• Aucun résultat trouvé

DE GÉOGRAPHIE AU RÉCIT DE VOYAGE

A. Désignation et localisation : Vers une cartographie

2. Les espaces de pérégrination

2.1 Traversée de l’île Hispaniola

Dans le roman Carta del fin del mundo, l’action se déroule sur l’île Hispaniola. Dans Converso, le nom de l’île est cité. Lors de son voyage de retour vers l’île de la Tortue, après son premier séjour en Angleterre, Tomás, le héros, fait une escale à l’île de Saint Christophe qui est une île des petites Antilles et sur une carte on voit bien qu’elle peut être une escale pour les bateaux qui viennent d’Europe et qui se dirigent vers les Caraïbes :

Cuando llegamos a la isla de San Cristóbal no pudimos hacer otra cosa que permanecer a resguardo de su cuerpo la mayor parte del tiempo, que fue de vendavales hasta bien entrado el invierno. (Converso, 310)

Depuis l’île de Saint Christophe, les personnages se rendent ensuite à l’île de la Tortue et en arrivant ils aperçoivent au loin l’île Hispaniola :

[...] se veía la muralla vegetal del manglar que tapizaba a lo lejos la costa de la vecina de la española [...]. (Converso, 313)

Dans Carta, Le nom Hispaniola n’est jamais cité par Domingo, l’auteur de la lettre, mais par Diego Colomb, le fils du Découvreur à la fin du roman.

Hasta aquí, muy Reverendo y Magnífico Señor, la copia enmendada por obra del escribano, de la carta que me hizo legado, entre otros muchos escritos, Don Nicolás de Ovando a su partida, hace ya seis años, y que según dicen fue escrita por uno de los hombres que dejó el almirante Don Cristóbal Colón en la isla de la Española al término de su primer viaje a las Indias. (Carta, 171)

Le nom de cette île apparaît dans Mi nombre, dans un passage où la narratrice Dana, commente sa lecture du récit de Diego Atauchi. Le grand-père de celui-ci est un personnage de Carta, comme on l’a vu précédemment et qui serait arrivé sur cette île avec Colomb :

183

Su padre, un judío converso nacido en España, había llegado a tierras americanas [...]. El desorden de los primeros tiempos le permitió perderse entre la población indígena de la Española [...]. (Mi nombre, 168)

Il est intéressant de remarquer la récurrence des mêmes espaces d’un roman à l’autre de la trilogie. Qu’ils soient seulement cités ou qu’il soient le théâtre de l’action dans l’un ou l’autre des romans, ces lieux permettent aussi de créer le lien entre les trois oeuvres. Nous évoquons ici l’île Hispaniola. La trilogie retrace l’histoire de la famille Mendieta, dont le berceau est l’île Hispaniola. Il est cohérent que cette île soit nommée ou apparaisse dans les trois romans.

Domingo et ses compagnons se sont mis à construire un fort dès leur arrivée sur l’île. Dans l’en-tête de sa lettre, il n’omet pas de stipuler l’endroit d’où il écrit :

Villa de la Navidad

Viernes cuatro días de Enero (Carta, 17)

Il cite à nouveau le nom du fort au moment de son achèvement :

[...] esta playa sobre la que al fin se levanta la dignidad del fuerte de la Navidad. (Carta, 27)

Le fort de La Navidad qui fut le premier fort construit par les Européens sur cette terre américaine, était situé à l’est de l’île dans une zone qui appartient de nos jours à Haïti. L’endroit exact est tout à fait identifiable actuellement. Il se trouve près de Cap Haïtien, à Bor de mer Limonade, dans un village appelé En Bas Saline.

