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Le travail collectif des acteurs des établissements dans l’accompagnement à l’orientation des élèves : ce qu’en dit la

professionnalisation des acteurs pour

3.1 Le travail collectif des acteurs des établissements dans l’accompagnement à l’orientation des élèves : ce qu’en dit la

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Si les travaux précédents montrent de manière impli- cite une dimension collective des tâches d’orientation, seuls les textes de Pin et Trollat (2014) l’abordent de manière explicite et invitent à penser cette fonction comme un travail collectif dont il faut organiser et ou- tiller les coordinations.

Ces auteurs montrent tout d’abord que cette dimen- sion collective est intrinsèque aux tâches d’orienta- tion. En effet, la fonction d’orientation est distribuée entre différents acteurs au sein de l’institution scolaire et des établissements (directeurs, professeurs princi- paux, professeurs, conseillers principaux d’éducation, documentalistes, conseiller psychologue d’orienta- tion) mais aussi en dehors (familles, amis…). Dès lors, ils expliquent que pour pouvoir jouer leur rôle, ces différents acteurs ont à se situer dans le processus formel d’orientation afin de délimiter leur position, leurs tâches au regard de celles des autres. De plus, ils montrent, que cela implique une part informelle de travail collectif puisque le nombre et la nature de ceux qui sont amenés à intervenir, ainsi que les modalités

de leurs interventions ne peuvent pas être prédéfinis ni déterminés (Pin et Trollat, Ibid.). Marcel (2009) cite ainsi l’exemple de la réunion préparatoire officieuse du conseil de classe qui se déroule quelques minutes avant celui-ci entre le professeur principal, le directeur et le CPE.

Ensuite, ils s’intéressent au rôle du professeur princi- pal dans le travail collectif. Ils expliquent que celui-ci doit assurer une tâche de coordination « tant du suivi des élèves que de la préparation de leur orientation en liaison avec les autres acteurs et en concertation avec les parents d’élèves » et donc coordonner l’activité des autres.

Toutefois, nous pouvons constater qu’aucun de ces travaux ne prend pour objet centrale la réalisation du travail collectif d’orientation des élèves par les acteurs des établissements. Dès lors, la suite de ce texte vise à donner à voir différentes formes de mise en oeuvre de ce travail collectif par les acteurs d’un établissement et les rôles qui se constituent pour chacun d’eux :

Quelles sont les situations professionnelles et les tâches pour lesquelles les acteurs ont à agir collectivement ? Quelles actions sont déployées ? Par qui ? Avec qui ? Dans quels buts ? Comment s’agencent les actions des différents acteurs entre elles ?

Quelles sont les éventuelles formes du travail collectif qui se constituent pour la réalisation des tâches d’orientation ?

Quelles en sont les ressources – dont les artefacts utilisés, les contraintes, les difficultés ?

3.1.2 Une dimension collective qui complexifie les tâches d’orientation

chés rares/nombreux...). Les considérations relatives à la future profession sont, dans la plupart des cas, réduites à la portion congrue (Ibid.).

Ensuite, très peu de travaux examinent l’activité des acteurs pour la réalisation des différentes tâches de réalisation de la procédure d’orientation. Pin et Trol- lat (2011) examinent les « embarras » que rencontre le professeur principal dans la réalisation de sa fonc- tion d’orientation des élèves. Ils mettent à jour les tensions entre des objectifs et des conditions parfois contradictoires : d’une part, les professeurs princi- paux « ont à construire, à échéances déterminées, les décisions d’orientation des élèves dans une logique de gestion des flux d’élèves au sein de l’établisse- ment et plus largement du système éducatif. Et il leur

faut, en même temps, aider les élèves à construire progressivement un projet d’orientation et ainsi, les aider à acquérir la compétence à « s’orienter active- ment » (Dumora, 1990), selon une temporalité qui ne répond pas nécessairement à l’échéancier institu- tionnel. » (p. 1). Ils expliquent que la tâche d’orienta- tion peut être qualifiée de connexe en ce qu’elle «se relie de multiples manières à celle d’enseignement sur la base de ce que les trois professeurs principaux nomment de façon répétée « la relation à l’élève» » (p. 6). Mais ils pointent alors le fait que « connaitre » des élèves » par « une observation continue » dans les activités d’enseignement ne va en fait pas de soi, alors que cela semble évident pour le prescripteur comme pour les enseignants.

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Tout d’abord, le travail collectif implique des proces- sus de répartition des tâches et d’échanges de savoirs, favorisant les régulations dans l’activité (Ibid.). Il né-

cessite donc des éléments partagés permettant les

interactions et la coordination des actions (Barthe et Queinnec, 1999 ; Savoyant, 1984) :

« Le travail collectif correspond à la manière dont les opérateurs et les opératrices vont plus ou moins coopérer de manière efficace et efficiente dans une situation de travail (de la Garza et Weill-Fassina, 2000 ; Avila Assunçao, 1998). Il est donc défini en lien avec la tâche dans laquelle sont engagés les partenaires du travail collectif et re voie à la performance dans l’atteinte des objectifs de cette tâche. » (Caroly et Barcellini, 2013, 1).

