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CHAPITRE II : REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.1. Transition nutritionnelle

2.1.3. Transition nutritionnelle et conséquences dans les PED

Le processus de transition nutritionnelle est présent dans toutes les régions du monde en développement, mais à des stades différents [35, 65]. Il est à un stade plus avancé en Amérique latine et en Asie comparativement aux Caraïbes et à l’Afrique Sub-saharienne

[35]. Cependant, certaines régions d’Afrique du Sud et certains pays d’Afrique du Nord se trouvent à des stades semblables à ceux des pays d’Amérique latine [35, 54, 63, 72].

En Amérique latine, l’ampleur des maladies chroniques liées à la nutrition est presque comparable à celle des pays industrialisés dans plusieurs pays. Les indicateurs de malnutrition déclinent dans toutes les couches socio-économiques, alors que l’obésité est en augmentation (surtout chez les femmes), ce qui crée une situation de coexistence de la malnutrition et de l’obésité [14, 15, 53]. L’hypertension et le diabète sont aussi en augmentation [59]. La sédentarité et la consommation excessive de gras et de céréales raffinées sont, entre autres, les facteurs tenus responsables de cette situation [57]. Au Mexique par exemple, Rivera et al. [59] ont rapporté que l’augmentation dramatique des taux de mortalité (standardisés pour l’âge) pour le diabète, l’infarctus du myocarde et l’hypertension artérielle était parallèle à celle de l’obésité au niveau national et régional.

En Asie, les changements dans les habitudes alimentaires et le mode de vie qui se sont produits suite au développement économique et à l’urbanisation, ont été également associés à l’augmentation de maladies chroniques [58, 61, 62]. La revue de Noor [73] sur la transition épidémiologique et nutritionnelle en Malaisie fait état d’une situation grave où la transition nutritionnelle semble avoir atteint un stade très avancé avec l’apparition des maladies chroniques non transmissibles dans les populations rurales [73]. En Inde, les changements démographiques, les taux d’urbanisation élevés et les changements dans les habitudes alimentaires sont impliqués dans la progression des maladies chroniques, en particulier du diabète de type 2 et de l’obésité, surtout en milieu urbain [62]. En Chine, les données d’enquêtes transversales menées au niveau national et analysées par Popkin et al. [68, 74, 75], ont révélé des changements rapides dans les habitudes alimentaires et l’activité physique, surtout en milieu urbain, entre 1979 et 1997. On note une augmentation de la consommation de céréales durant le premier stade des transformations économiques majeures de ce pays (1979-1985), alors qu’on observe une réduction progressive de la consommation des légumes. La consommation de viande augmente progressivement et lentement au début de cette période pour atteindre un rythme accéléré à la fin des réformes économiques en 1997 [74]. Les auteurs font également état d’une rapide augmentation du pourcentage d’énergie venant des lipides pour atteindre une moyenne entre 27,3% et 32,8% en

milieu urbain en 1997; plus du tiers de la population, et près des deux tiers en milieu urbain ont un apport lipidique supérieur à 30%. Les auteurs attribuent cette consommation élevée de lipides à l’augmentation du revenu en milieu urbain, à la chute des prix des huiles végétales et à la grande disponibilité de produits animaux [68, 74]. Ce type d’alimentation, associé au mode de vie de plus en plus sédentaire surtout en milieu urbain, favorise l’émergence de l’obésité et d’autres maladies chroniques, alors que les carences nutritionnelles persistent encore [75]. Cela crée une situation de coexistence de surpoids/obésité et de malnutrition par carences dans le même environnement et à l’intérieur des mêmes ménages [76, 77]. Dans ce pays, les taux d’obésité sont significativement plus élevés en milieu urbain qu’en milieu rural dans les provinces pauvres, mais la différence s’atténue dans les provinces plus riches [75].

La transition nutritionnelle dans la région des Caraïbes est très peu documentée. Les quelques données existantes incluent parfois des pays d’Amérique latine où la transition est plus avancée que dans les Caraïbes [19, 60]. Toutefois, l’émergence de l’obésité est considérée comme un problème important dans cette région caribéenne, particulièrement chez les femmes [60, 78]. En Jamaïque, par exemple, les taux d’obésité sont de 32% chez les femmes contre 7% chez les hommes [78], alors qu’ils sont de 11,3% chez les femmes dominicaines et 2,6% chez les femmes haïtiennes pour la même période [79]. Dans le cas d’Haïti, les données des enquêtes démographiques et de santé (EDS) font état d’une augmentation du surpoids des femmes au niveau national entre 1995 et 2000 (12% c. 26 % respectivement) [79, 80]. Dans ce pays également, le surpoids et l’obésité sont plus fréquents en milieu urbain et augmentent avec le niveau socio-économique [81-84]. La coexistence de la malnutrition infantile et du surpoids maternel dans les ménages urbains pauvres traduit l’ampleur du double fardeau nutritionnel, conséquence de la transition nutritionnelle accélérée dans les PED [83]. Les taux d’hypertension artérielle sont élevés en milieu urbain (24-47%) [82, 84, 85] comme rural (27%)[86].

En Afrique, la transition nutritionnelle est aussi marquée par l’augmentation de l’obésité ; celle-ci est plus fréquente en Afrique du Nord [54, 63, 72] qu’en Afrique sub- saharienne [87], excepté l’Afrique du Sud qui a des taux semblables à ceux des pays du Maghreb. Cependant, cette obésité coexiste avec la malnutrition dans les deux régions [63, 87]. L’étude de Mokhtar et al. [72] fait état des taux d’obésité de 12,2% au Maroc

et 14,4% en Tunisie au niveau national, lesquels sont plus importants chez les femmes que chez les hommes (22,7% contre 6,7% en Tunisie et 18% contre 5,7% au Maroc). L’obésité chez les femmes a triplé en près de 20 ans, passant de 8,7% à 22,7% en Tunisie et de 5% à 18% au Maroc de 1980 à 1998. En Afrique sub-saharienne, les études rapportent des taux d’obésité de 4,4% aux Comores [88] et 4% en Gambie [87]. Les autres données révèlent une augmentation des maladies chroniques avec les changements d’habitudes alimentaires et la diminution des activités physiques surtout en milieu urbain [26, 89]. En Tanzanie, par exemple, les changements rapides dans l’alimentation et l’activité physique en lien avec l’urbanisation et la modernisation sont tenus responsables de l’augmentation de la prévalence de diabète et d’hypertension [26]. Au Cameroun, Sobngwi et al. [89] rapportent des taux d’obésité, diabète et hypertension significativement plus élevés en milieu urbain qu’en milieu rural, ainsi qu’une association positive entre l’inactivité physique et l’augmentation de ces maladies chroniques.