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Motivation de l’étude

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 83-88)

4.3 Modélisation des avalanches par une approche continue

4.3.3 Motivation de l’étude

L’étude de deux modélisations, une approche hydrodynamique et une approche statistique, nous a permis de décrire les principaux arguments et méthodes utilisés pour décrire les phéno-mènes d’avalanches. Ces deux modèles, ainsi que ceux plus complexes qu’ils ont engendrés, se sont montrés très efficaces pour décrire l’écoulement de liquide granulaire sur fond érodable et permettent la prédiction de phénomènes observés expérimentalement. On peut notamment citer le remplissage stationnaire d’un silo [93], la construction d’un tas granulaire à partir d’une source ponctuelle [97] ou la formation de rides sous l’effet du vent [98]. Il est important de noter que ces modèles ont pour objectif de décrire l’évolution des deux phases qui composent l’avalanche et sont, de ce point de vue là, très performants. Le terme d’échange entre la phase solide et la phase liquide est certes un paramètre important du modèle mais il n’est pas central. Les modélisations proposées des phénomènes d’érosion et de sédimentation sont tout à fait satisfaisantes si on se place dans l’optique de décrire en premier lieu comment s’écoule une avalanche. Néanmoins, si on se place dans l’optique d’étudier en détail les phénomènes qui ont lieu au niveau de l’interface solide-liquide, les descriptions proposées se montrent incomplètes.

Dans une approche hydrodynamique et continue, les phénomènes qui ont lieu au niveau de l’interface sont pris en compte par le coefficient de friction dynamique µdyn. Ce paramètre est, à l’instar de la viscosité pour un fluide newtonien, un coefficient macroscopique propre au liquide granulaire. Néanmoins, à la différence des liquides newtoniens, il n’existe pas une description microscopique des phénomènes qui ont lieu à l’échelle des particules qui composent le liquide. Par conséquent, il n’existe pas de lien entre la résultante macroscopique observée, modélisée par µdyn, et les phénomènes microscopiques qui la créent. Une telle approche ne permet donc pas de décrire en détail l’origine et les mécanismes qui ont lieu au niveau de l’interface solide-liquide et qui entrainent les phénomènes d’érosion et de sédimentation. De plus, les modèles rhéologiques ne permettent pas, pour le moment, d’expliquer certains résultats expérimentaux. La rhéologie µ[I] par exemple décrit mal les transitions solide-liquide, ce qui est essentiel pour décrire une avalanche.

A l’opposé de l’approche hydrodynamique, les approches statistiques type BCRE se placent à l’échelle du grain pour essayer de décrire le terme d’échange entre les deux phases. Néanmoins la physique microscopique des grains n’est pas décrite. Dans l’exemple de la théorie BCRE, les probabilités d’arrêt et d’entrainement, ψiet φi, restent des inconnues du problème. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le mécanisme physique qui permet à un grain en mouvement de s’arrêter ou d’entrainer avec lui un autre grain statique n’est pas précisé. Est-ce du aux chocs entre grains, au frottement solide, ... ? On s’attend naturellement à ce que les probabilités d’ar-rêt et d’entrainement dépendent, comme c’est supposé dans le modèle BCRE, de la pente de l’interface mais également des caractéristiques propres des grains : leurs formes géométriques, leur rugosité, etc ...

Enfin, on peut également remarquer que dans les deux descriptions, l’érosion et la sédimenta-tion sont décrits comme étant un seul phénomène : le déplacement de l’interface solide-liquide. Cette description unique soulève un problème. L’érosion est la mise en mouvement des grains qui forment la couche supérieure de la phase solide. La sédimentation est l’arrêt des grains qui forment les couches inférieures de la phase liquide. Ces deux phénomènes sont distincts. Ils doivent être étudiés et modélisés séparément.

Il nous semble alors intéressant d’étudier et de modéliser au niveau microscopique les in-teractions qui existent entre les grains qui composent l’interface solide-liquide d’une avalanche. L’objectif est de pouvoir construire un modèle microscopique de l’érosion et la sédimentation d’un milieu granulaire. L’idée générale est de décrire l’interface solide-liquide à l’échelle du grain, comme c’est le cas dans le modèle statistique de Bouchaud et al, mais en prenant en compte la physique microscopique des grains (rugosité, forme géométrique, ...). Le but de notre étude est de se concentrer uniquement sur les interactions entre les deux phases afin de construire un modèle microscopique de l’érosion et de la sédimentation. Nous n’essaierons pas de modéliser l’écoulement des avalanches ou la rhéologie des milieux granulaires. Néanmoins, nous espérons que l’étude de l’érosion et de la sédimentation que nous allons mener puisse améliorer la com-préhension générale des avalanches dans les milieux granulaires.