3.1.3 Eléments de définition : travail collectif, collectif de travail

Les activités collectives prennent différentes formes

selon les buts des opérateurs et leurs coordinations dans le temps et l’espace » (Caroly, 2007, 89 ; 2010 ; de la Garza et Weill-Fassina, 2000) :

Ensuite, dans un travail collectif, les actions des dif- férents individus doivent être compatibles les unes avec les autres (appropriées à l’atteinte du but com- mun) et coordonnées temporellement. Il faut donc des possibilités de synchronisation entre les participants, une connaissance réciproque du travail de chacun, et

une représentation de l’état actuel de la situation et d’avancement du processus dans lesquels ils sont en- gagés « dans l’ici et maintenant de la tâche » (Caroly, 2002 ; 2013).

des actions individuelles qui poursuivent des buts partiels subordonnés au but global ;

un but, c’est à dire un état final de l’objet à transformer par le processus collectif ;

La co-action : des individus accomplissent des actions différentes sur des objets diffé- rents avec des buts à courts termes différents (des tâches différentes) mais pouvant s’in- tégrer à long terme vers l’atteinte d’un même objectif. C’est le cas du directeur adjoint, du professeur principal et de la famille, qui préparent la réorientation d’un élève en fin d’année de 2de, lorsque le 1er s’occupe de contacter les établissements scolaires pour avoir des informations sur les places disponibles dans la filière visée, le second informe ses collègues du souhait de réorientation lors du conseil de classe et la famille remplit les souhaits de l’élèves dans le logiciel dédié.

un référentiel opératif commun (Barthe et Queinnec, 1999; Rogalsky, 1994; c’est-à-dire un système commun de représentations et de savoirs aux acteurs afin qu’ils attribuent une signification partagée (Rogalski, 1994). Celui-ci porte sur l’objet de la tâche collec- tive, les conditions d’exécution de la tâche collective, la séquence des états et des trans- formations de l’objet, le produit et les opérations de l’action du (des) individu(s) dont chacun dépend.

Outre le(s) but(s), le référentiel opératif commun partagé et la coordination, la concer- tation constituent une dernière condition de « l’élaboration du travail collectif » (Caroly, 2002). Elle permet de « confronter et ajuster les points de vue ou négocier des perspec- tives ou des choix » (De la Garza, 1998, p. 25). » (Caroly, 2002, p. 4).

« La coordination se définit comme étant « la planification et l’organisation temporelle des activités ; elle implique un ordonnancement de comportements, d’actions et ou de décisions, qui se fait en termes d’unités temporelles » (De la Garza, 1998, p. 24). » (Caroly, 2002, p.4).

Apport

théorique

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Il est donc lié aux rôles des autres (donc à leurs posi- tions), à ce qu’ils attendent de chacun (attentes et obli- gations). Ces rôles sont «déjà inscrits en partie dans les « cadres » de la vie quotidienne et professionnelle qui définissent un « ordre » inscrits, prédéfinis, attendus, convenus, répartis, attribués et prêts à être joués». (Ibid. p. 11). « Les rôles et positions sont donc à la fois des objets et conditions du travail. » (Ibid., p. 12). Dans la réalisation des tâches collectives, peut alors se constituer un collectif de travail, groupe informel « créé par les membres eux-mêmes, pour combler l’écart entre ce qui est attendu de l’équipe et ce qui est réellement faisable dans la situation » (Trognon et al., 2004, p. 418). Par opposition un « groupe de travail » est « formel et « la participation […] n’est pas volon- taire mais imposée par l’organisation ».

Le collectif « se constitue pour arriver au but. La construction de nouveaux objectifs de travail se fait par le groupe, par une connaissance des compétences de chacun et par la mise en commun des pratiques pour pouvoir travailler » (Caroly, 2002, p.4). Il repose sur 3 conditions : les règles de métier, la reconnais- sance des compétences et la confiance réciproque. Toutefois, le travail collectif peut s’organiser sans qu’il y ait de collectif de travail (Ibid.).

Dès lors, il ne s’agit plus d’analyser le travail collectif en s’appuyant sur un découpage des équipes reprenant le découpage formel de l’organisation (par atelier, ser- vice...). Il s’agit plutôt d’associer les membres de l’or- ganisation impliqués plus ou moins directement dans la réalisation du système de tâches (Savoyant, 1984), ici les tâches relatives à l’orientation. De plus, cette analyse ne se limite pas à l’organisation fonctionnelle entre acteurs. Elle concerne aussi « l’espace, la répar- tition des objets et leurs caractéristiques, les lieux de travail de certains acteurs, spécifiant ainsi des liens entre ces différentes entités des environnements de travail. » (Rogalski, 1995). Dupriez (2003) affirme par exemple que l’architecture des bâtiments scolaires est peu compatible avec un travail collectif entre ensei- gnants.

