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CHAPITRE II : REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.3. Transition nutritionnelle et risque cardiovasculaire

2.3.7. Transition nutritionnelle et risque cardiovasculaire au Bénin

2.3.7.3. Études sur la transition nutritionnelle et le risque cardiovasculaire au Bénin

La transition nutritionnelle, au Bénin comme dans les autres pays d’Afrique sub- saharienne, à l’exception de l’Afrique du Sud [28], est encore peu documentée. Elle a été initialement rapportée dans deux études portant sur la coexistence de la malnutrition infantile et du surpoids maternel dans les ménages [19, 20]. La première, examinait la présence du cumul en utilisant des données des EDS de 36 pays dont 23 pays d’Afrique, 8 d’Amérique Latine et 5 d’Asie [19]. Les résultats pour le Bénin ont montré une prévalence de cumul de 2% au niveau national; cependant cette étude n’avait pas examiné les caractéristiques de l’alimentation ni de l’activité physique en lien avec ce phénomène [19]. La seconde étude, réalisée en milieu urbain pauvre de Cotonou, a révélé une prévalence de cumul de 16% [20]; le surpoids, plus fréquent dans les ménages de statut socioéconomique relativement élevé, touchait 39,2% des mères parmi lesquelles 15,5% étaient obèses; alors que la malnutrition aiguë ou chronique était présente chez 35,6% des enfants. Parmi les ménages avec malnutrition infantile, 30,4% avaient une mère en surpoids tandis que 41,4% des ménages avec surpoids maternel comprenaient au moins un enfant malnutri. Bien que cette étude n’ait considéré que l’aspect qualitatif de l’alimentation, elle a montré que les ménages cumulant malnutrition infantile et surpoids maternel avaient une moins grande diversité alimentaire que les autres ménages, ce qui pouvait trahir leur insécurité alimentaire qualitative. La régression logistique a montré que le statut socioéconomique élevé était prédicteur de cumul dans les ménages avec malnutrition infantile, alors que la faible diversité alimentaire augmentait le risque de cumul tant dans les ménages normaux que dans ceux avec surpoids ou malnutrition uniquement. L’insalubrité de l’habitat ressortait comme prédicteur de cumul uniquement dans les ménages avec surpoids maternel. Le manque de données sur l’activité physique en lien avec le surpoids des mères, de même que l’absence de données alimentaires quantitatives en relation avec la malnutrition des enfants et le surpoids des mères constituent des limites aux résultats observés.

Contrairement au phénomène de transition nutritionnelle qui demeure très peu étudié au Bénin, il existe de nombreuses données sur les facteurs de risque de MCV, mais la plupart sont à base hospitalière. Quelques études épidémiologiques limitées ont

néanmoins porté sur le surpoids/obésité, le facteur de risque le plus documenté. Dans une étude en milieu de travail du secteur pétrolier de Cotonou, Houngbé et al. [377] ont observé des taux relativement élevés de facteurs de risque de MCV : 31% de surpoids/obésité (IMC > 27), 15% d’hypertension (160/95 mm Hg) et 32% d’hypercholestérolémie (2g/l ou 11 mmol/l) [377]. Ces taux seraient encore plus importants si on considérait les seuils actuels qui sont beaucoup plus bas: IMC ≥ 25 [314]; hypertension ≥ 140/90 mmHg [129] et cholestérol total > 5,2 mmol/l [93]. D’autres études ont aussi rapporté séparément des données sur ces facteurs de risque. Acakpo et al. [378] ont rapporté 36% de surpoids dont 17% d’obésité à Cotonou. Les données de l’EDS du Bénin de 2001 [376] montrent pour les femmes adultes, des taux de 19% de surpoids dont 6% d’obésité au niveau national et 28 % de surpoids dont 11% d’obésité en milieu urbain. Signalons toutefois que cette enquête n’a considéré que les femmes qui avaient eu au moins un enfant au cours des cinq années précédant l’enquête, ce qui limite la portée des résultats.

