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Exemple du cas particulier p = 2

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 53-57)

3.3 Test de compression sur un amas idéal

3.3.2 Exemple du cas particulier p = 2

Dans le cas d’une émulsion mono-disperse φr = 0, l’organisation géométrique régulière du cluster lui permet de se déformer de façon réversible avant de casser en une seule étape à une valeur de contrainte critique élevée. L’expérimentateur mesurera un seul pic de force. Dans le cas d’une émulsion totalement bi-disperse πr = 0.5, le désordre dans le cluster entrainera une multitude de cassures non simultanées lors de la déformation du solide. L’observateur mesurera une multitude de pics de faible intensité. La contrainte critique pour déformer le cluster de façon irréversible sera faible. Le paramètre d’ordre η défini comme l’excès du nombre de pics de forces mesuré lors d’une compression par rapport au cas cristallin permet de quantifier cette transition du cristal η = 0 au solide amorphe pur η = 1.

Pour comprendre comment le modèle du cluster idéal permet d’obtenir une prédiction théorique sur l’évolution de η au fur et à mesure qu’on introduit des défauts, nous allons prendre comme exemple le cas le plus simple, un cluster à deux lignes p = 2.

Dans le cas p = 2, les colonnes par constructions géométriques peuvent avoir 6 hauteurs dif-férentes, illustrées Figure.3.7 (i). La compression du cluster par les deux pipettes se fait comme

décrit précédemment. Les pipettes vont d’abord comprimer les colonnes les plus hautes, qui vont casser créant un pic de force. Puis les colonnes ayant la deuxième plus haute taille seront com-primées, casseront, créant un deuxième pic. Dans cette description il est clair que le nombre de pics mesurés expérimentalement lors de la compression partielle p → (p − 1) est égal au nombre de différentes hauteurs qu’on peut retrouver dans le cluster. Un cluster idéal p × q se génère en tirant aléatoirement q colonnes parmi les différentes colonnes possibles à p gouttes de hauteurs. Le nombre de pics de force mesuré sera égal au nombre de hauteurs différentes présentes parmi les colonnes tirées.

Pour prendre un exemple plus concret supposons qu’on tire 10 boules aléatoirement d’un sac. A chaque tirage il y a une chance sur trois de tirer soit une boule bleue, soit une boule verte, soit une boule rouge. En moyenne, l’échantillon de boules tirées comportera combien de couleurs différentes ? De par cet exemple on voit apparaître l’influence du nombre de tirages, dans notre cas le nombre de colonnes. Si on ne tire que deux boules, le nombre de couleurs présentes ne peut pas dépasser 2. Le nombre de hauteurs différentes est donc limité par le nombre de colonnes q. En revanche, si on tire une infinité de boules q → ∞, toutes les couleurs seront présentes. Dans notre cas, si q → ∞, toutes les hauteurs seront présentes et N (p, q, φ) = mp.

On définit Nn[p, q, φr] la probabilité que, ayant tiré q colonnes de p gouttes de hauteur et avec une fraction en défauts φr, on obtienne n hauteurs différentes. Il est alors clair que le nombre moyen de hauteurs différentes lors de ce tirage, noté N (p, q, φ), est :

N [p, q, φr] =

q X n=1

nNn[p, q, φr]. (3.16)

La somme va de 1 à q, le nombre de tirages, car le nombre de hauteurs différentes qu’on peut obtenir ne peut pas dépasser le nombre de tirages q qu’on effectue.

Dans le cas d’un cluster à deux lignes, p = 2, il y a 6 hauteurs de colonnes différentes possibles. On cherche donc à calculer {N1, N2, ...N6}. Les 6 hauteurs {H1, H2, ..., H6} ont chacune comme probabilité d’être tirées {p1, p2, ..., p6}, ces dernières étant données par la distribution de proba-bilité exprimée précédemment : pi = P[Hi|2, φr]. La fraction en défauts n’intervient que dans les différentes valeurs de probabilités pi. Le cas N1 est la somme des probabilités de tirer toujours la même hauteur :

N1[2, q, φr] = pq1+ pq2+ pq3+ pq4+ pq5+ pq6 (3.17) De façon plus générale, pour un nombre p quelconque, en notant mp le nombre de hauteurs différentes que l’on peut créer en empilant p gouttes, N1 =Pmp

i=1pqi.

Nous allons ensuite construire les Nn6=1 par récurrence en remarquant que (pi+ pj)q, avec i 6= j, est la probabilité que le cluster ne soit constitué que des hauteurs Hi et Hj. Mais pour obtenir la probabilité que le cluster ne soit constitué que des hauteurs Hi et Hj et que chaque hauteur apparaisse au moins une fois, il faut retrancher à (pi+ pj)q la probabilité que le cluster ne soit constitué que de la hauteur Hi ou que de la hauteur Hj. On obtient alors :

N2[2, q, φr] =  (p1+ p2)q− pq1− pq2  +  (p1+ p3)q− pq1− pq3  + ... +  (p5+ p6)q− p51− pq6  (3.18)

Finalement, on peut montrer par récurrence et dans un cas général, pour n et p quelconques, que :

N

n[p, q, φr] = X {ijk...}n⊂[|1,mp|] ( X γ∈{ijk...}n pγ )qn−1 X κ=1 mp− κ n − κ !

N

κ. (3.19)

La notation {ijk...}n⊂ [|1, mp|] désigne toutes les combinaisons à n nombres {ijk...} différents (i 6= j 6= ...), avec i, j, ... choisis dans l’intervalle [|1, mp|].

