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B) Une démarche méthodologique conditionnée par les sources

2) Les archives départementales : une mine d’informations inestimable

Toute recherche aux archives départementales débute nécessairement par la consultation approfondie des index des séries composant les fonds d’archives, ancien (séries A à L), moderne (séries M à Z et série AL) et contemporain (série W). Signalons au préalable que les informations des archives départementales du Haut-Rhin constituent l’essentiel de notre corpus documentaire. Etape obligatoire, cette phase d’identification des séries et sous-séries susceptibles de contenir les informations attendues est loin d’être aisée à mener. L’inégalité des fonds laisse parfois le chercheur perplexe. En effet, si certaines liasses au titre prometteur se sont révélées peu prolixes, voire décevantes, d’autres, à l’inverse, ont livré bien des surprises quant à leur contenu, renfermant parfois de véritables « pépites ». Le travail en archives nécessite une organisation rigoureuse pour ne pas perdre trop de temps, beaucoup de patience et aussi une grande part de chance. Aussi, les dates et repères livrés par la presse ont permis un gain de temps considérable lors de la phase de repérage. Nos investigations aux archives départementales ont débuté par l’exploration des archives modernes.

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a) Première étape : les archives modernes

Toutes les séries modernes (séries M à Z) ont pour limite chronologique la période 1800- 1870. Après cette dernière date, l’Administration allemande installée en Alsace instaure son propre système de classement (série AL). D’après l’index dressé par Dominique Dreyer, les séries modernes comportent de nombreuses lacunes en raison d’une succession de calamités parmi lesquelles une grande inondation en 1813, des destructions massives de documents « jugés sans intérêt » en 1840 et plusieurs ventes notamment en 1856 et 1865. Des dossiers ont vraisemblablement été brûlés en 1870 pour éviter qu’ils ne tombent aux mains des Allemands (plusieurs cartes des Vosges etc.). Après l’annexion, l’Administration allemande procèdera à l’élimination de quantités de documents français et plusieurs ventes auront encore lieu25.

L’enquête en archives a débuté par le dépouillement de la série S consacrée aux « Travaux publics et transports » et plus particulièrement de la sous-série 7 S relative au « Service hydraulique et syndicats ». Remarquablement épargné des destructions massives et des ventes, ce fonds est d’une richesse inestimable pour toute personne souhaitant travailler sur les cours d’eau alsaciens. Classée par bassins versants hydrographiques, cette sous-série est composée de deux fonds : celui de l’administration des Ponts et Chaussées et celui de la préfecture (documents administratifs). La contribution du service des Ponts et Chaussées au fonds de la sous-série 7 S est colossale et consiste en une pléthore de dossiers techniques avec plans et croquis (7 S 405, 7 S 406), de devis, procès verbaux d’adjudication et réception de travaux hydrauliques, de rapports d’ingénieur et projets consécutifs aux crues, de projets divers (rectification du tracé et endiguement), de plaintes de riverains à la suite de dommages par inondation, de conflits sur l’eau (irrigations, drainages, curages, 7 S 1, 7 S 2, 7 S 7, 7 S 12, 7 S 13, 7 S 20), de correspondances diverses, etc. Tous ces documents livrent énormément de renseignements sur les cours d’eau et leur configuration (7 S 6, 7 S 7, 7 S 8), les phénomènes d’inondation (causes, pertes, dégâts, plaintes), sur les mesures à prendre pour y faire face (réglementations, lois, travaux d’endiguement et de défense, 7 S 375 à 7 S 378, 7 S 408 à 7 S 411) ainsi que sur les moulins, usines hydrauliques, syndicats usiniers (7 S 2, 7 S 13 à 7 S 16, 7 S 383 à 7 S 385). Parmi les liasses les plus riches de la sous-série 7 S, concernant les crues de la Lauch, citons, à titre purement informatif : la liasse 7 S 11 pour les évènements de 1801, hiver 1801-1802, février 1844, mai 1856, février 1860 ; la liasse 7 S 21 pour les évènements

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de février 1844, septembre 1852, mai 1856, février 1860, hiver 1860-1861, janvier 1862 et la liasse 7 S 375 pour les crues de l’hiver 1801-1802, janvier 1810 et décembre 1833. Au travers des différents documents contenus dans la sous-série 7 S apparaît très nettement la préoccupation majeure du XIXe siècle : la maîtrise de l’hydraulique. D’autres sous-séries propres à la série S ont également été utiles à ce travail comme par exemple la sous-série 2 S relative à la « Grande voirie, circulation, transport », etc.

