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Modèles statistiques des avalanches

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 79-83)

4.3 Modélisation des avalanches par une approche continue

4.3.2 Modèles statistiques des avalanches

L’approche hydrodynamique nous a permis de comprendre les mécanismes qui sont au coeur de l’évolution d’une avalanche. Une avalanche peut se résumer comme suit : deux phases, l’une au dessus de l’autre, peuvent échanger de la matière au niveau de l’interface de contact. Les particules qui composent la phase supérieure, appelée phase mobile ou phase liquide, sont en mouvement. L’évolution de cette dernière est donc due à la fois aux échanges avec la seconde phase et à la convection des grains qui la composent. Les particules de la phase inférieure étant immobiles, l’évolution de cette dernière, appelée phase statique ou phase solide, est uniquement due à l’échange de matière entre les deux phases. Une telle analyse ne nécessite pas une connais-sance exacte de la physique des deux phases et des modèles purement statistiques des avalanches ont été développés.

Ces modèles se basent toujours sur une séparation nette du système entre une phase mobile et une phase statique. Ils étudient alors l’évolution au cours du temps de l’interface solide-liquide. On peut citer en premier lieu les travaux de Hwa et Kardar [88] au début des années 1990. A l’aide d’une approche continue, les auteurs proposent une équation non-linéaire qui décrit

l’évolution de la hauteur S de la phase solide. L’équation est construite de telle sorte à être la plus générale possible en respectant les symétries du problème. Elle suppose également que la pente θ de l’interface soit faible.

Cette approche sera reprise plus tard par Bouchaud, Cates, Ravi Prakash et Edwards en 1994 [89, 90]. Ils feront remarquer que le modèle proposé par Hwa et Kardar ne respecte pas l’invariance par translation verticale. En effet, les équations d’évolution d’une avalanche doivent être inchangées si l’épaisseur de la phase solide S est uniformément augmentée d’une même quantité S0. Cela revient à dire que seule la pente de l’interface solide-liquide et ses dérivées sont à prendre en compte. De plus, ils proposent, en opposition avec le modèle de Hwa et Kar-dar, de ne pas uniquement décrire l’évolution de la phase statique mais également d’introduire la variable R, l’épaisseur de la phase liquide. On cherche alors à obtenir des équations d’évolution couplées pour l’épaisseur la phase liquide R et de la phase solide S. On peut également citer à la même époque des travaux similaires développés par Mehta et ses collaborateurs [91]. Néan-moins, le modèle de Bouchaud et al. restera le plus couramment utilisé. Des versions modifiées seront proposées par la suite [92, 93] mais l’idée générale du modèle reste la même. Des travaux expérimentaux récents [94] tendent à montrer l’efficacité globale du modèle. Nous décrirons plus en détail ce modèle dans la partie suivante.

Il est important de préciser qu’il existe des modèles qui ne se basent pas sur une distinction nette entre les deux phases liquide et solide [95, 96]. Les auteurs proposent de décrire la transition entre les deux phases par une approche thermodynamique en introduisant un paramètre d’ordre qui varie continûment entre la phase solide et la phase liquide. Par la suite néanmoins, nous conserverons l’hypothèse d’une distinction nette entre phase roulante et phase statique.

Modèle BCRE des avalanches

Le modèle développé par Bouchaud, Cates, Ravi Prakash et Edwards [89], communément appelé BCRE, permet de modéliser de façon simple l’écoulement sous gravité d’un milieu gra-nulaire liquide sur un tas statique. Comme précédemment, nous allons nous intéresser plus spécifiquement à comment l’érosion et la sédimentation sont prises en compte dans une telle modélisation. Dans leur article, les auteurs proposent une approche assez similaire à l’approche hydrodynamique précédemment développée. On considère le même système : une tranche de fluide d’épaisseur R et de largeur dX. On appelle θ l’angle local que forme la pente avec l’axe horizontal. On suppose l’existence d’un profil de vitesse uX[Z] dans la phase liquide. Néanmoins, les auteurs réalisent uniquement un bilan de masse. L’idée de cette approche est de construire de A à Z un terme d’échange Γ entre les deux phases. Nous détaillerons cette construction plus tard.

On suppose que la phase liquide et la phase solide échange, pendant un intervalle infinitésimal dt, une masse de grains dm égale à :

dm = ρΓdSdt, (4.19)

où dS est la surface à la base de la tranche fluide : dS = dXdY . Cette quantité est comptée positivement lorsque les grains sont transmis de la phase liquide à la phase statique. Le terme Γ ayant la dimension d’une vitesse, il peut être vu comme la vitesse de l’interface solide-liquide, par analogie avec la vitesse uZ[Z = 0] introduite dans le modèle rhéologique précédent. On suppose comme précédemment que la masse volumique du liquide granulaire est constante et, par souci de simplicité, on suppose également un profil de vitesse linéaire uX[Z] = u0Z. On obtient alors

les équations d’évolution de l’épaisseur R de la phase roulante et S de la phase statique : ∂R ∂t = −u0 R a ∂R ∂x ∂S ∂t ∂S ∂t = Γ (4.20)

L’évolution de la phase liquide est due à la convection et à l’échange de grains entre les deux phases. L’évolution de la phase solide est uniquement due à ce terme d’échange.

