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C) L’heure du bilan : un constat accablant

2) Des travaux pour parer au plus urgent

Les moyens immédiats de sauvegarde ayant été mis en place lors des inondations, il s’agit dorénavant de réparer les dégâts les plus urgents.

a) La Lauch supérieure : des travaux de réparations dispendieux

Le Syndicat mixte de la Lauch supérieure bénéficie d’une inscription, pour un montant de 1 800 000 F, au programme départemental d’aménagement des rivières en 1990.

Selon Georges Walter, ingénieur à la DDAF, la Lauch a eu un débit d’au moins 70 m3/s pendant la crue, ce qui correspond à un écoulement de 13 millions de m3 en 3 jours. Or, les installations (barrages) n’étaient pas faites pour résister à un tel débit (2 millions maximum). La somme des travaux à effectuer dans la partie supérieure de la Lauch atteint à première vue 13 250 000 F dont 3 300 000 F sont à la charge du Syndicat mixte. Pour honorer ses engagements, le Syndicat mixte fait un emprunt sur 15 ans. A la suite de la crue des 14 et 15 février 1990, le syndicat bénéficie d’une inscription complémentaire de 16 200 000 F pour 16 chantiers, dont 1 175 000 F HT peuvent être engagés immédiatement pour effectuer les travaux urgents. Au total, le syndicat dispose de 18 000 000 F TTC pour procéder aux travaux de réparation. Ainsi, 6 lots sont adjugés en priorité pour réparer les principaux dégâts :

 A Guebwiller, entre l’hôpital et la gare, un mur en béton habillé de grès est à reconstruire sur 190 m de long pour une somme de 2 568 000 F.

 De Guebwiller à Buhl, réfection des murs de rive selon la technique d’enrochement bétonné et colmatage de deux brèches sur les murs de rives derrière l’usine NSC pour 1 881 301 F.

 Entre Guebwiller et Buhl, deux seuils à cuvette sont à refaire pour 1 153 000 F (l’un derrière le stade Heissenstein et l’autre à Buhl).

 Entre Buhl et Linthal, rétablissement et protection du lit de la Lauch, travaux de reprise des berges avec enrochement, apport de terre et stabilisations complémentaires pour 1 333 064 F.

 A Lautenbach, réfection des seuils et murs de rives au niveau de l’entreprise CELES (rue principale) et de la scierie Bordmann pour 918 476 F.

 A Lautenbach-Zell, des travaux divers dont deux seuils pour la somme de 1 068 467 F. Le syndicat prévoit la modernisation des seuils avec mise en place de clapets mobiles pour 200 000 F/pièce (hors main-d’œuvre du génie civil). Le Syndicat mixte de la Lauch

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supérieure décide de faire participer aux frais de réparations, les propriétaires bénéficiaires de prises d’eaux. Le Syndicat mixte demande la maîtrise d’ouvrage du Département. Les communes membres sont satisfaites de l’existence du syndicat sans lequel les crues de février auraient constitué,un véritable gouffre financier110.

Plusieurs routes communales doivent être restaurées à Buhl.

A Issenheim, le lit de la Lauch est rétabli derrière l’usine Cacoja. Au moment même des crues, des digues avaient déjà été mises en place à cet endroit.

A Merxheim, le rétablissement des berges de la Lauch est en cours en mars 1990 : réparation et colmatage des brèches, notamment derrière l’ancienne station d’équarrissage où des digues avaient aussi été mises en place pendant la crue.

Les digues mises en place pendant la crue ont coûté 620 000 F, financés par le Département, auxquels vient s’ajouter une enveloppe supplémentaire de 3 720 000 F, votée par le Conseil général pour réparer les dégâts provoqués par les eaux. A cela, se rajoutent les travaux initialement prévus pour 1990, tels que la construction de la digue en amont d’Issenheim111

.

En ce qui concerne les travaux, les rivières du département sont classées, selon leur parcours, en 4 ordres, entraînant différentes participations financières de la part du Conseil général, en fonction des débits. Ainsi, la partie amont112 de la Lauch, entre Linthal et la confluence avec le Murbach à Buhl, est classée parmi les cours d’eau de 3e

ordre. Sur ce tronçon, le Conseil général assure 60 % du coût des travaux. La partie aval de la Lauch113, comprise entre la gare de Guebwiller et Colmar, appartient également au 3e ordre mais les travaux sont subventionnés à hauteur de 80 %. Pour les communes qui ont fait appel à des entreprises pour lutter contre les inondations, le Département, en l’absence de plan Orsec, fait un geste et prend à sa charge les factures évaluées à plus de 600 000 F. Enfin, pour les affluents de 4e ordre, les travaux sont subventionnés à 40 % à condition qu’ils soient exécutés par les communes concernées. Ces dernières peuvent demander la maîtrise d’ouvrage du Département et aux particuliers de payer au droit de leur propriété114.