Dans la série M « Administration générale et économie du département », notre attention s’est portée sur la sous-série 1 M relative à « l’Administration générale du département », et plus spécialement sur les liasses 1 M 12226 et 1 M 12327 correspondant aux « Sinistres et calamités », regroupant des documents émanant des différents bureaux de la préfecture. Cette sous-série est venue compléter et confirmer les renseignements délivrés par la sous-série 7 S surtout pour les inondations de la Lauch du 29 avril 1862. Consistant essentiellement en des bilans de sinistres réalisés par les agents voyers (sous forme de tableaux statistiques) et destinés au préfet (1 M 122 et 1 M 123), en demandes de secours émanant de la population et en des documents faisant état du montant des secours accordés par l’Etat au différents départements afin d’être redistribués, la sous-série 1 M s’est finalement révélée assez décevante, au regard de son intitulé, concernant les crues de la Lauch, comparativement à celles de l’Ill et du Rhin (notamment pour les crues de 1851 et 1852). Cette sous-série aura néanmoins permis d’apporter des précisions non négligeables quant à certains évènements mais aussi de confirmer l’existence de certains autres, comme c’est le cas pour la crue de la Lauch d’avril 1862. Hormis une source indirecte obtenue aux archives municipales de Guebwiller, la crue d’avril 1862 a totalement été éclipsée des fonds d’archives de la sous-série 7 S. Mais quelle en est la raison ? A première vue, l’évènement n’a eu aucun retentissement en raison de la faiblesse de son impact sur les hommes et les biens (pas de dégât donc pas de production d’archive). D’autres références tirées de la série M ont également fourni, de façon plus ponctuelle, des compléments à notre recherche sur les crues de la Lauch, par exemple, la sous-série 4 M relative à la « Police28 » ou encore la sous-série 7 M concernant « l’Agriculture » (7 M 1). Fréquentes et catastrophiques, les inondations ont fait l’objet de statistiques annuelles prescrites par le Bureau de Statistique Générale (devenu après 1840 la

26 Des informations relatives aux évènements de septembre 1852 et d’avril 1862 sont disponibles dans cette

liasse.

27 Des informations relatives aux évènements de l’hiver 1801-1802, mai 1856 et de l’hiver 1860-1861 sont

disponibles dans cette liasse.

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Par exemple dans la liasse 4 M 76, des informations sont disponibles sur la crue de l’hiver 1801-1802 à Colmar.

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Statistique Générale de la France), de mesures préventives et d’appel à la générosité en faveur des sinistrés (cf. liasse 4 M 76 « Appel à la générosité publique : quêtes et souscriptions »). Dans la série P relative aux « Finances, cadastre, postes, forêts », deux sous-séries ont tout particulièrement attiré notre attention : la sous-série 1 P « Trésor public et comptabilité générale » constituée de la comptabilité publique de la préfecture et des archives du receveur général des finances, payeur, puis trésorier payeur général et la sous-série 2 P « Contributions directes » constituée du fonds du contrôleur et de l’inspection des contributions directes. Bien que peu de pièces d’avant 1850 composent la sous-série 1 P, celle-ci contient les dossiers de demandes et la répartition des secours sur fonds ministériels pour les pertes éprouvées par l’agriculture par suite de grêle, inondations, orages, etc., entre 1802 et 1870 (1 P 439 à 1 P 446). La liasse 1 P 439 contient, par exemple, des informations relatives à la crue de la Lauch de 1829 (et de l’Ill en septembre 1831) ; la liasse 1 P 440 des informations sur les crues de décembre 1833, janvier et février 1834 ; la liasse 1 P 442 contient des renseignements sur la procédure d’obtention de secours ; 1 P 443 renseigne sur la crue de février 1844 et 1 P 446 sur celle de février 1862, etc. Les calamités naturelles comme les inondations, dont est victime l’agriculture, apparaissent également dans les dossiers de demande de remise ou de modération des contributions directes (ex : cf. la liasse 2 P 259 pour la crue de l’Ill de février 1860). Mais au final, la série P s’est révélée assez décevante concernant la Lauch car peu de statistiques nous apportent des informations complémentaires à celles livrées par les sous- séries 7 S et 1 M. De plus, contrairement à toute espérance, la sous-série 7 P, propre aux « Eaux et forêts » n’a fourni aucun renseignement.

