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Transition du solide cristallin au solide amorphe pur

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 57-63)

3.3 Test de compression sur un amas idéal

3.3.3 Transition du solide cristallin au solide amorphe pur

Dans notre modèle du cluster idéal, lors d’une compression un pic de force correspond à une hauteur de colonne dans le cluster. Par conséquent, le nombre moyen de hauteurs de colonnes différentes dans un cluster p × q et le nombre moyen de pics de force lors d’une compression partielle p → (p − 1) sont égaux :

N [ p, q, φ ] = Np→(p−1)[p, q, φ]. (3.23)

A partir de cela, il est facile de calculer théoriquement le nombre moyen de pics de force < Ntot[pini, qini, φr] > lors d’une compression totale pini→ 1.

< Ntot[pini, qini, φr] >=

pini X p=2 qp X n=1 nNn[p, qp, φr] (3.24)

où le nombre de colonnes qpà chaque compression partielle assure que le nombre total de gouttes soit conservé : qp = piniqini/p.

On peut alors facilement avoir une prédiction théorique du paramètre d’ordre η introduit pré-cédemment comme étant l’excès du nombre moyen de pics de force par rapport au cas cristallin normalisé par l’excès de pic de force du cas amorphe pur.

η[pini, qini, φr] = < Ntot[pini, qini, φr] > −(pini− 1)

< Ntot[pini, qini, φr = 0.5] > −(pini− 1). (3.25) On a alors : η[pini, qini, φr] = Ppini p=2 Pqp n=1nNn[p, qp, φr] − (pini− 1) Ppini p=2 Pqp n=1nNn[p, qp, 0.5] − (pini− 1). (3.26) On peut comparer les résultats obtenus expérimentalement sur l’évolution du paramètre d’ordre au fur et à mesure que la fraction en défauts φ augmente et les résultats théoriques prédits par l’Equation.3.26, Figure.3.8. On rappelle que φ représente la fraction en gouttes minoritaires dans une émulsion. On obtient alors un bon accord entre expérience et prédiction théorique. La valeur théorique est plus grande que celle mesurée expérimentalement, ce qu’on explique par la possibilité de ne pas réussir à mesurer un pic de force, et donc d’en comptabiliser moins qu’attendu.

On peut alors étudier la dépendance du paramètre d’ordre en fonction de la taille laté-rale q du cluster. En partant initialement d’un cluster à pini = 4 lignes de hauteur, on trace Figure.3.8(ii) l’évolution du paramètre d’ordre η en fonction de la fraction en défauts φ pour différentes largeurs qini. On retrouve le point discuté précédemment : plus la taille latérale du cluster est grande, à une hauteur p fixée, plus il y aura de hauteurs de colonnes différentes pos-sibles en moyenne à une même fraction en défaut. En effet, une hauteur de probabilité pi a une probabilité 1 − (1 − pi)q d’être présente dans le cluster. En augmentant q, sa probabilité d’être dans le cluster augmentera et donc elle augmentera le nombre de déformations plastiques. A

0 0 0.2 0.4 0.1 0.3 0.5 0.6 0.8 1 0.4 0.2 3⇥ 8 4⇥ 5 pini⇥ qini

(i)

0 0 0.2 0.4 0.1 0.3 0.5 0.6 0.8 1 0.4 0.2

q

ini 10 102 103 104 105 106 (ii)

Figure 3.8 – (i) Comparaison entre le paramètre d’ordre mesuré expérimentalement et le pa-ramètre d’ordre obtenu théoriquement pour deux tailles différentes de cluster. (ii) Evolution du paramètre d’ordre à hauteur de cluster fixé p = 4 lorsque qu’on augmente la largeur du cluster, i.e. on augmente le nombre de colonne q.

fortiori, pour une taille infinie q = +∞, dès que le système présentera du désordre φ 6= 0 toutes les configurations apparaîtront et donc η[φ, p, q = +∞] = θ[φ].

Les résultats présentés s’obtiennent en deux étapes. Nous avons, premièrement, modélisé une émulsion bi-disperse à l’aide du modèle dit du cluster idéal. A partir de ce modèle et des distributions de probabilité des hauteurs qu’il est possible de trouver dans un cluster idéal de hauteur p, nous avons calculé le nombre moyen de hauteurs différentes N qui se trouve dans un cluster de taille p × q. Comme lors de la compression d’un cluster idéal, chaque hauteur crée un pic de force, le nombre de pics de force lors d’une compression partielle Np→(p−1)[p, q, φ]et le nombre de hauteurs différentes N [ p, q, φ ] sont égaux. Nous avons alors pu obtenir une prédiction théorique du paramètre d’ordre η qui est en bon accord avec les résultats expérimentaux. Nous avons alors pu étendre l’étude à des tailles impossibles à atteindre expérimentalement pour retrouver que, plus un système est grand, plus l’ajout d’une petite quantité de désordre détruit son comportement cristallin et ordonné.

