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L’importance de l’activité langagière dans la conceptualisation d’une activité et l’appropriation professionnelle

Des dispositifs potentiellement favorables aux apprentissages et au développement

G. L’importance de l’activité langagière dans la conceptualisation d’une activité et l’appropriation professionnelle

Dans la perspective historico-culturelle que nous adoptons, nous accordons une grande importance au rôle du (des) langage(s) dans la prise de conscience, l’apprentissage conscient et donc dans la construction des savoirs. A la suite de Vygotski, (1934/1985/1997) nous considérons le langage comme un instrument de la pensée pour raisonner, réfléchir, mettre en re- lation, comme moyen de mettre en ordre la pensée (Bruner, 1983), comme expression et construction des formes opératoire et prédicative de la connaissance13

( voir Vergnaud, 2007) dans un contexte scolaire qui contraint à dire quelque chose de l’activité profession- nelle.

Nous avons donc été particulièrement attentive aux médiations langagières qui se déploient dans le dis- positif concernant l’élaboration de la « fiche activité ». Pour faire écho à ce que nous avons dit plus haut de l’organisation de l’action, de sa conceptualisation, le langage nous dit aussi Vergnaud, peut favoriser soit l’identification des invariants de l’action, soit la partie inférentielle du fonctionnement du schème, soit en-

core les éléments de planification, de réglage et de contrôle de l’action (les règles et anticipations).

Il nous semble qu’un travail de « mise en mots » de l’activité professionnelle, une activité langagière exi- geante de raisonnement sur l’activité professionnelle devrait, avec l’aide des adultes, contribuer à révéler les représentations des élèves, à les engager à se saisir de leur expérience professionnelle première (en atelier sur la halle technologique) pour prendre conscience des propriétés des objets et des situations, pour structurer et conceptualiser cette activité profession- nelle vécue. Ainsi, l’accompagnement des différents adultes-éducateurs dans le processus de mise en mots d’une « fiche activité », en faisant articuler explicite- ment formes opératoires et formes prédicatives des connaissances, en les engageant à accéder au sens des tâches (le pourquoi et le comment des actions), en aidant à construire un discours cohérent sur l’activi- té, pourrait favoriser un processus d’élaboration d’une représentation structurée et organisée de l’activité professionnelle. L’accompagnement à la «

mise en mots », à la rédaction d’une fiche activité et à son évaluation pourrait favo- riser l’identification d’opérations d’orien- tation, d’exécution et de contrôle de l’activité, l’émergence et la formalisation d’invariants, de concepts organisateurs de l’activité chez le professionnel.

« L’utilisation fonctionnelle du mot ou d’un autre signe comme moyen de diriger l’attention, de dif- férencier et de dégager les traits caractéristiques, de les abstraire et d’en faire une synthèse est une partie fondamentale et indispensable du proces- sus de formation des concepts dans son ensemble. (Vygotski, Pensée et langage, pages 204 à 205). et modes de médiation, chercheraient à mobiliser les élèves, à formaliser les opérations d’exécution de l’ac- tion, mais aussi les opérations d’orientation (Savoyant, 1979) c’est-à-dire les opérations qui «assurent l’ana- lyse des conditions spécifiques de l’action» (p.23). Nous postulons donc que les médiations éducatives pour favoriser l’apprentissage de l’activité profession- nelle, viseraient la compréhension des tâches, l’ob- jectivation et la compréhension des organisateurs de l’activité efficace, celles des dysfonctionnements… et inciteraient aussi les élèves à opérer des articulations, des comparaisons, des déplacements (notamment du vécu, au conscientisé, au conceptualisé…), des trans- formations de savoirs, des généralisations.

Le dispositif d’AP ne relève pas de la forme scolaire habituelle (enseignement / apprentissage en classe)

mais, nous en faisons l’hypothèse, offre des poten- tialités d’apprentissage et notamment la possibilité pour les élèves en formation professionnelle initiale d’objectiver l’activité professionnelle vécue par une dialectique des rapports entre ces différents types de concepts. Ce qui nous intéresse dans ce dispositif, c’est donc la manière dont les adultes « éducateurs » favo- risent (ou non) cette déconstruction-reconstruction de l’activité professionnelle vécue par les élèves, dans les diverses situations du dispositif d’AP.

Le langage a une fonction essentielle dans ce rôle de médiateur en rendant possible et intelligible cette dynamique attendue des significations, ce travail sur les activités (cognitives et sensibles), cette dialectique entre expérience individuelle, redoublement de l’ex- périence et expérience sociale.

13 La forme opératoire de la connaissance permet d’agir en situation et la forme prédicative énonce les propriétés et les relations des objets de la pensée.

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Au final le travail langagier sur l’activité profession- nelle dans l’élaboration d’une « fiche activité » pour- rait offrir une possibilité de généralisation, potentiel- lement favorable au traitement futur de situations professionnelles (notamment au cours de leur stage professionnel) et à leur analyse en vue de l’examen du BEPA.

Nous allons donc étudier la manière dont se réalisent ces « mises en mots » - hors du contexte de l’activité professionnelle - dans une polyphonie de points de vue, ceux des élèves, qui s’accordent ou se discordent. Nous observerons les formes linguistiques et les stra- tégies langagières employées dans une finalité expli- cative et argumentative de l’activité professionnelle, le lexique utilisé et la convocation de savoirs (acadé- miques et professionnels) pertinents, la cohérence textuelle, l’objectivation d’organisateurs de l’activité professionnelle (ou l’utilisation de concepts sponta- nés). Tous constituent pour nous, autant d’indicateurs

de la construction – reconstruction - d’une représen- tation de l’activité professionnelle compétente.

L’analyse de l’activité langagière est aussi pour nous très importante dans la mesure où le langage favorise ce que S. Vanhulle (2004, 2009) appelle un double « mouvement générateur de tensions productives » : un mouvement d’objectivation et un mouvement de sub- jectivation. On peut relever des indices de ces mouve- ments dans les discours qui font émerger les appren- tissages professionnels réalisés à partir du contexte du vécu, dans l’expression des expériences singulières et dans celle des savoirs de référence qui y sont reliés. Ces discours portent aussi la trace de l’appropriation des notions, en donnant un sens valable pour l’indi- vidu « à la lumière duquel il pourra éclairer ses expé- riences futures » (Buysse & Vanhulle, 2009). On peut relever des indices d’un mouvement de subjectivation dans :

les marques de conscientisation, de sémiotisation des paramètres qui déterminent l’activi- té de travail en situation (en quelque sorte la formalisation des propriétés de l’action et des situations) ;

des marques des savoirs soumis à une délibération critique sur leur pertinence pratique (un jugement de la pertinence de l’action à l’aune des savoirs construits) ;

et aussi dans une expression et une analyse de différents facteurs « conatifs » (émotion, volition, motivation…).

des indices d’entrée dans le «genre professionnel»

une problématisation (qui donne lieu à questionnement et à enquête) ; une prise de conscience des réussites, des problèmes ;

Il nous semble donc indispensable de reconnaître le rôle important de l’écriture dans ce dispo- sitif d’AP.

Or, on connait la difficulté à formaliser son expérience,

« Tous ces savoirs nés de la pratique du travail, parce qu’ils sont pour une bonne part clandestins, sont souvent mal relayés par le langage. Les mots pour désigner, décrire, caractériser ces savoir-faire sont chro- niquement déficitaires. Du fait de cette difficulté à “sémiotiser” une partie importante des savoir-faire, l’évaluation du travail a toutes les chances d’être lacunaire » (Dejours, 2003, p. 19).

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