Nos investigations se sont poursuivies par la série X « Assistance et prévoyance sociale » et notamment la sous-série 3 X « Assistance sociale ». Les liasses 3 X 161 à 3 X 167, concernant les secours réguliers ou exceptionnels accordés aux communes et aux victimes de cataclysmes, n’ont livré aucune information sur les crues de la Lauch. Seule une crue de la Fecht en 1812 occasionnant la mort de 14 personnes est signalée. Les renseignements récoltés ici touchent notamment aux travaux des ateliers de charité et aux travaux d’intérêt commun. Il est, par exemple, question de réparer les digues de la Lauch à Colmar et Pfaffenheim en 1846- 1847 (3 X 168) ou encore de procéder à des travaux d’endiguement de la rivière Thur (Lauch en réalité) à Herrlisheim ou à Rouffach en 1847 (3 X 163).

Nous nous sommes ensuite tournés vers la série Z contenant les fonds des « Sous-préfectures et fonds divers ». Cette série contient les états détaillés de pertes élaborés par les maires des différentes communes, à partir desquels le sous-préfet réalise les récapitulatifs des statistiques et enquêtes destinés au préfet, apparaissant dans la série M. La sous-série 2 Z relative à la

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« Sous-préfecture de Belfort » contient néanmoins des informations propres aux travaux d’entretien des cours d’eau (2 Z 149), des ponts, élargissement des cours d’eau pour éviter l’accroissement des inondations (2 Z 146 et 2 Z 149) en vigueur dans le Haut-Rhin dans la première moitié du XIXe siècle. Cependant, aucune information sur les inondations n’apparaît précisément. Très lacunaire et très limité, le fonds de la « Sous-préfecture de Colmar » (3 Z) s’est révélé stérile du fait de la trop courte durée d’un sous-préfet sur place (1814-1815). La série O intitulée « Administration et comptabilité communales - Voirie vicinale - Dons et legs » n’a, quant à elle, livrée que peu d’informations, très occasionnelles.

Enfin, nous avons consulté la série « Alsace-Lorraine » (AL) qui, divisée en trois sections, s’organise de la manière suivante : AL 1 pour la période 1870-1918, AL 2 pour la période 1918-1940 et AL 3 pour la période 1940-1945. A l’intérieur même de ces sections, il y a des sous-divisions correspondant à des zones géographiques précises équivalant à des circonscriptions administratives. Nous nous sommes ainsi intéressés aux sous-séries 3 AL correspondant au « Fonds de la Kreisdirektion de Colmar » (ou sous-préfecture), 4 AL « Fonds de la Kreisdirektion de Guebwiller », 8 AL « Fonds du Bezirkpräsidium Ober Elsass » (ou préfecture du Haut-Rhin), ainsi qu’au fonds AL de la « Meliorationsbauverwaltung » (service des constructions et des améliorations agricoles - Génie rural de 1872 à 1916) redevenu « Génie rural » (subdivision de Guebwiller et Colmar- sud de 1919 à 1940) puis « Wasserwirtschaftsverwaltung » (service d'aménagement des eaux ou service hydraulique de 1940 à 1945). Cela nous a, par exemple, permis d’obtenir nombre de renseignements sur les crues de février 1877, octobre 1880, décembre 1882-janvier 1883 (8 AL 1/8253), celle de janvier 1910 (3 AL 1/1922), celles de décembre 1919 et janvier 1920 (3 AL 2/336 et 8 AL 2 cote topo 43, 8 AL 2/7733), ou encore celles de 1931 (3 AL 2/321). La série AL renseigne également sur les prises d’eau (3 AL 2/330), les travaux de curage (3 AL 2/333, 8 AL 2 cote topo 43), les syndicats fluviaux, associations d’irrigation et de drainage, etc. (3 AL 2/328), l’entretien et le libre écoulement des eaux (3 AL 2/321 et 326) et les mesures à prendre en cas de danger d’inondation (3 AL 2/335), les calamités atmosphériques (3 AL 2/322), etc. Soulignons, toutefois, que le fonds de la Kreisdirektion de Guebwiller (4 AL 1, 4 AL 2 et 4 AL 3) n’a fourni aucune information sur la Lauch29