L’hypertension et le diabète figurent parmi les facteurs de risque les moins étudiés en milieu populationnel. Outre l’étude de Houngbé et al. [377] chez les pétroliers de Cotonou qui a montré 15% d’hypertension, Agboton et al. [379] ont rapporté une prévalence de 14% d’hypertension artérielle (160/95 mmHg) à Porto-Novo, la seconde ville du pays. Pour ce qui est du diabète, les seules données non hospitalières disponibles sont celles des études de Djrolo et al. [380-382]. Dans une étude visant à évaluer la prévalence du diabète dans la population bien portante de Cotonou, ces auteurs ont observé des taux de glycosurie de 5,4%. En dépit des limites liées à la méthode, ce taux de glycosurie suggère une prévalence de diabète beaucoup plus importante. Un élément important que les auteurs ont mentionné dans cette étude est que la plupart des sujets diagnostiqués pour le diabète ignoraient leur condition [380]. Dans une autre étude menée au niveau départemental et national (n = 2362), ces mêmes auteurs ont rapporté une prévalence de 2,2% d’hyperglycémie dont 1,1% de diabète mesuré par la glycémie capillaire [381]. Cette étude montrait aussi que les taux de diabète étaient relativement plus importants dans les départements du Borgou (1,8%) au nord du pays et l’Ouémé (1,5%) dans le sud. Ces taux étaient très faibles car ils incluaient les données du milieu urbain et du milieu rural. A l’instar des résultats observé à Cotonou [380], il est possible que la prévalence du diabète soit significativement plus élevée dans les villes de ces départements, notamment à Parakou

(troisième ville du pays) pour le Département de Borgou et Porto-Novo (2e ville du pays) pour le Département de l’Ouémé.

Ces études, en dépit de leur caractère uniquement descriptif, montrent que les taux de facteurs de risque de MCV peuvent être importants dans les villes principales où ils ont été rapportés pour la plupart. Signalons cependant qu’aucune de ces études n’a exploré les caractéristiques alimentaires des participants pour les mettre en lien avec les facteurs de risque étudiés, ce qui est une limite importante dans l’appréhension de ceux-ci. A l’exception de l’EDS de 2001 [376] et de l’étude de Djrolo et al. [381], aucune autre étude n’a été menée dans une des villes secondaires du Bénin dans lesquelles on retrouve de plus en plus de caractéristiques de villes principales, notamment l’augmentation des taux d’urbanisation, du revenu individuel et le développement des infrastructures [358, 361]. Certains facteurs limitants des études actuelles dans les grandes villes ont été mieux documentés par les récents travaux de Sodjinou et al. [33, 34]. Ceux-ci ont examiné les liens entre la transition nutritionnelle et les marqueurs de risque des facteurs de risque de MCV chez 200 sujets âgés de 25 à 60 ans, apparemment en bonne santé et résidant dans la métropole, Cotonou. Les paramètres de l’alimentation et du mode de vie ont été pris en compte et mis en relation avec des aspects socio- économiques et les facteurs de risque de MCV. Les résultats ont montré une tendance élevée dans la fréquence de certains marqueurs évalués suivant les critères de l’OMS [129] : 23% pour l’hypertension, 18% pour l’obésité générale, 32% pour l’obésité abdominale et 13% pour le HDL-cholestérol bas. Les triglycérides élevés étaient peu fréquents (2%) et le diabète insignifiant (< 1%). L’obésité, significativement plus fréquente chez les femmes (28%) que chez les hommes (8%) augmentait avec le statut socioéconomique basé sur l’éducation, la catégorie socioprofessionnelle et les possessions. Les auteurs ont rapporté également une diminution du risque d’obésité et d’hypertension avec le score de mode de vie comprenant l’alimentation, la consommation de tabac, d’alcool et l’activité physique. Les données rapportées sur l’alimentation dans la métropole (schémas alimentaires) ont déjà été publiés par Sodjinou et al. [34], alors que d’autres sont présentées dans les sections 6.2, 6.3, 7.1 et dans la discussion générale de cette thèse (page 247).

Les travaux de Sodjinou sont donc les premiers à avoir évalué les relations de la transition alimentaire avec des facteurs de risque de MCV; mais ils se limitent

uniquement à Cotonou, comme les autres études, qui se sont concentré sur les grandes villes. Ainsi, au terme de ces travaux, il n’existait toujours pas de données pour les villes secondaires et le milieu rural, tant sur le processus de transition alimentaire et le mode de vie que sur les facteurs de risque de MCV. A l’instar des observations comparatives faites sur le surpoids/obésité [376] dans les grandes et les petites villes avec le milieu rural, il est possible que la fréquence d’autres facteurs de risque de MCV soient également importants dans les villes secondaires comparativement au milieu rural, d’où l’intérêt d’y collecter les mêmes données que celles de la grande ville. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre projet à Ouidah, ville secondaire du Bénin et dans sa périphérie rurale.

CHAPITRE III : OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES DE

RECHERCHE

3.1. Objectif général et hypothèse