• Aucun résultat trouvé

Modélisation géométrique simple pour une émulsion bi-disperse

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 47-50)

du cluster idéal

Dans le chapitre précédent, nous avions montré que nous pouvions décrire une émulsion monodisperse de taille p × q comme un assemblage de q colonnes, placées les unes à côté des autres. Chaque colonne se compose de p gouttes empilées les unes sur les autres en quinconce. Une colonne est comprimée quand on compresse ses deux extrémités à l’aide des deux pipettes. Elle se casse lorsque l’énergie introduite de cette façon dépasse l’énergie nécessaire pour briser deux liaisons. Une même approche sera développée pour modéliser les émulsions bidisperses. Pour cela, nous allons tout d’abord supposer que les phénomènes physiques (répulsion élec-trostatique, tension de surface, force de déplétion, ...) décrits dans le chapitre précédent pour une émulsion monodisperse sont les mêmes pour une émulsion bi-disperse. De plus, comme nous l’avons mentionné précédemment, la faible différence entre les tailles des deux espèces de gouttes nous permet de supposer que les émulsions conservent une organisation géométrique que l’on peut toujours décrire en couches et colonnes. Par conséquent, l’introduction de défaut, de gouttes de tailles plus petites ou plus grandes, n’induit qu’une modification géométrique simple dans le système : les colonnes ainsi décrites n’auront plus toutes la même taille.

En reprenant la description en colonne, dans le cas cristallin, toutes les gouttes avaient le même rayon et donc elles créaient, par empilement, des colonnes de même hauteur. Désormais, dans le cas d’une émulsion bi-disperse, toutes les gouttes n’ont pas le même rayon et donc toutes les colonnes n’auront plus la même taille. La hauteur de chaque colonne dépendra des gouttes qui la composent. La création d’un cluster est aléatoire, l’empilement des gouttes l’est donc aussi : chaque hauteur de colonne aura une certaine probabilité d’apparaître suivant l’empilement de gouttes qui conduit à cette hauteur. Par la suite on définira une colonne par la hauteur H qu’elle possède. En faisant ainsi, deux colonnes de compositions internes différentes seront considérées comme équivalentes si l’empilement des gouttes qui les composent conduit à la même hauteur. On définit P[ H | p, φr ] la probabilité qu’une colonne de p gouttes de hauteur, à une fraction en défaut égale à φr, ait une hauteur H. La création d’un cluster de taille p × q se fait comme suit ; on tire aléatoirement q colonnes de hauteur Hi, et la probabilité de tirer une colonne de hauteur H est P[ H | p, φr ]. Chaque tirage est indépendant des autres. On appelle cluster idéal un cluster construit de cette façon. Un cluster expérimental n’est pas idéal car les compositions de deux colonnes adjacentes sont corrélées : des gouttes sont impliquées dans la construction de

deux colonnes. Les tirages de colonnes successifs ne sont donc pas indépendants. Les corrélations entre colonnes adjacentes seront ignorées et, par la suite, on travaillera dans le cas du cluster idéal.

On va chercher à expliciter la distribution de probabilité des hauteurs de colonne P[ h | p, φr ].

3.2.2 Modèle géométrique de construction d’une colonne de compression Dans notre description, une colonne est un empilement aléatoire de gouttes disposées en quinconce, voir Figure.3.5(i). Chaque goutte qui compose la colonne peut être de rayon r avec une probabilité φr ou de rayon R avec une probabilité (1 − φr). Une fois la composition de la colonne fixée, il est possible de calculer géométriquement sa hauteur. Pour simplifier les calculs, nous allons supposer que nous pouvons schématiser une colonne comme illustré sur la Figure.3.5(ii) : un empilement alterné de deux motifs élémentaires, les disques qui représentent les gouttes seules, et les rectangles, qui représentent les paires de gouttes.

Les disques peuvent avoir deux compositions différentes, une goutte de rayon R ou r, et donc deux hauteurs différentes hi∈ {2R ; 2r} avec comme probabilités associées pi ∈ {(1 − φr) ; φr}. Les rectangles peuvent avoir 4 compositions différentes, {R − R ; R − r ; r − R ; r − r}, avec respectivement les probabilités pi ∈ {(1 − φr)2 ; (1 − φrr ; φr(1 − φr) ; φ2r}. On supposera que, par symétrie, les paires R − r et r − R ont la même hauteur. Cela donne trois hauteurs différentes possibles hi ∈ {hRR ; hRr ; hrr} avec comme probabilités associées pi{(1 − φr)2 ; 2φr(1 − φr) ; φ2r}. Avec cette approximation, on suppose que la hauteur totale H est juste la somme des hauteurs de chacun des constituants. Comme illustré en détail dans l’Annexe B.1, on néglige ici les corrélations entre les motifs élémentaires : la façon dont s’empile un motif sur un autre dépend de la composition des deux motifs mais aussi de comment ces deux motifs s’imbriquent l’un dans l’autre. On néglige ici les corrélations entre hauteurs dues aux imbrications de motifs afin de rendre les calculs possibles. Par ailleurs, le niveau de détails perdus est négligeable devant la précision des mesures expérimentales. Avec cette approximation, on a géométriquement : ( hRR = 2 (√ 3 − 1)R hrr = 2 (sqrt3 − 1)r (3.6) On définit ˜R = 3−1 2 R et ˜r = 3−1 2 r et on a par analogie hrR= ( ˜R + ˜r).