. La grande difficulté de la série AL résidait surtout dans notre capacité à déchiffrer, à lire et à comprendre les documents rédigés pour la plupart en allemand gothique.

29 Et pour cause, un incendie aurait détruit le fonds de la sous-préfecture de Guebwiller, selon Bertrand Risacher.

A cela s’ajoute un incendie de la préfecture en 1938, responsable de la disparition de nombreuses pièces d’archives.

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b) Deuxième étape : les archives contemporaines

Après avoir traité les archives modernes, nos investigations aux archives départementales du Haut-Rhin se sont poursuivies par le dépouillement des archives administratives contemporaines.

La série W regroupe l’ensemble des archives postérieures à 1945, parmi lesquelles figurent celles de la préfecture, des sous-préfectures, de l’administration départementale (Conseil général), du Service régional de l’amélioration des eaux (SRAE) devenu Direction régionale de l’environnement (DIREN) puis Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)30, du Génie rural devenu Direction départementale de l’agriculture et de la forêt (DDAF) et celles de la Direction départementale de l’équipement (DDE), aujourd’hui fusionnées en Direction départementale du territoire (DDT)31

. Les apports de cette série sont indispensables pour savoir comment le risque inondation a été géré, au sortir de la guerre mais aussi par la suite, jusqu’à en arriver aux politiques de gestion et de prévention actuellement en vigueur. Ainsi, les archives de la préfecture ont livré des informations sur les syndicats fluviaux (246 W 21), la police des eaux (246 W 22), celles de la sous-préfecture de Guebwiller ont apporté des renseignements essentiels sur les grandes inondations de 1947 (755 W, 1059 W 46, 1582 W 2) et janvier 1955 (345 W 36), de même que celles de l’administration départementale sur l’indemnisation des sinistrés par inondation en 1955 (1475 W 40) et la crue de janvier 1995 (1984 W 20). Les archives de la DDE se sont également révélées très prolixes quant aux évènements de décembre 1947 (854 W 137, 1090 W 1 à 4) et d’avril 1983 (2709 W 10), celles du SRAE ont fourni quelques compléments sur la crue de janvier 1955 (2373 W 131). Concernant les évènements de 1990, la totalité des pièces contenues dans la liasse 2441 W 19 n’est pas communicable, seul le rapport sur les crues des 15 et 16 février 1990 est accessible sur dérogation. Enfin, les archives du service Aménagement des rivières - Génie rural de la DDAF ont permis de combler les lacunes pouvant encore subsister sur les crues de décembre 1947 (680 W 81) et janvier 1955 (680 W 25 et 55, 1090 W 68), et ont livré de nouvelles informations sur celles de janvier 1952 (1090 W 55), février 1957 (1090 W 101) et février 1958 (680 W 55). Excepté les phénomènes de crues eux-mêmes, le fonds de la série W renferme une multitude de pièces relatives aux

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Le Service régional de l’aménagement des eaux (SRAE) est devenu le service de l’eau et des milieux aquatiques (SEMA) de la DIREN-DREAL.