Nous allons voir dans la partie suivante comment, à partir du modèle du cluster idéal, on peut simplifier les calculs de probabilité afin d’obtenir une expression simple du paramètre d’ordre.

3.3.4 Simplification du modèle et expression approchée du paramètre d’ordre Dans la partie précédente, nous avons mené un calcul de probabilité qui, partant d’un en-semble mp de hauteurs {Hi}, chacune associée à une probabilité pi, nous donnait le nombre moyen de hauteurs différentes N que l’on obtenait si on tirait aléatoirement q éléments dans la liste des hauteurs {Hi}. Ce modèle présente un premier défaut d’ordre technique. Pour des tailles verticales p élevées, les calculs des différentes probabilités deviennent très lourds. En effet, pour calculer les probabilités Nnd’obtenir n colonnes, il faut dénombrer et prendre en compte toutes les combinaisons à n hauteurs de colonnes différentes possibles. Sachant qu’il y a mp hauteurs

totales disponibles pour former le cluster, il faut alors dénombrer toutes les combinaisons de n éléments parmi mp éléments possibles. Comme mp = (p + 1)(p + 2)/2 ∼ p2, cela donne au maximum p2/2 parmi les p2 combinaisons. Pour p = 6 :

p2 p2/2

!

' 4.107.

Les temps de calculs deviennent vite très longs. D’un point de vue pratique cela n’était pas problématique car, expérimentalement, il était quasiment impossible de réaliser des expériences avec des valeurs de p élevées.

Un deuxième défaut que l’on peut soulever est la "lourdeur" des expressions obtenues. Le modèle théorique développé conduit à des expressions mathématiques, comme les équations 3.8 et 3.19, qui, certes, sont exactes, mais difficilement manipulables. Dans cette partie nous allons déve-lopper une approche simplifiée des calculs de probabilité présentés dans la partie précédente afin d’obtenir une expression approchée mais plus simple du paramètre d’ordre η qui conserve néanmoins les caractéristiques principales de la transition solide cristallin-solide amorphe.

Dans notre modélisation, un cluster est généré en tirant aléatoirement q colonnes, chaque colonne est caractérisée par sa hauteur Hi et possède une probabilité pi d’être tirée. On peut alors supposer que le nombre moyen de hauteurs différentes N que l’on peut obtenir lors d’un tirage est égal au nombre de hauteurs Hi ayant une probabilité "haute" d’être tirées. En d’autres termes, une hauteur ayant une probabilité qui serait très "faible" ne sera quasiment jamais tirée et donc n’augmentera pas le nombre moyen de hauteurs différentes dans un cluster. Plutôt que de calculer les différentes probabilités Nn, il suffit de compter, à un pourcentage en défauts φ fixés, combien il y a de hauteurs avec une probabilité relativement "haute".

Une première chose à remarquer est que la probabilité seuil pmin, qui nous permet de définir si une hauteur a une probabilité "haute", dépend du nombre de tirages q qu’on réalise. En effet, plus on réalise de tirages, plus une hauteur a de chance d’apparaître dans le tirage total. Dans la limite q → ∞, toutes les hauteurs de probabilités non nulles apparaitront et donc pmin = 0. Dans ce cas là, soit le cluster est cristallin et donc N = 1, soit le cluster possède des défauts et donc toutes les hauteurs possibles apparaissent, N = mp. Une hauteur qui a une probabilité pi d’être tirée a une probabilité 1 − (1 − pi)q d’apparaître dans le tirage total. Le nombre de colonnes a bien un impact. Deuxièmement, il faut remarquer que le nombre mp de hauteurs pos-sibles augmentant avec p, la probabilité moyenne des hauteurs ¯p diminue avec p. Typiquement, ¯

p ∼ 1/mp. Donc la notion de "haute" probabilité dépend également de p.