Résumé du chapitre

Dans ce chapitre nous avons pu présenter ce que sont les milieux granulaires. Ce terme désigne une assemblée de particules solides, dont la taille, supérieure à 100µm, les rend insen-sibles à l’agitation thermique et aux interactions de Van der Waals. Avec cette définition très large, le terme milieu granulaire regroupe des systèmes très variés qui néanmoins présentent des comportements similaires. A travers l’exemple d’une avalanche, nous avons pu observer une des particularités de ces milieux. Sous les mêmes conditions de pression et de température, un système granulaire peut présenter un comportement liquide ou solide. De plus, les deux phases peuvent co-exister et échanger de la matière via deux phénomènes. Tout d’abord l’érosion, qui est l’entrainement par des grains mobiles de grains statiques. En considérant le milieu granulaire de façon continue, l’érosion est le passage de l’état solide à l’état liquide. Ensuite la sédimentation, qui est l’arrêt de grains mobiles au niveau de l’interface. Tout comme l’érosion, la sédimentation est également due aux interactions entre grains au niveau de l’interface. On peut voir ces deux phénomènes comme le démarrage et l’arrêt d’une phase liquide au contact d’une phase solide. L’objectif de notre étude est de modéliser ces deux phénomènes au niveau microscopique. Afin de réaliser cela, nous avons en premier lieu étudié comment la communauté scientifique des milieux granulaires avait modélisé la rhéologie des phases liquides. Etant constitués de grains solides, les liquides granulaires possèdent naturellement une rhéologie de type solide, c’est-à-dire une rhéologie où la contrainte de pression et la contrainte de cisaillement sont liées par un pa-ramètre sans dimension µ, appelé coefficient effectif de friction. Nous avons pu voir que, dans le cas d’un cisaillement simple, la rhéologie du liquide granulaire est entièrement déterminée par un seul nombre sans dimension : le nombre inertiel I. Ce dernier est proportionnel au taux de cisaillement local, ce qui donne au liquide granulaire des propriétés rhéo-épaississantes. A partir de cette observation et grâce à des mesures expérimentales, il a été possible de construire une loi de friction effective et donc une rhéologie des liquides granulaires. Néanmoins, cette µ[I]-rhéologie ne permet pas de décrire certains comportements, notamment le démarrage et l’arrêt d’une phase liquide. Pour palier cela, de nouvelles rhéologies plus complexes ont été proposées mais aucune n’a, pour le moment, fait consensus. Néanmoins, toutes mettent en avant la no-tion centrale de non-localité. Contrairement à ce que suppose la rhéologie µ[I], le lien entre les contraintes et la vitesse des grains en un point de l’espace dépend du champ de vitesse dans tout le système. Autrement dit, les seules variables locales ne permettent pas d’obtenir le taux de cisaillement en ce point. La rhéologie est dite non-locale. Ces rhéologies non-locales ont permis de retrouver des comportements que les rhéologies locales ne pouvaient prévoir. Néanmoins, cela se fait au prix d’une complexité accrue et de la perte d’une description microscopique des phé-nomènes mis en jeux. De plus, ce degré de complexité supplémentaire rend souvent la résolution analytique du système impossible.

Enfin, nous nous sommes intéressés à la modélisation des avalanches, en nous penchant tout particulièrement sur la façon dont les phénomènes d’érosion et de sédimentation étaient pris en compte dans de tels modèles. Nous avons décrit deux approches. La première est une approche macroscopique inspirée de l’hydrodynamique en eaux peu profondes. Les équations d’évolution, dites équations de Saint-Venant, s’obtiennent en réalisant un bilan de masse et de quantité de mouvement. Dans une telle approche, l’érosion et la sédimentation sont modélisées via la ré-sultante des contraintes du liquide granulaire au niveau de l’interface solide-liquide. Il est alors nécessaire d’introduire une rhéologie de la phase liquide ce qui entraîne les différents problèmes présentés précédemment, notamment l’absence de modélisation microscopique des mécanismes mis en jeu au niveau de l’interface. Une autre approche a été proposée avant que la rhéologie des liquides granulaires ne se développe. La description des phénomènes d’érosion et de

sédi-mentation se base sur une approche microscopique et des arguments statistiques. Cependant la physique propre des grains (rugosité, forme, ...) n’est pas prise en compte. Il n’y a donc pas non plus de description précise des mécanismes microscopiques mis en jeu. Néanmoins, ces deux ap-proches, ainsi que des observations expérimentales, mettent en lumière l’importance de la pente θ de l’interface solide-liquide. La présence d’érosion ou de sédimentation dépend de la différence entre la pente de cette interface et un angle critique, appelé angle neutre. On retrouve là une explication intuitive : si la pente sur laquelle se déplace l’avalanche est trop faible, le fond de la phase liquide aura tendance à sédimenter. Inversement, si la pente est forte, la phase liquide aura tendance à emmener avec elle des grains de la phase statique.