31 La DDAF et la DDE ont fusionné en janvier 2009 pour former la Direction départementale de l’équipement et

de l’agriculture (DDEA) qui, après fusion en janvier 2010, avec le service environnement de la préfecture, est devenue la DDT.

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études hydrauliques menées sur les cours d’eaux haut-rhinois, aux différents projets d’aménagement et de curage des rivières, aux syndicats fluviaux, aux mesures de prévention et de protection pour lutter contre le risque inondation (dossiers PPR, 2441 W 27), aux études sur la nappe phréatique d’Alsace, etc. La série W représente, pour l’historien travaillant sur le risque, une source incontournable contenant des données très variées sur les thématiques afférentes aux cours d’eau.

c) Troisième étape : les archives anciennes

L’enquête en archives s’est poursuivie par la consultation des archives anciennes et notamment de la série C32, contenant, entre autres, le fonds de la Régence Autrichienne d’Ensisheim (XIIIe

siècle-1638), celui de l’Intendance d’Alsace (1648-1790) et celui de la Commission intermédiaire de l’assemblée provinciale (1787-1789). Bien que notre étude n’ait pas pour objet de remonter au-delà de 1778, nous avons tout de même décidé de poursuivre les pistes archivistiques dans le but de reconstituer le plus exactement possible, mais sans prétention d’exhaustivité, la chronologie des crues et inondations de la Lauch33

. Constituant notre principale source d’information, le fonds de l’Intendance d’Alsace regorge de pièces relatives aux travaux publics : mémoires et devis d’ingénieurs, plans, projets de redressement du cours de la Lauch (C 1257, C 1260), travaux de reconstruction (C 1192 et C 1260) et d’entretien (C 1206, C 1230) ou d’endiguement, procès verbaux, comptabilité, etc., parmi lesquelles figurent souvent nombre de renseignements sur les évènements eux-mêmes. Par exemple, les liasses C 1192, C 1257, C 1500 et C 1582 font référence aux inondations d’octobre 1778 et décembre 1779. La liasse C 1258 mentionne les crues de mars 1751, 1769- 1770, septembre 1786 tandis que C 1259 témoigne de la crue de 1771 et C 1206 et C 1257 de celle de 1788. La crue de février 1774 est, quant à elle, relatée dans les liasses C 1257 et C 1260. A travers ces documents, il est alors possible de suivre l’évolution du tracé du cours d’eau, sans oublier les nombreuses plaintes et conflits afférents.

32 La série C des archives anciennes correspond dans les archives modernes à la série S qui se prolonge dans les

archives contemporaines par les séries AL et W. Ces 4 séries couvrent à elles seules l’ensemble de la période d’étude. Les autres documents à notre disposition ont permis de procéder au croisement des sources afin de déterminer la véracité des informations.

33 Recherches effectuées dans le cadre du « Programme Junior » de la MISHA (2007-2009) porté par L. With et

étendues au programme ANR-DFG « TRANSRISK » (2007-2010) dirigé par B. Martin et R. Glaser. Ces deux programmes pluridisciplinaires et transfrontaliers (franco-allemand) portaient sur le risque d’inondation dans l’espace du Rhin supérieur.

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La série C est riche en mémoires administratifs produits aux XVIIe et XVIIIe siècles par des agents de la monarchie34. Deux mémoires sont particulièrement remarquables, il s’agit de celui de l’intendant Jacques de La Grange (1697) et celui de Peloux, secrétaire de l’intendant Feydeau de Brou (1732-1735), dans lesquels apparaît une description géographique de la province d’Alsace35, insistant sur la densité du réseau hydrographique mais n’évoquant que

succinctement le problème récurrent36 des inondations causées soit par le Rhin, soit par l’Ill et ses affluents. Bien que ces derniers soient assimilés à des torrents faisant beaucoup de dégâts, les renseignements ne sont pas très développés et aucune information ne concerne directement la Lauch. D’après Alain J. Lemaître37, si le problème des inondations est mentionné dans les mémoires d’intendants, c’est principalement pour des raisons économiques puisqu’elles constituent une menace pour l’agriculture38

et le commerce. Au XVIIIe siècle par exemple, les pertes de récoltes étaient catastrophiques pour les paysans qui devaient fournir le fourrage aux chevaux de l’armée stationnée en Alsace39

