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Le rôle de l’écriture de l’expérience d’une activité de travail pour les apprentissages

Des dispositifs potentiellement favorables aux apprentissages et au développement

H. Le rôle de l’écriture de l’expérience d’une activité de travail pour les apprentissages

« La forme écrite aide au déroulement d’un lan- gage relevant de l’activité complexe. C’est là jus- tement ce qui fonde le recours au brouillon. Le cheminement du ‘au brouillon’ au ‘mis au net’ est précisément une activité complexe. Mais, même si l’on ne fait pas réellement de brouillon, l’élément de réflexion est très important dans le langage écrit ; très souvent nous nous disons d’abord pour nous-mêmes ce que nous allons écrire ; il s’agit là d’un brouillon mental. Ce brouillon mental du langage écrit est aussi […] un langage intérieur » (Vygotski, p.363, cité par Schneuwly, 2008)

On connaît le rôle de l’écriture dans les pédagogies de l’alternance comme outil de formation au service d’une professionnalisation (Crinon & Guigue, 2006), notamment par l’élaboration des rapports de stage et autres mémoires professionnels. L’écriture est un médiateur cognitif, un instrument cognitif qui favo- rise l’élaboration de la pensée, dans un rapport dyna- mique avec le langage oral (sans dichotomie ni oppo- sition de valeur).

L’écriture ouvre la possibilité de travailler sur un objet stable (non volatile) et donc d’analyser, de comparer, de séquentialiser, d’identifier les constituants, de com- menter, de recomposer, réorganiser le discours sur (ici l’activité professionnelle)… de questionner et de manipuler, de reformuler… bref de penser, raisonner l’activité professionnelle. Par le caractère permanent des traces et la possibilité de revenir sur ces traces, l’écriture soutient le déroulement, la réorganisation et la transformation du langage, la mise à distance et au final le développement de la pensée :

« Le langage écrit est précisément l’algèbre du lan- gage. […] [il] permet à l’enfant d’accéder au plan abstrait le plus élevé du langage, réorganisant par là même aussi le système psychique antérieur du langage oral. » (Vygotski, 1934/1997, p. 339)

L’écriture a aussi une valeur réflexive dans la mesure où l’on peut revenir sur, penser, repenser une activi- té réalisée, redoubler l’expérience. Suivant la tâche prescrite, l’écriture de l’expérience du travail, de l’ac- tivité professionnelle, ouvre des possibilités d’ap- prentissage, d’appropriation (ou de réappropriation) de savoirs. L’exigence d’articulation de l’expérience professionnelle à des savoirs théoriques et des savoirs de référence dans la profession, complexe, est néan- moins nécessaire. Or, on connaît les difficultés avec l’écrit des élèves de lycée professionnel (Guernier, 2008) et le poids cognitif que représente le passage à l’écrit. Le travail d’accompagnement des adultes dans l’élaboration de la fiche activité revêt d’autant plus d’importance.

Au final, nous attachons de l’importance à l’activité langagière dans les différentes situations du dispo- sitif et en situation d’intervention-recherche. Le lan- gage (oral et écrit) dans les situations interactives et collaboratives de mise en mots des activités profes- sionnelles et dans les entretiens d’ autoconfrontation (voir les indications de méthodes p.24), porte en ef- fet la marque, de l’activité de médiation, des appren- tissages voire du développement. Non seulement, les situations du dispositif d’AP devraient nécessiter des élèves qu’ils comprennent et utilisent le langage professionnel, mais aussi qu’ils se décollent de l’expé- rience première, individuelle, pour engager une ana- lyse réflexive de cette expérience, pour la formaliser, la discuter avec d’autres, pour conscientiser, penser, ob- jectiver, structurer, analyser l’activité professionnelle, et en définitive la conceptualiser. Nous considérons donc le langage et notamment l’écriture, comme ou- til et comme révélateur d’un engagement des élèves dans un processus de secondarisation (Bautier, 2005) de l’activité professionnelle.