A partir de ces observations, il nous est apparu pertinent de construire un modèle micro-scopique des phénomènes d’érosion et de sédimentation au sein d’une avalanche. L’objectif est d’obtenir une description des mécanismes mis en jeu en prenant en compte la nature discrète des grains qui composent une avalanche ; cela afin de mieux comprendre l’influence de certains paramètres qui, dans les descriptions précédentes, n’ont pas été pris en compte. Notamment l’influence de l’épaisseur de la phase liquide sur la valeur de l’angle critique. De plus, comme nous l’avons mentionné précédemment, cette description se devra de séparer la sédimentation et l’érosion qui sont, à nos yeux, deux phénomènes distincts. Enfin, afin de réaliser un travail cohé-rent avec les précédents modèles rhéologiques existants, notre modélisation se devra de prendre en compte le nombre inertiel et des effets non-locaux.

Chapitre 5

Mouvement d’un grain à l’interface

d’une avalanche

5.1 Introduction

Le but de cette étude est de construire un modèle microscopique discret des phénomènes d’érosion et de sédimentation qui peuvent se produire au sein d’une avalanche. Ces deux phé-nomènes ont lieu au niveau de l’interface qui sépare le liquide granulaire du solide granulaire. L’érosion et la sédimentation résultent des interactions entre les grains les plus en profondeur de la couche liquide et les grains supérieurs de la couche solide. Mais, plus encore, ces deux phénomènes sont liés à la dynamique des grains : la sédimentation correspond à l’arrêt des der-niers grains qui composent la phase liquide, i.e. les grains en mouvement au niveau de l’interface solide-liquide. De même, l’érosion correspond à la mise en mouvement des grains statiques au sommet du solide granulaire.

A la différence de la cristallisation ou de la fusion, ce sont les interactions entre les deux phases liquide et solide qui sont les moteurs de l’érosion et de la sédimentation. Ces interactions sont principalement dues au déplacement des grains le long de l’interface. Il semble alors nécessaire, afin de décrire précisément les phénomènes d’érosion et de sédimentation d’un milieu granulaire, de décrire en premier lieu la dynamique des grains situés à l’interface solide-liquide. Ce sera l’objet de ce chapitre.

En premier lieu, nous nous attellerons à décrire la physique d’un seul grain en étudiant son déplacement le long d’une surface plane. Nous montrerons que la description d’un tel mouve-ment, qui est le mouvement le plus simple possible, est déjà très complexe. A travers cette observation, nous introduirons la notion de coefficient effectif de friction qui sera une hypothèse centrale de notre modèle. Dans une seconde partie, nous présenterons comment décrire de façon discrète l’interface entre le liquide granulaire et le solide granulaire. Puis, nous nous intéresse-rons au mouvement des grains de la phase liquide le long de cette interface. Inspirés par les travaux de L.Quartier [99] et B.Andreotti [100], nous décrirons la cinématique d’un grain mobile le long de l’interface solide-liquide. Cette dernière étant périodique, nous nous focaliserons sur le mouvement le long d’une période spatiale, de l’interstice entre deux grains statiques à l’inter-stice suivant. Le mouvement sera séparé en deux phases. Tout d’abord, le grain se déplace, sous l’action de la pesanteur et des forces de frottements, par dessus le grain statique situé juste en dessous de lui. Puis, possédant une vitesse orientée vers la phase statique, il va entrer en collision avec le grain statique suivant et ainsi ré-orienter sa vitesse afin de continuer son mouvement.

La première phase du mouvement sera abordée à l’aide d’un modèle de champ moyen. Les deux parties suivantes de ce chapitre décrirons chacune en détail les phénomènes physiques qui ont lieu lors de ces deux phases, le déplacement et le choc. Elles introduiront notamment les notions essentielles à la description des phénomènes d’érosion et de sédimentation : l’énergie de barrière et la coopérativité entre grains.

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 83-88)