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Les marques temporelles de l’entrée dans le récit de l’aventure l’aventure

Conclusion partielle

B. L’ordre chronologique respecté

III. LE TEMPS DE LA NARRATION

2. Les marques temporelles de l’entrée dans le récit de l’aventure l’aventure

Les marques temporelles qui signalent l’entrée dans cette autre dimension temporelle qui est le temps de la narration sont l’emploi du présent, du passé composé et des déictiques spatio-temporels. On note tout d’abord l’emploi des adjectifs démonstratifs :

Porque estos papeles, que me han acompañado en tan difíciles momentos [...]. (Carta, 132)

[…] esta daga que llevo conmigo desde entonces y que ahora descansa sobre la mesa en que escribo estas páginas. (Converso, 334)

[…] yo aprovecho los descansos en nuestro viaje para componer esta relación […]. (Mi nombre, 287)

Les adjectifs démonstratifs : « estos », « estas », « esta » marquent bien le rapprochement temporel entre le narrateur et les lignes qu’il écrit. Celui-ci se réfère à ce qu’il est en train d’écrire, qu’il s’agisse de papiers : « papeles » dans Carta, de

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Kaempfer Jean et Micheli Raphaël « La temporalité narrative », Méthodes et problèmes, Genève, Dept. de français 2005, http ://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/méthodes/tnarrative, page consultée le 26/12/2013.

144 pages, dans Converso : « estas páginas » ou d’une relation : « esta relación » dans

Mi nombre.

On note l’emploi particulier de l’adjectif démonstratif, « esta » dans Converso. Il s’agit de l’expression « esta daga ». Cet objet est très proche du narrateur au moment où il écrit. Celui-ci déclare en effet qu’il observe cette dague alors qu’il est en train d’écrire. Cet objet fait partie du temps à partir duquel celui-ci rédige ses Mémoires, mais c’est aussi un objet du passé, puisque c’est une femme qu’il a aimée, qui la lui a remise. La dague crée le lien entre les deux époques, celle où les événements se sont produits et celle où ceux-ci sont racontés. Le temps de la narration et le temps du récit coïncident, comme on l’a vu précédemment dans les deux autres œuvres, Carta et Mi nombre. Le narrateur Tomás Bird est dans la même situation que Domingo qui se décrit en train d’écrire au coin du feu, pendant l’écriture de chacune de ses lettres ou que Diego quand il profite d’une accalmie pour écrire son journal. C’est le seul passage de Converso, où, comme dans Carta et Mi

nombre, le narrateur apparaît de manière simultanée dans ses deux rôles, celui

d’acteur et celui du conteur. En effet, la majeure partie du récit de Converso est tournée vers le passé. Dans ce cas précis le narrateur se met en scène en train de regarder cette dague. Il est bon de rappeler néanmoins que la présentation de cette dague ne constitue pas une scène majeure car, d’une part, elle occupe peu d’espace dans le roman et, d’autre part, elle ne constitue pas une scène importante en ce qui concerne l’action. Elle n’en est pas pour autant dénuée d’une certaine tension dramatique, car elle sert à évoquer la nostalgie qui s’empare du conteur alors qu’il se remémore le jour où sa bien-aimée lui a offert cette dague.

Le démonstratif sert aussi à évoquer le moment de l’écriture. Dans Carta, le narrateur indique à quel moment il écrit. C’est toujours la nuit et au coin du feu : « ese momento al calor de la hoguera », « esta noche ». La cheminée et le soir sont les deux éléments du chronotope qui permettent ici de créer un moment de calme, une pause propice à la réflexion. Même si le personnage ne se parle qu’à lui-même, il se situe dans la longue tradition du conte oral, où c’est souvent au coin du feu, quand la nuit tombe que le conteur commence à raconter son histoire à son auditoire.

145 De façon générale dans les trois œuvres, ce sont les adverbes de temps, « ahora », « nunca » et « hoy » qui marquent l’entrée dans cette autre dimension temporelle que constitue le temps de la narration :

Pero ahora son otros rigores los que me obligan a dejar la pluma [...].

(Carta, 22)

Si bien nunca llegué a terminar aquella carta, tales recuerdos han terminado por convertirse en la fuente de la que beben las páginas que ahora escribo. (Converso, 334)

[...] hemos visto crecer los campos de maíz en nuestro viaje en torno a nuestro villorio en el que incas y pacas convivimos hoy como un solo pueblo. (Mi nombre, 299)

Dans Mi nombre, le narrateur profite d’une accalmie « los descansos en nuestro viaje » pour composer sa relation. Dans Converso, le moment de l’écriture n’est pas évoqué avec précision. C’est seulement l’adverbe de temps « ahora » qui renvoie au présent d’énonciation, adverbe qui est également employé dans Carta alors que dans Mi nombre, c’est le terme « hoy » qui est utilisé.

L’entrée dans ce présent de l’écriture est également suggérée par l’emploi du présent : « estoy aprovechando », « son otros rigores los que me obligan », « la fuente de la que beben » ou « esta daga que llevo conmigo », « convivimos » et du passé composé : « han terminado », « hemos visto crecer ». Ce repérage nous a montré qu’il y a bien un temps pour vivre l’aventure et un temps pour la raconter. Si, comme le déclare Jean-Yves Tadié, le roman d’aventures, « c’est un récit dont l’objectif premier est de raconter des aventures111 », il faut bien que le conteur se fasse connaître à l’intérieur même du récit. C’est ce que fait Jim, le héros de L’île au

trésor :

C’est à la demande du seigneur Trelawney, du docteur Livesey, que je prends la plume en l’an de grâce 17...Ils m’ont prié de coucher par écrit tous les détails relatifs à l’île au trésor [...]112.

Le jeune aventurier annonce clairement qu’il va écrire le récit de ses aventures, il va prendre « la plume » et « coucher par écrit tous les détails ».

111

Jean-Yves Tadié, Le roman d’aventures, Paris, Gallimard, 2013, p. 5.

112

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B. Un narrateur à double facette : le narrant et le

je-narré