIONS ET