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CHAPITRE II : REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.3. Transition nutritionnelle et risque cardiovasculaire

2.3.2. Niveau socioéconomique et risque cardiovasculaire

L’influence du NSE tant dans le processus de transition nutritionnelle [14, 200, 201] et dans le risque de MCV est de plus en plus démontré [202, 203]. Les chercheurs soutiennent que les changements de l’environnement socioéconomique sont associés à un risque accru de l’obésité et des maladies chroniques telles que, l’hypertension, le diabète de type 2, le syndrome métabolique, dans les pays développés comme dans les PED [200, 204, 205]. La pauvreté ou le faible revenu, le faible niveau d’éducation (surtout chez les femmes) et les mauvaises conditions de vie sont les indicateurs socioéconomiques souvent mis en cause [201, 206, 207]. Toutefois, la relation entre le NSE et les déterminants de la santé peut varier en fonction des indicateurs socioéconomique utilisés, de la région géographique et du type de population étudiée [204]. Le produit national brut (PNB) par habitant, l’occupation, le revenu et l’éducation sont souvent utilisés pour évaluer le NSE et ses relations avec la santé, aussi bien dans les PED que dans les pays développés [205, 208, 209]. Dans certains cas, principalement dans les PED, on utilise des indices composites de possessions ou de confort (biens du ménage, sources d’énergie de cuisson ou d’éclairage, eau de consommation, type de toilettes, matériaux de construction de la maison) pour évaluer indirectement le niveau de ressources [210, 211]. Notons, en accord avec ce qui précède, qu’on peut observer une tendance différente pour le même facteur de risque de MCV, quand on utilise divers indicateurs de NSE tels que l’éducation ou le revenu [212, 213], mais aussi que les associations ne sont pas toujours linéaires et peuvent être modifiées par des interactions avec d’autres facteurs de risque de MCV [213].

La relation entre le NSE et le risque cardiovasculaire ou la santé semble bien établie dans les pays développés, avec un meilleure état de santé chez les plus nantis [214, 215], alors que la direction de celle-ci n’est pas aussi univoque dans les PED [213, 216- 218] et peut aussi varier d’un facteur de risque à un autre, comme d’une région à une autre même à l’intérieur d’un même pays. L’étude au Brésil de Monteiro et al. [219] est un exemple illustrant l’influence du niveau de développement ou d’urbanisation dans l’association des indicateurs socioéconomiques (revenu et éducation) avec les facteurs de risque cardiovasculaire. Dans cette étude où les auteurs évaluaient l’effet indépendant du revenu et de l’éducation sur le risque d’obésité chez des adultes de 20 ans et plus, les sujets étaient aléatoirement sélectionnés entre deux zones, une moins

développée (nord-est, n = 1971 hommes et 2588 femmes) et l’autre plus développée (sud-est, n = 2289 hommes et 2549 femmes). A partir d’un modèle de régression logistique ajusté pour l’âge, l’ethnie, la résidence en milieu urbain ou rural, ainsi que le revenu ou l’éducation selon le cas, les auteurs ont rapporté une forte augmentation du risque d’obésité chez les hommes avec le revenu dans les deux régions. Le niveau d’éducation n’influençait pas le risque d’obésité chez les hommes dans la région moins développée, mais dans la région plus développée, les hommes de niveau d’éducation élevé étaient à moindre risque d’obésité [219]. Chez les femmes de la région la moins développée, l’obésité était fortement associée tant au revenu (association positive) qu’à l’éducation (association inverse). Dans la région développée, seul le niveau d’éducation des femmes influençait le risque d’obésité, mais l’association entre les deux était forte et négative comme dans la région moins développée. Les auteurs ont conclu que dans les sociétés en transition, le revenu élevé tend à être un facteur de risque d’obésité, alors que l’éducation tend à être un facteur protecteur, et que le sexe ainsi que le niveau de développement économique peuvent moduler l’influence exercée par ces deux variables [219].

La revue de Monteiro et al. [205] résume bien la tendance actuelle de la relation entre le NSE et l’obésité dans les PED. Ces auteurs ont en effet rapporté trois éléments principaux : 1) l'obésité dans les PED ne peut plus être considérée uniquement comme une affection des individus de NSE élevé; 2) dans chaque PED, la charge de l'obésité tend à se transposer aux groupes de faible NSE à mesure que le produit national brut (PNB) du pays augmente; 3) la transposition de l'obésité aux femmes de faible NSE se produit apparemment à un stade plus précoce du développement économique que chez les hommes. Le premier point soulevé pourrait aussi se référer à l’obésité de la pauvreté, qui serait surtout présente en milieu urbain pauvre où les produits à forte densité énergétique sont disponibles à moindre coût [40, 220-222]. Cette obésité liée à la pauvreté augmenterait avec l’augmentation du PNB, ce qui traduit bien un stade plus avancé de transition nutritionnelle dans lequel les pauvres ont un double fardeau nutritionnel (obésité et carences nutritionnelles par exemple) [14], alors que les classes plus aisées se dotent des moyens de prévention [35]. Toutefois, ces observations seraient plus appropriées pour les PED à revenu intermédiaire comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique. Dans les pays à faible revenu, bien que l’obésité soit aussi présente en milieu urbain pauvre comme rapportée au Bénin [20] et en Haïti [83], elle

est encore dominante dans les classes aisées et touche surtout les femmes [33, 84]. Cette situation est aussi observée dans d’autres pays à faible revenu, notamment en Afrique sub-saharienne tel qu’au Cameroun [89, 223], en Gambie [31], en Tanzanie [224].

La tendance à une amélioration de la santé et au moindre risque cardiovasculaire chez les individus de NSE élevé semble être observée dans les PED à revenu intermédiaire, où une proportion non négligeable de la population se situe au dernier stade de la transition nutritionnelle, lequel se caractérise par un mode de vie plus propice à la prévention des maladies chroniques [45]. En Chine par exemple, dans une étude auprès de 4000 adultes de 25 à 69 ans (1615 hommes et 1592 femmes) résidant dans la troisième ville du pays, Yu et al. [218] ont rapporté des niveaux plus élevés de facteurs de risque cardiovasculaires (tension artérielle, IMC, tabagisme) chez les individus de NSE faible; l’éducation était l’indicateur socioéconomique le plus sensible des quatre indicateurs considérés incluant le revenu, l’occupation et l’état matrimonial. Dans l’étude INTERSALT portant sur 52 sites de 32 pays développés comme en développement (n = 10079 adultes), Stamler et al. [225] ont rapporté une association inverse entre l’hypertension et l’éducation dans 28 centres chez les hommes et 38 chez les femmes, ce qui va dans le même sens que les observations faites en Chine [218]. On peut donc en déduire que, malgré des résultats discordants dans certaines études, la tendance globale serait à un moindre taux d’hypertension avec un revenu ou un NSE plus important.