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B) Jour après jour, une vision de dévastation

4) Quatrième jour : 17 février 1990

Entre le 16 et le 17 février, le niveau de la Lauch baisse de 70 cm, la rivière rejoint son lit. L’heure est désormais au nettoyage et surtout au bilan.

Dans toute la vallée, la population aidée par les pompiers, écope et nettoie les caves, garages, maisons, cours et rues pendant que l’armée, la DDE et des sociétés privées entreprennent des réparations de fortune.

A Linthal, la circulation est provisoirement rétablie sur une voie. Six cents tonnes de pierres sont nécessaires pour enrocher les berges effondrées sous l’effet des eaux, situées le long de la route. Dans cette commune, une famille est sinistrée à 100 %, plusieurs routes et chemins sont éboulés, la salle des fêtes est sauvée de justesse55. Grâce aux efforts des employés du service « Gaz et Eaux » de Guebwiller, la station de traitement des eaux est vite remise en état et fonctionne à 50 %.

A Buhl, en plus du 152e RI de Colmar, une cinquantaine d’hommes du 9e Régiment du Génie de Neuf-Brisach et du 57e Régiment de Transmission de Mulhouse sont venus en renfort (avec 17 véhicules, engins et moyens polyvalents), pour dégager l’accès à l’usine Sévylor et faciliter sa reprise d’activité mais également pour prêter main-forte aux pompiers et aux particuliers. Bien que la DDE travaille à la réparation de la « pénétrante » pour rétablir l’accès au fond de vallée, jusqu’ici uniquement possible par Soultzmatt, la route devra être

53 L’Alsace du 17/02/1990. 54

Ibid.

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entièrement refaite56. Buhl a des allures de chantier, tous s’activent pour réparer les dégâts. Mêmes observations à Issenheim et Merxheim.

Figure 4 : « Pénétrante » (RD 430) détruite en février 1990 à Buhl

(Sources : photo AMG 13W 10)

Le sous-préfet de Guebwiller, très présent, parcourt sans cesse les communes sinistrées pour suivre l’évolution des chantiers et déplore ce flot de curieux venant compliquer la tâche des secours. Au total, près de 180 pompiers sont mobilisés dans le Florival. De plus, les efforts des techniciens (SNCF, Telecom, EDF, DDE,…) doivent permettre un rapide retour à la normale57.

Le 17 février, les eaux de l’Ill se retirent du quartier de la Luss à Colmar et des villages de la plaine (Houssen, Ostheim, Illhaeusern). On peut alors voir l’ampleur des dégâts. Le constat, édifiant, est le même partout : routes défoncées, chemins arrachés, maisons endommagées, sous-sols détruits, jardins, pelouses et rues recouverts de boue. Les pompiers, aidés par des volontaires de la Base aérienne 132 de Meyenheim, procèdent au pompage et au nettoyage. Les habitants sont inquiets quant au futur dédommagement des pertes éprouvées : archives personnelles et souvenirs emportés, collections ruinées, véhicules noyés dans un mètre d’eau boueuse, mobilier irrécupérable ; un chantier de construction de 28 logements HLM est endommagé (rue de la Luss),... Dans certaines caves, les traces laissées par la boue atteignent deux mètres de haut. Par ailleurs, des habitants sont en colère car « la préfecture avait été prévenue par des riverains des risques de rupture de la digue. Pourquoi n’a-t-on rien fait ? Pourquoi le programme départemental de renforcement des digues n’a-t-il pas été appliqué

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L’Alsace et les DNA du 18/02/1990.

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dans ce secteur, alors que la digue date de 1817 58 ? » D’après un ingénieur de la DDAF, cette digue aurait dû être remplacée l’année suivante par les infrastructures de contournement de Colmar, devant renforcer la protection du quartier tout en préservant l’autoroute des inondations59. Les riverains s’interrogent. Savait-on le 15 février dans l’après-midi que la digue risquait de lâcher ? Selon la municipalité, on ne pouvait pas le prévoir, sinon le quartier aurait été évacué. Pourtant, dans l’après-midi du 15 février, deux camions de terre ont tenté en vain d’accéder à la digue, à l’endroit où elle a lâché (quelques heures plus tard). Cela laisse les habitants perplexes : la fragilité était donc bien connue60.

Le 15 février au soir, Edmond Gerrer, maire de Colmar, s’est rendu dans le quartier de la Luss ; choqué, il ne s’attendait pas à une telle situation. Le fait que la rupture de digue se soit produite en pleine nuit a renforcé le côté dramatique de l’évènement. Le projet autoroutier a pourtant pris en compte la crue centennale mais l’homme n’est pas maître de la nature. Pour certains, il s’agit d’un problème d’urbanisme. En effet, si l’autoroute avait été surélevée, la digue aurait eu plus de hauteur et le débordement aurait été contenu. Pour le maire de Colmar, l’origine du problème est d’une toute autre nature : « En décembre 1947 on avait connu des situations analogues et… les gens avaient oublié 61

». Le problème soulevé ici est celui du défaut d’entretien et de transmission de la mémoire du risque62

.

La circulation autour de Colmar est vite rétablie. Dans le Bas-Rhin aussi, l’Ill ne cesse de baisser, la situation s’améliore au courant de la journée du 17 février. La priorité est donnée à la réparation de la voirie communale et départementale63.

Si les dommages ont été provoqués en quelques minutes, il faudra attendre plusieurs mois pour obtenir d’éventuelles aides et tout remettre en état.

58 DNA du 18/02/1990. 59 L’Alsace du 18/02/1990. 60 DNA du 18/02/1990. 61 Ibid.

62 La mémoire du risque est une notion dont on parle déjà en 1990 mais qui n’aura de reconnaissance légale qu’à

partir de 2003. En effet, la loi Bachelot inscrira définitivement cette notion dans la loi.

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