. Les inondations du Rhin constituent une préoccupation réelle de l’Intendance d’Alsace40

. Des mesures ont été prises pour s’en préserver comme la construction des épis du Rhin41 dont l’entretien s’est révélé très coûteux et très consommateur de bois. Les mémoires administratifs du XVIIIe siècle font souvent référence aux crues dévastatrices des rivières haut-rhinoises comme étant de véritables « torrents » coulant sur de fortes pentes. Il convient de signaler que les mémoires du XVIIIe siècle opèrent une distinction entre le Rhin et l’Ill et ses affluents concernant les inondations (logique d’inondation et rythmes de crues différents), les aménagements et moyens de lutte contre les inondations ainsi qu’au niveau des problèmes liés à l’anthropisation des cours d’eau. Ces rapports mentionnent que la cause principale des crues des rivières réside dans le

34 MAURER C. « La culture de l’information administrative sous la monarchie d’après le Mémoire de Peloux

(1735) », Chantier historique, n°7, 2004.

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LIVET G., « Les intendants d’Alsace et leur œuvre (1648-1789) », Deux siècles d’Alsace française, Strasbourg-Paris, 1948, 125 p.

36 Les inondations font partie du quotidien en Alsace.

37 LEMAITRE A. J., Rapport interne remis à l’équipe du projet ANR TRANSRISK lors d’une séance de travail,

2010.

38 Cf. OBERLE R. L’Alsace en 1700, Mémoire sur la province d’Alsace de l’intendant Jacques de La Grange,

Colmar, Alsatia, 1975.

39 LEMAITRE A. J., « Le Mémoire sur l’Alsace de Peloux, 1732-1735. Eléments introductifs à une histoire de

l’Administration », Les Actes du CRESAT, n°8, Mulhouse, 2011, p. 26.

40 LIVET G., L’intendance d’Alsace, P.U.F, 2e édition, Paris, 1991.

41 Ouvrage hydraulique rigide construit sur la berge d’une rivière ou d’un fleuve, l’épi a pour but de freiner les

courants d'eau et de limiter les mouvements de sédiments. Signalons qu’en Alsace, un impôt spécial dit « imposition des épis du Rhin », institué en 1648 et fixé annuellement à 30 000 livres, était à la charge des communes. Tous les riverains du Rhin contribuèrent, jusqu’à la Révolution, à la lutte contre les inondations par le versement de cet impôt au Trésorier Général des fortifications. Ce dernier affectait ensuite des sommes à la construction et à l’entretien d’ouvrages, tels que des digues ou des épis, participant activement à la protection du territoire. D’après DESCOMBES R., « Rhin », Encyclopédie de l’Alsace, Strasbourg, Editions Publitotal, Vol. 10, 1985, p. 6396.

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mauvais entretien des cours d’eau (défaut de curage, sédimentation) et les entraves résultant des ouvrages hydrauliques (moulins, barrages et autres dérivations). La forte anthropisation des vallées vosgiennes n’est pas sans conséquence non plus. La solution envisagée est de restituer aux cours d’eau toute l’emprise nécessaire à l’étalement de leurs eaux. Le problème du déboisement massif des Vosges est certes à prendre en considération mais de manière très nuancée. Toutefois, ces rapports mettent en exergue l’accroissement de l’urbanisation des vallées vosgiennes (hausse des densités et des activités humaines) comme étant une des causes évidentes des inondations42. Dans l’ensemble, les informations sur les crues des cours d’eau vosgiens fournies par les mémoires d’intendants restent relativement maigres. En effet, les petits cours d’eau n’y sont pas décrits précisément et les récits de leurs crues se trouvent souvent éclipsés par ceux du Rhin et de l’Ill. Si ces mémoires n’évoquent que de manière