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I. Le processus de secondarisation de l’activité professionnelle.

Nous avons souligné l’importance d’une conceptuali- sation de l’activité professionnelle vécue par les élèves qu’autorise la dialectique des rapports entre connais- sances expérienciées, savoirs de référence et savoirs théoriques par le truchement de médiations diverses, notamment langagières. L’élaboration de la « fiche ac- tivité », en groupe, exige que chaque élève entre dans un processus d’explicitation, voire de conceptualisa- tion, mais aussi que tous établissent un rapport diffé- rent avec la situation qu’il a vécue, avec l’expérience « première », personnelle de l’activité professionnelle. En effet; le discours attendu à l’écrit dans ce type de « fiche activité », mais aussi à l’oral d’évaluation, n’est pas seulement l’expression du vécu de l’activité de travail de chacun (le «ici et maintenant» de ce qui se déroule dans l’atelier, ce qu’on échange en situation, le registre de l’opinion et du sens commun sur l’acti- vité professionnelle) mais bien une production qui reprend, re-travaille les différentes composantes de l’activité professionnelle vécue, qui témoigne de sa compréhension (du sens des opérations, des diffé- rents paramètres de l’activité, de ses enjeux, etc.). La réalisation de la « fiche-activité » devrait conduire à des associations, des comparaisons, des généralisa- tions, des formes d’institutionnalisation de l’activité professionnelle. C’est un discours de genre « second » (Bakhtine, 1984), qui est attendu, un discours dont les énoncés s’ancrent dans la réalité de l’activité mais qui s’arrachent du contexte immédiat, dont les formes langagières sont conventionnelles, socialement et culturellement partagées (surtout par les profession- nels membres du jury d’évaluation du BEPA).

Faire entrer les élèves dans un processus de décontex- tualisation - reconfiguration de l’activité profession- nelle pour en faire un objet d’étude, de réflexion, d’ana- lyse (individuelle et collective) et de connaissance, leur faire adopter une « attitude de secondarisation »

(Bautier & Goigoux, 2004) de l’activité professionnelle pour mieux se l’approprier, relève éminemment de l’école et de la manière dont sont organisés les ap- prentissages. Les productions langagières produites par les élèves au cours de l’élaboration de la fiche-ac- tivité devraient donc porter la trace de cette seconda- risation de l’activité professionnelle.

«C’est au cours de ce travail de reprise que les sujets construisent et transforment leur com- préhension de l’activité sociale dans laquelle ils sont engagés : ils conçoivent les rôles qui peuvent s’y jouer, ils re-négocient leur connaissance du monde au filtre des représentations collectives et ils envisagent de nouvelles modalités d’ « agir », de « penser » et de « dire » le monde»

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2.2 Résultats de notre analyse

Dans un premier temps, nous présentons les résultats d’une analyse macro du dispositif qui donnent à voir comment s’agencent les différentes situations, com- ment s’articulent les différents temps, lieux et espaces de formation. Ces premiers résultats sont importants pour l’analyse du processus de compréhension des attentes par les élèves, de compréhension des tâches et des organisateurs de l’activité professionnelle. Ils donnent à voir des composantes du dispositif et de l’activité des enseignants et formateurs (notamment leurs buts) ainsi que les objets travaillés dans les diffé- rentes situations.. A la suite, nous montrons comment les différentes médiations éducatives des enseignants

et formateurs favorisent une conceptualisation de l’activité professionnelle et comment les « mises en mots » diverses et successives participent à constituer l’activité professionnelle vécue en objet de savoir pour tous, à la secondariser. Enfin, au travers d’une étude de cas (celui d’un élève que nous avons suivi tout au long du dispositif) et des propos qu’il tient lors d’une auto- confrontation à son activité, nous relevons les indices d’un mouvement de subjectivation, de réappropria- tion de l’activité professionnelle qui nous permettent de conclure à un potentiel développement d’un pou- voir d’agir futur.

2.2.1 Analyse macro du dispositif d’élaboration d’une fiche activité

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