Examinons tout d’abord comment les textes pres- criptifs cadrent le travail à réaliser pour

l’orientation des élèves, et en particulier ce qu’ils disent concernant le travail col- lectif.

« Un rôle est caractérisé par un périmètre de tâches – ce qui est à faire, ce dont je suis responsable, ce à quoi je suis tenu - qui en exclut d’autres - ce qu’il convient de ne pas faire, ce qu’il serait étonnant que je fasse, ce à quoi je ne tiens pas -, des frontières et des limites qui le révèlent et contribuent à le définir. » (Tourmen et al., 2012, p. 11).

Enfin, dans une organisation et un travail collectif, cha- cun se voit attribuer une position. A celle-ci est lié un rôle qui correspond à la façon dont l’individu doit se comporter pour être en adéquation avec sa position :

La collaboration correspond une situation où les individus accomplissent des tâches différentes sur un même objet partageant un but commun à court ou à moyen terme. Pour préparer le diaporama pour la réunion d’information des parents, l’adjoint inscrit les informations sur les formations par la voie scolaire et le directeur du CFA celles sur les formations en apprentissage.

Dans les « situations de direction » (Savoyant, 1981), les sujets ont aussi le même but mais un sujet réalise les opérations d’orientation, dirigeant les opérations d’exécution réalisées par les autres sujets.

L’aide ou l’entraide correspond à une situation où un professionnel vient aider un autre, sans que ce dernier le lui ait demandé (Assunçao, 1998). Un professeur vient aider le professeur principal à trier les papiers à distribuer aux élèves à la rentrée.

La coopération caractérise une activité collective dans laquelle les opérateurs travaillent ensemble, conjointement, sur le même objet ou un objet proche visant au même but proximal (De la Garza, 1995) : tâche et but à court ou moyen terme sont communs. Le directeur, le professeur principal et le CPE examinent le cas de chaque élève pour prépa- rer le conseil de classe.

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Comme c’est le cas pour tous les lycées, le cadre géné- ral de l’orientation des élèves dans les établissements d’enseignement agricole publics envisage l’orienta- tion comme « le résultat du processus continu d’éla- boration et de réalisation du projet personnel de for- mation et d’insertion sociale et professionnelle que l’élève mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités. » (Code de l’éducation Art D-341-1 à 22). Ce « processus » « est conduit avec l’aide des parents de l’élève, de l’établissement scolaire, des personnels en- seignants, d’éducation et de santé scolaire. ». Il « prend appui sur l’observation continue de l’élève par les per- sonnels enseignants avec le concours des personnels d’éducation, sur l’évaluation de sa progression, sur son information et celle de ses parents et sur le dialogue entre les membres de l’équipe éducative et la famille ». Pour la mise en oeuvre de cette tâche, la prescription est importante sur les procédures d’orientation et leurs différentes phases ; sur la proposition de quelques ou- tils pour l’aide à l’orientation (stage passerelle, stage de remise à niveau, tutorat, entretiens, carnet de com- pétences).

Concernant les acteurs de l’établissement, elle porte, pour une grande part, sur la fonction du professeur principal. Celui-ci doit, d’une part, assurer le suivi in- dividuel des élèves, d’autre part entretenir le dialogue avec les familles et, enfin, accompagner les lycéens dans leurs choix d’orientation dans un rôle de conseil auprès des élèves16. Sous la responsabilité du chef

d’établissement, il doit aussi mobiliser la communau- té éducative, assurer la liaison entre ses membres, « la complémentarité des initiatives et le suivi des actions, notamment avec les partenaires extérieurs ». De plus, il s’appuie sur ses connaissances et recours à l’exper- tise des professionnels de l’orientation externes à l’éta- blissement (CIO, APECITA, Missions locales...)17.

Les textes prescriptifs font des conseils de classes un outil important d’échange interne concernant l’orien- tation des élèves. Ils désignent les entretiens person- nalisés d’orientation avec l’élève et sa famille, conduits par le professeur principal, comme un outil central de l’aide à l’orientation et d’échange avec la famille et l’élève18.

Ainsi, la prescription porte pour une part sur une di- mension collective du travail lié à l’orientation. Elle précise en partie des positions et tâches pour diffé- rents acteurs de l’établissement dans la procédure

d’orientation19. Elle prescrit une coordination entre

eux et donne au professeur principal le rôle de chef d’orchestre et de mobilisateur de tous ces acteurs. «Elle constitue une injonction de travail collectif coordonné localement mais seulement en traçant les grandes lignes d’une proposition, en déclinant des objectifs mais sans préciser les manières de les réali- ser. Les moyens de leur réalisation sont renvoyés à la discrétion des agents et de l’établissement.» (Marcel et Cardon, 2014).

Or, les rapports produits par l’inspection de l’enseigne- ment agricole, mais aussi les nombreux entretiens que nous avons eus avec différents acteurs, montrent que cette prescription reste floue et que sa mise en oeuvre ne va pas de soi pour eux.

Dès lors, la question que nous posons ici est celle des formes de travail collectif qui se constituent pour la ré- alisation des tâches de l’orientation20.

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