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CHAPITRE II : REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.3. Transition nutritionnelle et risque cardiovasculaire

2.3.3. Alimentation et risque cardiovasculaire

2.3.3.1. Mesure de l’association de l’alimentation avec le risque cardiovasculaire

2.3.3.1.1. Aliments et nutriments

La relation entre des nutriments spécifiques et le risque cardiovasculaire fait l’objet d’une littérature abondante, que ce soit dans des essais cliniques ou des études épidémiologiques. Plusieurs aliments et nutriments ont été étudiés pour déterminer leur effet potentiel dans la morbidité et la mortalité des MCV ou de leurs facteurs de risque [227, 232-234].

Dans le contexte de transition nutritionnelle, les lipides et les glucides, ainsi que les aliments qui en contiennent en grande quantité, sont particulièrement indexés en raison de leur effet potentiel sur la plupart des facteurs de risque cardiovasculaire lesquels sont en augmentation dans les PED, notamment l’obésité, le diabète, les dyslipidémies et l’hypertension [8, 21, 227]. On admet en effet qu’une alimentation riche en gras et en glucides simples ou sucres libres, par exemple, est associée à une densité énergétique élevée, laquelle serait associée au développement de l’obésité et de son cortège de co- morbidité [220, 221, 235]. Toutefois, certains auteurs considèrent que pour les lipides, le type de lipides serait plus important à considérer que les lipides totaux, les acides gras saturés étant plus nocifs pour la santé que les acides gras polyinsaturés qui confèrent une certaine protection [231]. Les apports élevés en gras saturés sont par exemple associés à la résistance à l’insuline et au risque de diabète de type 2, principalement chez les sujets obèses [236, 237]. Aux États-Unis, Parker et al. [236], dans une étude chez des hommes âgés de 43 à 85 ans (n = 652), ont observé une association significative de l’insulinémie à jeun (transformation logarithmique) avec l’énergie des acides gras saturés (r = 0,17; p<0,01), l’énergie totale lipides (r = 0,14; p<0,01), l’IMC (r = 0,45; p<0,01), le tour de taille (TT) (r = 0,44; p <0,01) et le ratio tour de taille-tour

de hanche (TT/TH) (r = 0,31; p<0,01). Dans des modèles multivariés (ajustés pour l’âge, le tabagisme et l’activité physique), la consommation d’acides gras saturés, l’IMC et le TT/TH étaient tous des prédicteurs indépendants et statistiquement significatifs des niveaux sériques d’insuline à jeun et postprandiale. La réduction du pourcentage d’énergie totale des acides gras saturés de 14% à 8% entraînait une diminution de 18% et 25% de la concentration sérique d’insuline à jeun et postprandiale respectivement [236]. Ces résultats montrent l’importance de considérer le type de gras plutôt que le gras total dans la relation avec les facteurs de risque de MCV. C’est en fait que la consommation excessive du gras saturés ou de gras trans augmente les concentrations d’acide gras libres circulants, lesquels sont associés à la résistance à l’insuline [238], l’inflammation [236, 239] et l’augmentation du risque de diabète [240] et de MCV [241, 242]. D’ailleurs, l’OMS, dans sa politique de prévention de maladies chroniques, recommande, en plus de la restriction des lipides totaux, de limiter à 10% le pourcentage d’énergie venant des acides gras saturés, de même que pour les sucres libres [55].

Les aliments glucidiques faibles en fibres, mais riches en sucres libres et/ou en sucre ajouté, en plus de leur contribution à la densité énergétique et à la conversion possible en lipides (glycogène en glucose puis en acides gras libres et en triglycérides), seraient aussi impliqués dans divers troubles métaboliques en raison de leur effet hyperglycémiant résultant de leur index glycémique élevé [243]. L’index glycémique des aliments est une échelle utilisée pour déterminer la qualité des glucides consommés et pour les classer en fonction de leur potentiel à augmenter le glucose sanguin [244, 245]. La charge glycémique, quant à elle, traduit l’effet total des glucides assimilables (glucides totaux – fibres) [245]; elle est le produit de la quantité de glucides des aliments par leur index glycémique [246]. Des études montrent que l’index glycémique et la charge glycémique des aliments sont associés à un risque accru de troubles de tolérance au glucose, dyslipidémies, hyperinsulinémie et obésité [243], de diabète de type 2 [243, 247], de MCV [248, 249] et même de cancer [250]. La consommation excessive d’aliments à index et charge glycémique élevés (patates, céréales raffinées, boissons gazeuses sucrées…) serait en effet associée aux troubles métaboliques responsables de ces maladies chroniques [244-246, 249, 250], alors que la consommation d’aliments à index et charge glycémique faibles (glucides complexes, céréales complètes, fruits et légumes frais) aurait des effets bénéfiques [247, 251]. C’est

en fait que les aliments à faible index glycémique renferment notamment beaucoup de fibres, qui comptent à peu près pour 40% dans la variance de l’index glycémique des glucides complexes [252]. Or, il est montré que les fibres contribuent à la réduction des niveaux de cholestérol et de LDL-cholestérol [253]. De même, les fibres ont été trouvées inversement associées avec de nombreux facteurs de risque de MCV, notamment l’insuline, l’obésité, la tension artérielle élevée, les triglycérides élevés, le HDL-cholestérol bas et les fibrinogènes élevés [254].

En dépit de nombreuses critiques, les méthodes qui étudient les liens entre les nutriments/aliments spécifiques et la santé demeurent très utilisées, surtout dans les études cliniques et les essais randomisés. Les critiques principales sont liées au fait de la considération des aliments ou nutriments isolés alors que l’humain mange un ensemble d’aliments (avec de nombreux nutriments). D’autres critiques plus méthodologiques reprochent de ne pas prendre en compte les interactions entre nutriments ou aliments, ni la colinéarité entre ces éléments dans les analyses [255, 256]. Ces méthodes permettent toutefois d’expliquer de nombreux mécanismes biologiques et physiologiques utiles à une meilleure compréhension de la relation entre l’alimentation et le risque de MCV. C’est grâce à elles par exemple, qu’on a pu mettre en évidence que les carences en folates, vitamines B6 et B12 sont associées à des niveaux élevés d’homocystéine [234, 257, 258], lesquels sont associés au risque de maladies coronariennes. L’étude ‘Florence’ en Italie en est un exemple [258]. Les auteurs ont rapporté des taux importants d’homocystéine élevée (11,7%) en même temps que de très faibles apports en vitamines dans une proportion élevée, particulièrement en folates (89%), vitamine B6 (70,1%) et vitamine E (99,6%). Dans les régressions multiples, les faibles concentrations de vitamines B12, vitamine C et acide folique étaient indépendamment associées aux niveaux élevés d’homocystéine plasmatique [258]. Une explication biologique est que plusieurs vitamines agissent comme substrat dans le métabolisme de la méthionine et de la cystéine dans lequel l’homocystéine est un produit intermédiaire. L’acide folique et la vitamine B12 régularisent la voie métabolique catalysée par les enzymes méthylène tetrahydrofolate reductase (MTHFR) et méthionine synthétase respectivement, alors que la vitamine B6 est un cofacteur de la cystathionine ß-synthase [233].