Dans cette description, la probabilité P[ h | p, φr ] d’obtenir une colonne de hauteur H est égale au produit de convolution

P[ h | p, φr ] =

Z

dh Pdisque[ h | p, φr ]Prect[H − h | p, φr], (3.7) où Pdisque[ h | p, φr ], respectivement Prect[ h | p, φr ], est la probabilité que l’empilement des disques, respectivement des rectangles, qui composent la colonne ait une hauteur h.

Une colonne ayant une hauteur de p gouttes est composée de nd disques et nr rectangles. Si p est paire nd = nr = p/2, si p est impaire nd = (p − 1)/2 et nr = (p + 1)/2. Pour simplifier les expressions, nous supposerons par la suite que p est paire. La distribution de probabilité des hauteurs d’un empilement aléatoire de n = p/2 unités élémentaires (disques ou rectangles) est analogue à la distribution de probabilités de présence à la suite d’une marche aléatoire de n étapes : à chaque étape on tire aléatoirement une unité élémentaire et on augmente la hauteur totale de l’empilement de la taille de l’unité tirée. On a alors, voir Annexe B.2 pour les détails

1

1 2 (1 )2

2 (1 )

2r

2˜r

( ˜R + ˜r) 2 ˜R

(i)

(ii)

2R

Figure 3.5 – (i) On découpe un cluster de taille p × q comme q colonnes. On schématise une colonne comme un empilement en quinconce de gouttes, choisies aléatoirement entre celles de rayon R et celles de rayon r. (ii) Pour simplifier, on décrira une colonne comme l’empilement alterné de deux motifs élémentaires, disques et rectangles. Les disques ont deux tailles possibles, {2R, 2r}, les rectangles ont trois tailles possibles {2 ˜R ; ( ˜R + ˜r) ; 2˜r}. Pour chacune de ces tailles, on précise la composition et la probabilité de tirage associée.

des calculs : P[ H | p, φr] = p/2 X k=0 p X l=0 p/2 k ! p l ! φk+lr (1−φr)32p−k−lδ  l˜r/2+(p−l) ˜R/2+kr +(p/2−k)R−H  . (3.8) La fonction delta de Dirac δ[.] assure une condition géométrique : les hauteurs possibles sont des combinaisons linéaires des hauteurs des blocs élémentaires. Les hauteurs avec une probabilité non-nulle prendront des valeurs discrètes, notées {Hi}. On associe à ces dernières leurs proba-bilités, notées {pi}.

On retrouve naturellement avec la distribution de probabilité que la hauteur minimale Hr =

p

2(r + ˜r) et la hauteur maximale HR = p2(r + ˜r) correspondent respectivement aux hauteurs de colonnes associées aux cas cristallins constitués de gouttes de rayon, respectivement, r et R. Toutes les autres hauteurs de colonnes possibles {Hi} sont comprises entre ces deux valeurs extrêmes.

pourcentage en défauts φr. A φr = 0, on retrouve bien une seule hauteur avec une probabilité de 1 : dans le cas du cristal, les colonnes sont toutes similaires. Mais au fur et à mesure qu’on augmente le pourcentage en défauts, la probabilité de cette dernière diminue et de nouvelles hauteurs possibles apparaissent. A partir du moment où on a deux tailles de gouttes différentes, on peut réaliser des colonnes de différentes hauteurs. La probabilité de ces colonnes dépend du nombre de défauts nécessaires à leur construction, représenté dans l’Equation.3.8 par les puissances de φr et (1 − φr), et du nombre de façons différentes dont on peut assembler les différents blocs pour obtenir cette hauteur, représentée par les coefficients binomiaux. Au fur et à mesure qu’on augmente le pourcentage de goutte de rayon r, les hauteurs avec les plus hautes probabilités glissent lentement de HR à Hr. Quand on atteint le cas du solide amorphe pur, φr= (1 − φr) = 0.5, la probabilité d’une hauteur n’est plus déterminée que par la combinatoire. Ce sont alors les hauteurs constituées à part égale des deux types de gouttes qui sont les plus probables. Elles ont donc une hauteur typique de (HR+ Hr)/2.

Si on avait observé la transition en partant du cas cristallin constitué de gouttes de rayon r φr = 1, on aurait observé un évolution symétrique : d’une seule hauteur Hr possible à φr = 1, on aurait évoluer vers le cas du solide amorphe pur.

On appellera par la suite mp le nombre de hauteurs différentes qu’on peut ainsi construire en empilant p gouttes. On peut montrer que les différentes valeurs de mp sont des nombres triangulaires, voir Annexe B.3, avec :

mp= (p + 2)(p + 1)

2 . (3.9)

On retiendra principalement que le nombre total de hauteurs possibles mp augmente quadrati-quement avec la hauteur p du cluster : mp ∝ p2.

Dans cette partie nous avons présenté un modèle dit du cluster idéal qui permet de décrire la formation d’un cluster d’un point de vue probabiliste. Nous allons voir dans la prochaine partie comment ce modèle du cluster idéal permet de décrire le comportement d’un cluster bi-disperse lors d’une compression. De plus, avant d’essayer d’exprimer le nombre moyen de pics de force, nous allons comparer qualitativement en premier lieu l’évolution du travail au cours d’une com-pression.

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 47-50)