Nous nous plaçons ensuite dans le cas d’un cluster "carré", où p et q sont du même ordre de grandeur p ∼ q. Nous nous intéressons à l’évolution des probabilités des hauteurs avec la frac-tion en défaut φ, à p et q fixés. Du fait du mode de construcfrac-tion des colonnes, la distribufrac-tion de probabilité P[ H | p, φr ] est celle d’une marche aléatoire. Son enveloppe est donc bien approchée par une gaussienne avec la même moyenne µ et le même écart type σ. Les hauteurs avec les plus hautes probabilités se répartissent donc près de la valeur moyenne ¯H. Elles se trouvent typiquement dans un intervalle centré sur ¯H et de longueur typique σ : [ ¯H − kσ, ¯H + kσ]. La valeur du nombre k dépend du seuil voulu. Typiquement, pour k = 1, environ 70% de l’aire de la courbe est contenue dans cet intervalle. Sachant que, dans le cas d’une distribution de probabilité, cela représente la probabilité d’être tiré : il y a 70% de chance que lors d’un tirage, la valeur tirée soit comprise dans l’intervalle [ ¯H − kσ, ¯H + kσ]. Pour k=2, cela donne 95%. Il y a mp hauteurs possibles réparties sur un intervalle allant de Hr, la plus petite hauteur, à HR, la plus grande. Les hauteurs avec une haute probabilité d’apparaître se trouvent dans l’intervalle [ ¯H − kσ, ¯H + kσ] et leur nombre N est donc proportionnel à la densité moyenne de

colonne d ' mp/(HR− Hr) fois l’écart type σ. Le coefficient de proportionnalité k dépend de la taille latérale du cluster q. Plus on fait de tirages, plus un grand nombre de colonnes seront présentes dans le cluster et donc un intervalle [ ¯H − kσ, ¯H + kσ] plus large doit être pris en compte.

L’intérêt de ce raisonnement est que nous cherchons la dépendance du nombre moyen de hau-teurs N vis-à-vis du pourcentage en défauts φ et que, parmi toutes ces quantités, seul l’écart quadratique dépend de la fraction en défauts. On peut montrer, voir Annexe B.5 que :

σ =

q

p/2(R − r)2(2 + α2)φ(1 − φ). (3.27)

La dépendance de N par rapport à la fraction en défauts φ apparaît via l’écart type et donc sous la forme p

φ(1 − φ). Au premier ordre par rapport enp

φ(1 − φ), cela donne :

N [ p, q, φ ] = 1 + 2(N [ p, q, 0.5 ] − 1)qφ(1 − φ). (3.28) On peut alors, en supposant toujours que le nombre de hauteurs différentes et celui de pics de force sont égaux, obtenir une expression du paramètre d’ordre, de la même façon que précé-demment. On le notera ˜η pour le différencier de celui donné par l’Equation.3.26. On a alors simplement :

˜ η[φ] = 2

q

φ(1 − φ). (3.29)

L’expression ainsi obtenue est bien plus simple que la précédente ce qui était le but du raison-nement. On remarque également que la nouvelle expression du paramètre d’ordre ˜eta obtenu est bien symétrique par rapport à φ = 0.5. Ajouter des défauts dans le cluster ne dépend pas de la taille des défauts introduits, qu’ils soient plus grands ou plus petits que les particules majoritaires. De plus, cette nouvelle expression du paramètre d’ordre ne dépend plus que de la fraction en défaut φ, alors que celle trouvée dans la partie précédente, Equation.3.26, avait une dépendance vis-à-vis de la taille initiale pini×qinidu cluster. Le raisonnement simplifié qui nous a permis d’obtenir ˜eta nous fait perdre ce niveau de description. Néanmoins, comme on le montre Figure.3.9, l’expression du paramètre d’ordre obtenu présente un bon accord avec l’expression théorique précédente. En jouant sur la taille latérale du cluster q, on remarque que l’accord entre les deux expressions théoriques reste correct jusqu’à des tailles élevées. Sur la Figure.3.9, l’écart devient significatif pour q > 50. Sachant qu’ici le cluster possède une taille p = 2, cela représente un solide 25 fois plus large que haut.

Un apport intéressant de la nouvelle expression du paramètre d’ordre est qu’elle illustre également l’impact de l’introduction de défauts dans un cristal. Un cluster perd rapidement son côté cristallin quand on introduit une petite quantité de désordre. Ici cela est illustré par le fait que la dérivée première du paramètre d’ordre est égale à :

η =

1 − 2x

2p(1 − x)x, (3.30)

et diverge donc en φ = 0 ainsi qu’en φ = 1. L’introduction d’une petite quantité de défauts +dφ entraîne dans une émulsion monodisperse une grande variation d˜η du paramètre d’ordre :

η[φ] = η [φ] dφ.

. Le comportement désordonné apparaît rapidement dès qu’on introduit des gouttes de tailles différentes dans un cluster cristallin.