110 L’Alsace et les DNA du 15/04/1990. 111 L’Alsace du 16/03/1990.

112 Les communes riveraines de la Lauch supérieure se sont réunies, en 1987, au sein d’un Syndicat mixte de la

Lauch supérieure. Son périmètre d’action s’étend de la source de la Lauch jusqu’au pont de la gare de Guebwiller.

113 Du pont de la gare de Guebwiller jusqu’à Herrlisheim, les communes riveraines de la Lauch sont rassemblées

au sein du Syndicat fluvial de la Lauch inférieure qui assure la gestion de ce cours d’eau.

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La priorité est donnée à la reconstruction de la « pénétrante » et au contournement de Buhl. En août 1990, les travaux entre la Porte de Buhl et l’usine Sévylor se terminent alors qu’entre cette dernière et Lautenbach, ils ne sont toujours pas commencés et pour cause : ce tronçon de 1,7 km soulève plusieurs questions d’ordre technique.

Le lit de la Lauch s’étant affaissé d’un mètre, il faut faire des relevés topographiques et de nouveaux projets, intégrant dans leur élaboration l’expérience malheureuse de février 1990. Ces études particulières ont été réalisées par la DDAF et la DDE.

Les solutions techniques adoptées pour la réfection de la RD 430 prévoient une élévation de la chaussée de 30 cm sur certains tronçons, la consolidation de la berge de la rive droite pour une meilleure diffusion de l’eau et enfin, là où cela s’avère nécessaire, un mur d’un mètre est érigé pour faire front à d’éventuelles crues. Les surélévations ont pour but de rendre possible l’installation de l’un ou l’autre ouvrage de vidange (buses) permettant à la Lauch de retrouver son lit en cas de débordement. De plus, certaines berges sont refaites et un curage régulier entrepris. La nouvelle « pénétrante » est ainsi à 60 cm au-dessus du niveau de la crue centennale et à 1 m au-dessus du niveau de l’ancienne voie ferrée. La réfection de ce tronçon coûte au Département la somme de 5 millions de francs, soit à peine moins que ce qu’elle avait initialement coûté115.

Ne souhaitant jamais revivre une telle expérience, les maires de la vallée du Florival prennent une bonne résolution consistant à nettoyer le lit des rivières et ruisseaux, à dégager les troncs et arbres qui les encombrent. A cela, Pierre Egler, président de la commission de la voirie au Conseil général, ajoute : « Des résolutions déjà prises lors de la précédente crue, en 1947, avec un hic : entre 1948 et 1990, on avait complètement oublié ces mêmes résolutions116 ». Il s’agit là d’un retour d’expérience non suivi d’effet et qui aurait certainement permis de réduire les conséquences de ces inondations.

De nombreuses personnes s’interrogent : la « pénétrante » n’aurait-elle pas été construite dans un secteur particulièrement exposé aux crues de la Lauch, lorsque celles-ci dépassent la normale ? Selon Pierre Egler, la « pénétrante » a été construite sur l’ancienne voie de chemin de fer qui, si l’on prend comme point de référence le niveau des inondations de 1947, avait tenu bon117. Cependant, il convient tout de même de préciser que la crue de janvier 1920 avait

115 Selon les archives du Conseil général du Haut-Rhin. 116

DNA du 09/08/1990.

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emporté une partie de la berge sur laquelle est aménagée ladite voie ferrée à Guebwiller118 (cf. fig. 53, chapitre III).

Après la crue de février 1990, différents travaux sont nécessaires pour réparer les rivières. Les travaux les plus urgents, sur les ouvrages les plus menacés, sont réalisés en priorité. Ainsi, sur l’ensemble des rivières haut-rhinoises, le bureau du Conseil général retient la somme totale de 823 524,87 F, la part des syndicats fluviaux s’élevant à 166 193,90 F (soit 655 630 F restant à la charge du Département)119.

En ce qui concerne la vallée de la Lauch, le montant des travaux urgents effectués sur le cours inférieur de la rivière s’élève à 142 686,24 F, portant la participation du Syndicat mixte de la Lauch supérieure à 28 537,26 F (soit 114 148,98 F restant à la charge du Département)120. Sur le cours supérieur de la Lauch, le montant des travaux urgents effectués s’élève à 231 953,94 F, portant la participation du Syndicat mixte de la Lauch supérieure à 46 390,83 F (soit 185 583,11 F restant à la charge du Département)121.

