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Le temps d’une révolution anglaise

LE TEMPS DE L’AVENTURE

A. Un temps référentiel attesté historiquement

5. Le temps d’une révolution anglaise

que François Le Vasseur leur avait tendu une embuscade. Près de deux cents hommes furent massacrés62

». Bird est mêlé à cet événement tragique.

La république de Salé occupe un chapitre entier de Converso intitulé La

república de los piratas. C’est une grande partie de l’histoire de cette république

pirate fondée par les Morisques expulsés d’Espagne qui est présentée. Celle-ci dura de 1627 à 1668. Le roman nous donne à voir l’évolution de cette république, depuis sa naissance en 1627 jusqu’en 1652, date à laquelle le héros Mendieta quitte la communauté. Les aventures du héros s’inscrivent dans une série d’épisodes réels en relation avec l’histoire des pirates de Salé qui s’insurgèrent contre le sultan de Marrakech :

[...] la villa había sido sitiada en vano por las tropas del sultán de Marraquesh quien, a la postre, había tenido que desistir de su empeño y aceptar la independencia de la república pirata. (Converso, 234)

L’histoire de cette république correspond au temps de la piraterie barbaresque de Méditerranée.

5. Le temps d’une révolution anglaise

Une période de l’histoire de l’Angleterre permet aussi à l’écrivain de placer son personnage dans un cadre propice à l’aventure. Tomás Bird, le fils de colons anglais, revient sur la terre de ses ancêtres à un moment très troublé. La guerre des Flandres fait rage. Bird est repoussé par sa famille et il devient soldat. Il part pendant trois ans livrer bataille contre les Espagnols. À son retour, il est mêlé à un autre conflit. Le Parlement se dresse contre le Roi Charles 1er. Le pays est au bord de la guerre civile. Les partisans du parlement l’emporteront et leur chef puritain Cromwell prendra le pouvoir. Bird se range du côté du parlement. À travers le périple de Tomás en Angleterre, c’est cette époque troublée du pays qui est évoquée. Dans la partie Agradecimientos de Converso, Fajardo déclare s’être informé auprès de Michael Harris sur ce qu’il nomme la « Revolución inglesa ».

Dès le début de Converso, il est fait allusion à l’exécution du Roi Charles I :

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Plassat Élodie, « Les légendes des Caraïbes », in Les grands mystères de l’Histoire, numéro 17, Paris, Oracom, Avril,mai, juin 2017, p. 84.

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Hace un año, la ciudad de Londres se estremecía aún por la sangre derramada de nuestro Rey, e incluso quienes habíamos defendido con las armas la causa del parlamento no podíamos evitar que un escalofrío encogiera nuestros espíritus : la cabeza de Carlos I, y con ella su corona, había rodado a los pies del verdugo, y tal me sentía como si a mi brazo se debiera el golpe justiciero. (Converso, 14)

Le parlement se souleva contre le Roi en raison des nombreux abus commis contre le peuple. Au cours de son périple en Angleterre, Bird se range du côté des hommes qui ont défendu « con las armas la causa del parlamento » et il devient rebelle à son roi. Cette rébellion aboutit à l’exécution du Roi, en 1649, à laquelle Bird contribue en quelque sorte, « a mi brazo se debiera el golpe justiciero ». Il est donc mêlé à un événement majeur de l’histoire de l’Angleterre du XVIIe siècle. Se sentant abandonné à son sort dans les colonies, il a regagné le pays de ses ancêtres et son combat contre l’injustice s’est joint au combat d’une partie du peuple anglais. Comme pour Mendieta, son « conflit privé » rejoint le « conflit historique ». Sa « quête personnelle » coïncide avec « la participation au destin collectif63

». Bird est pris dans les tourbillons de l’Histoire. Il sera pris également dans les désillusions de l’Histoire, car le gouvernement de Cromwell qui succède à celui de Charles I, n’apporte pas d’améliorations pour le peuple et ne lui permet pas d’accéder à la liberté tant convoitée :

Así, el general Cromwell se ha convertido en Lord Protector de la patria y la naciente república ha caído en una nueva tiranía que me temo habrá de sobrevivirme. Los soldados del parlamento combatimos por la libertad y tan solo hemos cambiado de señores. (Converso, 395)

La désillusion du personnage à la fin de son périple ressemble à la désillusion d’une partie du peuple anglais qui s’est battu pour la liberté et se retrouve à nouveau victime de la tyrannie. Le destin de Tomás Bird rejoint celui du peuple anglais. Sa trajectoire fictionnelle est fortement historicisée.

6. L’année 2005

Le temps de l’histoire principale de Mi nombre, se situe en 2005. Tout au long du roman, Fajardo se réfère à certains événements qui se sont produits cette année

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59 là et qui ont pu faire la une des journaux, ainsi qu’à certains faits antérieurs à cette date mais dont l’impact se fait encore nettement sentir et dont on peut dire qu’ils font partie de l’actualité des personnages. Le fait le plus ancien auquel il est fait allusion dans Mi nombre, par rapport à cette année 2005, est le 11 Septembre (Mi

nombre,102)

Dana et Tiago évoluent donc dans un temps référentiel réel qu’il est aisé de repérer dans le récit grâce aux multiples références à des faits de l’actualité de l’époque. Ce temps référentiel n’est donc pas à négliger dans notre étude. José Manuel Fajardo est journaliste. Ses romans de fiction sont émaillés de références à l’actualité. De la même façon que les personnages de Carta et de Converso sont au courant des événements majeurs de leur époque, il en va de même pour les personnages de Mi nombre, Dana et Tiago.

En ce qui concerne la France, les faits marquants de l’année 2005 sont les émeutes des banlieues parisiennes. Tiago et Dana reviennent à Paris à cette période, en Novembre 2005 et les actualités que Tiago regarde à la télévision font état de ces événements :

Era la hora de las noticias, en la pantalla aparecieron imágenes nocturnas en las que se veía a jóvenes corriendo y, al fondo, la voz del locutor informaba de los sucesos de la noche anterior, algo más tranquila que la del viernes en la que había ardido casi un millar de coches en toda Francia, una noche más en la ola de violencia que había empezado hacía diez días cuando murieron dos adolescentes durante una persecución policial [...]. (Mi

nombre, 92)

La datation des faits est rigoureusement exacte. Ces émeutes commencèrent effectivement fin octobre 2005. Deux jeunes moururent électrocutés, en essayant d’échapper à la police le 27 octobre 2005. Ces émeutes furent de grande ampleur et largement médiatisées. Fajardo choisit de placer ses personnages dans ce cadre. Celui-ci a une influence sur Tiago qui va être mêlé à ces événements. Le personnage associe sa révolte à celle des jeunes. Son conflit « privé » va trouver un écho dans la rébellion de ces adolescents. De la même façon, la mort d’un enfant palestinien à Yenin, tué par des tirs de soldats israéliens, provoque chez lui une réaction violente en rapport avec son fils décédé récemment d’un accident de voiture :

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[...] durante el resumen final del telediario, el locutor anunció el fallecimiento del niño [...] herido en Yenin hacía tres días por disparos de un soldado del ejército israelí [...]. (Mi nombre, 93)

Tiago s’écrie alors : « podía haber sido Daniel, podía haber sido Daniel » (Mi

nombre, 95), tout en gesticulant comme s’il s’apprêtait à prendre les armes :

Parecía un guerrero sorprendido en plena masacre, tan solo le faltaba una espada ensangrentada en las manos. (Mi nombre, 65)

L’actualité sert ici à exacerber le désarroi du personnage. La caractérisation de celui-ci est en lien étroit avec un temps référentiel réel.