L’action de Carta se déroule à plusieurs endroits de l’île tout aussi identifiables que l’emplacement du fort. Les personnages vont partir à la recherche de l’or à l’intérieur des terres. Ce qui donne à Fajardo l’occasion de nommer différents endroits de l’île et de présenter un itinéraire tout à fait vraisemblable. Outre la position du Fort, assez proche de la mer, il y a le golfe en face duquel se situe le village du chef fictif Mayamorex, qui accueille chaleureusement Domingo et ses compagnons :

Mas ahora puedo escribirte, en el sosiego de la noche, al amparo de las palmas de este gran golfo en cuya orilla hemos hecho acampada [...]. (Carta, 51)

184

[...] y así seguimos costeando hasta el anochecer, en que arribamos a este golfo, que es el más hermoso que nunca hayas visto, hermano, y en cuya orilla opuesta se levanta un poblado de indios. (Carta, 63, 64)

Ce golfe s’appelle aujourd’hui le golfe de la Punta del Este, comme le stipule Fajardo dans l’appendice :

[...] golfo que hoy se llama de la Punta del Este, en Haïti, justo al lado de la bahía de Manzanille, donde desemboca el río Yaqui. (Carta, 181, 182)

De cette baie, on peut apercevoir la célèbre montagne que Colomb appela Monte Christi :

Supimos que después partieron las naves rumbo al Este, más allá del alto Monte que, según se nos dijo, llamaban los cristianos Monte Cristi y los indios Yocahudujo [...]. (Carta, 66)

Cette montagne s’appelle ainsi aujourd’hui et elle se trouve de nos jours en République Dominicaine et constitue un parc naturel.

Les personnages atteignent ensuite l’embouchure du fleuve Yaqui qui se situe de nos jours près de la baie de Manzanille, située un peu plus à l’est du golfe Punta del este :

Nos hicimos a la mar y pusimos proa al Nordeste, a fin de rodear el cabo que cierra el golfo y así alcanzar la ensenada que, al otro lado, sirve de salida a la mar al río Yaqui, según nos había dicho Yabogue, y sobre la que se levanta la majestuosa presencia del Monte Yocahudujo. Y en la mañana siguiente avistamos la boca del río Yaqui, tal como esperábamos, y a su izquierda la verde ladera del monte [...]. (Carta, 87)

De nos jours, il s’appelle Yaque. Il y a en fait deux fleuves Yaque, celui du nord et celui du sud. Celui du roman est le fleuve du nord qui débouche dans l‘océan Atlantique alors que celui du sud débouche dans la mer des Caraïbes.

Le 20 avril 1492, les personnages arrivent à l’endroit où un autre fleuve : le Bao, débouche sur le Yaque :

El sábado, a veinte días del mes de abril, escuchamos el rumor de las aguas del río Bao al desembocar sobre el Yaqui. Al poco, avistamos el lugar donde ambos ríos se encuentran y vimos que era un bello paraje de orillas abiertas y con rocas en la corriente [...]. (Carta, 126)

185 Il existe effectivement un fleuve qui conflue avec le Yaque du nord. Actuellement il apparaît sous le nom de Mao. Il s’agit certainement du même fleuve.

Les Espagnols remontent ensuite le cours du fleuve Bao ou Mao et ils atteignent le fleuve Jalique :

Llegamos al río Jalique y seguimos su curso por la ladera de un monte hasta un valle alto y largo, de verde prados rodeados de árboles. (Carta, 140)

Il s’agit de la source du fleuve Jalique, « Era el nacimiento del río Jalique » (Carta, 140). Les Espagnols n’iront pas plus loin. Ensuite, Domingo le héros fait le trajet de retour jusqu’au Fort la Navidad :

He atravesado la selva y navegado ríos furiosos en una frágil canoa hasta llegar aquí, a la villa de la Navidad [...]. (Carta, 164)

Ce trajet est repérable sur une carte de l’île de Haïti, de l’emplacement du fort sur la côte jusqu’à la source du Jalique. On peut aisément en regardant une carte suivre le parcours fluvial et terrestre qu’empruntent les personnages à partir de l’emplacement du fort jusqu’à l’intérieur des terres. Ainsi, on constate un fort degré de mimétisme tel que le précise Jacques Soubeyroux à propos de Ferragus :

Ainsi la description de Paris dans Ferragus se caractérise par son fort degré de mimétisme : le lecteur peut suivre les trajets des personnages sur un plan de la ville144.

Le lecteur de Carta peut « suivre les trajets des personnages sur un plan » de l’île. Ces détails topographiques authentiques sur les lieux où se passe l’action de

Carta produisent une « grande impression de réalité ».

2.2 De l’île de Ceylan à Belem : l’incroyable trajet de