Dès juillet 1992, l’essentiel des plaies est pansé dans la partie inférieure de la Lauch, les dégâts occasionnés par la grande crue de février 1990 ne sont plus que de mauvais souvenirs. Dans le périmètre du Syndicat mixte de la Lauch supérieure, largement plus sinistré, les travaux les plus urgents ne s’achèvent qu’en 1993-1994 ; néanmoins, les travaux secondaires se poursuivent encore durant plusieurs années. En effet, il reste à reconstruire quelques ouvrages de chute au courant des cinq années suivantes (jusqu’en 1999), à raison d’un investissement de 1 000 000 F par an122. Cette crue a mis en lumière les points faibles du dispositif de protection, la fragilité de certains ouvrages le long de la Lauch et a permis de tirer les enseignements de ces évènements.

Notons que les élus des communes sinistrées du Florival, de même que certains conseillers généraux, sont offusqués par les propos et l’attitude du préfet du Haut-Rhin, notamment par ses critiques quant à leurs décisions de recourir, dans l’urgence de la situation, aux entreprises de travaux publics, sans avoir pris le temps, au préalable, de faire établir des devis123.

118 Archives municipales de Guebwiller, document iconographique, sans référence.

119 Archives du Conseil général, Lettre du Conseil général au Syndicat mixte de la Lauch supérieure, le 17 avril

1990.

120

Ibid.

121 Ibid.

122 Archives du Conseil général, Procès-verbal de la réunion du Syndicat mixte de la Lauch supérieure, du 25

octobre 1994.

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De plus, le préfet fait parvenir à toutes les mairies, au début du mois d’août 1990, une brochure émanant de la Direction de l’eau et de la prévention des pollutions et des risques, dépendant du ministère de l’Environnement. Ce « guide pratique sur l’inondation », édité en 1988, rappelle « aux habitants travaillant ou séjournant dans une zone inondable, les précautions à prendre avant, pendant et après l’inondation, en vue de limiter les dommages tant corporels que matériels et les dépenses liées au pompage, à la désinfection et à la réparation des bâtiments sinistrés124 ». Malheureusement, cette tentative de prévention arrive un peu tard et est surtout mal venue.

b) Les réparations urgentes à entreprendre sur la Lauch inférieure

Le Syndicat fluvial de la Lauch inférieure bénéficie, au titre du programme d’aménagement des rivières pour 1990, d’un crédit de 900 000 F, dont 400 000 F pour la réalisation d’une tranche supplémentaire du bassin d’épandage de la forêt de l’Altwald à Rouffach et 500 000 F pour la reconstruction d’un seuil (à cuvette en enrochement bétonné) à l’amont de Gundolsheim.

A la suite des dégâts occasionnés par la crue de février, le Conseil général vote immédiatement une enveloppe complémentaire de plus de 5 millions de francs pour le Syndicat fluvial de la Lauch inférieure, contraint d’engager de lourds travaux. En effet, sur proposition de la DDAF, les travaux à entreprendre s’élèvent à un montant de 4 710 000 F, auxquels se rajoutent les 900 000 F initialement prévus pour l’année 1990125. Le montant total des travaux prévus par le syndicat s’élève ainsi à une somme de 5 610 000 F126

, subventionnés à près de 80 % par le Département, ce qui porte la part réelle du syndicat à 1 082 000 F (soit 19,28 % de participation). Pour ce faire, le syndicat a demandé au Conseil général d’assurer la maîtrise d’ouvrage.

Le syndicat souhaite exécuter les travaux complémentaires suivants :

 A Guebwiller, les travaux prévus s’élèvent à 1 850 000 F et consistent à :

- rehausser le mur de la rive droite de la Lauch sur 200 m en amont du pont de la Gare pour éviter aux eaux de déborder dans ce secteur ;

124

Archives du Conseil général : « Inondations : guide pratique », édité par la Direction de l’Eau et de la Prévention des Pollutions et des Risques, Ministère de l’Environnement, avril 1988.

125 Indispensables, les travaux initialement prévus au programme 1990 ont été maintenus. 126

Ces travaux incluent des travaux urgents réalisés pendant la crue pour la somme de 300 000 F, principalement à Guebwiller et à Merxheim.

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- reconstruire un mur en rive droite (technique du mur poids en enrochement bétonné) sur 30 m, derrière l’usine à gaz ;

- restaurer provisoirement le secteur à l’aval du pont du Saering avec des murs en enrochement sec et à reconstruire dans le même secteur, un mur (technique du mur poids en enrochement bétonné) sur 30 m de long en rive droite.