La formule donnée par l’Equation.3.19 a été développée dans le cadre de ce projet et la dé-monstration est détaillée dans l’Annexe B.4. De ce fait, elle reste ouverte à modifications ou simplifications. Néanmoins, elle est applicable à n’importe quel autre problème de statistique qui se résume de la façon suivante. On réalise q tirages aléatoires et indépendants. A chaque tirage, un élément X est choisi parmi une liste de mp éléments {X1, ..., Xmp}. Chaque élément Xj a une probabilité pj d’être tiré. La probabilité que le tirage final ne soit constitué que de n éléments différents est Nn[p, q, φr].

(1 r)3 r(1 r)2 2 r(1 r)2 2 2r(1 r) 2r(1 r) 3r

0

1

0.5

0

0.1 0.2 0.3 0.4 0.6 0.8 0.4 0.2

N

n

r

n

1 2 3 4 5 6

(i)

(ii)

1 r

N

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 6 2 3 4 5

(iii)

Figure 3.7 – (i) Différentes hauteurs de colonnes possibles pour un cluster à deux lignes p = 2 et leurs probabilités associées. Pour les hauteurs avec différentes combinaisons possibles, une seule est représentée. (ii) Evolution des probabilités Nn d’obtenir n hauteurs de colonnes différentes avec la fraction en défauts φrpour un cluster 2×20.(iii) Evolution du nombre moyen de hauteurs de colonnes différentes N dans un cluster 2 × 20 avec la fraction en défauts φr.

L’intérêt des probabilités Nn est qu’elles permettent de comprendre simplement le com-portement du système. Sur la Figure.3.7 (ii) on trace l’évolution des différentes probabilités {N1, N2, ...N6} avec l’augmentation de la fraction en défauts φr. Pour le cas cristallin φr = 0, une seule hauteur est disponible à la construction du cluster donc Nn[p, q, 0] = δ1,n. Il n’y aura

qu’un seul pic de force et donc une seule déformation plastique. La probabilité N1 de n’obtenir qu’une seule colonne peut être vue comme la probabilité que le cluster soit cristallin. On peut facilement expliciter celle-ci qui vaut :

N1[p, q, φr] =

mp

X i=1

pqi, (3.20)

avec pi la probabilité d’obtenir la hauteur Hi. On a : pi= p/2 k ! p l ! φk+lr (1 − φr)32p−k−l, (3.21) où k ∈ [|0, p/2|] et l ∈ [|0, p|]. Quand il y a peu de défauts, φ ' 0, le terme dominant est pour k = l = 0, ce qui correspond à la probabilité d’obtenir la colonne du cluster cristallin constituée uniquement de gouttes de taille R. On a alors :

N1[p, q, φr] ' (1 − φr)32p. (3.22) De nouveau, on retrouve qu’un cluster perd rapidement son comportement cristallin dès qu’on introduit du désordre dans sa structure, et ce d’autant plus rapidement qu’il est grand.

Quand on augmente la fraction en défauts, la probabilité d’obtenir toujours la même hau-teur de colonne dans le cluster diminue rapidement, tandis que les probabilités d’obtenir Nn6=1,6 augmentent, passent par un maximum puis redescendent à zéro successivement. Typiquement, à φr = 0.1, on aura plus d’une chance sur deux d’obtenir deux pics de force. La probabilité d’obtenir toutes les hauteurs possibles N6 est non-nulle seulement pour des grandes valeurs de fraction en défauts et sature à φr = 0.5 pour le solide amorphe pur. A noter que cela n’est pos-sible que parce qu’on a pris dans l’exemple un nombre de colonnes q bien supérieur au nombre total de hauteurs mp disponibles. Pour q de l’ordre de mp ou inférieurs, c’est typiquement la probabilité d’obtenir un nombre de hauteurs égales au nombre de colonnes Nq qui sature dans l’état amorphe pur φr= 0.5.

On peut réaliser le même type d’études pour n’importe quelle hauteur p, mais le nombre de hauteurs disponibles mp augmentant rapidement avec p mp ∝ p2, les graphiques représentant l’évolution des probabilités Nn sont difficilement lisibles pour p ≥ 3.

A partir des probabilités Nn obtenues, on peut tracer l’évolution du nombre moyen de hau-teurs différentes de colonnes N dans un cluster, Figure.3.7 (iii). Partant du cas cristallin, une seule hauteur possible pour φr = 0, le nombre de hauteurs différentes augmente rapidement avec la fraction en défauts φrjusqu’à saturer à une valeur seuil. Cette valeur seuil dépend du nombre de colonnes q présent dans le cluster. Dans le cas tracé Figure.3.7, q = 20 et N (φr= 0.5) '= 6, qui est égal au nombre total de hauteurs différentes de colonnes mp=2 : le cluster est suffisam-ment large pour que, statistiquesuffisam-ment, toutes les hauteurs possibles de colonnes soient présentes et donc N (0.5) = m2. Pour des clusters plus petits, le nombre moyen de hauteurs différentes pour le solide amorphe pur est plus faible : si peu de colonnes composent le cluster comparé au nombre total de hauteurs possibles, il y a une probabilité non nulle que l’une d’entre elles n’apparaisse pas et donc N (0.5) < m2.

Le nombre moyen de hauteurs différentes présentes dans un cluster de taille p × q dépend donc à la fois de sa taille verticale p, qui détermine le nombre mp de colonnes différentes qui peuvent former le cluster et donc le nombre de configurations possibles qu’il est possible de trouver, de sa

fraction en défaut φr, qui détermine les probabilités respectives de chaque colonne d’apparaître, mais également de sa taille transversale q. Le nombre moyen de hauteurs différentes et le nombre moyen de pics de force sont directement liés. Dans la partie suivante, nous étudierons plus en détail l’évolution du paramètre d’ordre η et donc également la transition du cristal au solide amorphe.

Dans le document Breaking and flow of amorphous matter (Page 53-57)