Pour obtenir le terme d’échange, plutôt que de réaliser un bilan de quantité de mouvement qui nécessite d’expliciter la loi de rhéologie du fluide, Bouchaud et al. ont proposé une approche simplifiée qui consiste à construire le terme d’échange entre les deux phases en se basant sur des observations expérimentales. Ce terme d’échange Γ doit rendre compte des phénomènes suivants : — un grain statique seul ne peut se mettre en mouvement, et nécessite pour cela "l’aide"

d’un grain mobile : Γ[R = 0] = 0.

— pour observer ce phénomène, la pente θ de l’interface doit être supérieure à une valeur critique θ .

— si la pente est inférieure à cette pente critique, les grains mobiles auront tendance à s’arrêter.

Un dernier point développé prend en compte l’impact de la dérivée spatiale. Nous ne prendrons pas en compte ce terme par la suite car il est, le plus souvent, négligé. La forme la plus simple possible pour le terme d’échange Γ est alors la suivante :

Γ[θ, R] = −γR(θ − θ), (4.21)

où γ > 0 est l’inverse d’un temps, temps typique de l’érosion et de la sédimentation. On retrouve une nouvelle fois l’idée intuitive de la dépendance vis-à-vis de la pente θ : si cette dernière est trop faible, θ < θ, il y aura sédimentation, ∂S/∂t > 0. Pour comprendre la dépendance du terme d’échange vis-à-vis de l’épaisseur R de la phase liquide, il est nécessaire de s’intéresser à l’approche microscopique et statistique que les auteurs ont développée. Nous détaillerons uni-quement les termes d’échanges de cette description.

L’interface solide-liquide est décrite de façon discrète : elle est découpée en segments de longueur 2a, où a est le rayon d’un grain. On indexe chaque segment, ou site, dans le sens de la pente, voir Figure.4.7. Le temps est également discrétisé par intervalle de durée ∆t. A chaque pas de temps, un grain mobile passe du site où il se trouve au site suivant. On dénote par Ri−1[t] le nombre de grains mobiles au site i − 1 à l’instant t. En arrivant à la position i, un grain mobile possède une probabilité ψi de s’arrêter, sinon il continue son mouvement vers le site suivant. De plus, son arrivée au site i peut également déclencher le mouvement d’un grain statique. On appelle φi la probabilité que cela survienne. A l’instant suivant, le nombre Ri[t + ∆t] de grains mobiles au site i est donc égal au nombre de grains en provenance du site situé en amont, moins le nombre de grains qui s’arrêtent, plus le nombre de grains statiques mis en mouvement. On a donc :

Ri[t + ∆t] = Ri−1[t](1 − ψi+ φi). (4.22) Par ce simple mécanisme, on comprend l’origine physique du facteur R dans le terme d’échange continu de l’Equation.4.21 : chaque grain de la phase statique interagit avec un grain de la phase solide. La vitesse d’érosion ou de sédimentation est donc proportionnelle au nombre de grains mobiles qui interagissent avec la phase statique, soit l’épaisseur R de la phase liquide.

i

1

i

Ri

i i + 1

i 1

i

Ri 1

Figure 4.7 – Modélisation microscopique des phénomènes qui ont lieu au niveau de l’interface solide-liquide. Un grain mobile arrivant au contact d’un grain statique, dénoté par la lettre i, possède une probabilité ψi de s’arrêter. Le grain statique possède quant à lui une probabilité φi de se mettre en mouvement. Les deux probabilités sont des fonctions inconnues de la pente locale θ de l’interface. La compétition entre ces deux phénomènes est responsable, à l’échelle macroscopique, de l’érosion ou de la sédimentation.

Malheureusement, l’origine physique de ce processus n’est pas décrite par les auteurs. Leur description laisse penser que ce mécanisme est dû au choc du grain mobile contre le grain statique mais cela n’est pas écrit explicitement. Il est alors impossible d’expliciter la dépendance des probabilités ψi et φivis-à-vis de la pente de l’interface. Néanmoins, les auteurs supposent que la probabilité ψi qu’un grain mobile s’arrête diminue avec l’augmentation de la pente locale au site i. Dans le cas extrême où la pente est nulle, la probabilité est proche de l’unité ψi[θ = 0] ' 1 et, inversement, lorsque l’interface est verticale la probabilité d’arrêt est nulle ψi[θ = π/2] ' 0. Les auteurs supposent également que la probabilité φi qu’un grain mobile entraîne avec lui un grain statique évolue dans le sens opposé vis-à-vis de la pente de l’interface. Il existe alors une valeur de pente particulière θ pour laquelle les deux probabilités sont égales :

ψi] = φi]. (4.23)

A cette valeur de pente, en moyenne, pour chaque grain mobile de la phase liquide qui s’arrête, un grain statique est arraché à la phase solide. Le terme d’échange total entre les deux phases est donc nul. On peut ensuite réaliser un développement limité pour des valeurs d’angles θ proches de cet angle critique. A l’ordre le plus bas vis-à-vis de la pente θ de l’interface, les auteurs ob-tiennent alors le terme d’échange Γ de l’Equation.4.21. Cette expression est finalement proche de celle obtenue par l’approche hydrodynamique. Les deux modèles permettent d’obtenir un système similaire d’équations pour l’évolution de l’épaisseur des deux phases. L’approche hydro-dynamique, advenue plus tardivement, a permis de confirmer l’approche initialement proposée par Bouchaud et al. Néanmoins, quant au terme d’échange entre les deux phases, certaines in-terrogations demeurent. Ces questions feront l’objet du paragraphe suivant.

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