 A Issenheim, les travaux prévus s’élèvent à 1 460 000 F. Il s’agit de :

- consolider et rehausser la berge gauche en amont du seuil de l’usine de la SAIC ; - construire une digue transversale barrant l’ancien cheminement de crue au niveau du

mur de la SAIC qui s’est rompu lors de la crue de février 1990 et, parallèlement, décaper la digue transversale du canal usinier pour permettre à l’eau de retourner à la rivière ;

- consolider provisoirement le seuil de la SAIC dont la reconstruction complète devra être entreprise ultérieurement. Les travaux prévus comprennent également la reconstruction (par la technique de l’enrochement de berge végétalisé) du tronçon de berge qui s’est effondré dans le secteur où l’eau d’inondation est retournée à la rivière (sur 30 m) ainsi que la remise en état du chemin en rive gauche, à l’amont immédiat du village. Le lit majeur doit continuer de fonctionner dans ce secteur pour maintenir les zones inondables en rive gauche mais également pour réduire la pression sur la rive droite protégeant directement l’agglomération ;

- construire un ouvrage transversal composé d’une digue enrochée ayant pour but de ramener l’eau à la rivière, à l’amont immédiat du village en rive gauche ; monter des murs de rive de part et d’autre du pont de l’église (technique du mur poids en enrochement bétonné) en liaison avec la reconstruction de celui-ci selon un débouché plus important ;

- recalibrer et curer le lit de la Lauch depuis le pont aval jusqu’à l’amont du pont de l’église, extraire les alluvions déposées lors de la crue puis les employer à la construction des digues ;

- consolider provisoirement le seuil de prise d’eau du Scheklenbach en attendant une prochaine campagne de travaux127.

127 En janvier 1990, conscient de l’urgence des travaux, le Syndicat fluvial de la Lauch inférieure prévoyait de

réaliser en priorité l’aménagement des berges de la Lauch à Issenheim (rue des Ecoles et quai de la Lauch) et la reconstruction du pont de l’église. Cependant, avant qu’il puisse entreprendre quoi que ce soit, la crue est venue tout détruire.

92  A Merxheim, 1 200 000 F sont nécessaires pour :

- remettre à niveau le chemin bordant la Lauch en rive droite (entre la RN83 et Merxheim) ;

- protéger la zone industrielle d’Issenheim par un endiguement ;

- mettre en place des digues transversales au niveau de l’entrée du thalweg, du Scheklenbach et en face du pont amont de Merxheim pour éviter qu’en cas de débordement sur le tronçon amont, ces eaux ne puissent s’engouffrer dans ces cheminements de crue pour inonder le village. Ce rehaussement barrera ainsi l’écoulement des eaux de crues et les obligera à retourner à la rivière. Le débit du Scheklenbach dans la commune sera maîtrisé par une vanne et une buse ;

- l’enrochement de la digue en rive droite construite en 1989 sur 400 m de long depuis le pont aval ;

- l’extraction de plus de 6 000 m3 de matériaux encombrant le lit mineur (phénomène d’atterrissement) entre le pont aval et le seuil (sur 800 m de long et 1 m de profondeur). Les matériaux extraits servent en partie à la construction des digues de hautes eaux précédemment citées ;

- acquérir et aménager en zone naturelle des terrains détruits en rive gauche, à l’aval du village et près du château d’eau.

 Enfin, pour une somme de 200 000 F, il s’agit d’exécuter des curages (surtout à Gundolsheim) et des protections de berges urgentes (forte érosion) sur le reste du parcours (notamment à Rouffach, Pfaffenheim, Hattstatt et Herrlisheim)128.

Cette catastrophe laisse des traces en Alsace, tout d’abord parce qu’elle coûte la vie à 6 personnes et ensuite parce qu’elle occasionne des dizaines de millions de francs de dégâts. En effet, le bilan des dommages est édifiant. Les travaux de réparation se poursuivent encore durant plusieurs années après les évènements, soulignant véritablement le caractère destructeur de la crue de février 1990. Le fait qu’un cours d’eau d’apparence si paisible ait pu provoquer de tels dégâts, interpelle. Se pose alors la question des phénomènes météorologiques remarquables, à l’origine d’une telle débâcle.

128 DNA du 06/04/1990 et Archives du Conseil général du Haut-Rhin, Mémoire explicatif des travaux projetés

par le Syndicat fluvial de la Lauch inférieure en 1990 et procès-verbal de la réunion du Syndicat fluvial de la Lauch inférieure du 13 février 1990 et du 2 avril 1990.

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