Figure 3.9 – Comparaison entre l’expression η du paramètre et l’expression approchée ˜η obtenue dans un cas simplifié. On trace l’évolution du paramètre d’ordre pour un cluster de hauteur p = 2 et de différente largeur q.

Nous avons pu montrer dans cette partie comment un raisonnement plus simple permettait d’obtenir une expression approchée ˜η[φ] du paramètre d’ordre qui est en accord avec les résultats expérimentaux. Néanmoins, cette simplification fait perdre au paramètre d’ordre sa dépendance vis-à-vis de la taille du cluster même si, tant que les deux tailles caractéristiques pet q restent du même ordre de grandeur l’accord entre les deux expressions théoriques reste bon. Un point positif de cette approche est que la nouvelle expression du paramètre d’ordre illustre mathématiquement la perte rapide du comportement cristallin dès qu’on introduit du désordre dans le système.

Conclusion

Dans ce chapitre nous avons étudié la réponse d’une émulsion bi-disperse à un test de com-pression. En partant du cas monodisperse étudié dans le chapitre précédent, nous avons introduit des défauts géométriques sous la forme de gouttes de tailles différentes dans un cluster cristallin. L’ajout de ces défauts, caractérisés par leur fraction en nombre φ, force l’organisation géomé-trique du cluster à prendre une forme désordonnée. Originellement organisées suivant un réseau hexagonal compact, les gouttes de ces nouvelles émulsions ont perdu leur ordre géométrique. Ce désordre a entrainé une modification du comportement du cluster à la déformation. Si une émulsion monodisperse avait un comportement similaire à un cristal cassant, une émulsion bi-disperse où le désordre est maximal présente un comportement similaire à un matériau ductile. Grâce à la petite taille de notre système, nous pouvions contrôler parfaitement la teneur en défauts de nos émulsions. Nous avons alors étudié, via l’introduction d’un paramètre d’ordre η basé sur le nombre de déformations plastiques non-simultanées lors d’une déformation, l’évolu-tion de nos systèmes d’un comportement cristallin à un comportement amorphe. Pour mieux comprendre nos résultats expérimentaux, nous avons développé un modèle théorique simple, fondé sur des arguments géométriques. L’introduction de particules de tailles différentes ne change pas les phénomènes physiques mis en jeu mais uniquement l’organisation géométrique interne du système. Dans notre cas, cela ne modifie que la répartition de la contrainte de com-pression dans le cluster : suivant les particules qui l’entourent et leur organisation géométrique, un point du cluster sera comprimé différemment. Dans notre cas, certaines zones de nos émul-sions, composées de gouttes plus grandes seront localement déformées alors que d’autres zones, constituées par des particules plus petites, ne seront pas localement déformées. La présence d’un axe privilégié, défini par l’axe de la contrainte appliquée, a permis de schématiser les émulsions comme une assemblée de colonnes déformables. Nous avons pu montrer que le nombre de dé-formations plastiques non-simultanées était directement lié au nombre de configurations qu’on pouvait trouver dans ces colonnes qui constituaient l’organisation interne du système. Un calcul de probabilité nous a permis de retrouver les résultats expérimentaux avec une bonne précision. Un raisonnement simplifié a permis de mettre en lumière l’ingrédient essentiel de la perte de simultanéité. Si les déformations plastiques dans une émulsion bi-disperse ne sont plus simulta-nées comme dans le cas d’un cristal, cela est du à la dispersité/dispersion/ dans l’organisation géométrique interne du système. Contrairement au raisonnement précédent, cette notion peut être appliquée à des systèmes plus divers : le nombre de déformations plastiques non-simultanées représente le désordre interne du système.

Nous avons pu montrer, à la fois par l’expérience et la théorie, qu’un tel système expéri-mental, bien que limité par les contraintes techniques (petite taille, athermal, ...), présente un comportement similaire à ce qui a déjà pu être observé via des simulations numériques sur la transition entre le comportement cassant d’un système ordonné et le comportement ductile d’un système amorphe. Nous avons par ailleurs notamment mis en lumière, de façon expérimentale et théorique, que l’introduction d’une petite quantité de désordre fait rapidement perdre à un système ses propriétés ordonnées. Nous avons pu montrer dans le cadre de la théorie développée que dans un tel système cet effet est d’autant plus marqué que la taille du système est grande.

Chapitre 4

Modélisation des avalanches dans les

milieux granulaires

4.1 Introduction : qu’est-ce qu’une avalanche granulaire ?

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